Le Stelvio est-il le SUV le plus sportif du marché ?
Je me réjouissais d’essayer le Stelvio Quadrifoglio. Suite logique d’un essai concluant voire enthousiasmant de la Giulia Quadrifoglio, une déclinaison SUV avec transmission intégrale et conservant les attributs attachants de la “Giulia Q” se présentait comme alléchante. Une sorte de lot de consolation pour un break Giulia qui n’existera pas. Trop longtemps retardé pour d’obscures raisons logistiques, cet essai nous a enfin permis de jauger le Stelvio Quadrifoglio et analyser ses prestations.
Le Stelvio est un parent proche de la berline Giulia. Même plateforme et même empattement à 2mm près, la principale distinction est naturellement la hauteur (1681 contre 1426 mm à la berline) et la disponibilité d’une transmission intégrale. La longueur augmente également de 5.5 cm. Berline contre crossover, le choix n’est pourtant pas innocent. A 1976 kg vérifiés, le Stelvio Quadrifoglio pèse 290 kg de plus que la Giulia Q testée en boîte manuelle. Si l’on alloue 90 kg à la boîte de transfert et aux arbres de transmission aux roues avant, il reste deux quintaux à porter au passif du crossover (et son toit panoramique optionnel).
C’est beaucoup, mais moins flagrant qu’on ne pourrait le supposer. Du même V6 2.9 biturbo de 600 Nm et 510 chevaux, Alfa Romeo revendique le même temps de 3.8s pour l’accélération de 0 à 100 km/h, la motricité de la transmission intégrale compensant l’embonpoint jusqu’à cette vitesse au moins.
Habillé du très électrique bleu misano, un changement bienvenu du sempiternel rouge Alfa. L’appréciation des lignes et volumes est une affaire de goût, mais le Stelvio Quadrifoglio a une présence visuelle indéniable. A l’intérieur, le dessin et l’agencement rappellent fortement la Giulia. L’impression qualitative initiale est très bonne. De beaux inserts en carbone, une sellerie de qualité, de sculpturales palettes de sélection en aluminium avec un feeling très “Ferrari-esque” forment un ensemble qui flatte la rétine et le bout des doigts.
Un examen plus attentif et surtout un usage quotidien laissent cependant apparaître des détails complaisants et regrettables à ce tarif (116’800 CHF tel qu’essayé). Les ajustement des coques en plastique du levier de sélection et des branches du volant sont approximatifs, dégageant des arêtes vives sur lesquelles ont pourrait se limer les ongles. Ce genre de détail ne passerait pas le contrôle de qualité chez Audi ou BMW. J’ai aussi regretté que l’habillage des portes alterne le cuir, le carbone et un infâme plastique dur.
Les sièges baquets sont excellents, avec de généreux rembourrages de maintien, réglables pneumatiquement de surcroît. La position de conduite est beaucoup plus assise que dans une berline avec un volant presque trop éloigné et un pédalier bas qui peut être gênant aux chevilles sur long trajet, mais c’est une constante chez les crossovers.
Alfa Romeo a reconduit les trois modes de conduite DNA (pour Dynamic, Natural, et Advanced Efficiency, pas toujours facile de s’en souvenir), et y ajoute un mode Race. Pour les trajets pendulaires, j’ai privilégié le mode A. La gestion de la boîte puise judicieusement dans la courbe de couple généreuse du V6 biturbo, et choisit la plupart du temps de relancer sur le rapport présent plutôt que d’appliquer des rétrogradages agressifs et lassants. Les régimes sont maintenus sous les 2000 t/min la plupart du temps, et la boîte adopte un mode de coasting au lever de pied.
Le tribut est une sonorité quelconque, sans charme, difficile à distinguer d’un vulgaire quatre cylindres à bas régime, mais l’impression générale est un très bon compromis entre une conduite décontractée et des réactions alertes lorsque une sollicitation devient nécessaire. Ce mode devrait également bénéficier à la consommation, nous verrons plus tard que le résultat dans ce domaine est surprenant.
Les modes Natural et Dynamic affûtent progressivement les paramètres de gestion, mais c’est bien le mode Race qui révèle le caractère du Stelvio Quadrifoglio. L’ouverture des soupapes de la ligne d’échappement augmente immédiatement le volume sonore et l’écran multifonction invite à basculer le levier de sélection de boîte en mode manuel. Les verrouillages de la boîte automatique à 8 rapports deviennent très agressifs, très positifs à la montée de rapport, et les descentes sont ponctuées d’une égalisation du régime démonstrative.
