Nous prenons le volant de l’Audi RS5 TDI Concept, le démonstrateur de la technologie TDI chez Audi.
RS et TDI. Deux acronymes à priori mutuellement exclusifs que Audi semble décidé à vouloir associer. Audi a déjà franchi un premier pas en 2013 en lançant sur la marché le Essai Audi SQ5 TDI, première association du préfixe S avec un SUV, réservant la version essence équipée du V6 3.0 TFSI à des marchés plus réfractaires tels que la Russie ou l’Amérique du Nord. Audi n’est pas seul dans la recherche d’une association entre sportivité et diesel. BMW a innové en la matière en équipant sa série 5 et le SUV X5 d’une version tri-turbo de son six cylindres en ligne turbodiesel, avec à la clef 381 ch et 740 Nm de couple, et un appétit raisonnable selon le verdict du cycle normalisé NEDC: 6.3 l/100 km et 165 g/km de CO2. Tout aussi significatif, les deux modèles sont estampillés du préfixe M pour Motorsport. Le trio de turbocompresseurs est conçu pour intervenir de manière séquentielle, étirant la courbe de couple sur une plus large plage de régimes.
Pour Audi, les enjeux sont naturellement économiques. Les émissions de CO2 moyennes de ses voitures vendues en Suisse étaient de 148 g/km, largement au-dessus de la cible de 130g. Les pénalités financières sont encore modérées mais vont croître significativement en 2015 puis 2018 (voir notre article sur la taxe CO2). Jusqu’ici, le choix du diesel a avant tout été dicté par des considérations économiques intimement liées à une consommation moindre, et ce malgré l’absence d’incitations fiscales sur le carburant lui-même. Pour convertir une plus large part de la clientèle, il est crucial de s’adresser au coeur autant qu’au porte-monnaie. Le turbodiesel doit combler ce déficit en matière de plaisir de conduite.
Sur le vol 1266 nous emmenant vers Copenhague et sa célèbre petite sirène, je pondère la problématique. La logique de l’approche parait implacable, mais le challenge considérable. Malgré leurs progrès considérables, les turbodiesels conservent leurs attributs intrinsèques, soit un couple considérable, mais fugace, circonscrit à une plage de régime étroite, et une sonorité ingrate. Rien de rédhibitoire pour le déplaçoir d’un pendulaire ou le compagnon au long cours du gros rouleur pragmatique, mais guère de quoi stimuler l’appétit des amateurs d’automobiles performantes.
2014 marque le 25ème anniversaire de la commercialisation de premier moteur TDI de série par Audi. En 1989, Audi lançait sur la 100 une bizarrerie, un cinq cylindres en ligne turbodiesel développant 265 Nm et 120 chevaux. Depuis, Audi a vendu 7.5 millions de TDI. En 2013, les TDI représentaient 600’000 unités, soit 40% du volume mondial de la gamme Audi. Aux Etats-Unis, marché pourtant traumatisé par des armadas de Mercedes diesel nauséabondes importées pendant le premier choc pétrolier des années 70, les ventes d’Audi TDI sont en croissance de 40%, trois fois plus que la progression du constructeur outre Atlantique. En Allemagne, les TDI représentent 68% des ventes, en Suisse 46%.
Le constructeur d’Ingolstadt se trouve toutefois confronté au même challenge que tous ses concurrents: 95 g/km de CO2 (mesurés selon le cycle NEDC) en 2020 pour ses ventes dans l’Union Européenne (et la Suisse). Un challenge de taille en tenant compte des progrès déjà acomplis. Cet objectif ne peut toutefois pas être atteint en reniant les valeurs qui ont alimenté son succès, notamment la sportivité et l’attachement émotionnel au produit. En vulgarisant, Audi doit amener performance et poésie au TDI car ne convaincre que les pragmatiques, les placides et les économes ne suffira pas. Il est utile de préciser ici que ce n’est que l’un des éléments de la stratégie d’Audi pour atteindre son objectif, mais c’est la clé de décodage de cette RS5 TDI.
