Essai Corvette Grand Sport: affûtée

Grand Sport: l’échelon intermédiaire entre Stingray et Z06.

La Corvette Grand Sport peut-être définie de deux manières: une Stingray body-buildée dans une caisse de Z06, ou une Z06 dégonflée avec un moteur de Stingray. Verre à moitié vide ou à moitié plein ? A moitié plein, serait-on tenté de répondre en présence de l’auto. Ainsi parée, la Grand Sport a une présence indéniable. La livrée Torch red relevée d’accents noirs et d’appendices aérodynamiques proéminents sont d’une agressivité assumée.

Il me faut quelques kilomètres pour finalement trouver une position de conduite acceptable. Le seul moyen pour ne pas être juché trop haut est d’adopter une posture allongée. Depuis le volant, la C7 Grand Sport paraît large et basse, et le rayon de braquage est massif. Par rapport à une Stingray, les voies sont élargies de 33 mm à l’avant et 43 mm à l’arrière.

La commande de boîte est virile, moins dans les verrouillages que dans la friction à surmonter pour déplacer le levier sur des débattement relativement longs. L’embrayage est fort heureusement doux et ne fatigue pas la jambe gauche dans les embouteillages, mais les à-coups de la transmission au pas sur le premier rapport deviennent vite lassants.

Dès les premiers kilomètres d’autoroute, un mélange de bruit de roulement et de bruissement d’air sur le pare-brise envahit l’habitacle. Les sièges Sport Competition offrent un bon maintien, mais les rembourrages du placet me scient rapidement les cuisses. La Grand Sport va peut-être se révéler comme une bonne sportive, mais ses aptitudes de GT voyageuse me laissent dubitatifs.

L’ambiance visuelle est par ailleurs plaisante. La finition alterne un cuir “nappa” d’apparence bon marché avec de la microfibre suédée (un substitut d’Alcantara) appliquée sur le volant, le levier de commande de boîte, les montants de pare-brise et les sièges, et des applications en carbone mat sur la planche de bord. Les surpiqûres rouges sont également à porter à l’actif de la Grand Sport. L’équipement est complet, avec un affichage tête haute configurable, les fonctions attendues dans le système multimédia. L’affichage central change de graphisme selon le mode de conduite choisi (Eco, Touring, Sport ou Track), mais avec une lenteur exaspérante.

Sous l’arête centrale du capot, le V8 LT1 cube 6162 cm3. Un ballet de 8 gros pistons de 103.25 mm qui font leur va-et-vient sur une course de 92 mm, nourris par une injection directe. Bien qu’entièrement nouveau pour la Corvette C7, le LT1 reste fidèle à des traditions sexagénaires: une entraxe de 4.4 pouces entre cylindres, un arbre à cames central et une distribution par culbuteurs qui actionnent deux grosses soupapes par cylindre. Pourquoi s’entêter ?

 

Selon GM, un seul arbre à cames est à la fois plus économique et plus compact qu’en loger quatre dans une paire de culasses. General Motors affiche également la conviction que la majorité des clients se désintéresse de ces détails techniques, et la minorité qui porte une importance quelconque à ce genre de détail technique est partie pour la concurrence depuis des lustres de toute manière.

Le couple maxi est respectable pour un moteur atmosphérique, 630 Nm, mais obtenus au régime relativement élevé de 4600 t/min. La puissance culmine à 466 ch, 1400 t/min plus haut. La boîte manuelle à 7 vitesses tire très long sur le dernier rapport, le compte-tours affiche 1850 t/min à 150 km/h indiqués par le LCD central multifonctions. Avec une telle démultiplication et le concours discret de l’Active Fuel Management qui obture quatre des huit cylindres à faible charge en découplant les culbuteurs, la consommation est sensée être raisonnable sur long trajet.

Les relances sur le septième rapport sont par contre inexistantes, et on peut sans vergogne tomber jusqu’à 4 rapports pour exécuter un 100-150 km/h aussi musclé que sonore. La forte cylindrée et la valeur de couple avantageuse sont trompeurs: ce moteur est assez pointu, et aime être cravaché, ce que je ne vais pas me priver de faire sur un terrain propice à ce genre d’exercice.

En augmentant le rythme, la Corvette Grand Sport s’anime. Le LT1 devient plus charismatique à partir de 3500 t/min, avec un grondement qui devient plus perçant alors que l’aiguille poursuit son ascension jusqu’à 6500 t/min. La commande de boîte devient plus naturelle, le pédalier est bien disposé pour le talon pointe, et si l’on est pris de cours, la fonction de rev matching est là pour sauver la mise.

GM a eu la très bonne idée de rendre ce système d’égalisation du régime non seulement commutable, mais par le biais des palettes solidaires du volant. On peut donc l’activer et le désactiver à tout moment, l’indicateur du rapport engagé changeant de couleur en fonction. Simple, efficace, pourquoi diable Porsche prive-t-elle ses clients d’une telle fonction ?

Comme la plupart des coupés à moteur central avant, la Grand Sport donne la sensation de pivoter autour de son train arrière lors des enchaînements de courbes, virant à plat et avec peu d’inertie. Le centre de gravité bas lui permet de bien dissimuler un poids conséquent, 1596 kg, soit 130-140 kg de plus que deux Corvette C6 Z06 pesées sur les mêmes balances.

