124 Spider ou MX-5 ? Fiat ou Mazda ?
La Mazda MX-5 ND est une réussite, un retour aux sources du roadster léger et volontaire, toute en charme, grâce et fraîcheur. Si il y a un bémol, il réside sans doute au niveau des motorisations. Encensé par une presse en plein délire romantique, le 1.5L est beaucoup trop mince pour un relief montagneux, et le 2.0 litres (200 Nm, 160ch) n’est pas particulièrement charismatique. Partenaire de Mazda dans le développement conjoint de ce petit roadster compact à propulsion, Fiat a pris une direction contrastée en installant un petit 1.4L turbo Multiair. Dans la Fiat 124 Spider, il développe 240 Nm à 2250 t/min et 140 ch à 5000 t/min. Une fois piqué par le dard du scorpion Abarth, le couple passe à 250 Nm à 2500 t/min et la puissance augmente plus substantiellement de 30ch, avec pour résultat 170 ch à 5500 t/min.
En matière de style, j’avoue une préférence pour l’élégance sobre de la MX-5, mais la 124 Spider mérite d’être côtoyée pour mieux en apprécier la présence visuelle. Partant du même empattement de 2310 mm, la Fiat est plus longue de 14 cm, donnant un profil plus élancé là où les lignes plus bulbeuses de la Mazda sont plus chics, voire mignonnes. Fiat cultive naturellement des rappels néo-rétro de la 124 Spider originale produite de 1966 à 1985. Le gain en longueur augmente également la capacité du coffre de 10 litres, toujours ça de pris. Le traitement mat du capot moteur et du coffre est une option sans coût, chacun(e) peut se concocter le combo qui lui plaît.
A l’intérieur, les similarités avec la nippone sont nombreuses, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Les commandes de climatisation, l’écran du système multimédia et sa commande sur la console centrale sont identiques, ce sont des composants de bonne qualité pour le segment. Sans surprise, les défauts intrinsèques sont également reconduits. La position de conduite est beaucoup trop haute: capote fermée, je passe à peine deux doigts entre mon occiput et la couverture textile. Côté passager, l’espace au plancher est sérieusement entamé par la protubérance de la boîte. La disposition des instruments est la même, mais Fiat a choisi une graduation par tranches de 30 km/h qui rend la vitesse encore moins lisible d’un coup d’œil qu’elle ne l’est dans la Mazda.
Abarth ajoute quelques touches d’Alcantara sur la casquette d’instruments, la partie passager de la planche de bord ou la console centrale. Elles égaient un intérieur par ailleurs sobre. Pas de quoi s’émerveiller devant les détails de finition ou la qualité des matériaux choisis, le plaisir est ailleurs. Le moment est toutefois opportun pour traiter d’un sujet épineux: le prix. L’Abarth 124 Spider est facturée 43’000 CHF, contre 27’900 CHF à une Fiat 124 Spider 140ch, ou 32’400 CHF pour la MX-5 2 litres 160 chevaux. La différence est considérable, mettant l’Abarth en concurrence directe avec une Audi TT Roadster 1.8 TFSI 180ch (44’050 CHF). Un territoire tarifaire ambitieux ou dangereux ?
Pour répondre à ces saines interrogations, il est largement temps de nous mettre en route pour un solide menu de nos cols favoris par une jolie journée d’été, et déterminer si cette Abarth 124 Spider est capable de susciter un enthousiasme à la hauteur de son tarif. Si enthousiasme il y a, il ne viendra certainement pas du voisinage. Le bruit de chalutier sortant de l’échappement à 4 sorties tubulaires est réellement problématique, dès le ralenti. A mon sens, ce n’est pas sportif, c’est simplement excessif, un puissant catalyseur à autophobie. Le prospectus attribue à la ligne Abarth Record Monza deux modes, j’ai été incapable de trouver comment les commuter. Pas de bouton dans l’habitacle, ni de paramètre dans les menus de configuration, choux blanc dans le manuel.