Depuis le 5 cylindres TDI 2.5L de 1989, le turbodiesel a connu un évolution technique considérable: les turbocompresseurs à géométrie variable (1995 chez Audi), l’injection common rail (1999) ou les filtres à particules dès 2004 sont des exemples. Les pressions d’injection sont passées de 1350 à 2000 bars, la prochaine étape étant les 2700 bars déjà utilisés en compétition. Ces pressions d’injection plus élevées permettent non seulement d’atteindre de plus hauts régimes, mais d’adopter des stratégies sophistiquées avec 8 injections par cycle et par cylindre pour atteindre un optimum entre émissions de particules et d’oxydes de souffre. La pression de suralimentation est également en hausse constante: 2.3 bars sur le V6 TDI de 233 ch en 2004, 3.2 bars aujourd’hui, avec en filigranne les 4.0 bars de la R18 e-tron victorieuse au 24 heures du Mans 2014.
Qui dit grosse pression dit gros turbo, mais également gros temps de réponse et dégradation de l’agrément de conduite. La parade est connue: multiplier des turbos plus petits. Plusieurs V6 turbodiesel du marché ont ainsi adopté un système à deux turbos séquentiels, c’est notamment le cas du V6 TDI 3.0 TDI développant 650 Nm de 1450 à 2800 t/min et 313 chevaux de 3900 à 4500 t/min qu’Audi lança en 2011 sur l’A6. Augmenter le couple sans péjorer la plage d’utilisation requiert l’adjonction d’un troisième compresseur, mais à la différence de BMW, Audi a choisi une voie innovante avec une turbine électrique logée à proximité de l’échangeur air-air. Ce compresseur électrique (e-Turbo dans la nomenclature du constructeur) assure la suralimentation à bas régime, laissant aux deux turbocompresseurs séquentiels, désormais plus gros, le soin d’alimenter le V6 dès que le débit de gaz d’échappement est suffisant. Le compresseur est alimenté par une batterie Lithium Ion de 48 Volts, elle-même chargée depuis le circuit classique à 12 Volts par un convertisseur DC-DC. L’ensemble forme ainsi une hybride douce (” mild hybrid”).
Le résultat est un couple de 750 Nm de 1250 à 2000 t/min et une puissance maxi de 385ch à 4200 t/min. Avec de telles valeurs, une boîte ZF à convertisseur de couple est la seule solution actuellement disponible dans la banque de composants du groupe Volkswagen. Les deux prototypes présentés ressemblent par ailleurs en tous points à un coupé RS5, peintures de guerre mises à part. La vitesse de pointe dépasse les 280 km/h et 0-100 km/h annoncé à 4 secondes environ.
Pour nous mettre en bouche et découvrir le petit circuit de Sturup, nous prenons d’abord le volant d’un autre concept basé sur l’A6, avec un V6 3.0 TDI simple turbo épaulé du même compresseur électrique, et développant 650 Nm de 1500 à 3000 t/min pour une puissance maxi de 326ch à 4000 t/min. Pour enfoncer le clou, l’exercice consiste à faire un départ arrêté contre le pacecar, une RS6 Avant 4.0 TFSI (700 Nm et 560 chevaux). Et surprise, cette A6 discrète concède à peine plus d’une longueur sur le 0-100 km/h. Je suis surtout épaté par la verve du châssis. Sur cette piste sinueuse et détrempée, l’A6 TDI Concept s’arrache des épingles avec une vigueur remarquable, le différentiel quattro sport neutralisant tout sous-virage et posant résolument l’auto sur son train arrière, à la limite du survirage.
Je répète ensuite l’exercice avec la RS5 TDI. Démarrage “pédale au métal”, le coupé se tient à la hauteur de la RS6 sur le premier rapport, puis cède une demi-longueur après le passage du deuxième. Comme sur la RS6, il est préférable d’anticiper les passages de rapport, la gestion automatique à l’approche du rupteur induisant un temps mort. L’allonge offerte par la plage de régime (la zone rouge est à 5500 t/min) est appréciable, mais selon les enchaînements, short-shifter pour rester dans la zone de couple maxi procure de meilleures sensations que tirer chaque intermédiaire au maximum. La motricité est bien évidemment irréprochable malgré des conditions traîtres, mais c’est surtout l’équilibre du châssis et, ici encore, la quasi absence de sous-virage qui surprennent. Le freinage, assuré par des disques en carbone céramique à l’avant, est irréprochable.
