Essai Porsche 911 GT3: haute fidélité

Nous comparons les 991.2 GT3 en boîte PDK et manuelle sur les plus beaux cols de Suisse.

Née à Flacht (le siège de Porsche Motorsport) et produite conjointement avec les 911 de compétition, la GT3 est un des derniers bastions de l’automobile sportive à admission naturelle. Par rapport au moteur de la 991.1 GT3, l’alésage reste inchangé à 102mm mais la course augmente de 77.5 à 81.5mm, faisant ainsi passer la cylindrée de 3800 cm3 à 3996 cm3. Le couple maxi passe de 440 à 460 Nm à 6000 t/min, alors que la puissance augmente de 25ch à 500 ch à 8250 t/min. Si les cotes sont identiques et les chiffres sont voisins, le moteur n’est pas pour autant identique à celui des 991.1 GT3 RS et 911R.

Pour le flat 6 cette 991.2 GT3, les ingénieurs sont partis du bloc qui équipe les 911 GT3 R, 911 Cup et 911 RSR. L’admission variable est revue avec deux papillons de gestion des conduits de résonance au lieu d’un, favorisant le couple à bas régime. La 991.2 GT3 atteint ainsi ses 460 Nm deux cent cinquante tours/minute plus bas que ses deux illustres cousines.

 

Le taux de compression plutôt élevé de 13.3:1 est un des contributeurs à la puissance spécifique de 125 ch par litre de cylindrée, tout comme l’aptitude aux hauts régimes, seul moyen pour un moteur atmosphérique d’extraire plus d’énergie par unité de temps. Capable de prendre 9500 t/min en configuration de course, ce bloc est “sagement” limité à 9000 t/min en configuration routière. Pour soutenir de tels régimes, Porsche a naturellement recherché un savant compromis entre rigidité et légèreté, avec un vilebrequin renforcé, tout comme les roulements de vilebrequin et de bielles. Les bielles sont en titane et les pistons forgés phosphatés. La distribution se passe de coussinets hydrauliques, Porsche a préféré l’utilisation de pastilles pour l’ajustement du jeu aux soupapes – elles ne nécessitent pas de réglage ultérieur. La lubrification est naturellement basée sur un système à carter sec, le circuit utilise 6.4 litres.

 

Pour la première fois de son histoire, une GT3 est disponible avec deux boîtes: une commande manuelle avec boîte à 6 rapports, ou une PDK à 7 rapports. Leurs étagements respectifs sont identiques sur les 4 premiers rapports, mais le rapport final diffère de 5.6% (3.97 pour la PDK contre 3.76 à la boîte manuelle). Ceci explique sans doute en partie la demi-seconde que la GT3 manuelle laisse à la boîte PDK sur le 0-100 km/h (3.4s contre 3.9s), différence qui se maintient sur le 0-200 km/h (11.0s contre 11.4s). Autre différence notable: la PDK intègre un différentiel arrière piloté électroniquement alors que la boîte manuelle dispose d’un différentiel à glissement limité mécanique (30% en traction, 37% en poussée).

Manuelle ou PDK, pourquoi choisir quand on peut essayer les deux, sur 4 somptueux cols alpins ? Notre découverte de la 991 GT3 phase 2 commence avec un exemplaire Jaune Racing équipé de la boîte 6 manuelle. Les voitures sont équipées des sièges baquets intégraux, l’option la plus radicale (leur dossier est fixe). Leur étreinte aux hanches est parfaite mais la cambrure pourrait ne pas convenir à toutes les colonnes vertébrales. Le 4.0 litres a très peu d’inertie et il ne faut pas hésiter à nurser un peu l’embrayage, par ailleurs très doux et léger, pour démarrer sans à-coup, voire calage si l’on se fait surprendre.

 

Dès les premiers hectomètres, la commande de boîte manuelle est un véritable délice. Tout y est: des verrouillages légers, incomparablement moins virils que sur ma 997 GT3, la course courte, les guidages ultra-précis, il n’y a absolument rien à redire. Rien sauf au sujet du système d’égalisation de régime au rétrogradage. Je ne m’offusque pas de l’existence du rev matching, ni ne blâme les paresseux qui souhaitent descendre les rapports avec un simple débrayage, à part peut-être de manquer de cohérence dans une défense, souvent puriste, de la noblesse d’une boîte manuelle. L’apologie de la beauté du geste devrait au minimum s’accompagner du geste juste, soit double débrayage et talon-pointe.

Non, ce qui me dérange est d’avoir ce système qui rajoute un deuxième coup de gaz lorsqu’il estime que le mien était un soupçon trop timide. Ca ne porte pas à conséquence à la conduite, mais je trouve horripilant. Et incompréhensiblement, le rev matching n’est pas configurable ou désactivable. Pas d’option, encore moins de bouton. On spécule sur les raisons possibles, la crainte de Porsche que le retour d’une boîte manuelle sur une GT3 se traduise par un méchoui de synchros, coûteux en satisfaction client ou en coûts de garantie.

