Audi R8 V10 Spyder un des derniers représentants d’une catégorie vouée à disparaitre ?
Mon premier contact avec une R8 date du salon de Francfort 2003 lorsque Audi présente le concept baptisé Le Mans quattro. Je me souviens très bien de ma réaction lorsque j’étais en face de cette voiture, ce n’est qu’un concept destiné à montrer des éléments visuels qui viendront dans le reste de la gamme. Je n’avais pas saisi que Audi avait bel et bien un plan d’expansion de sa ligne de produits pour englober un coupé haut de gamme. La version de série viendra au Mondial Automobile de Paris en automne 2006. Elle reprend alors le nom de la voiture de course endurance introduite en 1999 et ayant conquis 63 victoires en 79 courses entre 1999 et 2005, dont 5 victoires au 24h du Mans.
J’ai l’occasion de prendre le volant de cette première génération de R8 peu après sa commercialisation au printemps 2007. Elle était alors motorisée par le V8 4.2l qu’elle partageait avec la RS4 B7. A l’époque il était question de savoir si ce coupé jouait dans la même catégorie qu’une Porsche 911, dès les premiers mètres à son volant il était clair que ce n’était pas le cas. La demande à son lancement a été très importante et a certainement mis à rude épreuve les nerfs des responsables de la planification de la capacité de production chez Audi. Ceux-ci sont restés sur leur plan initial avec un volume plafonné à 29 voitures par jour. C’était certainement une bonne décision, le sommet annuel des ventes a été atteint en 2008 avec 5656 voitures pour un total à fin 2016 de près de 29’000 R8 de première génération livrées.
Fin 2008 Audi dévoile la version V10 de la R8 avec un moteur dérivé de celui de la Lamborghini Gallardo. Commercialisée en 2009, nous avons l’occasion exceptionnelle de conduire ce modèle sur le circuit F1 de Catalunya à Barcelone dans le cadre d’une journée Audi Sportscar Experience. Le déroulement de cette journée avec les bases de conduite, l’apprentissage du circuit par sections puis les séries de tours sur le circuit complet permettent de réellement mettre en évidence les qualités de cette voiture. J’ai gravé dans ma mémoire cette journée comme l’une des meilleures expériences de conduite. Le passage du virage 3, une épingle à grand rayon abordée en 4ème à environ 120 km/h pour en sortir pied au plancher à prêt de 140 km/h. Le virage 9 en dos d’âne avec sa sortie aveugle était un challenge avant d’aborder le freinage de la Caixa à 200 km/h. Puis les deux derniers angles droits en descente (nous n’empruntions pas la chicane construite pour les F1) en 3ème si possible sans toucher aux vibreurs en sortie de courbe. Les performances, l’équilibre et le comportement général de la voiture nous avaient séduit, la R8 avait passé l’examen du circuit avec brio.
Dix ans après mon premier essai je retrouve la R8 en version spyder pour une dizaine de jours. La chance est avec nous, cette deuxième semaine d’octobre nous propose une météo favorable, nous décidons de partir deux jours sur nos routes favorites des cols du centre de la Suisse, le Susten, l’Oberalp, le Gothard et le Nufenen. Premier constat, aucune chance de caser dans la voiture le matériel photo et de quoi passer une nuit à l’hôtel pour deux personnes. Le gros, et à mes yeux le seul, point faible de cette voiture est son manque de place pour les bagages et de manière plus générale pour tout rangement. Dans l’habitacle, le dossier des sièges touche pratiquement la paroi de séparation avec le moteur. Les possibilités de rangement sont peu nombreuses et de petite taille. Le coffre de 112 litres permet d’accueillir une valise de cabine, et c’est à peu prêt tout, on peut encore y ajouter deux sacs d’ordinateur, mais la hauteur est limitée. Il est difficile d’imaginer un voyage de quelques jours à deux avec un seul bagage cabine. Notre escapade nécessite donc une voiture de soutien pour les bagages !
