Premier essai du Model 3 sur ses terres natales.
Quoi qu’il advienne de Tesla, le Model 3 passera à la postérité. Succès fulgurant ou échec cuisant, sa genèse, l’engouement qu’il a suscité, les complications de son accouchement industriel et la couverture médiatique populaire, cette automobile sera le sujet d’analyses, de leçons universitaires, peut-être même de bouquins. Mais qu’en est-il du produit, une année avant son arrivée en Europe ? Plutôt que d’attendre patiemment que le Model 3 vienne à nous, nous sommes allés à sa rencontre sur son lieu de naissance, la Silicon Valley.
Notre modèle d’essai est une version Long Range, la seule actuellement en production.
Tesla Model 3 Batterie standard |
Tesla Model 3 Batterie Long Range |
|
Autonomie | 220 miles EPA 354 km |
310 miles EPA 499 km |
Recharge, superchargeur | 210 km en 30 minutes | 274 km en 30 minutes |
Recharge domestique | 48 km par heure (240V, 32A) |
60 km par heure (240V, 40A) |
0-96 km/h | 5.6s | 5.1s |
Vitesse de pointe | 210 km/h | 225 km/h |
Poids | 1610 kg | 1730 kg |
Prix USA (US$) | 35’000 | 44’000 |
Nous prenons livraison de notre voiture de nuit, une bonne épreuve pour juger de la facilité de prise en main. Le Model 3 mesure 4.70m de long et 1.93m de large, mais l’impression de compacité domine, sans doute induite par le faible diamètre du volant. L’extrême dépouillement de l’intérieur et l’absence de bloc d’instruments a permis l’abaissement de la hauteur de la planche de bord, alors que sur les voitures classique, elle culmine au niveau de la jante du volant. Les montants A enserrant le pare-brise sont par contre assez massifs et gênent la visibilité diagonale vers l’avant.
En remontant la 101 vers Palo Alto, les premières sensations affluent. Le bruit de roulement est conséquent. Les revêtements des autoroutes dans la baie de San Francisco sont souvent rugueux et bruyants, mais l’amplitude sonore me surprend en comparaison avec la Nissan Altima avec laquelle je viens de faire le trajet inverse. C’est surtout la sécheresse de l’amortissement qui me surprend et sera un thème dominant pendant tout l’essai. Le tarage des ressorts et des amortisseurs est extrêmement ferme, punitif, tant en mode primaire (grosses compressions, basse fréquences) qu’en mode secondaire (filtrage des inégalités, hautes fréquences).
Pourtant notre voiture est équipée des jantes de 18 pouces (235/45R18, par ailleurs déshabillées de leurs flasques disgracieuses), avec des flancs de pneumatiques sans doute plus magnanimes que la monte de 19 pouces, la seule option (1500$) dont cet exemplaire ne dispose pas.
Autant régler la question d’emblée: la signature de ce réglage châssis est une aberration, les premiers clients se sont plaints et Tesla a dû corriger le tir. De nouveaux ressorts et amortisseurs ont été introduits en production à la mi-Décembre 2017 et sont sensés être mis à la disposition de clients qui le souhaitent, même si l’exécution de ce retrofit est entourée d’un certain flou. Corriger l’erreur est louable, mais avoir laissé passer un set-up aussi extrême en validation finale est pour le moins surprenant.
J’ai fait l’erreur de ne pas repérer les fonctions de base sur l’écran de 15 pouces par lequel tout se commande et je me retrouve pris au piège par un léger crachin sans savoir où se trouvent la commande d’essuie-glace. Le commodo de gauche fait signofil, celui de droite commande le sens de marche. Je me débrouille tant bien que mal avec le bouton de lave-glace avant de découvrir, à destination, que le menu d’essuies-glace est une des pages du menu glissant au coin inférieur gauche de l’écran. Les boutons et commandes classiques dédiés ont leur charme.
Soumis à un planning serré, mon Model 3 m’a été livré avec seulement 110 miles d’autonomie résiduelle. Je m’apprête donc à faire le plein aux stations de charge de mon hôtel à Palo Alto pendant la nuit. Sauf que le port de charge du Model 3 n’est pas compatible avec les prises de type 1 (SAE J1772) standardisées aux Etats-Unis. Je cherche dans la console centrale, le coffre avant, le coffre arrière, rien. Pas de charge pendant la nuit.
Le lendemain matin, je fonce vers le supercharger le plus proche, celui de Mountain View, en pleine zone d’immeubles de bureaux. Et surprise, à 7h40 un dimanche matin, il ne reste que deux places libres sur douze. Des propriétaires de Model S et Model X semblent motivés par la gratuité ou contraints par des contingences pratiques de refaire le plein de bon matin le week-end, ce qui est surprenant pour la clientèle de voitures de ce prix. Pour le Model 3, point de gratuité, j’engrange 128 miles d’autonomie (206 km) en 32 minutes pour un coût de 7.80$, soit 3.80$ aux 100 km. Modique, mais pas tant que ça dans un pays où l’essence coûte 90 centimes le litre.
