Le premier crossover de Jaguar est-il une réussite ?
Avec 4.73m en longueur, le F-Pace est légèrement plus long que les Macan, Q5, GLC et autres Alfa Romeo Stelvio, mais c’est surtout en largeur que le crossover anglais se démarque: 2.07m à la carrosserie, presque 2.18m aux rétros. C’est singulièrement large, voire problématique pour certains aspects, et assez singulier dans la mesure où ces dimensions atypiques ne bénéficient pas particulièrement à l’habitabilité. L’axe des sièges est déplacé vers le centre, l’espace dégagé est occupé par de larges contre-portes. A l’arrière, un homme adulte aurait largement assez de place aux genoux (une paume) et l’assise est confortable, mais la garde au toit sera insuffisante pour les occupants de plus de 1.85m. Avec 650 litres, le volume de chargement est confortable.
Le V6 3.0 turbodiesel est une des sept motorisations proposées par Jaguar sur le F-Pace. Elles couvrent une plage allant de 163 à 300 ch en diesel, et 250 à 380 chevaux en essence, les V6 à compresseur de 340 et 380 ch communs à la XE et au coupé/roadster F-Type coiffant la gamme. Placé en position longitudinale, il développe un couple conséquent de 700 Nm à 2000 t/min, sa puissance culminant à 300 ch à 4000 t/min. L’évolution par rapport à la version essayée en 2013 sur la XF Sportbrake est notable: +25ch, mais surtout +100 Nm !
Ce rendement est obtenu par l’utilisation de deux turbo parallèles et séquentiels (pour simplifier, un petit pour les bas régimes, un gros pour les hauts régimes) et des injecteurs piézoélectriques à haute pression (2000 bars), alors qu’une pompe à eau commutable optimise la gestion thermique et une pompe à huile à deux étages réduit les pertes par friction. Le taux de compression atteint 16.1:1. La réduction catalytique sélective (SCR) avec injection d’urée (AdBlue) est nécessaire au respect des normes d’émissions Euro 6.
Ce V6 3.0 biturbodiesel ne charme guère par ses vocalises. La sonorité à basse vitesse est typique de la plupart des moteurs dépourvus de bougies: rêche, emphysémique, au mieux tolérable, au pire un rien repoussante. La séduction est à chercher dans ses performances et sa relative sobriété. Les 700 Nm de couple procurent au F-Pace des relances musclées. Il est également très souple, fonctionnant sans rechigner à 1000 t/min même sur les rapports élevés. Moins de 50 km/h en sixième ne pose par exemple aucun problème. Cette aptitude aux bas régimes favorise la consommation, qui s’est affichée à 8.14 L/100 km sur cet essai, l’ordinateur de bord revendiquant une valeur plus optimiste de 5% à 7.7 L/100km. Ce résultat est louable, surtout si l’on considère le poids du premier crossover de Jaguar. La boîte ZF 8HP70 à 8 rapports offre de bonnes prestations d’ensemble.
La marque anglaise annonce fièrement que la caisse du F-Pace est réalisée à 80% en aluminium: les 20% restant se partagent entre le plancher arrière en acier (18%) et la transversale de bouclier avant en magnésium (2%). Sur nos incorruptibles balances, le F-Pace affiche 2024 kg. C’est significativement plus que les 1809 kg revendiqués par Jaguar pour cette motorisation. C’est certes la plus lourde de la gamme, mais pas de beaucoup: les V6 essence 3 litres à compresseur sont, toujours selon Jaguar, seulement plus légers de 64 kg pour le 340ch et 23kg pour l’exécution 380ch. Où aller chercher ces près de 215 kg de différence ? Certainement pas du côté des jantes, notre F-Pace est monté en 20 pouces avec des pneus série 50. Ni du côté de sièges ultra-sophistiqués: ils ne sont réglables que sur deux axes, même l’ajustement de l’appui lombaire manque à l’appel. Le grand toit panoramique en verre ? C’est sans nul doute un contributeur. Sa luminosité est appréciable, mais je lui aurai préféré son homologue à ouverture coulissante, seulement 320 CHF plus cher.
