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Essai Bentley Mulsanne Speed

Un sélecteur sur la console centrale permet de basculer entre 4 modes (Comfort, Bentley, Sport et Individual). S’il est difficile de percevoir des changements significatifs entre ces modes, tant sur le châssis que la direction que la gestion de l’ensemble moteur-boîte, il est plus regrettable que Bentley n’a pas choisi de plus typer le mode Sport. Une gestion agressive de la boîte aurait été incongrue, mais l’option de raffermir plus significativement la suspension pneumatique aurait pu être intéressante. L’essentiel reste préservé: plutôt que d’être chahuté dans les sublimes fauteuils arrière, le passager propriétaire prendra plaisir à donner congé au chauffeur et prendre le gouvernail.

Lorsque la M6202 se mue en simple D6202, il est temps de gober le poisson pilote Berlingo d’une inspiration du 6 3/4. Avec les 537 chevaux revendiqués, la manoeuvre est facile – peut-être trop. La boîte ZF à 8 rapport se dispense d’une grille de sélection manuelle, mais les palettes logées derrière le volant, molletées à leur revers comme les poignées de porte – toujours cette attention maniaque du détail – offrent la possibilité d’imposer ses desideratas. On en ressent rarement le besoin cependant. La plage de fonctionnement inhabituelle du V8 (1200 à 4000 t/min) et les réserves de couple permettent d’enrouler en toute décontraction, la pression du pied droit modulant le grondement sourd et velouté du V8.

Essai Bentley Mulsanne Speed

Après Puget Théniers, nous bifurquons à droite pour une courte excursion dans les Gorges du Daluis. La route est étroite, se divisant souvent entre d’étroits tunnels creusés dans la roche et des passages à ciel ouvert. Le paysage est magnifique, un mélange de verdure et de pierre ocre, vierge de toute construction, préservé intact à l’exception de cette D2202. Et pour ne rien gâcher, l’endroit est désert, oublié des touristes.

Essai Bentley Mulsanne Speed

La N202 nous sert quelques belles grandes courbes en remontant les Gorges de la Galange. En poussant la Mulsanne à ses limites de grip, les Dunlop de 265/40R21 des roues avant finissent par capituler face aux forces considérables en présence et la Mulsanne sous-virer gentiment. Le plus étonnant est que sur ces routes, le côté Mulsanne s’efface pour laisser la part belle au côté Speed, et ce n’est pas le moindre des compliments pour un équipage de 3 tonnes. L’heure avance, inversément proportionnellement au rythme de certaines voitures, et chaque rectiligne une opportunité de dépasser. En complément des multiples radars fixes, la gendarmerie veille, ce qui nous vaut une aimable discussion avec un motard lancé à notre poursuite: 90€ pour le dépassement d’une caravane observé à 119 km/h à la jumelle laser, 113 km/h retenus, l’addition aurait pu être plus sévère.

A Digne nous faisons un léger détour par l’ouest pour prendre l’A51 en direction de Gap. Je m’installe sur le siège arrière droit, l’autre place de choix. Siège réglable et massant avec des points d’application multiples, tablettes dépliables électriquement avec logements pour iPad, commande de la climatisation à quatre zones. Le siège passager avant peut également être déplacé en profondeur et inclinaison, soit pour ménager un espace supplémentaire, soit pour dégager une vision panoramique sur le pare-brise. La télécommande permet d’accéder de sélectionner un programme de télévision sur un des écrans et de garder un oeil sur la carte du système de navigation satellite sur l’autre. L’endroit est douillet, raffiné et suprêmement confortable, idéal pour potasser du Thomas Piketty en gardant un oeil sur les cours de la bourse. En cas de soif, le frigo optionnel disposé au centre des sièges accueille des rafraîchissements et deux flûtes de champagne en crystal.

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Plus loin, en rejoignant l’A41, les gares de péage sont l’opportunité d’effectuer quelques accélérations à toc. Le rapport poids puissance de 5.00 kg/ch se traduit par un 0-100 km/h en 4.9 secondes, respectable mais pas ébouriffant. La calandre statutaire et la présence visuelle de l’auto sont par contre un outil efficace pour rappeler aux étourdis ou attardés de la file de gauche de se rabattre. Le trajet de retour sur l’arc lémanique se déroule dans la sérénité et nous permet de faire le bilan.

Essai Bentley Mulsanne Speed

Il est difficile avec cette auto de déterminer s’il faut s’émerveiller de ses qualités ou s’irriter de ses défauts. L’expérience de voyager en Mulsanne conserve un charme fou, qu’on avale des bornes sur aurotoute, qu’on croise dans Monaco ou qu’on se balade dans les somptueux paysages de l’arrière pays niçois, à allure plus ou moins décontractée. Lors de notre premier essai, la Mulsanne m’avait paru intimidante, trop d’automobile pour être gérable, un échaffaudage d’excès. Cette escapade nous a dévoilé la Mulsanne Speed sous un jour beaucoup plus polyvalent, même si les contingences liées à sa taille demeurent réelles. Même sa consommation, 15.7 L/100km relevés à 65 km/h de moyenne, est plutôt raisonnable en regard du rythme de l’essai. L’adoption de jantes de 21 pouces ne péjore pas le confort. J’ai toutefois trouvé le mode Sport pas assez typé. Malgré de multiples tentatives, je n’ai pu discerner des variations significatives sur le comportement et les réponses de la voiture. Un contraste plus marqué aurait été bienvenu et son absence établit l’hypothèse que Bentley n’a pas jugé utile ou faisable de trop affirmer le caractère de l’auto, préservant des attributs de quiétude et de raffinement pour les passagers arrière plutôt que de tenter le pari d’en faire un jouet polisson et un tantinet schyzophrène pour le conducteur. La clientèle a sans nul doute les moyens de garnir son garage d’autres autos pour satisfaire ce genre d’envie.

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