Essai longue durée Porsche Macan S: cherchez la faille

Le Porsche Macan S est la nouvelle vedette de la gamme Porsche. Un SUV qui tient ses promesses ? 

Les premières rumeurs du développement par Porsche d’une déclinaison de l’Audi Q5 datent de 2007. Spéculativement appelé Roxster puis Cajun, la perspective d’un petit frère au Cayenne passe du démenti véhément à l’acquiescement en 2010. L’objectif déclaré est d’attirer une nouvelle clientèle jeune et affluente à la marque. A l’époque, c’est vers un SUV coupé compact à 3 portes que les paris s’orientent, mais le 16 Février 2012, le directoire de Porsche annonce le nom, Macan, et dévoile dans une vidéo l’esquisse d’un SUV à 5 portes de taille moyenne. Le 20 Novembre 2013, le Porsche Macan est dévoilé officiellement dans le cadre du salon de Los Angeles. Porsche lance sur le marché sa cinquième gamme d’automobiles.

Dès le lancement, trois motorisations sont proposées à la clientèle. Les deux motorisations à essence sont des V6 à 90 degrés, dérivées du V8 de 4.8L motorisant les versions Cayenne et Panamera, amputé de deux cylindres. Le Macan Turbo cube 3.6L avec une cylindrée unitaire de 600.8 cm3 (96x83mm d’alésage et course). Suralimenté par deux turbos, il développe 550 Nm de 1350 à 4500 t/min, avec une puissance culminant à 400 chevaux à 6000 t/min. Le moteur du Macan S voit sa course réduite à 69mm et sa cylindrée ramenée à 2997 cm3. Le couple maxi est de 460 Nm de 1450 à 5000 t/min, la puissance culminant à 340 chevaux entre 5500 et 6500 t/min.

Sur le papier, le gabarit du Macan parait raisonnable: 4.68m de long, 1.62mm de haut, il n’y a que la largeur (1923 mm hors rétroviseurs) qui retient l’attention. En s’installant au volant – avec une amorce de Fosbury-Flop car l’assise est haute – la perception change. Le style Porsche cultive avec subtilité les références à la 911. Ici, les flancs se reserrent sur l’habitacle, dessinant un volume de l’aile avant jusque sur des hanches marquées aux ailes arrière. Cerner le périmètre avant n’est pas aisé, et les sculpturales jantes de 20 pouces sont invisibles dans les rétroviseurs latéraux. Mes premières évolutions dans les méandres sadiques du parking d’un supermarché sont terrifiants, entre l’alerte continue des capteurs de proximité à l’avant et une jante arrière droite dangereusement proche du profil menaçant d’un trottoir. L’investissement de 900 CHF supplémentaires pour l’option “Assistance parking avant et arrière avec caméra de recul et vue 360°” en sus des 1600 CHF pour l’assistance au parcage AV/AR avec caméra ne relèverait pas du luxe. Même constat plus tard en rentrant dans mon box: les 2098mm de largeur aux rétros requièrent une attention particulière. Replacer la largeur du Macan dans votre réalité de parcage quotidienne est impératif et potentiellement problématique.

Les affres de la largeur mises à part, l’habitacle du Macan S est délicieusement luxueux. Ainsi équipé, devrait-on rajouter, car la liste des options pour arriver à ce niveau de luxe est longue: le cuir complet (CHF 4’240), le ciel de toit en alcantara (CHF 1’830) et le pack intérieur carbone (CHF 1’830 également) sont vertigineusement chers mais combleront l’amateur de belle facture (dans tous les sens du terme). Les sièges sports adaptatifs (2180 CHF) sont tout simplement parfaits, leurs 18 réglages permettant de trouver le niveau de maintien convenant à n’importe quelle morphologie. Le module PCM demeure un des meilleurs systèmes de la production automobile actuelle même si le système MMI couplé au Virtual Cockpit des nouvelles Audi Q7 ou A4 établit de nouvelles références dans le domaine.

L’instrumentation est complète, mais la disposition classique du triptique d’instruments ronds avec son LCD incrusté ménage peu de place pour communiquer toutes les informations disponibles, et en gaspille beaucoup avec un tachymètre illisible et inutile. La console centrale surélevée avec sa batterie de contacteurs en épi de la lignée Panamera-Cayenne-991-981 procurent une impression de déjà vu aux habitués de la marque. Seule l’adoption du volant “style 918 Spyder” amène un peu de nouveauté. En termes de qualité de construction, de confort et d’ergonomie, Porsche reste au sommet et le tarifie en conséquence.