Si ce poids conséquent ne pénalise pas trop la consommation ou les performances, il a une incidence sur le comportement routier. Le F-Pace donne une impression pesante et l’inertie en prise ou changement d’appui est perceptible. Sans ambage, j’ai trouvé l’amortissement de notre F-Pace d’essai médiocre. Le filtrage secondaire est mauvais, transmettant les inégalités de la route dans les sièges, et l’amortissement primaire est un compromis qui ne délivre pas les prestations attendues dans cette gamme, que ce soit en matière de confort ou de tenue de caisse en conduite rapide. La rigidité de la caisse n’est par contre pas prise en défaut, malgré cette suspension punitive.
Même le passage de gendarmes couchés, normalement négocié avec facilité par un crossover doté de grandes roues, est ressenti sèchement. Les pneumatiques série 50 ne peuvent guère porter la responsabilité de ce résultat, et le choix de jantes de 22 pouces avec des pneus série 40 me semble en plus être un impératif esthétique. Le salut est peut-être à chercher du côté de l’option Adaptive Dynamics, de série sur la F-pace S et tarifée CHF 1’560 sur les autres exécutions. Je regrette de ne pas avoir pu la tester, car la carence est significative, et singulière pour une réalisation d’outre-manche où les revêtements dégradés sont une fierté nationale. Joker Adaptive Dynamics mis à part, le F-Pace n’est, dans le registre du comportement routier, pas du tout au niveau d’un Porsche Macan S, ni en termes de confort, encore moins en agilité et tenue de route. Jaguar dit avoir intégré un système de torque vectoring, mais c’est un abus de langage pour décrire un système qui freine sélectivement les roues arrière pour inscrire le nez. Rien à voir avec une distribution modulée du couple moteur.
Autre élément à porter à l’inventaire des doléances: les sièges. Ils manque d’appui lombaire (il n’est pas réglable d’origine), mais ils sont surtout beaucoup trop larges pour offrir un quelconque maintien latéral. Les rembourrages dorsaux sont présents, mais je devrais sans doute prendre une bonne vingtaine de kilos pour qu’ils me soient d’un quelconque secours. D’où l’impression d’être assis sur un banc public. Les sièges réglables à 18 voies (CHF 1’860 en option sur exécution F-Pace S et R-Sport) remédient peut-être au problème pour des charpentes “normales”, le sujet est à étudier de près lors d’un essai et d’une éventuelle configuration. Ajoutez à celà le fait que leur cuir grainé est d’une apparence quelconque et poussera de toute manière les amateurs de beaux matériaux vers les finitions plus onéreuses.
Jaguar dote le F-Pace d’une transmission 4×4 analogue à la solution adoptée par BMW et son xDrive. Une boîte de transfert est accolée à la sortie de la boîte automatique ZF à 8 rapports avec un arbre de renvoi vers le train avant. Ce système permet à Jaguar de distribuer le couple entre les trains, avec comme stratégie de gérer le F-Pace comme une propulsion la plupart du temps, et coupler les roues avant lorsque les conditions le justifient. La transition du mode propulsion au mode 4×4 ne prend que 165 millisecondes selon Jaguar. La distribution du couple peut être affichée sur l’écran central, et un mode de démarrage pour conditions particulièrement difficiles est disponible. Les concepteurs du F-Pace ont pris conseil auprès de leurs collègues de Land Rover, dotant le F-Pace de capacités tout terrain probantes sur le papier: 213 mm de garde au sol, des angles d’approche et de départ de 25.5 et 26 degrés respectivement, et une profondeur de passage à gué de 525 mm. Il est toutefois singulier qu’une suspension pneumatique manque au catalogue des options.
C’est sur autoroute que j’ai le plus apprécié le F-Pace. Le six cylindres est inaudible grâce à l’étagement long de la boîte à huit rapports, le compte-tours n’affichant que 2200 t/min à 145 km/h. Les bruits aérodynamiques sont bien filtrés, l’autonomie conséquente, la sono Meridian de bonne qualité. L’instrumentation du conducteur est confiée à un écran LCD de 12.3” de diagonale. Différents modes graphismes et modes d’affichage sont disponibles, y compris un mode affichant une carte de navigation en pleine largeur, mais la qualité graphique et l’ergonomie d’utilisation ne sont pas au niveau du Virtual Cockpit d’Audi, ni même de son homologue chez Volkswagen. La commutation requiert la descente dans des sous-menus, et dans son mode standard à 3 cadrans, il n’y a pas de possibilité de faire défiler du volant différents affichages dans le cadran de gauche. Dommage. Un affichage à tête haute (Head Up Display) est disponible en option (CHF 1’640) mais n’équipait pas cet exemplaire.
