Lewis Hamilton était destiné à dominer son grand prix national.
C’est un Lewis Hamilton contrarié voire capricieux qui descendait de sa monoplace dimanche après-midi, à l’arrivé du grand-prix d’Angleterre, couru ce dimanche sur le magnifique tracé de Silverstone. Il venait de terminer 2ème de son grand-prix national, devant Kimi Raikkonen, mais devancé par un Sébastian Vettel brillant vainqueur d’une course hautement animée et fertile en rebondissements dès ses premiers mètres. De quoi terminer en beauté le premier “triple header” de l’histoire de la formule 1, qui nous aura proposé un condensé de ce qui fait le sel de cette saison disputée.
Déception et suspicion
Si la victoire de Sébastian Vettel ne fit bien évidement pas que des heureux dans le clan Mercedes, il s’agit là d’un euphémisme, cela allait dimanche soir bien au-delà du résultat brut. C’est un Lewis Hamilton en état de choc, ayant selon ses mots “du mal à tenir debout” qui descendait théâtralement de sa monoplace à l’arrivée prenant le soin d’éviter ostensiblement toute interview protocolaire.
Il faut dire qu’il avait à nouveau signé la veille une magnifique pole position, confirmant en cela un début de week-end dominateur comme il aime à les réaliser sur ses terres et devant sont fervent public. En route pour gagner à Silverstone une cinquième fois de rang (seul Ayrton Senna a réalisé pareille prouesse à Monaco), il savait toutefois que le départ serait une étape cruciale. Et c’est bien là que la machine s’enraya, puisqu’il se faisait mettre en tête à queue par Kimi Raikkonen dès le virage 3, et repartait alors bon dernier.
Il n’en fallait pas plus pour qu’à la déception s’ajoute une théorie du complot ourdie par la Scuderia depuis le grand-prix de France et le contact entre Bottas et Vettel. James Allison et Toto Wolff eux-mêmes ne se privaient pas de remettre maladroitement de l’huile sur le feu après l’arrivée.
Il faut probablement voir là un savant contre-feu pour éviter que le doigt ne se pointe vers l’écurie allemande et son pilote vedette. Car si contact il y eut entre Hamilton et Raikkonen (qui sera puni d’une pénalité de 10 secondes pour sa bévue et dut cravacher pour empocher la 3ème place), c’est bien que le premier nommé venait de copieusement rater son départ, et avait déjà vu filer Vettel puis Bottas devant lui. La course était probablement perdue dès cet instant.
N’en reste pas moins une superbe remontée qui permettra à Hamilton de sauver les meubles avec les points de la deuxième place et de rester au contact au championnat. L’issue aurait pu être nettement pire pour Hamilton comme pour Mercedes, même si Bottas donna l’espoir d’une victoire au moment des safety cars, que ses pneus usés ne lui permirent pas de défendre.
Vettel, l’année des symboles
Le grand-prix du Canada avait été lourd de sens pour Vettel et la Scuderia, cette victoire anglaise l’est tout autant pour le pilote allemand puisque ce 51ème succès lui permet de rejoindre Alain Prost au palmarès des pilotes les plus victorieux de l’histoire.
Il lui permet également de scorer sur les terres de Lewis Hamilton, ce qui n’est jamais anodin et certainement bon pour le moral, d’autant qu’il n’était pas écrit il y a quelques semaines que Ferrari serait capable de lutter avec Mercedes sur ce tracé resurfacé, imposant l’utilisation des mêmes gommes qu’à Barcelone. Superbe départ, course parfaitement gérée en première partie, et dépassement magnifique d’opportunisme sur Bottas après le second restart, Sébastian Vettel n’a certainement pas volé sa victoire.
La Scuderia ne peut, elle, que se féliciter du résultat d’ensemble puisque si Vettel détient maintenant 8 points d’avance sur Hamilton au championnat, Raikkonnen est maintenant 3ème tandis que l’écurie prend un peu de marge au classement général constructeur avec 20 points d’avance sur Mercedes.
La fiabilité est globalement au rendez-vous, et s’accompagne à présent d’un niveau de performance permettant à l’écurie italienne d’être en lutte pour la victoire chaque week-end avec une apparence de sérénité qui n’avait plus été vue depuis bien longtemps.
RedBull en manque d’énergie
Après le brillant week-end sur ses terres autrichiennes, RedBull s’espérait également en mesure de jouer la victoire à Silverstone, tout en ayant conscience que les caractéristiques du circuit risquaient de mettre à rude épreuve certaines composantes du package, notamment celles situées entre le pilote et les roues arrières.
