Essai Bentley Continental GT Convertible V8S: au revoir

Au crépuscule de son cycle, la Continental GTC conserve son charme et ses quelques lacunes. 

Pourquoi essayer la même voiture à trois ans d’intervalle ? Les premières impressions de conduite attentive sont souvent les bonnes, la durée et les kilomètres permettent ensuite d’affiner, mais les révélations tardives ou revirements complets sont rares. Le travail de l’essayeur automobile consiste à remettre dans un contexte temporellement distant des sensations de conduite qui sont subjectives par nature. Souvent une appréciation relative, parfois la présence ou l’absence d’une réaction de la machine à un stimulus particulier, qu’il provienne du conducteur ou de la chaussée. Essayer la même voiture à trois ans d’intervalle peut permettre de re-calibrer ses références sur un étalon. Et puis il y a des voitures qu’il est difficile de refuser, par simple plaisir. La Bentley Continental GT en fait pour moi partie.

  

L’attraction trouve sans doute sa source à l’intérieur. La sellerie, souvent matelassée, toujours au grain fin et soyeux, est au coeur de l’ambiance Bentley. Les commodos ne se contentent pas du plastique et intègrent des pièces en alliage. Le levier de sélection, délicieusement moleté, cultive des thèmes communs à la haute horlogerie, le travail des alliages, le soin obsessif du détail. Les larges surfaces de la planche de bord sont généralement couvertes d’essences nobles, même si je confesse que c’est rarement ce qui m’attire le plus chez Bentley. Puis il y a les moquettes, profondes et moelleuses. C’est un luxe confortable, fonctionnel et prévenant, dont les chromes flirtent avec le clinquant mais évitent soigneusement le vulgaire.

Puis il y a naturellement la mécanique et le châssis. Si la renaissance de Bentley autour de la Continental GT a ses racines solidement ancrées dans le W12 biturbo de 6 litres, les impératifs de consommation et d’émissions ont finalement imposé l’adoption d’une motorisation plus raisonnable sous la forme d’un V8 suralimenté. Et pas n’importe quel V8 puisqu’il s’agit ni plus ni moins du 4 litres biturbo qui équipe le haut de gamme Audi, de la S6 à la RS7 en passant par l’icônique RS6. Un groupe à injection directe, désactivation de cylindres et double turbos logés au centre du V. Il développe ici 680 Nm de 1700 à 5000 t/min, alors que la puissance culmine à 528 chevaux à 6000 t/min. Une version plus sage que celle équipant la monumentale RS6 Avant (700 Nm & 560 ch) et sa déclinaison Performance (750 Nm en overboost et 605 ch). La transmission de ce couple généreux est confiée à une boîte automatique ZF à 8 rapports, avec renvoi vers les 4 roues à raison de 40% vers l’avant et 60% vers l’arrière par défaut, et une plage de distribution allant de 65/35% à 15/85%.

 

Nous avions donc testé une Continental GT Convertible V8S en 2014, et étions revenu de cet essai à la fois séduits par cet écrin de luxe, ce spa à ciel ouvert, mais déçus sur un point crucial. La rigidité est un défi technique majeur dans l’opération d’ablation du toit d’un coupé, défi amplifié par la longueur respectable de la Continental GT, soit 4.80m. Le problème est plus simple à décrire qu’à résoudre: prenez une boîte à chaussures et retirez le couvercle. La boîte perd sa rigidité de torsion et de flexion. En pratique, les indices sont perceptibles avant même qu’ils ne deviennent réellement dérangeant à la conduite: propagation de vibrations dans le plancher, la colonne de direction et le pare-brise.

C’est donc sans trop de peine que j’ai rationalisé la décision de reprendre une Continental GTC V8S en essai, décision que je n’ai pas regretté en découvrant la splendide configuration de cet exemplaire. La livrée Sunset, un brun-bordeaux subtil qui aurait pu être nommé plus poétiquement Nectar of Sassicaia ou Delightful Barolllo, convient à merveille à l’élégance naturelle de la Continental GT. A l’intérieur, la sellerie à deux tons Porpoise sur Beluga tient avec panache la promesse d’un intérieur Bentley. J’ai un jugement plus réservé sur la finition carbone mat, peut-être préférable au sempiternel et délicat piano black, mais terne à mon goût et onéreuse (4’205 €).

A peine à bord, je m’empresse d’ouvrir le toit. La capote électrique n’est pas particulièrement rapide dans son action (une petite vingtaine de secondes), mais peut-être ouverte ou fermée jusqu’à 30 km/h, ce qui peut sauver la mise à un feu rouge. Dans les évolutions urbaines, ici accompagnées du mumure du V8 biturbo et d’une ligne d’échappement sport très fréquentable, la Continental GT est toujours aussi prévenante, onctueuse, feutrée.

Conscient des limites structurelles, j’ai décidé de contourner l’obstacle en adoptant un rythme de balade pour une escapade champêtre. Suspension en mode confort – les tarages plus agressifs ne font que souligner le phénomène, je concentre mon attention sur les plaisirs du cabriolet. La chaleur et les senteurs d’une fin d’après-midi d’été alternant avec la fraîcheur des sous-bois, l’impression de profiter au maximum de ces précieux moments de clémence météorologique.