Je m’installe à bord, à ce propos je constate l’aisance avec laquelle on peut le faire, pour une assise basse il est très facile d’entrer et sortir de l’Audi R8, c’est loin d’être toujours le cas dans une supercar. Je presse le bouton du démarreur et le « VROUM » de démarrage surprend par son volume, le parking souterrain amplifie certes le phénomène, mais je ne crierais pas au scandale si le volume sonore était plus réduit. Un ralenti rapide accélère la prise de température des fluides, il retrouve un niveau plus raisonnable dès la fin des manœuvres de sortie du garage. Le compte-tour indique une zone rouge à 6000 tr/mn tant que le moteur n’a pas atteint sa température idéale. Je sélectionne le mode « confort » pour le trajet autoroutier. La R8 dispose du même mode de sélection des paramètres de réglage que le reste de la gamme Audi. Le Drive Select propose quatre sélections : Confort, Auto, Dynamic et Individual. Sur chacune de ces positions il est possible de varier les paramètres suivants : la réponse à la pédale d’accélérateur, les lois de passages de rapports de la boite à vitesse, l’assistance de direction, les valves de l’échappement et, en option les paramètres d’amortissement et de direction dynamique.
Le trajet autoroutier en ce matin d’octobre est peu encombré, il me permet de détailler l’intérieur de ce cabriolet. Le cockpit est constitué de deux éléments, le volant et l’affichage LCD derrière celui-ci. Les commandes principales sont regroupées sur le volant, démarrage, sélection des modes de conduite, paramètres d’affichage, réglages de l’ordinateur de bord et du système d’infotainment. Au centre de la voiture 3 boutons rotatifs dominent le haut du tableau de bord, ils regroupent les réglages de la climatisation. Entre les sièges on trouve le sélecteur de boite à vitesse et le set de réglages MMI avec son bouton rotatif disposant d’une surface tactile pour le contrôle complet des paramètres de l’ordinateur de bord et de la navigation. Devant l’accoudoir enfin, les commandes d’ouverture de la capote, de la vitre arrière et le frein à main électrique.
L’affichage « Virtual Cockpit » derrière le volant concentre donc toutes les informations. Il est divisé en trois sections, au centre on trouve un grand compte tour avec indication digitale de la vitesse. A droite on peut afficher des paramètres de la voiture comme un indicateur de la puissance et du couple moteur ou les pressions et températures des pneus. A gauche on trouve les indications concernant le GPS, le téléphone, la radio ou l’ordinateur de bord. Les données sont claires et lisibles, dans l’axe de vue, la multiplication d’écrans auxiliaires serait totalement inutile. J’apprécie de n’avoir qu’un seul affichage de grande taille.
En mode « confort » à vitesse stabilisée par le tempomat, la voiture est silencieuse, on n’entend le moteur que lorsqu’on relance à l’accélérateur, dans ce cas la boite descend en 6ème. Si on décide de reprendre sa vitesse de croisière en agissant sur la commande de tempomat la voiture se fait encore plus discrète en restant sur le rapport supérieur. La suspension est souple et amorti très bien toutes les aspérités. Les sièges s’avèrent très confortables, assurant un bon maintien jusqu’aux épaules, malgré des côtés plutôt évasés.
Les magnifiques couleurs automnales baignées par le soleil donnent à la vallée de Gadmen une touche exceptionnelle. La température est largement suffisante pour permettre de rouler décapoté et ainsi profiter au maximum des sensations distillées par ce spyder. Dans sa partie inférieure, la route du Susten serpente en forêt, avec quelques zones en sous-bois encore humides, mais plus haut, la route est totalement sèche et me permet donc de passer aux choses sérieuses en pressant le bouton moleté « Performance » spécifique à la R8. En plus de passer les paramètres du Drive Select en dynamique, il déclenche, ou en tout cas réduit l’action du contrôle de trajectoire et de l’anti patinage. Il dispose de 3 modes : « Dry », « Wet » et « Snow », donc pour routes sèches, mouillées ou recouvertes de neige.
Je suis donc dans les hauts de la montée du Susten côté bernois, ma voiture est en mode « Performance Dry », boite en mode manuel et je roule capote ouverte. Tous les ingrédients du plaisir automobile sont réunis. La route est entrecoupée de courts tunnels, ils mettent en évidence les pétarades de l’échappement à chaque levée de la pédale d’accélérateur, avec parfois un claquement encore plus intense. L’expérience sonore est indescriptible, le V10 à pleine charge produit un son rauque et grave. Les montées en régime sont linéaires, la voiture n’est pas « méchante » elle n’a pas la niaque des moteurs turbos actuels, mais elle pousse de manière constante avec une allonge interrompue à 8700 tr/mn par le passage au rapport supérieur à la vitesse de l’éclair, sans le moindre à-coup. La boite double-embrayage S-Tronic à 7 rapports est parfaite dans cet exercice. Je note juste des palettes derrière le volant un poil trop courtes, je ne les actionne que du fin bout de mes majeurs.