Je libère la place au bénéfice d’un autre forçat de la mobilité électrique et pointe le museau controversé du Model 3 vers la rive est de la baie. Le Model 3 conserve le côté ludique des Model S et Model X. Le couple est disponible instantanément et procure des accélérations balistiques qui déposent à peu près tout ce qui roule jusqu’à 100 km/h. La poussée s’édulcore à plus haute vitesse. Le couple maxi et la puissance restent un mystère. Tesla ne communique rien, certaines sources situent le couple à 430 Nm et la puissance à 258 ch, d’autres donnent des chiffres plus élevés. Le 0-96 km/h en 5.1s donne une bonne mesure de la mise en vitesse de l’engin.
Avec un minimum d’habitude, l’utilisation de l’écran multifonction devient plus intuitive. Peu de fonctions sont accessibles sans cliquer, glisser ou trifougner dans des sous-menus. La logique de réduction des coûts est évidente, l’ergonomie d’utilisation plus discutable. L’interface graphique est au standard de Tesla, avec une excellente qualité graphique. L’introduction de destinations dans la navigation est facile. Le Model 3 supporte le contrôle d’accès par application sur smartphone, mais nous avons pu utiliser que la clé pour valets, une smart card assez irritante puisqu’elle requiert un contact direct avec le montant de la porte pour l’ouverture, et la console centrale pour la mise en marche.
Les premières photos stockées en flash, nous nous dirigeons vers la mecque de la communauté Musk, l’ancienne usine Toyota de Fremont, pour compléter le plein des batteries. Il est 9h50 en ce dimanche radieux, et nous devons faire la queue pour obtenir une place. Certains dorment ou rattrappent leur email en retard pendant que leurs voitures chargent. Nous accumulons 84 km en 18 minutes pour 3.12$. La puissance de charge n’a atteint que 63 kW et sur un bref intervalle, le courant de charge diminuant au fur et à mesure que la batterie se remplit.
Nous repassons le pont Dumbarton dans le sens inverse en direction de la route 84 et entamons l’ascension vers Skyline Blvd, l’épine dorsale des routes sinueuses de la péninsule, rendez-vous des conducteurs sportifs et motards de la Silicon Valley. Le Model 3 est pour l’instant une propulsion, avant une future mise en production des versions D à double moteur.
En ayant le pied lourd, la déferlante de couple met facilement à mal la motricité des Michelin de 235 mm de large, provoquant des dérobades promptement jugulées par l’électronique, mais qui pourraient surprendre. L’antipatinage n’est pas déconnectable, et la fonction Slip Start, destinée aux conditions neigeuses ou boueuses, ne semble pas fournir de recette pour les amateurs de burn-outs ou de donuts.
Le comportement demeure nettement plus convaincant que celui du Model S. Le train avant est plus accrocheur et à moins tendance à partir en luge en forte accélération. Combiné à un poids contenu (1730 kg annoncés) et au centre de gravité très bas, le Model 3 fait preuve d’une belle agilité et le rythme dont il est capable pourrait en surprendre plus d’un sur route sinueuse. La combinaison du couple abondant et immédiat avec la possibilité de l’exploiter dès la corde rendent le Model 3 aussi amusant qu’efficace. La limite vient plus du manque de maintien latéral des sièges que du châssis, ou même des Michelin Primacy.
Elon Musk a promis un Model 3 à 35’000$ comme voiture électrique du peuple. Notre voiture d’essai, équipée de toutes les options sauf les jantes sport de 19 pouces, coûte 58’000$, soit 65% de plus. En faisant une simple règle de trois avec les tarifs du Model S 75D (74’500 USD et 80’190 CHF), on arrive à un prix estimé de 62’430 CHF.
La valeur perçue est contrastée. Cet intérieur nu a une dimension calviniste prononcée. Il n’y a rien sauf le volant et cette grande tablette de 15 pouces, par ailleurs solidement arrimée à la planche de bord. La décoration en bois à pores ouverts est de bonne facture (un composant du pack premium à 5000$), tout comme le ciel de toit en alcantara. La sellerie, présumée en cuir synthétique comme sur le Model S depuis l’abandon des peaux animales, fait également bonne impression.
La console centrale est par contre indigne d’une voiture de ce prix, et le système de verrouillage des trappes de rangement laisse à désirer. Les places arrières surprennent par leur assise très basse et, comme sur le Model S, la garde au toit n’est viable pour un adulte que d’extrême justesse et grâce au toit panoramique (autre élément du pack premium), ne laissant qu’un tout petit doigt entre mon occiput et le verre. L’espace au jambe est suffisant et paraît subjectivement plus généreux que dans une Audi A4 par exemple. Les deux coffres sont annoncés à 424 litres de capacité combinée (Tesla ne communique pas les valeurs de chacun) et l’ouverture de la malle arrière est étroite (107 cm).