Le 1368 cm3 turbo a une assez faible inertie et il convient de bien doser l’embrayage pour ne pas caler lamentablement. Fort heureusement, l’embrayage est doux et progressif, à l’unisson d’une commande de boîte très réussie. Bien guidée, bien tarée, avec un pédalier bien disposé pour le talon pointe, tous les éléments sont idéalement disposés pour récompenser l’exécution précises des gestes qui sont au cœur du plaisir de la conduite d’une voiture à boîte manuelle. Il n’y pas non plus de rev matching, heureusement serait-on tenté d’écrire. L’Abarth 124 Spider récompense la dextérité, l’agilité de la cheville droite et la synchronisation des mouvements. L’ingrédient est essentiel, et il est très réussi.
Nous parcourons la succession de tunnels qui nous mène au col du Brünig capote fermée. L’espace intérieur est très limité, tout comme les possibilités de rangement pour des accessoires aussi essentiels qu’une bouteille d’eau. La toile n’est pas le dernier mot en termes d’isolation phonique mais elle conserve l’avantage de se manipuler d’une main en roulant, que ce soit à l’ouverture ou à la fermeture. Il n’y a pas de limitation de vitesse, le paramètre déterminant est la prise au vent. Une fois ouverte, les remous restent limités dans l’habitacle. C’est un roadster, avec ce que ça implique de communion avec les éléments, mais l’Abarth 124 n’est pas pour autant spartiate.
L’ascension du Grimsel me permet d’entamer l’exploration du registre dynamique de l’Abarth. Côté moteur, la plage idéale de fonctionnement se situe entre 3000 et 5500 t/min. Les reprises à plus bas régime peuvent être laborieuses, et la poussée s’effondre rapidement au-dessus du régime maxi. La sonorité de la ligne d’échappement, si extravertie à bas régime, devient également plus chétive au fur et à mesure des montées en régime, ne donnant pas de raison ou de plaisir particulier à s’attarder au-dessus de 5000 t/min.
Les performances sont très plaisantes, avec un rapport poids-puissance de 6.67 kg/ch qui permet des dépassements en montagne mais qui ne nous emmène pas à des vitesses outrageusement inquiétantes dès qu’on enquille deux rapports. A noter qu’avec 1134 kg vérifiés, notre Abarth est 69 kg plus lourde que la MX-5 2.0 litres que nous avions essayé et pesé. Ca reste léger dans l’absolu, mais le seuil symbolique de la tonne, si souvent revendiqué et si rarement atteint de nos jours, s’éloigne de plus en plus.
La commutation en mode Sport ne revêt pas d’intérêt particulier, la réponse à l’accélérateur est un peu plus agressive. Le couple maxi est sensé être plus élevé et l’intervention de l’ESP repoussée, mais ces nuances ne sont pas faciles à déceler. L’Abarth 124 Spider dévoile assez rapidement un tempérament ludique en épingle lente dont le mode d’exploitation est relativement simple: charger le train arrière latéralement en emmenant assez de vitesse en virage, maintenir un filet de gaz pour maintenir le niveau de suralimentation. Ouvrir en grand fait ensuite décrocher le train arrière sans grande peine. En mode normal et en mode sport, les amorces de glissades sont rattrapées aussi promptement que brutalement, mais une pression sur le bouton d’ESP garantit de belles virgules que vous devrez alors maîtriser. Comme toujours, déclencher la dérive est naturellement plus simple que la maintenir, d’autant plus sur route ouverte où la marge d’erreur est minime. L’essentiel est qu’on peut s’amuser à souhait avec ce train arrière mobile.
Dans les enchaînements plus rapides, l’Abarth fait preuve d’une bonne stabilité et le grip des Bridgestone RE050 inspire la confiance, sur route sèche du moins. Grimsel, Nufenen Gotthard, Furka, re-Grimsel, au fil des ascensions et descentes de col, la mayonnaise prend sans peine. L’homogénéité ne se construit pas, elle se révèle comme une évidence, et la 124 Spider satisfait pleinement à cette maxime. Que ce soit en mode “full arsouille” ou à un rythme plus balade, le plaisir est au rendez-vous, mêlant les plaisirs de la conduite au grand air avec des ingrédients de sportivité, des interfaces de qualité, une rigueur de bon aloi dans les liaisons au sol. Même les sièges sont une bonne surprise: ils fournissent un meilleur support latéral que leur galbe ne pourrait le suggérer, et ils ne m’ont pas dérangé pendant notre périple.