Nous n’avons pas re-pesé cette Conti GTC, mais l’exemplaire de notre précédent essai en 2014 accusait 2511 kg sur nos balances, à raison de 55.0% sur l’avant et 45.0% sur l’arrière. C’est beaucoup dans l’absolu, mais Bentley est toujours parvenu à masquer le poids de ses GTs. Si on le sollicite un tant soit peu, la poussée du V8 biturbo est franche et procure de bonnes sensations. Les accélérations ne sont pas hypercar-esques (Bentley ne revendique ‘que’ 4.7s pour le 0-100 km/h), mais largement suffisantes pour rendre la conduite à la fois attrayante et sereine. Rouler à des vitesses quasi légales avec le grondement sourd du V8 n’est pas un purgatoire, mais s’autoriser quelques polissonneries en puisant dans les amples réserves de couple conserve tous ses attraits.

 

Les routes bien revêtues permettent de puiser dans le potentiel redoutable du châssis en termes de grip et de motricité. Les qualités intrinsèques du coupé Continental GT sont bien là, elles sont justes mises à mal si le revêtement se dégrade trop. Ou, plus précisément, elles sont altérées dans leur précision et leur pureté par les conséquences parasites du décapsulage. Ceci revient à essayer d’apprécier un repas gastronomique servi sur une table bancale. C’est un aspect paradoxal de cette réalisation britannique: la médiocrité du réseau routier semble être une fierté nationale, mais cette Continental GT Convertible ne sera vraiment à son aise que sur d’excellents revêtements, comme on en trouve dans certaines régions de Suisse ou du sud de l’Espagne.

Le plaisir de rouler en Conti GTC s’apprécie de préférence à …. deux. Malgré ses dimensions respectables, un des paradoxes de la Continental GT est d’être plus un cabriolet 2+2 qu’une 4 places, l’espace disponible pour pieds et genoux aux places arrière est compté très chichement. Les dossiers des sièges avant ont beau être échancrés pour ménager un peu d’espace pour les genoux, on est loin du compte nécessaire pour accueillir des adultes ou des adolescents, à moins de conduire menton dans le volant.

  

V8 ou W12 ? Objectivement, surtout sur un cabriolet, le V8 est le choix le plus avisé. Ses prestations sont homogènes, les performances largement suffisantes, et la promesse d’un déploiement sans effort (“effortless performance”) est tenue. Le W12 et ses litres n’amènent objectivement pas un plus décisif dans l’agrément de conduite pour une auto qu’on aura tendance à conduire moins sportivement qu’un coupé.

Bentley a dévoilé le 29 Août 2017 la Continental GT de troisième génération. Une voiture entièrement nouvelle, avec notamment un empattement allongé, une suspension anti-roulis active, un nouvelle boîte à double embrayage et un intérieur radicalement modernisé. La production des coupés et cabriolets de cette génération cesse, laissant aux amateurs l’inventaire exposé en concession et le marché de l’occasion. Ainsi que la promesse d’une future Continental GT Cabriolet qui cultive le cachet unique de Bentley et corrige les carences de la génération précédente pour en faire l’irrésistible cabriolet 2+2 que cette auto peut être. Une GT qu’on prend un énorme plaisir à tester. Et retester.

 

Prix et options du véhicule essayé

Bentley Continental GT Convertible V8S € 174’700
Freins Carbone Céramique € 11’990
Premier Specification € 6’735
Mulliner Driving Specification € 6’185
Peinture Sunset € 4’285
Intérieur carbone € 4’205
Régulateur de vitesse adaptatif € 2’130
Echappement sport € 1’935
Coutures contrastantes € 1’485
All Seasons Specification € 1’430
Bentley GPS tracking system € 1’405
Optiques de phare assombries AV/AR € 1’355
Tuner TV € 925
Hotspot WiFi 4G € 850
Roue de secours compacte € 525
Rétroviseurs extérieurs Beluga brillant € 500
Changeur de CD € 500
Compartiment de stockage console centrale € 480
Tapis profonds AV/AR € 320
Cendriers AV/AR € 310
Acoudoirs sièges avant € 255
Coutures volant couleur contrastante € 160
Chargeur de batterie € 100
Prix catalogue du véhicule de test € 216’030

 

Face à la concurrence

Bentley Continental GTC V8S Ferrari California T Porsche 911 Turbo Cabriolet
Moteur V8 biturbo 3993 cm3 V8 biturbo 3855 cm3 B6 biturbo 3800 cm3
Puissance (ch) 528 / 6000 560 / 7500 520 / 6000-6500
Couple (Nm) 680 / 1700 755 / 4750 660 / 1950-5000
Transmission 4 roues motrices Roues AR 4 roues motrices
Boite à vitesses Quickshift 8 rapports F1 DCT 7 rapports PDK 7 rapports
RPP (kg/ch) 4.76 (3.09) (3.20)
Poids DIN (constr.) (2470) 2511
55.0% AV 45.0% AR
(1730) (1665)
0-100 km/h (sec.) 4.7 3.6 3.5
Vitesse max. (km/h) 308 316 315
Conso. Mixte (constr.) 15.5 (10.9) (10.5) (9.9)
Réservoir (l) 90 78 68
Emissions CO2 (g/km) 254 250 231
Longueur (mm) 4806 4570 4506
Largeur (mm) 1944/2227 1910 1880
Hauteur (mm) 1403 1322 1292
Empattement (mm) 2746 2670 2450
Coffre 260 340/240 115+160
Pneumatique AV 275/40 ZR20 245/40 ZR19  245/35 ZR 20
Pneumatique AR 275/40 ZR20 285/40 ZR19 305/30 ZR 20
Prix de base (CHF) CHF 217’200 CHF 246’000
Prix de base (EUR)  € 174’700 €  187’153 € 180’443

Nos sincères remerciements à Bentley Lausanne pour la mise à disposition de cette Continental GT Convertible.

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