La Jaguar Type F Coupé AWD coupé offre-t-elle une alternative crédible à Porsche ?
Cette ligne. Un avant en tête d’obus, classique et sobre. Un arrière fastback, souligné par de fines optiques longilignes. Un glorieux rappel à la Type E, mais sans les travers cabotins qui caractérisent trop de réalisations néo-rétro. La Type F coupé est une auto magnifique, élégante et équilibrée. Pour cet essai, le choix d’une version V6 S/C S était un impératif absolu. Mon essai du roadster F-Type V8S en 2013 m’avait laissé dans un état de traumatisme auditif aigü, assommé par les caquettements d’une ligne d’échappement confondant sportivité et vulgarité. Armé d’un train de Pirelli Sottozero et d’une transmission intégrale, la F-Type Coupé semblait idéale pour aller braver les frimas de l’Engadine en plein mois de février.
Première étape, cruciale pour nombre de GTs: les bagages. Par rapport au roadster, le coupé offre la praticité théorique d’un hayon, mais le volume demeure chiche, moins de 5 litres de capacité supplémentaire. Deux valises de cabine, un petit sac de matériel photo et le coffre peine à accueillir deux vestes d’hiver. Aucun salut à chercher du côté de l’habitacle, dépourvu d’un quelconque volume de rangement. La F-Type Coupé est une stricte deux places, dénuée de la polyvalence d’une configuration 2+2.
La descente par l’autoroute jusqu’à Coire révèle de bonnes aptitudes au long cours. L’insonorisation est bonne, et le huitième rapport abaisse sensiblement le régime, et par conséquent le volume moteur et la consommation, permettant de croiser à 150 km/h indiqués à 2’500 t/min environ. La position de conduite est bonne, légèrement allongée et réglable à souhait, le niveau sonore raisonnable, et le réglage pneumatique des rembourrages latéraux des sièges agréable. Des relances un tant soit peu énergiques requièrent toutefois un kickdown: le huitième rapport est bien trop long. Chaque remise en vitesse s’accompagne derechef d’un passage en septième voire sixième selon l’insistance du pied droit.
Notre F-type est équipée du V6 de 2995 cm3 à compresseur volumétrique, ubiquitaire dans la gamme Jaguar. Il développe 460 Nm de couple maxi, mais sur une plage de régimes relativement élevée, de 3500 à 5000 t/min. La puissance culmine à 380 chevaux à 6500 t/min. Des chiffres respectables pour un 3 litres suralimenté, mais il est important d’intégrer d’emblée dans l’équation de performance le poids conséquent de la F-Type: 1783 kg vérifiés avec le plein, soit presque autant que les 1797 kg relevés sur le roadster Type F V8S, équipé d’un V8 à compresseur mais dépourvu de transmission intégrale. Que ce soit en cabriolet ou en coupé, la F-Type est lourde, très lourde même en comparaison avec la concurrence. Comment expliquer les trois quintaux de différence avec la Porsche 991.2 Carrera 4 ?
Le V6 supercharged a donc à composer avec des rapports supérieurs longs, un poids conséquent. Sa courbe de couple a l’avantage de ses défauts: la suralimentation par compresseur volumétrique entraîné par le vilebrequin ne délivre pas le couple maxi dès les plus bas régimes, mais l’exécution est plus organique, plus naturelle, à la manière d’un moteur atmosphérique sous stéroïdes. Onctueux à bas régimes, ce V6 affectionne la moitié supérieure de la plage de régime, prenant des tours avec aisance. La bande son mérite une discussion de fond sur la vocation d’un coupé GT et l’approche de Jaguar pour ce segment.
Bien plus fréquentable que les versions V8 à la sonorité caricaturalement extravertie, la note d’échappement de la F-Type V6S reste virile, mais supportable. A chaque mise en marche, le moteur s’ébroue toutes valves ouvertes dans un volume qui pourrait mettre à mal des relations de bon voisinage, avant de se stabiliser sur un ralenti un peu empressé. Sur un filet de gaz, la ligne, terminée par deux gros embouts cylindriques en position centrale, se fait plus discrète, mais à chaque sollicitation un tant soit peu franche, la fanfare de trombones et trompettes intervient. La gestion de l’échappement ne dépend pas du mode de conduite (il y en a trois; neige, normal et dynamique), et n’est pas non plus commutable comme l’offre par exemple l’option PSE chez Porsche. Attrayant quand on est d’humeur badine, mais très vite lassant en utilisation quotidienne. J’ai également trouvé le timbre un peu mono-dimensionnel: les harmoniques n’évoluent pas avec le régime. L’échappement émet un son rauque, typique du cycle d’allumage d’un V6. La montée de rapports en charge est gratifiée d’un “pouf” un peu maniéré qui laisse ma passagère mi figue mi raisin. Propriétaire putatif de cette Jaguar, j’aimerais pouvoir museler cet échappement depuis la console centrale (l’option échappement sport actif modulage est proposée pour 330CHF, soit 240€), et j’aspirerais à plus de variété, plus de modulation. Jaguar a par contre réussi sa gestion des retours en décélération: des ‘plocs’ et des ‘tacs’ interviennent occasionnellement au lever de pied en mode Dynamic, mais pas systématiquement, ce qui leur donne de la spontanéité et de l’authenticité.