Sur chaussée sèche mais couverte des résidus de salage, et avec la monte hivernale en Pirelli Scorpion, mes premières excursions sur parcours sinueux laissent entrevoir un comportement très typé propulsion et d’apparence franchement ludique, ce qui incite d’autant plus à le provoquer lorsque les conditions d’y prêtent. Une entrée en courbe en survitesse débouche sur un sous-virage prononcé, mais si on a la patience d’inscrire le train avant, puis de charger le train arrière, le couple abondant arrivent facilement à bout de l’adhérence des gommes de 285/40R20.
Selon Alfa Romeo, le système de transmission intégrale fonctionne à 100% en propulsion jusqu’à ce qu’il détecte que les roues approchent de leur limite de grip, puis la boîte de transfert envoie jusqu’à 50% du couple sur les roues avant. Le différentiel arrière dispose également d’une fonction de torque vectoring avec deux embrayages sensés pouvoir contrôler la distribution du couple entre chaque roue.
Sur le papier, ce système paraît sophistiqué. En pratique, j’ai trouvé le comportement au-delà de la limite un peu déroutant. Le train arrière a tendance à reprendre brutalement de l’adhérence ou à faire piocher la roue extérieure, au lieu de laisser les deux roues glisser comme le ferait un différentiel autobloquant normal. Le point n’est pas rédhibitoire en soi – le Stelvio Quadrifoglio n’est pas appelé à se métamorphoser en drifteuse virtuose, mais je m’attendais à un comportement plus limpide dans ce mode Race sensé faire la part belle à la conduite sportive.
Alfa Romeo a fait le choix, absurde à mon sens, de ne pas afficher la vitesse digitale sur l’écran central en mode Race, la substituant par des shift lights largement inutiles, un choix difficilement compréhensible. Les vitesses atteintes à la moindre accélération demandent, sur route, de pouvoir lire la vitesse d’un coup d’oeil rapide. Devoir la déchiffrer dans les graduations étroites du compteur est un vrai handicap.
La prestation d’ensemble reste louable dans la mesure où les reprises sont pêchues, accompagnées d’un concert pour quatuor de trombones, des onomatopées de rigueur lors du passage de rapports et d’un comportement assez rigoureux dans l’ensemble. Les changements d’assiette sont moins perceptibles au volant qu’ils ne sont visibles sur les photos. Le V6 biturbo a du caractère, accepte de fonctionner à 1500 t/min sans broncher et démontre une belle allonge jusqu’au rupteur, à 7000 t/min.
L’amortissement suit la gradation A-N-D de manière perceptible, et peut-être assoupli en réglage médian si le mode Race est sélectionné par le bouton logé au centre du sélecteur rotatif. La plage de variation du système, dénommé CDC pour Chassis Domain Control, est ferme mais assez confortable en mode A. J’ai apprécié la direction peu démultipliée, même si, comme toutes ses homologues contemporaines, elle est avare en information.
Le Stelvio reprend le système brake-by-wire IBS (Integrated Brake System) développé par Continental et introduit sur la Giulia. Il découple l’enfoncement de la pédale de l’action sur le circuit hydraulique. Et comme sur la Giulia Quadrifoglio (équipée des freins carbone céramique optionnels pour notre essai), les freins sont très brusques à l’attaque. La pédale elle-même procure une bonne sensation de fermeté, mais l’assistance effective paraît excessive et difficile à doser en conduite coulée. Le système est annoncé plus léger de 4kg et surtout très rapide dans ses réaction (1000 bar/s de gradient de pression), mais n’est pas sans défaut.
En utilisation paisible, le Stevlio Quadrifoglio s’est par ailleurs montré sociable et sans tare rédhibitoire. Quelques à-coups de la transmission à froid, un frein à main irritant qui rechigne à se désengager automatiquement, ou encore une intégration perfective de Android Auto qui laisse une part de l’écran inutilisée, et des sièges chauffants légèrement timides, mais le produit reste solide et parfaitement utilisable dans son ensemble. La place réservée à l’arrière à deux passagers adultes est parfaitement raisonnable.
