Délices des sens: la Bentley Continental GT Convertible V8S.
Il est difficile d’imaginer qu’il y a eu un Bentley avant la Continental GT tant, depuis sa sortie en 2003, le modèle définit la marque. Esthétiquement, tout d’abord, avec des lignes plus fluides et deux paires d’optiques circulaires immédiatement reconnaissables. Techniquement ensuite, avec l’adoption d’un W12 suralimenté et de la transmission intégrale. Commercialement enfin, avec un quintuplement des ventes de la marque. L’autre Bentley, incarné aujourd’hui par la Mulsanne subsiste et se pose en alternative à Rolls Royce, mais en toute objectivité, la Continental GT et ses dérivés véhiculent aujourd’hui l’ADN de la marque.
Aussi attractif qu’il soit, le W12 biturbo de 6 litres a reçu en renfort fin 2011 une version V8 de 4.0 litres. Ce V8 n’est pas “bespoke”, comme se plaisent à dire les britanniques, puisqu’il provient du portefeuille pléthorique du groupe Volkswagen, en l’occurrence d’Audi. C’est le même groupe à injection directe, désactivation de cylindres et double turbos logés au centre du V qu’on retrouve dans le haut de gamme d‘Ingolstadt. Il développe ici 680 Nm de 1700 à 5000 t/min, alors que la puissance culmine à 528 chevaux à 6000 t/min. Une version à peine plus sage que celle équipant la monumentale RS6 Avant (700 Nm & 560 ch). La transmission du couple généreux est confiée à une boîte automatique ZF à 8 rapports, avec renvoi vers les 4 roues à raison de 40% vers l’avant et 60% vers l’arrière par défaut, et une plage de distribution allant de 65/35% à 15/85%.
Les Bentley Continental GT s’accommodent fort bien de couleurs vives, et à l’instar de la Continental GT Speed jaune essayée en 2013, cette GTC V8S en livrée Kingfisher (martin-pêcheur en anglais) est absolument superbe. L’éventail offert par le nuancier est extrêmement étendu si on a le portefeuille garni en conséquence, avec des finissions satinées atteignant 30545 CHF sur catalogue, et 34825 CHF en choix individuel. Ferrari et les CHF 28’445 du Grigio Aluminio Opaco proposés sur la F12 sont battus !
L’intérieur est resplendissant, toujours un grand point fort chez Bentley. Les deux demi-planches de bord en aluminium bouchonné sont avantageusement complétées par une console centrale contrastée. Mon choix personnel s’orienterait vers une des essences offertes plutôt que le sempiternel et délicat Piano Black. Les coutures contrastées bleues, les logos brodés dans les appuie-têtes, le splendide cuir Beluga gauffré, tout est simplement beau, choisi avec goût (même si la pléthore de choix possible permet des orientations très personnelles) et surtout magnifiquement réalisé. La ligne de la Continental GT mkII s’accommode avec élégance de l’ablation du toit, et la capote ne dénature pas l’équilibre des volumes. On est loin de l’image véhiculée par les Bentley Azure, ciblant des baronnes péroxydées accumulant quelques dizaines de kilomètres par an entre trois palaces monégasques. La nature luxueuse de l’objet est immédiatement reconnaissable, mais dans un chic de bon aloi, sans ostentation.
Le trajet qui me ramène de Zürich nous fait passer par les nombreux tunnels de la ceinture ouest. L’isolation phonique latérale est péjorée par la capote. Très silencieuse sur section dégagée, les bruits environnants deviennent plus perceptibles lorsque le trafic s’intensifie, et frôle le dérangeant dans ces tunnels, surtout lorsqu’on passe à la hauteur de camions. Les délices du plein air ont un tribut: la quiétude lors des trajets plus utilitaires.