Depuis Thusis, nous quittons l’autoroute du San Bernardino pour entamer la montée du col du Julier. Un hiver pingre prive la région de neige, la route est donc sèche dans les portions exposées, et juste humide dans les sections à l’ombre. La direction est légère mais agréablement directe; par contre les Sottozero ne brillent pas par leur franchise dans les prises d’appui. Le tracé roulant autorise les dépassement, avec des accélérations honnêtes, marquées par un joli crescendo au-dessus de 5000 t/min. Un chiffre, relevé anecdotiquement, illustre assez bien la verve de l’ensemble moteur-boîte dans les tours: l’exercice de la reprise de 100 à 150km/h pied au plancher est abattu en moins de 5 secondes, ce qui est remarquable. L’enveloppe de performance est largement suffisante pour piquer des autos en montagne, mais, faute d’un couple abondant à plus bas régime, les performances ne sont pas bombastiques non plus et il ne faut pas hésiter à cravacher ce 3 litres supercharged. A une époque où moins est parfois plus, ce V6 de 380 chevaux fournit des prestations qui restent exploitables et attrayantes sans atteindre des vitesses inavouables, mais une courbe de couple un peu plus démonstrative ne serait pas superflue.
Arrivé à Silvaplana, je laisse à madame les plaisirs du spa de l’hôtel et pointe le nez de la F-Type en direction de Maloja et du col homonyme. Les quatorze épingles torturées qui plongent dans la vallée de l’Orlegna sont un excellent terrain de jeu pour évaluer l’agilité de la Jag’. Et je m’offre non pas une mais deux tranches de ce festival de lacets. La chaussée est sèche, mais glissante du fait de l’accumulation de sel. Les épingles prises en deuxième sont idéales pour tester la motricité et les réactions du système AWD. ESP sagement enclenché, le mode Dynamique laissant suffisamment de latitude pour amener l’auto à pivoter sur le train arrière.
Alors que la version propulsion de la F-Type est également disponible en boîte manuelle, les versions AWD (et V8) sont livrées d’autorité avec une boîte automatique Quickshift d’origine ZF à 8 rapports. Elle offre une prestation contrastée et brille plutôt là où on ne l’attendrait pas: en conduite sportive. La montée de rapports en charge s’effectue avec brio, subjectivement au niveau de ce qu’on attend des bonnes mécaniques à double embrayage. Il n’y a pas de retard entre l’action sur les palettes et l’exécution. Même constat sur les rétrogradages appuyés, avec une égalisation de régime juste suffisante, pleine d’une retenue très britannique, retenue qui a semblé manquer aux ingénieurs acousticiens. Une once de générosité supplémentaire aurait été bienvenue. C’est paradoxalement en conduite plus paisible que sa prestation est sujette à critiques. Parfois brusque lors des démarrages, elle se fait plus lente lors de la montée des premiers rapports (les démarrages à plat se font par défaut en deuxième), embarquant un peu lorsque le convertisseur de couple se referme, et plantant lors des rétrogradages. Je peine à réconcilier sa rapidité lors des passages en charge avec ces lenteurs caractéristiques au passage de la troisième ou de la quatrième lors d’évolutions urbaines. La propension fatigante au kickdown m’a souvent poussé à forcer le maintien de la huitième sur autoroute, ou de tout bonnement l’utiliser en mode manuel.
Les F-Type S & R bénéficient de série d’un système d’amortissement piloté ADS qui régule l’amortissement en fonction des conditions dynamiques. Si le rendu en termes de tenue de caisse est plutôt réussi, je le trouve perfectible en termes de confort. L’amortissement primaire est bon, mais l’amortissement secondaire légèrement trépidant et filtre assez mal les petites inégalités. A l’aveugle, j’aurais parié sur l’absence d’un amortissement adaptatif, ou du moins sur l’absence de corrélation entre les modes de conduite et le tarage de l’amortissement.
Le comportement est équilibré et assez neutre en appui (distribution 54.3% AV 45.7% AR) mais il est difficile de rendre un verdict catégorique sur le châssis avec une monte en pneus d’hiver minorée (245/40R19 aux quatre coins), et je suspecte les Pirelli Sottozero d’accentuer un sous-virage par ailleurs difficile à cerner depuis le volant. Le freinage ne souffre pas de critique particulière. La consommation mesurée à 10.7 L/100km pour une moyenne horaire de 76 km/h est une bonne surprise.