La question lancinante qui se profile à l’heure du bilan porte naturellement sur la comparaison entre la 124 et la MX-5. Les motorisations atmosphériques de la Mazda sont sans doute le point faible de la nippone, et le MultiAir de l’Abarth 124 s’est révélé convaincant, appréciablement coupleux à mi-régime là où le 2.0L atmo ne peut dissimuler son handicap de couple. Et pour ne rien gâcher, il est plus sobre (7.4 L/100km sur cet essai). La question suivante est de savoir s’il est nécessaire de payer si cher pour bénéficier de l’agrément du turbo italien sauce Abarth, ou si la Fiat 124 Spider délivre 95% du plaisir pour 15’000 CHF de moins.
Je ne peux que spéculer car je n’ai pas essayé de 124 Spider, mais sur la base de la valeur de couple très similaire et d’une plage de régime à peine entamée de 500 t/min, j’aurais tendance à donner le bénéfice du doute à la Fiat 124 Spider comme étant possiblement (il y a là un conditionnel) la meilleure affaire du quatuor MX-5 1.5, MX-5 2.0, Abarth 124 et Fiat 124. L’élément sur lequel je peux me permettre d’être plus affirmatif est le plaisir éprouvé au volant de ces petits roadsters. Une sorte de retour aux sources du plaisir de la conduite automobile, et une manière de rouler avec moins d’arrière-pensées, une surveillance moins paranoïaque du compteur de vitesse, et le plaisir de pouvoir exploiter la voiture sans craindre le radar ou laser fatidique.
Prix et options des véhicules essayés
Abarth 124 Spider | CHF 43’000 | € 40’000 |
Pack Visibility Plus | CHF 1’800 | € 1’800 |
Pack Clima & Sound Plus | CHF 1’400 | € 2’000 |
Pack Bose | CHF 800 | – |
Peinture Rosso Costa Brava 1972 | CHF 800 | € 600 |
Total | CHF 47’800 | € 44’400 |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Abarth 124 Spider | Mazda MX5 2.0 | Toyota GT-86 | Lotus Elise | |
Moteur | L4 turbo 1368 cm3 | L4 1998 cm3 | B4 1998 cm3 | L4 1598 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 170 / 5500 | 160 / 6000 | 200 / 7000 | 136 / 6800 |
Couple (Nm / tr/min) | 250 / 2500 | 200 / 4600 | 205 / 6400 | 160 / 4400 |
Transmission | Roues AR | Roues AR | Roues AR | Roues AR |
Boite à vitesses | Man.6 | Man. 6 | Man. 6 | Man |
RPP (kg/ch) | 6.67 | 6.65 | (6.2) | 6.45 |
Poids DIN (constr.) | 1134 (1135) 54.2% AV 45.8% AR |
1065 (1000) 52.7% AV 47.3% AR |
(1239) | 878 (876) 36.9% AV 63.1% AR |
0-100 km/h (sec.) | 6.8 | 7.3 | 7.6 | 6.5 |
Vitesse max. (km/h) | 232 | 214 | 226 | 204 |
Conso. Mixte (constr.) | 7.38 (6.4) | 10.3 (6.9) | (7.1) | 7.9 (6.3) |
Réservoir (l) | 45 | 45 | 50 | 43.5 |
CO2 (g/km) | 148 | 161 | 164 | 149 |
Longueur (mm) | 4054 | 3915 | 4240 | 3785 |
Largeur (mm) | 1740 | 1735 | 1775 | 1719 |
Hauteur (mm) | 1233 | 1230 | 1285 | 1117 |
Empattement (mm) | 2310 | 2310 | 2570 | 2300 |
Coffre (L) | 140 | 130 | 243 | 112 |
Pneumatiques AV | 205/45R17 | 205/45R17 | 215/45R17 | 175/55 R16 |
Pneumatiques AR | 205/45R17 | 205/45R17 | 215/45R17 | 225/45 R17 |
Prix de base (CHF) | 43’000 | 30’500 | 32’900 | 45’700 |
Prix de base (EUR) | 40’000 | 32’050 | 31’390 | N.C. |
Nos remerciements à Fiat Chrysler Suisse pour le prêt de cette 124 Spider.
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