F1 2018 GP d’Australie: les enseignements

Melbourne confirme la hiérarchie des écuries.  Le premier grand-prix de la saison ayant livré son verdict, il nous faut reprendre nos aventureuses prédictions de pré-saison, et de les confronter à la dure réalité de la compétition. Si le tracé atypique de l’Albert Park de Melbourne ne permet historiquement pas de dégager à coup sûr une hiérarchie établie des forces en présence pour l’ensemble de la saison, il offre la première réponse concrète. Il n’est désormais plus question d’user de stratégies divergentes ou d’avancer masqué.

Des qualifications détonateur de la saison

Après des escarmouches verbales entre team managers (Maurizio Arrivabene et Christian Horner au sujet du recrutement de Laurent Mekies par Ferrari dont nous vous parlé dans notre dernier article) lors des traditionnelles conférences de presse, puis deux premières séances d’essais libres légèrement dominées par Lewis Hamilton, la 3ème se déroulait sur piste humide. Toutes les cartes restaient à abattre lors des qualifications.

Lors des Q1 et Q2, il semblait que les Red Bull et surtout les Ferrari étaient en mesure de donner du fil à retordre aux Mercedes. C’est là, lors de Q3, que l’écurie allemande provoquait les deux premiers coups de tonnerre de la saison. Première salve lorsque Bottas s’encastra dans le mur de pneus virage 2, après avoir mis 2 roues dans l’herbe encore humide, à l’accélération du virage 1. Ceci aura de lourdes répercussions le lendemain, puisqu’il s’élancera de la 15ème position sur la grille (pénalité pour changement de boîte).

C’est surtout Lewis Hamilton qui électrisa et assomma le paddock dans le money time de la Q3, en reléguant la plus proche concurrence (Kimi Raikkonen dans le cas présent) à plus de 6/10èmes de secondes au terme d’un tour pouvant revendiquer légitimement le qualificatif “d’anthologie”, et faisant plein usage d’un mode moteur “party” (aux dires de l’intéressé), manifestement très efficace.

Ces 6/10èmes sont un gouffre à ce niveau, et je vous invite à visionner cette performance ébouriffante de vitesse sans attendre. Si Vettel et Verstappen avouaient avoir fauté dans leurs dernières tentatives, il n’en restait pas moins que la démonstration confinait à la punition.

Gérer n’est pas gagner

La Formule 1 moderne présente cependant une caractéristique absente en qualification qui devient centrale en course, la gestion. Gestion de la consommation, gestion des pneus, mais également et maintenant plus que jamais avec la règle des 3 moteurs par saison, gestion de la mécanique. On peut le déplorer, mais la résultante en est qu’il n’est plus possible d’imaginer un cavalier seul en tête comme nous l’offrait souvent l’ère atmosphérique à consommation sans limite, à pneus et moteurs Kleenex.

De fait, après un départ l’ayant vu sauvegarder sa première place de peu face à un Raikkonen retrouvé, Hamilton n’était jamais en mesure de prendre le large en début de course. Le finlandais répondait chaque hausse de rythme du leader sans pour autant se montrer profondément menaçant. Vettel, un peu moins à l’aise que son coéquipier depuis le début du week-end, suivait sans pression à distance raisonnable.

L’avantage de se trouver à deux contre un, c’est de pouvoir panacher ses stratégies pour chercher la faille. Ferrari a donc appliqué ceci à la lettre et tenté “l’undercut” avec Kimi Raikkonen, ce qui força Mercedes a faire rentrer Lewis Hamilton le tour suivant pour le couvrir et ressortir devant Dans le même temps, Vettel est lui resté en piste, profitant de l’usure sans doute moins avancée de ses gommes pour tenir le rythme du duo s’étant arrêté.

La safety car virtuelle déployée après l’arrêt de piste de Romain Grosjean fera basculer la course, permettant à Vettel de rester en tête après son arrêt, tête qu’il ne quittera plus malgré la pression d’Hamilton. Si certains y voient un coup de chance, on peut également considérer qu’il s’agit là d’une stratégie d’équipe réussie. Certes, encore fallait-il qu’un incident entraine une safety car, mais le circuit urbain de l’Albert Park est coutumier du fait (présent dans 60% des grand-prix courus).