 

Hormis les premiers kilomètres depuis Hospental, le Gothard est sans doute le moins intéressant des quatre cols au programme, et c’est dans le val Bedretto à l’attaque du Nufenen que la GT3 commence à faire étal de toute sa dimension. Les montées en régime sont interminables, féroces, accompagnées d’une poussée physique qu’on ressent dans les muscles dorsaux. Le son est encore plus agressif que sur le Metzger d’une 997 GT3, un crescendo perçant avec des harmoniques rageuses qui viennent s’ajouter au miaulement du flat six entre 7000 et 9000 t/min. Les sensations sont aussi extraordinaires que les vitesse atteintes sont problématiques: 120 km/h à fond de deuxième, 164 km/h à fond de troisième, où et quand profiter de ces 9000 fruits défendus, circuit mis à part ?

Le haut du versant tessinois du Nufenen nous donne également les premières opportunités de mettre à l’épreuve l’agilité de cette GT3. Les changements d’appuis sont télépathiques. Il n’y a aucune inertie, aucun transfert de masses latéral. Le système à 4 roues directrices équipant la GT3 d’origine se fait complètement oublier, et ce n’est pas la moindre de ses qualités. Les réactions de la voiture sont parfaitement naturelles, immédiates, et ne donnent jamais l’impression d’un train arrière excessivement motivé dans son inscription en virage. La légèreté de la GT3 est naturellement un contributeur: Porsche revendique 1413 kg DIN pour la version manuelle, 1430 kg pour la PDK, des valeurs qu’il a cependant par le passé été difficile de confirmer sur des exemplaires de production. La GT3 est également plus basse de 25 mm par rapport à une Carrera, ce qui contribue également à abaisser le centre de gravité.

Une rapide pause photo devant le magnifique panorama et nous attaquons la descente en territoire valaisan. L’attaque des freins PCCB manque de mordant à mon goût. La puissance est naturellement là et ne saurait être remise en doute, mais il faut appuyer fort, un peu trop fort, et je n’apprécie personnellement pas ce manque d’attaque. Avec les kilomètres, la suspension PASM me parait relativement timide dans sa modulation de l’amortissement, et, sur ces tracès alpins aux revêtements inégaux, on tombe parfois sur une impression de dur-mou un peu déroutante.

Les inégalités sont transmises dans la caisse assez sèchement, mais les effets de bascule dûs au porte-à-faux arrière restent perceptibles. Aussi transformée qu’elle soit par l’empattement long et les voies élargies de la 991, la GT3 reste une 911, avec son mode d’emploi spécifique, et la nécessité de rentrer en courbe sur les freins pour inscrire l’avant, faute de quoi le sous-virage est perceptible. Pas handicapant, mais perceptible dans une direction que j’ai par ailleurs trouvé assez communicative. Et rentrer en courbe sur les freins sur route ouverte reste problématique en termes de sécurité.

Après la remontée des vertes prairies d’Ulrichen à Gletsch, nous troquons notre 991 jaune manuelle contre une PDK bleu saphir et enquillons gaillardement la montée du Grimsel. Sur les premiers kilomètres, le passage à la PDK rend la conduite presque fade. Aucun à coup, des montées et descentes de rapport parfaites, la maîtrise absolue de Porsche dans ce qui demeure sans doute la meilleure boîte à double embrayage du marché. Les changements de rapport s’effectuent littéralement au doigt et à l’oeil, permettant un niveau d’improvisation qu’il est difficile de gérer avec la boîte manuelle. La descente sur le versant bernois est presque déserte et me permet de déguster sans entrave, autre que l’instinct de préservation de mon permis de conduire, les prestations éblouissantes de cette GT3. Le Grimsel a la particularité d’offrir une grande variété d’enchaînements sur une route relativement large et parfaitement revêtue.

 

Difficile de trouver meilleur terrain pour apprécier cette GT3 à sa juste valeur. Le grip et l’agilité sont phénoménaux, le flat six insatiable dans sa voracité, et que dire de la présence visuelle de ces deux avions, l’un bleu, l’autre jaune, dans ce merveilleux paysage de la vallée de l’Aar ? Le naturel de cette auto sur ce revêtement moins dégradé que le Nufenen est éblouissant, que ce soit dans les grosses prises d’appui, les épingles serrées ou plus rapides. La motricité, vertu première des 911, est naturellement sans reproche. Sur ce terrain, cette GT3 en boîte PDK n’est pas une voiture avec laquelle on se bat. C’est le sparring partner idéal, le reflet hautement fidèle des gestes du pilote, le symbole de la rigueur sur quatre roues.