Le système audio Naim délivre une sonorité très claire, mais manque de mediums et de chaleur à mes oreilles. Je n’ai pas été dérangé par de la distorsion, même à forts volumes, mais l’omniprésence du gros subwoofer logé derrière les sièges arrière impose un son basses et aigus qui conviendrait mieux à un Cadillac Escalade en spinners descendant la 405 à Los Angeles qu’à ce cabriolet raffiné.
Bentley annonce un poids de 2470kg, notre exemplaire pointait à 2511 kg (55% sur le train avant, 45% sur le train arrière). Selon Bentley, le cabriolet embarque 175 kg de masse supplémentaire par rapport au coupé GT V8S (2295 kg), signe que des renforts significatifs sont nécessaires pour préserver la rigidité torsionnelle de la caisse. Malheureusement, cet investissement pondéral n’est pas suffisant pour donner à la Continental GTC l’intégrité structurelle attendue d’une telle auto. Que ce soit dans la direction, la base des sièges ou l’encadrement du pare-brise et le rétroviseur intérieur, il n’est pas nécessaire de rechercher des chaussées défoncées pour mettre à mal la structure de la GTC. Le défaut n’est pas rédhibitoire, mais il est difficile d’en faire complètement abstraction. C’est probablement la plus grande carrence de cette automobile.
Un trait fondamental de l’expérience Bentley est l’effortlessness, soit la disponibilité d’un couple abondant pour propulser l’auto avec vigueur et aise, sans vulgarité. En conditions usuelles, le contrat est rempli. Les évolutions du grand cabriolet bleu s’accompagnent d’un grondement sourd, parfois démonstratif, mais toujours dans les tons grâves. En mode D, la boîte privilégie les bas régimes, mais des relances plus vigoureuses sur autoroute l’amènent facilement à descendre de 8 en 5 pour offrir une réponse vigoureuse à la sollicitation. Le système de désactivation de 4 cylindres à faible charge passe complètement inaperçu, mais semble contribuer à une consommation somme toute raisonnable, 14.5 L/100km sur l’ensemble de cet essai avec un mélange de trajets autoroutiers, urbains et montagneux. Bentley n’a pas équipé la Continental GT V8S de système Stop Start alors que le moteur en est techniquement capable.
C’est sur des reliefs plus accidentés et des parcours plus sinueux que la superbe de ce groupe moteur-boîte est plus mise à mal. La séquence est classique: relance en sortie d’épingle ou opportunité de dépassement, mouvement décidé du pied droit, pause, rétrogradage de la boîte, pause, déferlante de couple et ruade vers l’avant. La tare est commune à toutes les boîtes automatiques à la gestion orientée consommation, et amplifiée par la suralimentation à turbocompresseur. A la décharge de cette Bentley, l’Audi RS6 Avant souffre du même défaut. Là où le contraste est radical, c’est que tout dans une Audi RS6 incite à passer en mode manuel et adopter un style de conduite beaucoup plus proactif, voire incisif. A l’opposé, rien dans la Bentley Continental GTC V8S n’incite à franchir le cap, à commencer par la disposition singulière des palettes, courtes, haut perchées et trop distantes du volant. La nervure proéminente qui court sur la largeur du volant amènerait presque à croire que Bentley cherche à imposer une conduite avec préhension du volant à 10h10 en lieu et place d’un 9h15 bien plus orthodoxe. La direction bénéficierait par ailleurs d’un rapport plus direct, les 2.6 tours de butée à butée donnent l’impression de devoir trop mouliner du volant sur des sections sinueuses alors qu’on aimerait emmener cette grande auto du pouce et du majeur, sans devoir lâcher le volant sauf en cas de manoeuvre serrée. Un système de direction adaptative n’est malheureusement pas disponible en option.
L’approche la plus cohérente, la plus satisfaisante, est de considérer cette Continental GTC comme un spa roulant, une approche plus sensuelle et relaxée que la conduite plus sportive auquel les pénitents que nous sommes sont prédisposés. Une automobile qu’on savoure comme de la cuisine fine, une terrasse calme donnant sur un panorama resplendissant.