Maintenant que l’accord avec Honda a été annoncé, il ne fallait pas s’attendre à ce que RedBull prenne plus de pincettes qu’avant vis-à-vis de Renault. Max Verstappen, une nouvelle fois plus en vue que son coéquipier ce week-end, pointait du doigt avant la course un déficit de plus d’une seconde dans les lignes droites avant d’enfoncer le clou après la course.
Même si le calcul pouvait être exagéré, il est difficile d’envisager lutter dans ses conditions contre Mercedes et Ferrari sur un tel tracé où 82% du tour se passe à fond, ce que confirmait l’ensemble de la course, du départ ou les deux RedBull ne pouvaient suivre les rythmes imprimés par Vettel et Bottas, à la suite où elles ne purent ni contrer efficacement Raikkonen ou Hamilton, ni rester dans les roues des Mercedes et Ferrari à chaque restart.
Revenu à la lutte grâce aux safety cars, Max Verstappen s’autorisait un très beau dépassement sur Kimi Raikkonen avant de devoir abandonner quelques boucles plus tard sur un disfonctionnement de son système “brake by wire”. Course sans, donc. Cela devrait aller (bien) mieux lors du grand-prix de Hongrie, mais d’ici là il faudra très probablement avaler une pénalité moteur dès le grand-prix d’Allemagne, et un nouveau résultat moyen à la clé. De quoi briser une bonne dynamique et entraver les prétentions de titre.
Embouteillage estival pour les accessits
Si l’écart avec les 3 super puissances reste très imposant, le resserrement au milieu de ce “reste du monde” est notable. Renault est moins en forme depuis l’Autriche et avec une nouvelle absence de la Q3 ce week-end, permet à ses concurrents directs de se rapprocher grandement. Haas, Force India, Sauber et même Pierre Gasly ou Fernando Alonso savent se montrer menaçants. Le problème est connu chez Renault, la monoplace manque d’appuis et dégrade de ce fait ses pneus de façon importante. De ce fait, l’écurie française doit la 6ème place d’Hulkenberg à une stratégie décalée en pneus durs, aidée par les safety cars.
Il résistait à Esteban Ocon, 7ème et à nouveau plus performant que son coéquipier (10ème), qu’il devance pour la première fois de sa carrière au championnat. Les deux signent un résultat d’ensemble positif pour Force India, maintenant devant McLaren et qui revient sur les talons de l’écurie Haas dont le seul résultat fut la 9ème place de Kevin Magnussen.
Loin depuis le début du week-end, Fernando Alonso terminait pour sa part 8ème juste devant le danois, après une résistance une nouvelle fois au-delà de l’acceptable par ce dernier. La 8ème place d’Alonso n’en est que plus proche de l’exploit, avec une McLaren toujours en déficit net de performance et alors que l’espagnol s’élançait de la 13ème place sur la grille contre la 7ème pour Magnussen.
ContrHaaste et fin de série
Le problème pour l’écurie Haas reste donc encore et toujours dans la capacité à convertir les possibilités qui lui sont offertes. Difficile d’admettre qu’en partant 7ème et 8ème sur un circuit taillé pour convenir à l’excellent moteur Ferrari, le bilan se résume à une 9ème place à l’arrivé. Gunther Steiner ne masquait clairement pas sa déception après l’arrivée.
Le ton du discours commence d’ailleurs à changer, moins protecteur pour ses pilotes, et notamment Romain Grosjean à nouveau auteur d’un résultat blanc avec une course terminée dans la bac du virage de Copse suite à un contact de la responsabilité du français avec Carlos Sainz. La saison est décidemment bien compliquée.
La fin de série concerne Charles Leclerc et l’équipe Sauber. Nous nous étions habitué à les voir figurer dans les points et cela en prenait une nouvelle fois clairement chemin tant le monégasque avait su monter en puissance au fil des essais, jusqu’à arracher une 9ème place en qualifications. Peut-être est-ce la perspective de plus en plus évidente de le retrouver au volant d’une Ferrari dès 2019 qui lui donne des ailes, mais toujours est-il que seule une défaillance mécanique à la sortie des stands pu empêcher Leclerc de décrocher de nouveaux points tant son rythme était parfaitement solide.
Les derniers seront les derniers
Stoffel Vandoorne ou les Williams n’ont jamais été en mesure de terminer dans les points. Cela devient une mauvaise habitude qu’on ne voit rien pouvoir contrarier. Derrière Alonso en qualifications pour la 10ème fois en 10 courses cette saison, Stoffel Vandoorne est décidément très à la peine au volant d’une monoplace qu’il juge une nouvelle fois inconduisible. Heureusement pour lui, le belge garde un crédit certain, auprès de Renault notamment, qui devrait lui permettre de rester en F1 la saison prochaine.