Le grip procuré par les Michelin Pilot Super Sport est important, mais les limites sont difficiles à cerner et provoquer la voiture en appui se traduit par des réactions brutales qui refroidissent très vite mes ardeurs et me découragent d’explorer le mode Track sur route ouverte.

Le mode Sport s’avère bien adapté, tant en tarage du Magnetic Ride que dans ses interventions en cas de perte de motricité. La Grand Sport passe bien le couple au sol en ligne, mais dans les épingles prises en deuxième, la combinaison d’accélération latérale et des 630 Nm du LT1 finira fatalement par avoir raison du grip à disposition.

La voiture est très rigide, suspendue fermement sans pour autant l’amener à se désunir sur les portions au revêtement dégradé. Elle réagit de manière monolithique aux prises d’appui, sans mouvements de caisse perceptibles. S’ajoute à cela un sous-virage minimal qui incite à n’augmenter le rythme qu’avec respect et réserve pour éviter de se faire surprendre.

Il n’y a en fait rien à reprocher aux réactions du châssis dans les différentes configurations rencontrées sur tracé alpin, mais j’ai éprouvé un peu de peine à entrer en symbiose avec cette Corvette, à établir un dialogue. La voiture répond robotiquement aux impulsions, mais communique peu. En ces termes, et avec tous les bémols qu’impose une telle comparaison, elle est l’opposée polaire de l’Alpine A110, dont les réactions sont amplifiées jusqu’à la caricature.

Ce châssis a clairement le potentiel pour encaisser un couple nettement supérieur, soit les 881 Nm de la Z06, mais la Grand Sport ne donne pas la sensation d’être sous-motorisée pour autant. Les performances sont gérables sur route, et permettent de profiter du caractère du V8 sans risquer à chaque accélération de faire les manchettes de la presse régionale.

Les performances sont plus que respectables, et le caractère du moteur rend la conduite sportive sur route attrayante. Un automne clément me permet de retirer le toit et d’apprécier la Grand Sport au grand air. L’opération est facile à réaliser, et le système de rangement dans le coffre est assez bien pensé.

Cette possibilité magnifie l’attractivité de la Grand Sport pour un usage routier: la communion avec les éléments, la sonorité pleine du V8 qui se réverbère sur le relief, et une intégrité structurelle qui ne souffre en rien de l’ablation du toit. La largeur de 1965 mm (hors rétroviseurs) peut se révéler problématique sur les tracés alpins plus étroits, mais pour le reste, la Grand Sport procure des sensations attrayantes, que l’humeur soit à la balade ou à l’attaque.

Pour 118’520 CHF, la Corvette Grand Sport offre un cocktail typé mais attractif. La voiture est rigoureuse et satisfait aux critères d’une voiture de sport, tant en matière de performances que de sensations. Le rapport prix/performance est d’un haut niveau où peu d’alternatives existent. Le Cayman GT4, si une nouvelle série est produite, est une des rares alternatives qui vient à l’esprit.

Le saut à une Z06 (141’495 CHF en boîte automatique, 157’895 CHF en boîte manuelle) représente une rallonge budgétaire conséquente et bouleverse complètement l’échelle de références. La comparaison avec une Stingray (dès 106’735 CHF) est plus pertinente et amènera les amateurs à se déterminer sur la valeur qu’ils donnent à une présence esthétique radicale et, surtout, un châssis affûté.

Prix et options du véhicule essayé

Corvette Grand Sport 7MT CHF 118’520 € 108’060
Système data logger CHF 1’950 € 1’710
Couleur Torch Red CHF 1’000 € 960
 Total CHF 121’470 € 110’730

 

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Corvette Grand Sport Porsche 911 Carrera T Jaguar F-Type V6S
Moteur V8 6162 cm3 B6 biturbo 2981 cm3 V6 compresseur 2995 cm3
Puissance (ch / t/min) 466 / 6000 370 / 6500 380 / 6500
Couple (Nm / t/min) 630 / 4600 450 / 1700-5000 460 / 3500-5500
Transmission AR AR AR
Boite à vitesses Man 7 / Auto 8 Man 7 / PDK 7 Man 6
RPP (kg/ch) 3.43 4.01 (4.19)
Poids DIN (constr.) 1596 (1588)
49.8%AV 50.2% AR
1484 (1425)
38.7% AV 61.3% AR
(1594)
0-100 km/h (sec.) 4.2 4.5/4.2 5.5
Vitesse max. (km/h) 290 293/291 275
Conso. Mixte (constr.) 13.0 (12.3) 12.86 (9.5/8.5) (9.8)
Emissions CO2 (g/km) 282 215/193 234
Réservoir (l) 70 64 70
Longueur (mm) 4514 4527 4482
Largeur (mm) 1965 1808/1978 1923/2042
Hauteur (mm) 1239 1285 1311
Empattement (mm) 2710 2450 2622
Coffre (L) 287 145 310-408
Pneumatiques 285/30R19
335/25R20
245/35R20
305/30R20
245/40R19
275/35R19
Prix de base (CHF) 118’520 140’600 91’800
Prix de base (EUR) 108’060 110’015 83’090

Nos remerciements à GM Suisse pour la mise à disposition de cette Corvette Grand Sport.

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