Généreusement optionnée, ce Macan S a fière allure, et là encore, la gourmandise se paie. Le pack sport design avec jupes latérales amène plusieurs retouches subtiles au bouclier avant (reconnaissable par l’incrustation des projecteurs antibrouillard), aux bas de caisse, au spoiler de toit et et au bouclier arrière, mais se paie au prix fort, CHF 3’620 dans cette exécution en couleur carrosserie, et peut atteindre CHF 5’360 si l’on spécifie l’exécution en noir brillant. La gamme de jantes disponibles au catalogue monte jusqu’à 21 pouces. Le nuancier ne propose que 8 teintes métallisées et 11 livrées au total, dont deux blancs et deux noirs.

Les V6 à 90 degrés de Porsche ne m’ont jusqu’ici pas laissé un souvenir inoubliable. Ternes et singulièrement peu charismatiques, ils ne méritaient même pas le quolibet de trois quart de V8. Revus pour ce Macan (et le facelift du Cayenne S) et soufflés par deux turbos, la copie rendue est radicalement plus attractive. Rond et souple à bas régime, il allie couple à bas régime et brio dans les tours. Les performances touchent la cible: plus que confortables en situations usuelles, et suffisamment attractives pour rendre une conduite plus sportive attractive. J’ai anecdotiquement mesuré une reprise de 100 à 150 km/h au kickdown en 6.6 secondes, ce qui est plus que respectable.

L’échappement sport optionnel (CHF 3’350) donne une touche de caractère très réussie, avec une sonorité texturée à bas régime prenant un timbre plus métallique alors que le régime augmente. Le système est très bien jugé, trouvant le juste milieu entre caractère et caricature de mauvais goût. La boîte Porsche PDK 7 rapports est sans doute la meilleure unité à double embrayage de la production automobile contemporaine, et sa prestation dans le Macan S ne dément en rien ce jugement. Douce et rapide, transparente à la montée comme à la descente des rapports, sa gestion est également modulée en fonction des conditions de conduite. La propension au rétrogradage augmentera par exemple si une forte accélération latérale est détectée, signe que le conducteur souhaite ressortir en force d’une courbe. Les lois de gestion sont indéniablement orientées vers une conduite sportive, ou du moins proactive: le but recherché n’est pas de tenir le rapport le plus élevé le plus longtemps possible.

Conséquence ou coïncidence, un des points noirs de l’ensemble est la consommation. Le Macan S est inexplicablement soiffard. Sur 10’000km de parcours mixtes entre trajets pendulaires et autoroutiers, la consommation moyenne s’établit à 13.4 L/100km, avec un minima à 11.0 L/100km sur un plein principalement autoroutier. Ce Macan S frôle les deux tonnes (1968 kg sur nos balances), mais un X4 xDrive35i pèse également plus de 1900 kg et parvient à nourrir son 3.0L turbo de moins de 10 L/100km. Le Macan S bénéficie également des mécanismes d’économie adoptés par Porsche, avec le système stop-start et le débrayage automatique (coasting). Est-ce que la gestion de la boîte explique à elle seule cet appétit ? Difficile à savoir. Le constat demeure: le Macan S pourrait – devrait – consommer 10 à 15% de moins et représente une déception sur ce point.

Là où le Macan S n’est certainement pas une déception est dans son aptitude à la conduite sportive. La suspension pneumatique (3660 CHF) combinée au Porsche Active Suspension Management (PASM) propose trois modes. En position confort, l’amortissement primaire s’assouplit, mais en devient pas flottant pour autant. Les modes Sport et Sport Plus amènent une fermeté accrue, nuancée mais perceptible. Sur un col du Mollendruz au tapis refait à neuf, le Macan S est surprenant d’agilité et de rigueur. Le roulis est très bien maîtrisé et l’agilité dans les pifs pafs remarquable, surtout si on considère le centre de gravité haut perché et les deux tonnes emmenées de virage en virage à un tel rythme. Je n’irais pas jusqu’à écrire que c’est une expérience sportive enivrante, mais elle a le mérite d’être compétente. La pédale de frein conserve la fermeté des coupés sportifs de la marque et le mordant est appréciable. Seule ombre (prédictible) au tableau, une direction amorphe, trop peu communicative, conséquence de l’assistance électrique. La position de conduite surélevée atténue la sensation de vitesse.