Le lendemain, nous nous dirigeons vers le col de la Bernina afin de faire la synthèse de ces différentes observations. Malgré l’altitude, la route est sèche, permettant de rouler à un rythme soutenu sur les portions exemptes de gravillons. La F-Type S AWD est très plaisante dans ces conditions oisives, performante et rassurante grâce à sa transmission intégrale. S’aventurer sur des places d’évitement enneigées ne suscite par exemple aucune crainte de rester planté. Les prestations sont de bon niveau dans ces conditions de grand tourisme qui permettent de profiter à plein de ses qualités sans avoir à s’irriter de ses défauts, et des détails comme le toit vitré ou des sièges et volant chauffants redoutablement efficaces égaient l’expérience à bord. Les amateurs de sellerie fine seront naturellement attirés par les sculpturaux sièges Performance, une option chère (5900 CHF) mais qui amène un progrès notable par rapport au cuir ordinaire des sièges Sport de série. Les mélomanes et oreilles fines donneront, eux, pleine considération au système audio Meridian (dès 1840 CHF en version 380W avec 10 hauts parleurs) – j’ai trouvé la qualité des éléments d’origine médiocre.
Affichée dès 85’000 CHF (65’890€) en version 340ch propulsion manuelle, 109’700 CHF (86’540€) en version 380ch AWD et 115’770 CHF dans cette exécution optionnée de manière homogène, la Jaguar F-Type Coupé délivre des prestations contrastées à un prix attractif face à l’épouvantail Porsche. Tomber raide amoureux de sa ligne guette l’amateur de belles automobiles, mais il faudra rationaliser ce choix sur deux points importants: les prestations sont plus convaincantes en usage de loisirs qu’en utilisation journalière, principalement du fait de la boîte, et le rendu de l’ensemble n’atteint pas le niveau de rigueur et de subtilité que Porsche facture au prix fort.
Prix et options du véhicule essayé
Jaguar Type F 3.0 S S/C Coupe AWD | CHF 109’700 | € 86’540 |
Pack Technologie | CHF 5’500 | € 4’500 |
Pack Sièges à mémoire 2 | CHF 2’220 | € 1’710 |
Pack Visibilité | CHF 2’000 | € 1’550 |
Jantes 19″ Centrifuge noires | CHF 2’000 | € 1’530 |
Pack Climatisation | CHF 1’760 | € 1’400 |
Toit panoramique | CHF 1’530 | € 1’150 |
Pack confort | CHF 1’480 | € 1’060 |
Black Pack | CHF 1’000 | € 750 |
Radio DAB+ | CHF 580 | € 430 |
Rabais swiss deal | – CHF 12’000 | – |
Total | CHF 115’770 | € 101’020 |
Face à la concurrence
Jaguar F-Type Coupé AWD | Porsche 991.2 Carrera 4 PDK | Alpina B4 Biturbo Allrad | Nissan GT-R | |
Moteur | V6 2995 cm3 compresseur | B6 2981 cm3 biturbo | L6 2979cm3 turbo | V6 3799 cm3 biturbo |
Puissance (ch / t/min) | 380 / 6500 | 370 / 6500 | 410 / 5500-6250 | 550 / 6400 |
Couple (Nm / tr/min) | 460 / 3500-5000 | 450 / 1700-5000 | 600 / 3000-4000 | 632 / 3200-5800 |
Transmission | AWD | 4 RM | Allrad | 4 RM |
Boite à vitesses | Quickshift, 8 | PDK, 7 | Auto, 8 | Double embr., 6 |
RPP (kg/ch) | 4.69 (4.83) | (4.05) | (4.09) | 3.24 |
Poids DIN (constr.) | 1783 (1835) 54.3% AV 45.7% AR |
(1500) | (1680) | 1784 (1740) 55.2% AV 44.8% AR |
0-100 km/h (sec.) | 5.1 | 4.3 | 4.0 | 2.7 |
Vitesse max. (km/h) | 275 | 290 | 303 | 315 |
Conso. Mixte (constr.) | 10.7 (8.9) | (7.7) | (7.9) | 13.6 (11.8) |
CO2 (g/km) | 211 | 177 | 183 | 275 |
Réservoir (l) | 70 | 67 | N.C. | 74 |
Longueur (mm) | 4470 | 4499 | 4640 | 4670 |
Largeur (mm) | 1923 | 1852 | 1798/2017 | 1895 |
Hauteur (mm) | 1296 | 1295 | 1355 | 1370 |
Empattement (mm) | 2622 | 2450 | 2810 | 2780 |
Coffre (L) | 200.5 | 125 | N.C. | 315 |
Pneumatiques AV | 245/40R19 | 235/40R19 | 245/30R20 | 255/40R20 |
Pneumatiques AR | 275/35R19 | 205/35R19 | 265/30R20 | 285/35R20 |
Prix de base (CHF) | 109’700 | 129’680 | 77’400 | 116’900 |
Prix de base (EUR) | 86’540 | 109’955 | 72’700 | 94’200 |
Nos remerciements à Jaguar Land Rover Suisse pour le prêt de cette F-Type Coupé AWD.
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