La descente du côté uranais dans le Meiental avec sa route à flanc de montagne met les freins à rude épreuve. Notre voiture de test est équipée de l’option freins céramique (CHF 11’570.-), ils s’avèrent tout à fait à la hauteur, en conduite sportive l’attaque est franche, et je ne constate aucune faiblesse après plusieurs kilomètres de descente. Le lendemain nous mettons le cap au sud pour rejoindre Andermatt et emprunter la montée du col de l’Oberalp. Cette portion de route est très intéressante pour évaluer le comportement de la voiture. Elle présente des épingles larges et des enchaînements de virages dans les prairies offrant une grande visibilité. L’équilibre de la R8 est extraordinaire, le roulis inexistant. Je suis impressionné par les qualités de ses suspensions « Magnetic Ride »: ce système permet d’absorber les inégalités de la route tout en assurant un châssis assez ferme en virage ou lors de freinages appuyés.
Nous prenons maintenant la direction du col du Gothard pour mettre quelques photos en boite. Emprunter les larges épingles sur viaduc sont un régal, le mur renvoie les pétarades de l’échappement lors des freinages appuyés rythmés par les clicks sur la palette de gauche pour descendre les rapports de boite. Il est possible d’accélérer tôt en sortie de courbe, mis en confiance par une arrivée progressive du couple. Je me résous à changer de rapport tôt pour rester dans des vitesses acceptables. La voiture élargit la trajectoire sans la moindre action au volant, aidée par le grip très important des Pirelli P ZERO équipant notre voiture. On sent le travail de la transmission quattro aux quatre roues avec un train avant aidant la réaccélération lors des sorties de virage. La seule petite critique dans ces conditions est une direction un peu trop assistée pour une définition de direction aussi directe. J’ai un peu de mal à doser correctement les actions au volant.
Le moteur V10 de 5.2 litres de cylindrée développe 540 Nm à 6500 tr/mn et 540 ch à 7800 tr/mn. A noter qu’il existe une version « Plus » de ce moteur proposant une puissance et un couple majorés à, respectivement, 610 ch à 8250 tr/mn et 560 Nm au régime inchangé de 6500 tr/mn. Audi communique un poids DIN de 1720 kg pour ce cabriolet. A l’intérieur l’équipement est très bien fourni, il offre tout ce dont on peut imaginer aujourd’hui en terme de divertissement et d’information. Un chargeur à la norme QI trouve sa place à l’avant de la console centrale. J’en profite pour vérifier sa compatibilité avec le nouvel iPhone 8. J’apprécie le rappel par une voix féminine de ne pas oublier mon téléphone lorsque je sors de la voiture sans le prendre.
Le reste de la semaine la R8 m’accompagne pour les trajets quotidiens. Elle s’acquitte de cette tâche avec brio. Rares sont les supercars à l’aise dans la circulation urbaine, l’Audi R8 en mode confort se montre aussi sous un bon jour. A part une commande de boite qui pourrait monter les rapports un peu plus tôt sur un filet de gaz, et, peut-être un démarrage plus silencieux, le reste de la voiture se montre très facile. On se sent à l’aise à son volant dès les premiers kilomètres. Elle n’intimide pas le conducteur comme certaines de ses concurrentes. Le freinage céramique est ici un peu moins à son aise, l’attaque de la pédale est un peu trop franche, il demande un dosage très fin pour garder une conduite fluide. Son design et probablement également l’image de marque de Audi plait, je ne compte plus les commentaires positifs dans mon entourage, incontestablement Audi montre ici l’étendue de possibilités qu’elle peut faire valoir.
Lors de notre parcours de plus de 1000 km nous avons consommé 16.85 l/100km, l’ordinateur de bord s’avère un peu optimiste en montrant une valeur moyenne de 15.9 l/100km. Mis à part sa capacité de chargement largement inférieure à ce que proposent ses concurrentes de Ferrari ou Porsche, la voiture m’a séduit par une facilité d’utilisation peu commune pour une supercar. Elle offre, à mes yeux, le meilleur compromis confort de roulage et équilibre en virage. Il est rare de trouver une voiture aussi à l’aise sur route défoncée à faible vitesse comme en attaquant sur route lisse. Le spyder magnifie l’expérience sonore, surtout lorsque le mode performance « magique » est enclenché. Cette Audi R8 distille des sensations de haut niveau proche de ce qu’il se fait de mieux avec une motorisation atmosphérique. Elle me rappelle les sensations que nous avions relatées lors de notre essai de la Ferrari F12, une voiture facile d’accès, utilisable au quotidien tout en offrant des sensations et des performances de supercar. La R8 est un digne représentant d’une catégorie de moteur qui va disparaître au profit de moteurs turbo aux caractéristiques différentes.
