Essai classique: Porsche 911 Carrera RS 2.7

Nous essayons une icône de l’automobile sportive. 

En 1973, Porsche lance la production de 500 911 Carrera (la première application du nom à une 911 depuis les 356) RS (pour Rennsport) pour satisfaire aux exigences de la FIA. La cylindrée des prototypes a été limitée à 3 litres, reléguant les 917 au musée et incitant Porsche à reporter ses efforts sur le championnat GT européen. L’homologation en groupe 4 est donc un impératif. Porsche réalèse le 6 cylindres boxer de 2.4 litres à 2.7 litres, portant sa puissance à 210 chevaux. Le succès est tel que la production dépasse largement les 500 exemplaires requis pour atteindre un total de 1590 voitures. Deux versions seront construites: des versions Sport sans isolation phonique et sièges arrière, et des versions Touring.

C’est cette configuration que Porsche a sorti de son musée pour nous la faire essayer à l’occasion du septantenaire de la marque. Emmener une 911 RS 2.7 à froid sur un col alpin est sans doute à la conduite automobile ce qu’une première valse avec Natalie Portman est à la danse de salon: intimidant. La RS 2.7 est une icône, sa cote s’est envolée jusqu’à des montants délirants, avoisinant les 800’000€. Le genre de chiffre qui aide à se concentrer.

A l’intérieur, des sièges très moelleux et surprenant de confort si l’on fait abstraction du caractère symbolique des appuie-tête en cas de choc par l’arrière. Un volant à la jante fine invraisemblablement proche du tableau de bord, la rangée de cadrans circulaires qui a si bien veilli, température et pression d’huile sur la gauche. Pas de consigne particulière des gens du musée Porsche, sauf l’indication que l’utilisation du choke sur les premiers kilomètres est recommandée. Le flat six s’ébroue au premier tour de clé, le ralenti est un peu hésitant et je le cale juste au-dessus de 1000 t/min avec la tirette logée entre les sièges. La pédale d’embrayage a une course longue, et il faut composer avec la très faible inertie du 2.7L.

 

Les premiers kilomètres sont intimidants, chaque action sur la pédale centrale alimentant l’inquiétude que le freinage est aux abonnés absents. Ou peut-être qu’il n’a jamais eu le téléphone. La réponse de la pédale est un mélange spongieux qui va en s’affermissant en appuyant fort, mais la décélération est insignifiante. La commande de boîte suit un H classique, et il faut bien décomposer, guider le passage entre deuxième et troisième, le levier de vitesse n’a pas de ressort de rappel vers l’axe 3-4. Les verrouillages sont très doux, les synchros de boîte ne grattent pas, tout ceci à été restauré avec une rigueur très germanique.

Avec les kilomètres, la RS2.7 devient plus naturelle, sa valeur moins étouffante. Le moteur est étonnant de santé. Souple à bas régime, son couple est limité mais il reste parfaitement utilisable à partir de 2000 t/min. Vers 4000 t/min, la montée en régime s’accélère. La sonorité est de toute beauté, ce mélange d’harmoniques rauques et métalliques du flat six originel.

Pas omniprésente cependant, on se plaît à entre-ouvrir la vitre et tendre l’oreille. L’injection mécanique Bosch fait un boulot remarquable, en tous cas sur cet exemplaire sorti de la collection officielle, la poussée est linéaire et franche, sans temps mort. L’aiguille du compte-tours fait des mouvements de yoyo comiques à chaque changement de rapport.

L’épée de damoclès du freinage toujours présente à l’esprit, la confiance s’installe et permet d’augmenter le rythme. Les réactions sont saines tant qu’on ne va pas chercher la faille en appliquant des transferts de masse abrupts. On entend et sent la caisse travailler sur des appuis plus francs, mais la voiture ne se désunit pas. Malgré leurs dimensions surannées (185/70 R15 et 215/60 R15), le grip des Pirelli est surprenant et permet d’emmener passablement de vitesse dans les épingles. La direction non assistée demande par contre du muscle et rend les séries de virages serrés viriles.