Forcer Hamilton à rentrer avec une voiture puis rester en piste avec l’autre était bien vu, d’autant que Bottas n’était pas là pour aider celui qu’il convient déjà d’appeler son leader. Sa grosse faute du samedi, ajoutée à son rythme sans cesse en retrait le mettent d’ores et déjà dans une position difficile.

Si la Ferrari apparait pour le moment en retrait en performance pure, la marge ne parait pas suffisante pour que Mercedes puisse avoir tout relâchement, surtout si Kimi Raikkonen arrive à maintenir sa forme de “down under” toute la saison. Reste que la Scuderia repart d’Australie avec une victoire, un podium et le leadership des deux championnats. Toujours ça de pris.

Une Red Bull manquant d’énergie

Autant le dire tout de suite, Red Bull n’a pas été à la hauteur espérée. La pénalité de 3 places sur la grille reçue par Ricciardo ne l’a évidemment pas aidé et l’a condamné à une course trop loin de la tête pour espérer lutter pour la victoire. On notera cependant un meilleur tour réalisé en fin de grand prix prouvant que la vitesse est là. De l’autre côté du garage, on peut estimer que, une fois n’est pas coutume, Verstappen a raté sa course. A commencer par son départ qui le voyait passer de la 3ème à la 4ème place derrière Kevin Magnussen.

S’en suivit un pilotage un peu brouillon pour tenter de passer le danois, provoquant une surchauffe des pneus arrière puis des dérobades de plus en plus prononcées, et aboutissant à un tête à queue. Sans gravité, ce dernier faisait instantanément chuter le jeune hollandais au classement, lui ôtant tout espoir de podium. Il lui sera également impossible de passer Fernando Alonso en fin d’épreuve.

Avec une 4ème et une 6ème place à l’arrivée,  et encore manifestement un peu en retrait du duo d’écuries de tête, Red Bull est à revoir, notamment sur un prochain tracé ou l’aéro aura un rôle plus important. Et Verstappen ne se prendra pas les pieds dans les pédales chaque week-end.

Haas, l’opportunité gâchée

Comment qualifier autrement le week-end de l’écurie Haas ? Elle se positionnait depuis le début du week-end comme la “meilleure des autres”. Tout de même à 2 secondes de Lewis Hamilton en qualifications, et à une seconde de Ricciardo, Magnussen s’offrait le luxe de devancer Romain Grosjean.

Encore confirmé en course, le très bon niveau de performance était à saluer tant le progrès est notable par rapport à la fin de saison 2017, et tant pis si les esprits chagrins qualifient cette Haas de “Ferrari 2017 déguisée”.

D’autant plus dommage, donc, que les deux monoplaces soient éliminées à 2 tours d’intervalle à cause de roues baladeuses causées par un si bête problème de pistolet pneumatique, l’un à l’arrière gauche, l’autre à l’avant gauche, et alors qu’elles occupaient les 4ème et 5ème places ! Les occasions de ce type se doivent d’être saisies, il n’est pas dit que, la saison avançant, elles se représentent souvent.

McLaren rassurée

Après un début de week-end marqué par de nouveaux pépins, et malgré l’optimisme d’un Fernando Alonso qui visait lui la 5ème place, on pouvait craindre comme nous l’avions annoncé que passer le drapeu à damier dimanche se révèle compliqué.

Il n’en a rien été, et c’est bien la prédiction de l’espagnol qui s’est révélée exacte. Elle fut même enjolivée par la 9ème place de Stoffel Vandoorne terminant sur les talons de Bottas.

Tout n’est pas réglé pour autant, et beaucoup de travail reste à réaliser sur le package, environ dans le niveau du Renault, mais ce résultat d’ensemble positif sera sans doute un ballon d’oxygène pour l’équipe de Woking.

Renault presque à sa place

Avec Hulkenberg et Sainz dans les points, l’équipe frappée du losange n’a pas raté son début de saison. Est-il réussi pour autant? C’est un peu moins sûr, car les Haas sont restées intouchables tout le week-end. C’est cependant bien Renault qui score à l’arrivée, avec deux monoplaces (7ème et 10ème), mais également 6 moteurs sur 6 au départ.

Un résultat rassurant quand on se souvient de ce qu’il se passait à ce stade l’année dernière. Reste à apporter un surcroit de puissance, lourdement réclamé par Red Bull. Côté pilotes, Hulkenberg a devancé son coéquipier d’une courte tête “when it counts”, soit en qualif et en course.