Silencieuse sur autoroute avec un septième rapport qui tire long (à peine 2’200 t/min à 140 km/h indiqués), le Macan S est une grande routière confortable pour les passagers avant. A l’arrière, l’habitabilité pour deux adultes est décente. Sufisamment de place aux genoux, et une garde au toit obtenue par un abaissement de l’assise, ce qui péjore la visibilité sur l’avant. Malgré ce bémol, l’espace disponible est meilleur que mes premières impressions recueillies lors de la première européenne au salon de Genève 2014. Le capacité du coffre est dans la bonne moyenne de la catégorie avec 500 litres, et un hayon motorisé de série.

Affiché à un tarif de base très compétitif, le Macan S a les qualités et défauts de sa marque. Le produit est intrinsèquement accompli, et l’expérience de conduite peut-être raffinée dans le détail par la somme des équipements disponibles sur demande. Avec une addition dépassant les 46’000 CHF, la facture est lourde, d’autant plus si l’on fait l’inventaire des candidates qui n’ont pas été retenues pour cet exemplaire: le toit panoramique (CHF 1960) ou la clé confort (860 CHF) par exemple. Porsche offre de larges possibilités de personnalisation, mais les facture au prix fort. La concurrence n’offre pas une tel assortiment, et certaines options comme l’intérieur tout cuir sont absentes du reste du segment. Au-dessus du panier en termes objectifs, et cas à part en termes de raffienement, la seule faille réelle du Macan S est son appétit immodeste pour le Super Sans Plomb, et un gabarit qui pourrait être difficile à appréhender pour certains. Hormis ces deux nuances, le produit est de très haut niveau à tous points de vue.

Le point de vue de l’acheteur

Au moment d’envisager le remplacement de mon Audi S4, les rumeurs d’une baby Cayenne commençaient à arriver. Comme propriétaire pleinement satisfait de plusieurs générations de 911, je me suis naturellement intéressé à cette Macan. J’ai même effectué le voyage de Los Angeles pour la découvrir de visu lors de son lancement en Novembre 2013. Convaincu par son design et par la qualité de l’intérieur, je passe commande un mois plus tard.

Le choix des options sur une Porsche neuve contemporaine relève de la délectation si on apprécie l’exercice de configurer sa voiture au plus proche de ses désirs. Je choisis d’entrée de ne pas me presser pour la livraison, l’éventail initial d’options étant relativement limité en termes de couleur comme d’équipements « indispensables ». L’échappement sport, par exemple, n’est devenu disponible qu’en Octobre 2014. Je cède ma place dans la liste de production jusqu’à la mise à jour du configurateur en Septembre.

Entre temps, dès le printemps 2014, la disponibilité des voitures de test me permet d’effectuer le choix entre la Turbo et la S. Une heure de conduite dans chacun des modèles en commençant par la Turbo me convainc que la différence de motorisation est faible en terme d’agrément de conduite. Quelques détails de design, notamment le pack Sport Design, en faveur de la S finissent de me convaincre.

Dans les options incontournables à mes yeux sur une Porsche actuelle, je citerais le fameux système d’échappement sport PSE (Porsche Sport Exhaust) avec, dans mon cas, les sorties peintes en noir. L’intérieur tout cuir est également, à mes yeux, un des éléments, avec le ciel de toit en alcantara, plaçant cette voiture à part, surtout en comparaison de ses concurrentes germaniques. Les sièges sport adaptatifs sont également un facteur de confort important. J’aurais apprécié de pouvoir prendre l’assistance parking avec caméra à 360 degrés mais elle n’était toujours pas disponible au moment du lancement de production de cet exemplaire. Autre surprise, je n’ai pas coché la climatisation 3 zones, comme je transporte très rarement des passagers à l’arrière je me dis que je n’en ai pas l’utilité. Erreur ! La conséquence est qu’il n’y a pas de grille de ventilation sur la console centrale pour les passagers arrière donc toute la ventilation de la voiture est assurée par les bouches du tableau de bord, ce qui est parfois gênant.

En terme d’entretien, aucun service n’a été effectué, et je n’ai pas eu de problème ou de rappel sous garantie sur ces 10’000 premiers kilomètres. Un seul couac subsiste, pour le moment : j’ai pris le réservoir 75 litres en option, mais l’indicateur d’autonomie et celui du niveau d’essence sont clairement calibrés pour celui d’origine de 65 litres. Après une tentative infructueuse d’explication du problème à mon agence, je viens de recevoir l’information que Porsche allait corriger ce problème au premier trimestre 2016.

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