Que dire de la sonorité de la RS5 TDI ? Au ralenti et de l’extérieur, on perçoit avec peine qu’il s’agit d’un turbodiesel. La signature rocailleuse est là, perdue dans les entrailles de la ligne d’échappement, mais fortement atténuée. En charge, que ce soit de l’extérieur ou de l’intérieur. Le son produit est grave, moins hâché que sur un V8 atmo, mais présent et plaisant, agréablement modulé. Selon les dires des ingénieurs, il est presque entièrement synthétique, la plomberie reliant les deux turbocompresseurs séquentiels et le compresseur électrique jugulant l’acoustique. Le rendu est en tous cas suffisamment attractif pour éliminer la sonorité de la liste des griefs qu’on pourrait porter au passif de ce turbodiesel. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il tient la dragée haute à l’échappement sport de la RS6 Avant, mais le résultat est positif. La vidéo ci-dessous offre un meilleur rendu que mes enregistrements embarqués noyés, au propre comme au figuré, par la pluie diluvienne tombant sur le sud de la Suède le jour de notre visite:
Il m’est impossible de commenter l’agrément réel de ce moteur en conditions routières, notamment ses réactions en reprises à bas et mi-régime. Lorsqu’on a une RS6 bien emmenée comme lièvre devant soi, il est difficile de se convaincre de ne pas tout donner pour essayer de tenir le rythme.
La RS5 TDI n’est qu’un concept, et la fin de vie de programmée de la RS5 B8 rend une mise sur le marché plus qu’improbable. Il est par contre acquis que le V6 TDI et Electric Turbo sera lancé en série dans un futur proche, ce dans une configuration longitudinale (plateforme MLB). Les paris sont ouverts sur le branding des futurs produits TDI à haute performance et leur possible association avec le label RS. Par contre, le pari de convertir une part des amateurs de voitures sportives et performantes au turbodiesel semble d’ores et déjà gagné. Ce n’est plus qu’une affaire de temps.
Face à la concurrence
Audi RS5 TDI Concept | Audi RS5 Coupé | BMW M4 Coupé DCT | Mercedes C63 AMG | |
Moteur | V6 biturbo+eTurbo diesel 2967 cm3 | V8 4163 cm3 | L6 2979 cm3 biturbo | V8 6208 cm3 |
Puissance (ch) | 385 / 4200 | 450 / 8250 | 431 / 5500-7300 | 456 / 6800 |
Couple (Nm) | 750 / 1250-2000 | 430 / 4000-6000 | 550 / 1850-5500 | 600 / 5000 |
Transmission | Quattro | Quattro | Roues AR | Roues AR |
Boite à vitesses | Tiptronic 8 rapports | S Tronic 7 rapports | 6 man/7 DCT | SPEEDSHIFT MCT AMG 7 |
RPP (kg/ch) | N.C. | (3.81) | 3.79 (3.47/3.56) | (3.63) |
Poids DIN (constr.) | N.C. | (1715) | 1635 (1497/1537*) AV 52.2% AR 47.8% |
(1655) |
0-100 km/h (sec.) | ~ 4.0 | 4.5 | 4.3/4.1* | 4.4 |
Vitesse max. (km/h) | > 280 | 250 | 250 | 250 |
Conso. Mixte (constr.) | N.C. | (10.5) | (8.8/8.3*) | (12.0) |
Réservoir (l) | 61 | 61 | 60 | 66 |
Emissions CO2 (g/km) | N.C. | 246 | 204/194* | 280 |
Longueur (mm) | 4649 | 4649 | 4671 | 4590 |
Largeur (mm) | 1860/2020 | 1860/2020 | 1870 | 1770/1997 |
Hauteur (mm) | 1366 | 1366 | 1383 | 1406 |
Empattement (mm) | 2751 | 2751 | 2812 | 2760 |
Coffre | 455/829 | 455/829 | 445 | 450 |
Pneumatique AV | 275/30 R20 | 265/35 R19 | 255/40 ZR18 95Y | 235/40 R 18 |
Pneumatique AR | 275/30 R20 | 265/35 R19 | 275/40 ZR18 99Y | 255/35 R 18 |
Prix de base (CHF) | Concept | 107’600 | 97’400 | 100’600 |
Prix de base (EUR) | Concept | 90’150 | 81’900 | 90’800 |
Nos remerciements à Audi Suisse pour l’invitation à cet essai.
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