Le Compass affronte un segment ultra-compétitif.
Les plateformes répondent à une logique industrielle implacable. Leur développement est extrêmement long et coûteux, et doit donc être amorti sur les plus grandes quantités possibles. Les grands groupes rationalisent donc leurs développements, chaque plateforme devant supporter un nombre d’instances diverses qui incluent par exemple berlines et crossovers d’une même gamme de gabarit et, surtout, d’une même implantation moderne.
Le groupe VW, avec ses plateformes MQB et MLB, a construit sa croissance sur ce principe, déclinant nombre de variantes complémentaires entre ses marques avec des coûts de développements contenus. Les puristes dédaignent cette approche industrielle, mais elle est redoutablement efficace.
Pour la deuxième génération du Compass, développée sous la supervision de Fiat Chrysler, la même logique a été appliquée. Le Compass est ainsi basé sur la version à empattement long de la Small Wide Platform, qu’il partage notamment avec les Fiat 500L et 500X. Sa généalogie remonte ironiquement à une collaboration entre Fiat et Opel, alors propriété de General Motors, dont les premiers fruits furent la Fiat Punto Evo de 2005, l’Opel Corsa D et l’Alfa Romeo Mito.
En fait, le Compass est essentiellement un Fiat 500X avec un empattement un peu plus long (+66mm), qu’on retrouve, légèrement amplifié, en longueur. Le Compass pointe ainsi juste sous les 4.40m. En termes pratiques, le Compass a l’avantage avec 88L de capacité supplémentaire dans le coffre et probablement plus de place à l’arrière.
Côté motorisations, Jeep propose en Suisse trois options pour le Compass: deux versions du 2.0 turbodiesel Multijet II en configuration 140 et 170 chevaux, et le 4 cylindres turbo essence MultiAir 2, importé en Suisse uniquement dans sa version la plus énergique, soit 250 Nm dès 2500 t/min et 170 chevaux à 5500 t/min. En cohérence avec le positionnement de la marque, toutes les versions disposent d’une transmission intégrale Active Drive.
La boîte automatique à 9 rapports de provenance ZF est une énigme à multiples facettes. Son étagement tout d’abord. La première est très courte, réservée pour les manoeuvres tout terrain, au point où la voiture démarre systématiquement sur le deuxième rapport. A l’autre extrême, les 7, 8 et 9ème rapports sont très longs. Sur le neuvième rapport, le compte-tours indique moins de 2300 t/min à 150 km/h indiqués, ce qui a pour conséquence que, laissée en mode automatique, la boîte reste obstinément en huitième à vitesse légale.
Ces longs rapports amènent un confort sonore appréciable sur trajet autoroutier, mais les ingénieurs de Jeep ont en l’occurrence eu la main assez lourde. C’est d’autant plus singulier que le 1.4L MultiAir fonctionne ainsi en-dessous de son régime de couple maxi, ce qui ne l’aide en rien dans sa tâche. Les relances de 80 ou 100 km/h jusqu’à la vitesse de croisière sont épuisantes. En roulant en mode manuel pour forcer le passage de ce neuvième rapport, j’ai souvent dû redescendre jusqu’en sixième pour voir le compteur digital central commencer à égrener les km/h à la hausse.
L’agrément de cette boîte n’est pas meilleur en conduite citadine. L’étagement laisse à désirer, générant des trous qui sont comblés par des régimes anormalement élevés. J’ai à plusieurs reprises été gratifié par des régimes élevés à froid, la boîte s’obstinant à faire mouliner le 1.4 litres MultiAir à 3000 t/min en descente, plutôt que de passer le troisième rapport. Notre voiture, qui n’affichait pourtant que 20’000 km au compteur, vibrait désagréablement au ralenti à froid.
Démultiplication finale trop longue, trous d’étagement, on aurait au moins pu s’attendre à ce que ce sacrifice bénéficie à la consommation. Avec une moyenne mesurée à 10.7 L/100 km, il y a de quoi déchanter. Le fait que le système stop-start a cessé de fonctionner pendant la majeure partie de l’essai ne l’explique pas, ni d’ailleurs quoi que ce soit dans un rythme de conduite qui n’était pas le moins du monde agressif, car rien ne l’y invite. Non, le 1.4 MultiAir II a un appétit inquiétant, et cette boîte neuf n’arrange rien à la chose.
En Suisse où une voiture sur deux est vendue en transmission intégrale, le Compass est exclusivement disponible en transmission intégrale ActiveDrive. C’est un système non-permanent qui déconnecte le train arrière pour économiser du carburant, et réactive la transmission de couple au train arrière lorsque des conditions sont détectées (température, pente, patinage). Le système SelectTerrain offre quatre modes (Auto, Neige, Sable, Boues) et la possibilité de bloquer le différentiel central. Ces différents modes appliquent différentes lois de répartition du couple entre les trains. Les version TrailHawk reçoivent même une variante plus sophistiquée avec une rampante.
Les bona fide de Jeep en matière de tout terrain sont certainement plus respectables que les miennes, et j’ai fait pleine confiance au mode Auto pour négocier un exercice facile: gravir un gros monticule de gravier fin pour aller faire une photo de situation. Peut-être à tort car la roue avant gauche s’est copieusement enfoncée et le Compass n’a pas fait mine de renvoyer plus de couple vers le train arrière pour surmonter l’obstacle. La manoeuvre dépassait sans doute déjà ce que la grande majorité des conducteurs/trices tenteront, mais elle n’était guère téméraire.