Nous avions enregistré 12.4 L/100 km lors de notre essai de la Giulia Quadrifoglio, arsouilles sur grands cols alpins incluses. La consommation du Stelvio pointe à 14.8 L/100km (pour 13.9 L/100km indiqués par l’ordinateur de bord), malgré plusieurs centaines de kilomètres d’autoroute et une majeure partie de l’essai réalité en conduite coulée. C’est une différence considérable.
Bad boy dans l’âme, le Stelvio Quadrifoglio a un caractère attachant, assez exubérant si on le cravache, et fournit des prestations d’ensemble crédibles face à une concurrence clairsemée à ce niveau de performances. En attendant un X3 M imminent, il n’y a guère que le Mercedes GLC 63 AMG pour offrir des performances de ce calibre et dans ce gabarit. Comme dans le cas de la Giulia, il n’est pas nécessaire d’être un Alfiste impénitent pour rationaliser le choix de la marque transalpine.
Il est par contre permis d’hésiter entre la Giulia et le Stelvio. Ce dernier est la seule solution si une transmission intégrale est dans le cahier des charges, et est objectivement plus spacieux. Ces attributs amènent toutefois des compromis en termes de poids, de comportement et de consommation qui préservent un avantage appréciable à la Giulia en utilisation sportive. Le Stelvio Quadrifoglio est donc un SUV sympathiquement dévergondé, mais pas la panacée.
Prix et principales options du véhicule essayé
Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio | CHF 107’500 | € 91’400 |
Toit ouvrant Alfa Sky Window | CHF 1’800 | € 1’600 |
Pack Power Seats QV | CHF 1’500 | € 1’500 |
Système audio Harman Kardon | CHF 1’400 | € 1’100 |
Adaptive cruise control | CHF 1’200 | € 900 |
Peinture métallisée bleu misano | CHF 1’100 | € 980 |
Jantes 20″ Quadrifoglio Dark | CHF 700 | – |
Etriers de freins jaunes | CHF 450 | € 360 |
Vitres teintées | CHF 400 | – |
Barres de toit noires | CHF 400 | – |
Filet à bagages pour le coffre | CHF 100 | € 100 |
Séparateur du compartiment à bagages | CHF 100 | € 100 |
Prise de courant dans le coffre | CHF 150 | € 100 |
Prix catalogue du véhicule d’essai | CHF 116’800 | € 98’240 |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Alfa Romeo Stelvio Quadrifoglio | Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio | Mercedes GLC 63 | |
Moteur | V6 biturbo 2891 cm3 | V6 biturbo 2891 cm3 | V8 biturbo 3982 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 510 / 6500 | 510 / 6500 | 476 / 6250 |
Couple (Nm / t/min) | 600 / 2500-5000 | 600 / 2500-5000 | 650 / 1750 |
Transmission | AWD | AR | 4 Matic |
Boite à vitesses | Automatique, 8 | Automatique, 8 | 9G-TRONIC |
RPP (kg/ch) | 3.87 | 3.31 | (4.08) |
Poids DIN (constr.) | 1976 (1604) 53.1% / 46.9% |
1686 (1580) 52.8% AV 47.2% AR |
(1940) |
0-100 km/h (sec.) | 3.8 | 3.8 | 4.0 |
Vitesse max. (km/h) | 283 | 307 | 250 |
Conso. mixte (constr.) | 14.8 (9.0) | 12.4 (8.5) | (11.8) |
CO2 (g/km) | 210 | 198 | 269 |
Réservoir (l) | 64 | 58 | 66 |
Longueur (mm) | 4687 | 4639 | 4683 |
Largeur (mm) | 1955/2163 | 1873/2024 | 1931 |
Hauteur (mm) | 1681 | 1426 | 1666 |
Empattement (mm) | 2818 | 2820 | N.C. |
Coffre (L) | 525-1600 | 480 | 550-1600 |
Pneumatiques | 255/45R20 285/40R20 |
245/35R19 285/30R19 |
235/55 R19 255/50 R19 |
Prix de base (CHF) | 107’500 | 95’500 | 99’300 |
Prix de base (EUR) | 91’400 | 83’290 | 83’502 |
Nos remerciements à Alfa Romeo Suisse pour le prêt de ce Stelvio Quadrifoglio.
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