Williams reste également au creux de la vague, avec statut clair de dernière écurie de plateau. Dans le cas présent, ce ne sont pas les pilotes qui peuvent prétendre tirer l’écurie vers le haut. Écurie qui déclare travailler, avoir des solutions en vue aux problèmes rencontrés (problème aéro avec notamment une instabilité néfaste au moment où le DRS se referme). Et toujours cette impression globale que le moteur Mercedes n’est plus aussi souverain que par le passé, ne masquant plus vraiment les carences des châssis qu’il équipe.
Citons enfin la mésaventure vécue par Brendon Hartley. Victime d’un énorme crash le samedi matin en Q3 (rupture totale de suspension à l’avant droit), le néo-zélandais décidément malheureux cette année, mais parallèlement chanceux de ne pas avoir été blessé, n’a même pas été en mesure d’avoir une monoplace prête pour la course. Pierre Gasly avait pourtant un niveau de performance tout à fait cohérent en course qui aurait dû le voir rallier l’arrivée en 10ème position s’il n’avait eu à subir une pénalité de 5 secondes équivalente à trois places pour avoir touché Sergio Perez.
Bruits de couloirs
Avec l’arrivée très prochaine de la mi saison, le paddock s’agite de plus en plus au gré des rumeurs et des petites phrases lâchées ici ou là. Côté pilote, l’arrivée de Charles Leclerc chez Ferrari n’est pas encore actée mais semble acquise et ne demande plus qu’une confirmation officielle. Que deviendra Kimi Raikkonen ? Acceptera-t’il un dernier challenge en F1 dans une écurie fatalement moins performante que la Scuderia? Il se dit qu’il aurait été contacté par McLaren, sans doute inquiète à l’idée de perdre Fernando Alonso, dont le futur en F1 s’écrit avec tout autant de pointillés.
Son coéquipier Stoffel Vandoorne espère, lui, pouvoir continuer plus longtemps avec McLaren. Renault le tiendrait également en haute estime, le losange attendant d’en savoir plus sur le futur de Carlos Sainz, qui n’est rappelons-le que prêté par RedBull, pour prendre position sur le marché des pilotes. Tout ceci devrait se décanter avec la décision de Ricciardo, qui, si elle se fait toujours attendre, ne présente plus grand doute à ce jour. Tout indique ici que RedBull restera sa meilleure option puisque Mercedes jouera le statut quo et Ferrari préfère se tourner vers Charles Leclerc.
Côté équipes, la période est donc très compliquée pour McLaren. Le départ d’Eric Boullier a confirmé au grand jour les tensions internes larvées qui affectaient l’équipe depuis sans doute plusieurs années. A elle de se reconstruire maintenant sur des bases saines, ce qui prendra du temps. Or, a-t-elle encore beaucoup de temps devant elle ?
Alors que toutes écuries privées s’organisent pour mettre en place un schéma “Haas-like” plus économique (Williams et Force India côté Mercedes, Sauber et Haas côté Ferrari, et la famille RedBull ensemble avec Honda) McLaren reste la seule équipe dont la volonté est de travailler seule et la route sera longue.
Quoi qu’il en soit, devant, le grand duel Hamilton/Vettel se fait toujours attendre sur la piste, chacun profitant pour le moment, et à part en rares occasions, des faits de course de l’autre pour s’imposer. La mi saison pointe donc à l’horizon accompagnée de la traditionnelle pause estivale, cette année lourdement bienvenue pour les équipes soumises à très rude épreuve ces dernières semaines. Il sera temps alors de tirer un premier bilan de mi-parcours, dont on sait déjà qu’il ne nous permettra pas de dégager beaucoup de certitudes. Tant mieux.
Si Ferrari se maintient à un niveau redoutablement élevé, Nico Rosberg résumait bien la situation en avançant qu’il fallait quoi qu’il arrive garder en tête que Lewis Hamilton pouvait retrouver le chemin de la victoire d’une course à l’autre et enchaîner une nouvelle période de domination contre laquelle il serait difficile de lutter.
Le paramètre RedBull ne pourra pas non plus être oublié. Sans doute trop juste pour jouer le titre, ce n’est pas prendre un gros risque que d’affirmer que d’autres victoires seront emportées par l’écurie autrichienne cette saison, et autant de points qui ne seront pas empochés par les deux prétendant principaux. Rendez-vous en Allemagne dès la semaine prochaine, à Hockenheim.
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