En arrivant à Innetkirchen, les Pilot Sport Cup 2 spécification N1 ont déjà 6357 mètres de dénivelé dans les gommes, et la beauté euphorisante du Susten est encore à venir. Un tracé plus étroit, moins rapide, qui favorise plus le couple à moyen régime. Pour un moteur avec un tel rendement, les motoristes de Porsche ont réalisé un travail remarquable, mais la thermodynamique est implacable: à 3000 t/min, la GT3 rend 160 Nm à une 911.2 Carrera S. Il faut cravacher ce moteur, et quand les conditions ne s’y prêtent pas, l’agrément s’en ressent un peu. Ce 4.0L atmosphérique est parfaitement souple en mode plus balade, mais son couple ne peut pas régater avec les moteurs suralimentés.

 

De retour à Andermatt après nous être extraits de l’interminable chantier des galeries du Pont du Diable, je met à profit les dernières minutes disponibles au planning pour gravir les sept épingles de l’Oberalp. Elles ne m’apprennent rien de plus que les quatre cols précédents, mais c’est le genre de gourmandise à laquelle on ne saurait résister.

PDK ou manuelle ? Les gens de Porsche concèdent que la demande, insistante, vient des Etats-Unis, marché où les boîtes manuelles sont un culte. BMW a même ré-introduit une boîte manuelle sur la M5 F10 pour satisfaire cette clientèle. Hormis le système d’égalisation de régime non configurable, il n’y a guère de critique objective à formuler. La différence de démultiplication finale est peut-être mesurable au chrono sur circuit, mais il est plus que probable que la plupart des pistards opteront pour la boîte PDK de toute manière, objectivement plus adaptée au pilotage à ce niveau de performance.

 

La GT3 reste immensément séduisante, pour la pureté des sensations qu’elle procure, pour ses aptitudes de pistarde sans concurrence sur le marché (pack clubsport avec demi cage et harnais 6 points pour 0 CHF), pour son irrésistible côté “gotta have it” qu’une Carrera n’aura jamais. Ce n’est pas la 911 qu’on aime pour son incroyable polyvalence. C’est la 911 dont on tombe éperdument amoureux pour les extraordinaires sensations de pilotage qu’elle procure.

Prix et options du véhicule essayé

Porsche 991.2 GT3 CHF 186’600 € 155’255
Freins PCCB  CHF 11’200 € 9’264
Baquets intégraux (P11) CHF 5’730 € 4’740
Intérieur cuir complet  CHF 3’700 € 3’060
Levage train avant CHF 2’760 € 2’280
Peinture Bleu Saphir  CHF 1’440  € 1’188
Jantes laquées platine (XDH) CHF 1’240 € 1’020
Fond de phares noir (XEY)  CHF 600 € 498
Pare-soleil en alcantara (XLU) CHF 500 € 414
Vitrage privacy (XPR)  CHF 430 € 354
Console centrale en alcantara (XLJ) CHF 280 € 228
Réservoir 90L  CHF 150 € 120
Tapis de sol CHF 130 € 108
Pack fumeurs  CHF 70 € 54
Porsche Swiss Package  CHF 0 € 4’770
Prix catalogue du véhicule de test CHF 214’830 € 183’353

 

Face à la concurrence – caractéristiques techniques

Porsche 991.2 GT3
McLaren 570S Corvette C7 Z06
Moteur B6 3996 cm3 V8 biturbo 3799 cm3  V8 compresseur 6162 cm3
Puissance (ch / t/min) 500 / 8250 570 / 7500  659 / 6000
Couple (Nm / tr/min) 460 / 6000 600 / 5000-6500  881 / 3600
Transmission AR AR AR
Boite à vitesses Man 6 / PDK 7 SSG 7  Manuelle 7
RPP (kg/ch)  (2.83/2.86) 2.57  (2.52)
Poids DIN (constr.) (1413/1430) 1470
42.5% AV 57.5% AR
 (1659)
0-100 km/h (sec.) 3.9/3.4 3.2  3.8
0-200 km/h (sec.) 11.4/11.0  9.5 N.C.
Vitesse max. (km/h) 320/318 328 315
Conso. Mixte (constr.) (12.9/12.7) (10.7) (12.7)
CO2 (g/km) 290/288  249 291
Réservoir (l) 64/90  N.C. 70
Longueur (mm) 4562  4530 4514
Largeur (mm) 1852/1978  2095 1965
Hauteur (mm) 1271  1202 1239
Empattement (mm) 2457  2670 2710
Coffre (L) 125+260  144+NC N.C.
Pneus 245/35 ZR20
305/30 ZR20
 225/35R19
285/35R20
285/30R19
335/25R20
Prix de base (CHF) 186’600  201’770  128’900
Prix de base (EUR) 155’255  181’750 118’920

Nos remerciements à Porsche Suisse pour l’invitation à l’essai de cette 991.2 GT3.

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