Le système InControl Touch Pro remplace l’écran de 8” de série par un élément de 10.2” de diagonale. L’interface est réussie dans ses graphiques et son ergonomie est bonne. On est dans du tout tactile, il n’y a pas de mollette sur la console centrale pour naviguer les différentes fonctions, mais la palette est complète. Le bouton de sélection rotatif qui s’escamote était une idée moyennement ingénieuse à la sortie de la XF en 2007. Dix ans plus tard, alors que les sélecteurs à impulsion se généralisent, il est agaçant de lenteur.
Il m’est difficile de cacher ma déception devant ce F-Pace. Si je m’astreins à faire abstraction de la configuration peu aguichante de notre voiture d’essai, est-il possible qu’un F-Pace S équipé du V6 Supercharged de 380ch, d’un combo couleur/cuir/jantes plus aguichant et surtout de la suspension Adaptive Dynamics m’aurait mis dans de meilleures dispositions ? C’est effectivement possible. Aurait-il pu me convaincre de ses avantages par rapport à un Porsche Macan S ? J’en doute fort. Sur le marché suisse, le Jaguar F-Pace se vend bien (c’est de loin le modèle Jaguar le plus vendu), mais le Porsche Macan se vend deux fois mieux. Et ce n’est pas un hasard.
Jaguar F-Pace 3.0d | CHF 70’400 | € 59’810 |
Finition Prestige | CHF 3’600 | € 5’200 |
Jantes 5 branches 20″ type 5036 | CHF 2’560 | € 2’469 |
Pack aide au stationnement | CHF 2’280 | € 1’836 |
Navigation Pro | CHF 2’280 | € 2’199 |
Toit panoramique fixe | CHF 1’280 | € 1’235 |
Pack hiver | CHF 1’240 | € 1’189 |
Phares à LED | CHF 1’220 | € 1’163 |
Sièges électriques à 10 positions + mémoire | CHF 1’220 | € 1’163 |
Keyless | CHF 1’080 | – |
Peinture métallisée | CHF 960 | € 929 |
Assistant de ligne | CHF 700 | – |
Hayon électrique | CHF 540 | € 516 |
Rétroviseurs chauffants, escamotables | CHF 300 | € 281 |
Prix du véhicule d’essai | CHF 91’120 | € 78’507 |
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Jaguar F-Pace 3.0 TDV6 | Porsche Macan S Diesel | Mercedes GLC 350d 4Matic | |
Moteur | V6 turbodiesel 2993 cm3 | V6 turbodiesel 2967 cm3 | V6 turbodiesel 2987 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 300 / 4000 | 258 / 4000-4250 | 258 / 3400 |
Couple (Nm / tr/min) | 700 / 1500-1750 | 580 / 1750-2500 | 620 / 1600-2400 |
Transmission | 4×4 | 4×4 | 4Matic |
Boite à vitesses | Automatique, 8 | PDK 7 | 9G Tronic |
RPP (kg/ch) | 6.75 | (7.29) | (7.03) |
Poids DIN (constr.) | (1809) 2024 53.1% AV 46.9% AR |
(1880) | (1815) |
0-100 km/h (sec.) | 6.2 | 6.1 | 6.2 |
Vitesse max. (km/h) | 241 | 230 | 238 |
Conso. Mixte (constr.) | 8.14 (6.0) | (6.1) | (5.9) |
CO2 (g/km) | 159 | 159 | 159 |
Réservoir (l) | 66 | 60 | 66 |
Longueur (mm) | 4731 | 4697 | 4656 |
Largeur (mm) | 2070/2175 | 1923 | 1890 /2096 |
Hauteur (mm) | 1651 | 1624 | 1639 |
Empattement (mm) | 2874 | 2807 | 2873 |
Coffre (L) | 650-1740 | 500-1500 | 550–1600 |
Pneus | 255/60R18 | 235/60R18 | 235/65R17 |
Prix de base (CHF) | 70’400 | 74’800 | 65’300 |
Prix de base (EUR) | 59’810 | 63’755 | 56’500 |
Nos remerciements à Jaguar Suisse pour le prêt de ce F-Pace.
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