Première étape, décapoter. La manoeuvre est permise en roulant, mais jusqu’à 30 km/h seulement (une Porsche 991 Cabriolet le permet jusqu’à 50 km/h). Le mécanisme n’est pas des plus rapides, je l’ai chronométré à 28 secondes. Deuxième étape, ajuster la ventilation d’air chaud sur la nuque, une option à CHF 1160 dont vous ne vous serez pas privé. Alternativement, si la température est plus élevée, activer la ventilation des sièges, une autre option (1145 CHF), moins convaincante que la réfrigération des sièges chez Jaguar, mais qui est combinée à la sublime fonction de massage multipoint. Ainsi chouchouté, la conduite de cette Continental GTC V8S peut être appréciée à sa juste valeur, celle d’une automobile exceptionnelle pour goûter des paysages, de l’alternance entre la morsure du soleil et la fraîcheur des vallées encaissées, le tout à un rythme détendu, en enroulant sur le couple abondant. Le murmure du V8 se fait tour à tour grâve ou velouté, donnant une touche de caractère bienvenue à chaque sortie de virage. Bien que reserrées vers le centre. les places arrières sont habitables à la condition que … personne ne soit assis devant. Les sièges sont confortables, mais la place aux jambes comptée trop justement.
L’amortissement pneumatique est réglable en 4 positions, les deux plus souples étant les plus cohérentes car elles préservent le confort sans amener de flottement. Les gigantesques disques de 420mm en carbure de silicium, une option à 15’500 CHF en remplacement des disques aciers, procurent des prestations sans reproche, à l’exception de légers sifflements provenant de l’arrière lors de décélérations légères.
Le système multimedia et l’instrumentation de bord sont deux composants distincts et découplés, le pairage d’un téléphone portable se fait par exemple par le biais du volant et de l’écran LCD logé entre les deux compteurs analogiques, alors que le LCD central donne accès aux fonctions de navigation, de configuration du véhicule et de sonorisation. L’ensemble est fonctionnel mais pas à la pointe de l’innovation dans ce domaine, ni même au standard de ce qu’une “vulgaire” VW Golf VII propose. Les constructeurs de luxe comme Bentley auront fort à faire pour maintenir leur produit à la pointe des technologies d’interface et d’intégration applicative avec les smartphones et l’internet.
L’ablation du toit change complètement la personnalité de la Continental GT. Le coupé n’a jamais été une sportive pure et dure, mais demeure une GT redoutable en termes de rapiditié d’un point A à un point B, avec des vitesses de passage en courbe qui démentent le poids de la voiture et un souffle de marathonien lorsqu’on peut lâcher la bride à une cavalerie abondante. Tout ceci dans la sérénité d’un habitacle luxueux, douillet et confortable. La GTC n’est pas moins performante, même si son poids accru émousse les performances moteur, mais perd suffisamment en rigidité pour inciter à une conduite plus tranquille. Le plaisir est à trouver ailleurs.
Peut-être que la Continental GT Convertible qui a le plus de sens est la version V8 “de base”. Elle ne rend que 20 Nm et 21ch à la V8S, et surtout coûte presque 20’000 CHF de moins, une somme qui sera avantageusement investie dans une configuration généreuse, tant dans ses équipements que le choix des matériaux et finitions. La concurrence dans le segment est relevée, avec notamment une nouvelle Ferrari California T bénéficiant d’un toit rigide mais d’une habitabilité moindre, ou de la Porsche 991 Turbo Cabriolet, moins distinguée mais équipée d’une transmission intégrale comme la Bentley. Un éventail contrasté qui illustre une des servitudes de la clientèle de luxe: le fait d’avoir le choix.