J’ai trouvé l’équipement très complet dans cette exécution Limited dotée de presque toutes les options. La sono Beats est de qualité décente, mais le caisson de surround met à mal certains assemblages, même avec une égalisation neutre. La qualité d’ensemble de l’habitacle est moyenne. On saluera une planche de bord et des hauts de contre-portes moussés, mais ailleurs, des plastiques durs et brillants règnent et le cuir recouvrant les sièges a une apparence synthétique.
Les places arrière sont plutôt accueillantes pour le segment. L’assise est certes assez courte, mais l’espace est largement suffisant dans les deux dimensions critiques pour recevoir un homme adulte sans le soumettre à un supplice. La vue plongeante vers l’avant est agréable, et le toit ouvrant panoramique optionnel relaxera les claustrophobes.
L’amortissement est réussi dans la mesure où il ne se distingue pas, ni dans un excès de souplesse, ni dans un filtrage perfectible. Le galbe des sièges est malheureusement aux standards américains, conçu pour une carrure beaucoup trop large pour maintenir correctement un individu dont l’indice de masse corporelle est aux standards du vieux continent. Il y a des rembourrages, on les voit, mais ils sont tellement éloignés que, même avec un gros anorak hivernal, on a l’impression d’être assis sur un banc public. La position de conduite est bonne et satisfera les personnes qui apprécient une vue dominante sur le trafic.
Ceci ne fera donc guère regretter un comportement caricaturalement sous-vireur, tout du moins avec les Pirelli Sottozero 3 flambant neufs équipant notre exemplaire d’essai. Pour compléter le tableau, la direction est trop assistée et trop démultipliée.
En résumé, un moteur gourmand et un peu mince, desservi par une boîte qui cumule trop de défauts, et un comportement routier qui n’incite à aucune entreprise sportive nous laissent avec un crossover confortable sur long trajet, habitable, mais proposé à un tarif où l’armada du groupe VW est un sujet incontournable. Pourtant, le Compass se vend, plutôt bien d’ailleurs. C’est même le modèle Jeep le plus vendu en Suisse et en Europe. Le Fiat 500X le devance en Europe, mais pas en Suisse, où le Seat Ateca les domine largement. A quoi attribuer ce succès commercial dans un segment ultra-concurrentiel où tous les grands groupes proposent un large éventail d’alternatives ?
A quoi attribuer ce succès ? Sans doute à l’intelligence d’avoir inspiré son dessin du Cherokee et sa calandre caractéristique. Le Compass offre ainsi une alternative plus élégante et conservatrice au look bonbonnière du 500X, et la clientèle paraît réceptive. Reste que pour 50’000 CHF dans cette configuration d’essai, on a l’embarras du choix pour s’offrir un crossover 4×4 performant et bien équipé.
Par exemple un Seat Ateca FR TSI 190ch DSG7 qui, très bien équipé, vous laissera avec 5000 CHF d’économie sur votre budget et offre des prestations moteur/boîte largement supérieures au Compass. Ou si l’on souhaite plus de place, un Skoda Kodiaq Sportline TSI 180 qui offre une habitabilité royale, avec en bonus un agrément de conduite et une finition sans comparaison possible avec le Compass.
La rançon du succès des crossovers est la féroce concurrence que s’y livrent les constructeurs. Dans ce contexte, les consommateurs ont un large choix à disposition. Le Compass a pour lui son image et la marque Jeep, mais en cas d’examen plus scrupuleux des prestations offertes, il est bien difficile de lui trouver un avantage objectif.
Prix et options du véhicule essayé
Jeep Compass 1.4 MultiAir Freedom | CHF 35’900 | € 36’200 |
Finition Limited | CHF 5’900 | – |
Pack Infotainment | CHF 1’975 | € 0 |
Pack Parking | CHF 1’150 | € 890 |
Pack Visibility | CHF 990 | € 0 |
Pack Premium | CHF 900 | € 700 |
Pack Winter | CHF 700 | € 0 |
Toit panoramique CommandView | CHF 1’500 | € 1’300 |
Peinture unie | CHF 850 | € 690 |
Total | CHF 49’865 | € 42’170 |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Jeep Compass 1.4 Multiair | Seat Ateca | Fiat 500X | |
Moteur | L4 1368 cm3 Turbo | L4 1984 cm3 turbo | L4 1368 cm3 turbo |
Puissance (ch / t/min) | 170 / 5500 | 190 / 4200-6000 | 170 / 5500 |
Couple (Nm / t/min) | 250 / 2500 | 320 / 1450-4200 | 250 / 2500 |
Transmission | Active Drive | 4×4 | Active Drive |
Boite à vitesses | Automatique 9 | DSG 7 | Automatique 9 |
RPP (kg/ch) | (9.06) | (8.6) | (9.44) |
Poids DIN (constr.) | (1540) | (1634) | (1’604) |
0-100 km/h (sec.) | 9.5 | 7.9 | 8.6 |
Vitesse max. (km/h) | 200 | 212 | 200 |
Conso. mixte (constr.) | 10.75 (6.9) | (7.0) | 7.9 (6.7) |
Réservoir (l) | 60 | 55 | 48 |
CO2 (g/km) | 160 | 159 | 157 |
Longueur (mm) | 4394 | 4363 | 4273 |
Largeur (mm) | 1819 | 1841 | 1796 |
Hauteur (mm) | 1644 | 1601 | 1620 |
Empattement (mm) | 2636 | 2638 | 2570 |
Coffre (L) | 438 – NC | 485-1579 | 350 – 1000 |
Pneumatiques | 225/55R18 | 225/50R18 | 225/45 R18 |
Prix de base (CHF) | 35’900 | 36’350 | 30’600 |
Prix de base (EUR) | 36’200 | 35’860 | 27’290 |
Nos remerciements à FCA Suisse pour le prêt de cette Jeep Compass.
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