Le duo est appelé à se revoir au fil de la saison, et il leur faudra assurer un bon développement pour viser mieux, et la 4ème place du championnat sera le théâtre d’une lutte intense dont il est bien difficile de prédire le résultat.

Force India: la déception

C’est à mots à peine couverts ce qu’Esteban Ocon faisait ressortir de son week-end austral. Malgré le nouveau package dévoilé en début de week-end, la monoplace rose manquait toujours très cruellement d’appuis et se montra incapable de retrouver le niveau de standing qui était le sien ces dernières saisons.

En qualification particulièrement, et alors que nous l’attendions à la bataille pour Q3, ce fut plutôt à une lutte pour sortir de Q1 que nous assistions. En course, et sans les abandons des deux Haas, le bilan serait encore moins glorieux que les 11ème et 12ème obtenues.

Dans la tourmente, Perez a ce week-end pris la mesure de son coéquipier, qui tient dans les malheurs de Bottas une énorme opportunité pour 2019. L’Australie n’a jamais été le terrain de prédilections de l’écurie et rien n’est joué bien entendu, mais le travail ne manquera pas et les évolutions se font, déjà, cruellement attendre.

L’éclaircie Sauber

Écurie la moins performante des tests de pré-saison, Sauber arrivait en Australie avec la volonté de se rapprocher de ses petits camarades. Sans doute une piste moins orientée aéro que d’autres aidait-elle l’écurie suisse à se rapprocher du paquet, et même faire mieux que cela, en qualifications comme en course. En effet, un Ericsson bien inspiré le samedi après-midi prenait non seulement la mesure de son nouveau coéquipier, mais également d’une Williams et d’une Toro Rosso.

Dimanche, c’était Charles Leclerc qui prenait le relais d’Ericsson, contraint  à l’abandon dès le début de l’épreuve. Après un départ raté, le monégasque était capable d’emmener sa monture à la 13ème place à l’arrivé, devant la Williams de Stroll. Sans faire de vagues, Sauber travaille. Certaines pistes à venir mettrons sans doute en lumière les carences d’un châssis perfectible, mais le résultat australien est encourageant.

Williams loin du compte

Si une équipe n’a, à l’inverse, pas rassuré le moins du monde, c’est bien Williams. Que ce soit en qualifications ou en course, jamais l’équipe de Grove ne fut en mesure de s’extirper du fond de peloton.

Dans ce marasme, Lance Stroll avait pour seule satisfaction de s’extirper des Q1 et prendre la mesure de son coéquipier Sergey Sirotkin, dont on eut bien du mal à constater la vitesse tant mise en avant lorsque Williams eut à justifier son choix de pilote. Il faut reconnaitre à ce dernier de ne pas avoir été aidé par un abandon en tout début d’épreuve, sur panne de freins. Stroll terminera de son côté avant dernier, au terme d’une course anonyme. Difficile d’entrevoir la lumière.

Toro Rosso en rodage

Alors que les essais de pré-saison avaient été plutôt rassurants pour la seconde écurie italienne du plateau, elle semble ce week-end avoir été rattrapée par l’ampleur du challenge lors de cette première épreuve. Manifestement encore en manque de repères, jamais les deux pilotes de l’équipe ne furent en mesure de hausser le rythme au fil du week-end.

On peut même qualifier celui de Pierre Gasly de noir puisqu’un abandon en course sur panne de MGU-H succéda à une faute en qualifs. En mesure de terminer la course, mais coupable d’un départ raté (gros plat sur un pneu au 1er freinage et passage par les stands dès la fin du 1er tour…) Brendon Hartey ne put faire mieux que terminer dernier classé, à un tour.

Le pessimisme ne peut être total car le moteur Honda a de toute évidence fait de gros progrès par rapport à l’année dernière, et la situation devrait s’arranger au fil de la saison.

Perspectives

Nous pouvons déduire de cette première course 2018 que trois blocs, et non deux, semblent se dégager. Le 1er est nettement devant, composé des 3 écuries de pointe: Ferrari, Mercedes et Red Bull Racing. Le second suit à environ une seconde, il se compose des écuries, Haas, Renault, McLaren et se clôture par Force India dont on attend beaucoup mieux. Enfin le troisième groupe, composé lui des écuries Sauber, Williams, et Toro Rosso.

La saison est quoi qu’il en soit parfaitement lancée. Elle se poursuivra dans moins de 10 jours, au Bahrain, sous une chaleur qui nous donnera de nouvelles réponses.

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