Cette solide quadragénaire serait donc très fréquentable si elle freinait mieux, mais les sensations de conduite ne sont pas à la hauteur du mythe Carrera RS 2.7. La barre est sans nul doute placée trop haut. La voiture est ravissante à détailler, attrayante à conduire, fait un joli bruit, mais je ne tire pas de cet essai des sensations inoubliables, un charme irrésistible, ni même un trait particulier qui, volant en mains, en fait une expérience particulière.

Nous ne sommes ni dans le registre de la cruelle déception – une voiture idéalisée qui se révèle inconduisible ou affligée de défauts omniprésents, ni dans celui de la révélation. Celle de sonorités ou sensations d’un autre temps. La Carrera RS 2.7 était peut-être une trop bonne automobile pour son époque pour laisser une impression inoubliable 45 ans plus tard. La symbolique qui entoure le modèle émouvra les romantiques, mais pourrait laisser les simples amateurs de sensations de conduite froids. Comme une valse avec Natalie Portman.

Porsche et la Suisse: une longue histoire

Au début 1947, Ferry Porsche formule l’idée d’une voiture de sport basée sur des pièces Volkswagen. En cette période d’après guerre, assurer le financement n’était pas chose facile. C’est un entrepreneur suisse, Rupprecht von Senger, qui amène à Porsche les fonds nécessaires pour concevoir la voiture. Il s’assure le droit d’acheter les 5 premières voitures avec une option sur 50 exemplaires supplémentaires.

Un an plus tard, la première 356, no de châssis 356-001, un roadster de 585 kg animé par un moteur de 1086 cm3 de 35 chevaux, est livrée à von Senger. Celui met également Ferry Porsche en contact avec l’hôtelier et marchand de voitures zurichois Bernhard Blank qui transforme une partie de son hôtel en salle d’exposition. Le premier coupé Porsche, la 356/2 y est exposé à la fin 1948. C’est par la même entreprise que Porsche fait ses débuts sur la scène internationale au salon de Genève 1949. Les débuts historiques de Porsche sont donc intimement liés à la Suisse.

La 356 se vendra très bien en Suisse. Entre 1951 et 1965, 3823 voitures seront importées par AMAG. La 911 prend alors le relais, après sa première sous la dénomination 901 au salon de Genève 1964. Combinées avec les ventes de 912 de 1966 à 1970, près de 29’500 Porsche 911 avaient été livrées en Suisse à la fin 2017, soit près de une Porsche sur deux parmi les 61’801 importées entre 1951 et 2017.


Immatriculations Porsche en Suisse, chiffres AMAG/Porsche jusqu’en 2005, OFROU dès 2006

Le deuxième modèle Porsche le plus populaire en Suisse est le Cayenne, avec 10’867 exemplaires et un pic de 1025 voitures en 2012. La série 924/944/968 suit de près avec 9’417 exemplaires, puis le Macan (6’564 en seulement 4 années de commercialisation). Quelques autres chiffres pour l’anecdote:
– Porsche a (jusqu’en 2017) vendu plus de 928 que de Cayman: 1’757 contre 1’346
– La 959 n’a jamais été importée officiellement en Suisse.

Fiche technique – Porsche 911 Carrera RS 2.7 Touring

Porsche 911 RS 2.7
Moteur B6 2687 cm3
Puissance (ch / t/min) 210 / 6300
Couple (Nm / t/min) 255 / 5100
Transmission AR
Boite à vitesses manuelle,5 rapports
RPP (kg/ch) (5.12)
Poids DIN (constr.) (1075)
0-100 km/h (s) 6.3
Vitesse max. (km/h) 240
Longueur (mm) 4147
Largeur (mm) 1652
Hauteur (mm) 1380
Empattement (mm) 2271
Pneus AV 185/70 R15
Pneus AR 215/60 R15
Prix de base 34’000 DM (1973)

Nos remerciements à Porsche pour l’invitation à l’essai de cette 911 RS 2.7.

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