Prix et options du véhicule essayé
Audi R8 V10 Spyder | CHF 222’000 | € 185’700 |
Couleur Bleu Ara Cristal | CHF 2’020 | € 1’820 |
Freins en carbone céramique | CHF 11’570 | € 10’430 |
Phares à LED avec éclairage laser | CHF 4’400 | € 3’960 |
Echappement sport | CHF 2’480 | € 2’230 |
Side blade carbone brillant | CHF 1’440 | € 2’580 |
Jantes alu forgé 20″ titan mat | CHF 3’260 | € 2’940 |
Pack extérieur en carbone brillant | CHF 7’680 | € 6’920 |
Finition tout cuir Nappa fin | CHF 4’010 | € 3’610 |
Coutûres de couleur contrastante | CHF 910 | € 820 |
Jupe de bas de caisse en cuir Nappa fin | CHF 650 | € 590 |
Applications intérieures en carbone brillant | CHF 2’280 | € 2’000 |
Applications étendues en carbone brillant | CHF 2’540 | € 2’250 |
Rétroviseurs en carbone | CHF 1’830 | € 1’640 |
Prises d’air en carbone | CHF 2’870 | N/A |
Volant multifonctions à 4 satellites | CHF 2’220 | € 2’000 |
Moulures de seuil avec insert en aluminium éclairé | CHF 850 | N/A |
Direction dynamique | CHF 1’830 | € 1’640 |
Caméra de recul | CHF 810 | € 730 |
Audi Smartphone Interface | CHF 330 | € 310 |
Bonus premium | – CHF 9’890 | – |
Prix catalogue du véhicule de test | CHF 265’090 | € 232’170 |
Face à la concurrence
Audi R8 V10 Spyder | Lamborghini Huracan LP610-4 | Ferrari 488 Spider | Porsche 991 Turbo Cabriolet | |
Moteur | V10 5204 cm3 | V10 5204 cm3 | V8 biturbo 3902 cm3 | B6 biturbo 3800 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 540 / 7800 | 610 / 8250 | 670 / 8000 | 540 / 6400 |
Couple (Nm / tr/min) | 540 / 6500 | 560 / 6500 | 760 / 3000 | 710 / 2250-4000 |
Transmission | Quattro | 4 RM | AR | 4 RM |
Boite à vitesses | S-Ttronic, 7 | LDF, 7 | F1, 7 | PDK, 7 |
RPP (kg/ch) | (3.19) | N.C. | (2.28) | (3.08) |
Poids DIN (constr.) | (1720) | N.C. | (1525) | (1665) |
0-100 km/h (sec.) | 3.6 | 3.4 | 3.0 | 3.1 |
Vitesse max. (km/h) | 318 | 324 | 330 | 320 |
Conso. Mixte (constr.) | 16.85 (11.7) | (12.5) | (11.4) | (9.3) |
CO2 (g/km) | 277 | 285 | 260 | 216 |
Réservoir (l) | 80 | 80 | 78 | 68 |
Longueur (mm) | 4426 | 4459 | 4568 | 4507 |
Largeur (mm) | 1940-2037 | 1924-2236 | 1952 | 1880 |
Hauteur (mm) | 1244 | 1180 | 1211 | 1294 |
Empattement (mm) | 2650 | 2620 | 2650 | 2450 |
Coffre (L) | 112 | N.C. | 230 | 115 |
Pneus AV | 245/35 R19 | 245/30 R20 | 245/35 R20 | 245/35 R20 |
Pneus AR | 295/35 R19 | 305/30 R20 | 305/30 R20 | 305/30 R20 |
Prix de base (CHF) | 222’000 | 274’000 | 277’600 | 227’800 |
Prix de base (EUR) | 185’700 | 223’860 | 232’399 | 190’895 |
Nos remerciements à Audi Suisse pour le prêt de la R8 V10 Spyder.
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