Configuration du véhicule
Taxes incluses | Hors taxes | |
Bentley Continental GTC V8S | CHF 252’700 | € 166’700 |
Freins carbone céramique | CHF 15’500 | € 10’405 |
Mulliner Driving Specification | CHF 9’425 | € 6’330 |
Premium audio system Naim | CHF 8’145 | € 5’475 |
Teinte du nuancier étendu | CHF 6’135 | € 3’295 |
Jantes 21″ à 7 rayons | CHF 3’615 | € 3’285 |
Cruise control adaptatif | CHF 3’050 | € 2’045 |
Coutures contrasteés | CHF 2’125 | € 1’430 |
GPS | CHF 2’010 | € 1’350 |
Planche de bord en aluminium | CHF 1’505 | € 1’010 |
Caméra arrière | CHF 1’360 | € 910 |
Chauffage de cou | CHF 1’160 | € 775 |
Coffre électrique | N.C. | € 715 |
Massage et ventilation des sièges AV | CHF 1’145 | € 710 |
Rangement de console centrale | CHF 685 | € 460 |
Pare-vent | CHF 615 | € 410 |
Volant chauffant | CHF 540 | € 360 |
Tapis de sol AV/AR | CHF 460 | € 305 |
Télécommande de garage | CHF 385 | € 255 |
Clé de voiturier | CHF 305 | € 205 |
Borne de charge de batterie | CHF 140 | € 95 |
Prix catalogue du véhicule essayé | CHF 311’005 | € 206’675 |
Face à la concurrence
Bentley Continental GTC V8S | Aston Martin DB9 Volante | Ferrari California T | Porsche 911 Turbo Cabriolet | |
Moteur | V8 biturbo 3993 cm3 | V12 5935 cm3 | V8 biturbo 3855 cm3 | B6 biturbo 3800 cm3 |
Puissance (ch) | 528 / 6000 | 517 / 6500 | 560 / 7500 | 520 / 6000-6500 |
Couple (Nm) | 680 / 1700 | 620 / 5500 | 755 / 4750 | 660 / 1950-5000 |
Transmission | 4 roues motrices | Roues AR | Roues AR | 4 roues motrices |
Boite à vitesses | ZF 8HP90 AL951 6 rapports | Touchtronic 2, 6 rapports | F1 DCT 7 rapports | PDK 7 rapports |
RPP (kg/ch) | 4.76 | (3.80) | (3.09) | (3.20) |
Poids DIN (constr.) | (2470) 2511 55.0% AV 45.0% AR |
(1965) | (1730) | (1665) |
0-100 km/h (sec.) | 4.7 | 4.6 | 3.6 | 3.5 |
Vitesse max. (km/h) | 308 | 295 | 316 | 315 |
Conso. Mixte (constr.) | 14.53 (10.9) | (14.3) | (10.5) | (9.9) |
Réservoir (l) | 90 | 78 | 78 | 68 |
Emissions CO2 (g/km) | 254 | 333 | 250 | 231 |
Longueur (mm) | 4806 | 4720 | 4570 | 4506 |
Largeur (mm) | 2227//1944 | 2061 | 1910 | 1880 |
Hauteur (mm) | 1403 | 1280 | 1322 | 1292 |
Empattement (mm) | 2746 | 2740 | 2670 | 2450 |
Coffre | 260 | 195 | 340/240 | 115+160 |
Pneumatique AV | 275/40 ZR20 option: 275/35 ZR21 |
245/35 ZR20 | 245/40 ZR19 | 245/35 ZR 20 |
Pneumatique AR | 275/40 ZR20 option 275/35 ZR21 |
295/30 ZR20 | 285/40 ZR19 | 305/30 ZR 20 |
Prix de base (CHF) | CHF 252’700 | CHF 224’300 | CHF 217’200 | CHF 246’000 |
Prix de base (EUR) | € 166’700 HT | € 189’130 | € 187’153 | € 180’443 |
Nos sincères remerciements à:
– la direction de l’hôtel 5* Villa Honegg à Ennetbürgen pour son aimable collaboration pour la séance de photographies,
– Bentley Motorcars ainsi que la concession Schmohl de Zürich.
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