Tesla promet une autonomie de 499 km EPA pour la version à haute autonomie, et 354 km pour la version de base. Le cycle EPA est beaucoup plus réaliste que les équivalents européens, le nouveau protocole WLTP n’étant qu’un progrès mineur par rapport à la farce NEDC. Et il ne faut jamais oublier la marge vitale nécessaire sur une électrique. Si tirer un réservoir de carburant jusqu’à 20 km voire moins ne pose aucun problème du fait de l’ubiquité et de la rapidité du ravitaillement, tirer une charge à son minimum tient de la corde raide sans filet.
Sur cet essai, notre consommation indiquée a été de 241 Wh/mi, soit 149 Wh/km, ce qui est remarquablement faible et difficile à expliquer. La régénération, réglable sur deux niveaux comme sur les autres Tesla, permet de rouler sans utiliser la pédale de frein et donc de récupérer un maximum d’énergie cinétique.
Nous avons eu l’occasion de tester l’Autopilot et sa fonction Autosteer (annoncée en version beta). Le système reste un des meilleurs assistants de guidage de ligne, les caméras réalisant un travail assez remarquable. Il n’est pas conçu pour être utilisé hors autoroute mais le permet malgré tout, et les intervalles entre alertes de reprise en main du volant sont beaucoup plus espacées que chez les autres constructeurs.
J’ai toutefois été surpris par l’absence d’intégration avec la navigation. Itinéraire programmé, l’Autosteer a gaillardement ignoré une bretelle de raccordement indiquée par le système navigation, et Tesla ne semble pas non plus asservir la régulation de vitesse aux données GPS. Le système reste donc un régulateur de vitesse adaptatif doublé d’un assistant de ligne efficace, mais aussi extrêmement permissif, sans doute trop.
Le Model 3 n’échappe pas aux contingences économiques des électriques. Pour offrir une autonomie décente, une grosse batterie a dû être intégrée, ce qui non seulement fait croître considérablement le prix par rapport à la promesse d’une électrique “pour tous” à 35’000$, mais débouche également sur le même constat que sur les autres électriques voulues accessibles: une finition intérieure en décalage marqué avec le prix demandé. Tesla a choisi de regrouper tous les composants possibles sur son écran tactile, mais l’impression de dépouillement extrême qui en résulte est tenace.
Ces contingences intégrées, le Model 3 est une voiture agréable, réussie dans sa fonction intrinsèque. Son défaut majeur, la suspension, imposera un nouvel essai pour déterminer si sa correction est plus réussie que sa définition initiale.
Configuration du véhicule d’essai
Tesla Model 3 | 35’000 US$ |
Batterie longue autonomie | 9’000 US$ |
Peinture Midnight Silver Metallic, Deep Blue Metallic, Silver Metallic, Pearl White Multi-Coat, Red Multi-Coat. | 1’000 US$ |
Premium upgrade package: sièges chauffants, la décoration en bois à pores ouverts, deux ports USB à l’arrière, des sièges électriques réglables selon 12 axes, le réglage électrique de la colonne de direction et des rétroviseurs, un système audio premium, un toit panoramique en verre, des phares anti-brouillards et une console centrale avec rangement fermés et station de charge pour deux smartphones. | 5’000 US$ |
Enhanced Autopilot | 5’000 US$ |
Conduite autonome | 3’000 US$ |
Prix catalogue | 58’000 US$ |
Autres options
Jantes sport 19″ | 1’500 US$ |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Tesla Model 3 | Opel Ampera-e | Hyundai IONIQ Electrique | BMW i3 | |
Puissance (ch) | 306** | 204 | 120 | 170 |
Couple (Nm) | 563** / 1 – 7000 | 360 | 295 | 250 |
Transmission | propulsion | traction | traction | propulsion |
Poids DIN (constr.) | (1610 / 1730) | (1691) | (1475) | (1245) |
0-100 km/h (sec.) | 5.6 / 5.1 | 7.3 | 9.9 | 7.3 |
Vitesse max. (km/h) | 210 / 225 | 148 | 165 | 150 |
Conso. Mixte Wh/km (constr.) | 149 | 198 (136) | (115) | (131) |
Batterie (kWh) | 50 / 74 | 60 | 28 | 33 |
Autonomie (km) |
354 / 499*** | 530**** | 280**** | 312**** |
Longueur (mm) | 4694 | 4164 | 4470 | 3999 |
Largeur (mm) | 1933 / 2088 | 1854 / 2039 | 1820 | 1775 /2039 |
Hauteur (mm) | 1443 | 1594 | 1450 | 1578 |
Empattement (mm) | 2875 | 2600 | 2700 | 2570 |
Coffre (L) | 425 | 381 / 1274 | 350 / 1410 | 260 / 1100 |
Roues | 235/45R18 | 215/50 R17 | 205/55 R16 | 155/70 R 19 |
Prix de base (CHF) | 62’430* | 52’700 | 36’990 | 39’200 |
Prix de base (EUR) | NC | 42’990 | 35’850 | 37’300 |
*projection **valeurs officieuses ***valeur EPA ****valeur NEDC
Galerie de photos
Afficher la galerie de photosGalerie de photos – Ecrans de configuration
Afficher la galerie de photosLiens
Le sujet du forum – les articles Tesla – la liste des essais – à lire également: