Essai Bentley Mulsanne: aristocrate


Au volant d’une des incarnations de l’aristrocratie automobile, la Bentley Mulsanne. 

Avec Bugatti, Bentley occupe le haut du segment des marques du groupe VW. Si Bugatti peut être considéré comme la marque placée tout en haut, Bentley n’est pas loin: elle offre une image historique de luxe et volupté traditionnelle. Depuis la reprise de Bentley en 1998, VW n’a pas ménagé ses efforts pour redonner du tonus à son acquisition. Tout d’abord, une rénovation complète de l’usine de production de Crewe dans le Cheshire County au nord ouest de l’Angleterre a été effectuée, puis, surtout, le développement de nouveaux modèles a été décidé. La Continental GT fut le premier représentant de cette nouvelle ère pour la marque.

Dans la catégorie des grandes berlines Bentley, l’Arnage a commencé sa carrière en 1998 précisément au moment du changement de propriétaire. Elle est remplacée en 2009 par la Mulsanne qui est dévoilée lors du Concours d’élégance de Pebble Beach en Californie, puis au salon de Francfort de la même année. Arnage, Mulsanne, pas besoin de chercher bien loin l’inspiration pour les noms de modèles. Ce sont de paisibles bourgades de la Sarthe française 364 jours par an, et le théâtre des 24 heures du Mans en juin de chaque année. Bentley a remporté cette course à 6 reprises, la première fois en 1924, la dernière en 2003. La Mulsanne coiffe la gamme Bentley, constituée de la Continental GT et ses dérivées Convertible, GT3 R et Flying Spur. Un SUV dont le développement est en cours verra le jour en 2016, mais il ne devrait pas devancer la Mulsanne en terme de positionnement et de prix.

Me voici donc à la concession Bentley de Genève pour prendre le volant de notre Mulsanne de test. Lors des quelques minutes d’attente, je détaille un modèle d’exposition. Je suis frappé, intimidé par la taille de cette voiture dans un environnement plus familier que dans un salon d’exposition. J’avais bien en tête les dimensions de cette berline, 5.57m de long pour 1.92m de large, mais je ne m’attendais pas à une hauteur de capot avant proche de celle d’un SUV de taille moyenne. Incontestablement elle impose le respect, et les premiers kilomètres à son volant sont effectués avec retenue et circonspection.

 

L’avant est dominé par une calandre verticale, abrupte et statutaire, surmontée du « B » ailé, les optiques rondes soulignées par une couronne de LEDs lui donnent de la personnalité, alors que le maillage de la calandre rappelle la joaillerie et les objets de luxe finement ciselés. L’arrière est fluide, descendant en pente douce, comme une gracieuse révérence. Les figures elliptiques chères à Bentley sont reprises dans les incrustations des optiques arrière et les embouts d’échappement.

Sous le capot, un V8 de 6 ¾ litres à double turbo dont l’assemblage a demandé une trentaine d’heures à Mr Bob Bishop, c’est inscrit dessus. Il diffère fondamentalement des W12 équipant les Continental GT ou Flying Spur, ainsi que le nouveau V8 4.0 biturbo commun au haut de gamme Audi. Il a été optimisé pour délivrer beaucoup de couple à bas régime, un des attributs historiques des moteurs de la marque. Il développe 512 ch à 4200 t/mn et 1020 Nm à 1750 t/mn. De conception traditionnelle, il est équipé d’un arbre à came central de culbuteurs pour commander les deux soupapes par cylindres, et d’une injection classique dans le collecteur d’admission. Ce moteur est accouplé à une boite à vitesse automatique ZF à 8 rapports proposant deux modes de fonctionnement : normal ou sport. Tout ce couple est transmis aux roues arrière.

Sur la route, et en ne jugeant que la partie « automobile » de cette Bentley, on apprécie un fonctionnement extrêmement feutré. Le bruit à l’intérieur est très atténué, les suspensions sont très souples, la voiture plonge littéralement à chaque freinage appuyé. Le gabarit et la position de conduite assez élevée n’inspirent pas une grande confiance pour la conduite rapide sur route sinueuse, mais, malgré un roulis important, la voiture suit sa trajectoire sans broncher tant que la route est bien plane. Si on aborde un revêtement de moins bonne qualité, on remarque un lien plutôt lâche entre les trains de roulement avant et arrière. Les liaisons des bras de suspension sont probablement généreusement souples, la contre-partie étant des réactions parasites qui seront ressenties par conducteur et passagers. La rigidité de la caisse n’est sans doute pas le point fort de la Mulsanne et une surprise relative en regard de la masse. Le passage sur des aspérités sèches, par exemple des joints de dilatation sur des ouvrages d’art, génère des vibrations caractéristiques et lancent un défi à l’intégrité structurelle de cette longue automobile. Il n’y a naturellement aucune répercussion audible, mais ces vibrations fugaces, perceptibles dans le placet du siège et le plancher détonnent avec l’ambiance rafinée de l’ensemble. La direction est très lègère et fortement démultipliée, ce qui rend la Mulsanne sereine à un rythme raisonnable, mais moins précise si l’on accélère l’allure.

Le moteur est velouté dans son fonctionnement, la boîte ZF enchaînant les rapports entre 1500 et 1800 t/min avec discrétion, jusqu’à 2050 t/min à 150 km/h indiqués. Si l’on a la curiosité de solliciter le gros V8 de 6.75 litres, son murmure se fait plus présent, mais reste contenu. Même si le couple maxi formidable de 1020 Nm annoncé dès 1750 t/min est à remettre dans le contexte du poids annoncé à 2685 kg. Les accélérations sont constantes mais pas méchantes, la Bentley Mulsanne n’a pas la réponse mordante perçue habituellement avec les groupes suralimentés par turbo compression. Les chiffres annoncés sont crédibles (0-100 km/h en 5.3 secondes, 0-160 km/h en 11.5 secondes), mais c’est plus la gestion d’un tel gabarit prenant rapidement de la vitesse que la poussée elle-même qui impressionnent, d’autant plus que la boîte automatique a tendance à embarquer au lever de pied. La zone rouge située à 4500 t/min reflète une optimisation centrée sur le confort de fonctionnement plutôt que sur la recherche de performance et les hauts régimes qui y sont associés. La boite à huit rapports n’est pas exempte d’à-coups lors des montées de rapports en charge. Elle est un peu décevante sur ce plan alors qu’aujourd’hui il existe des solutions totalement transparentes.


Il est impossible de ne pas s’arrêter sur le gabarit de cette voiture. Avant l’essai de cette Bentley, ma référence en termes de grande auto s’arrête à la Porsche Panamera. Une Mulsanne, c’est près de 60 cm de plus en longueur et l’expérience du parcage s’en retrouve tellement affectée qu’il est totalement déraisonnable d’envisager un déplacement avec étape en ville sans chauffeur. Les places de parc que l’on trouve sous nos longitudes ne sont pas conçues pour de telles dimensions, sans compter les éventuels espaces nécessaires aux manœuvres (le diamètre de braquage atteint 12.6 mètres). Chauffeur (ou voiturier à destination) sont donc une obligation, ce qui nous incite à passer sur le siège arrière.

Dans la production automobile actuelle, les places arrière sont trop souvent les parents pauvres. Hormis de rares exceptions, il faut cibler largement au-dessus des 5 mètres de longueur pour offrir un réel confort d’accès et de séjour à des adultes. Avec la Mulsanne, on passe de l’Economy Plus à la Première Classe. Les passagers sont choyés, en commençant par de longues portes pour faciliter l’accès. Il y a de la place, beaucoup de place. Une assise longue et profonde, un ciel de toit qu’on ne vient jamais effleurer des cheveux. Les sièges sont réglables en assise et en inclinaison, avec une divine fonction de massage qui alterne de multiples points de pression des fessiers aux clavicules. Chaque passager peut commander les rideaux de protection solaire ou les doubles vitrages de chaque côté de l’auto.

Des écrans LCD intégrés aux appui-têtes des sièges avant donnent accès aux contenus de DVD ou du tuner TV grâce à une télécommande. Les casques audio sans fils permettent de s’assurer que le chauffeur reste concentré sur sa mission de conduite. Des tablettes rabattables électriquement peuvent accueillir un iPad (de 4ème génération, mais nul doute qu’un adaptateur pour iPad Air doit être disponible) dans un logement comprenant le connecteur Lightning de recharge, le clavier standard Apple trouve lui aussi sa place dans un capitonnage en cuir parfaitement dimensionné. Il y a aussi la possibilité d’intégrer à la voiture un Mac mini comme serveur embarqué. La Mulsanne offre également une liaison internet avec une borne wifi. Dernier équipement totalement indispensable, un frigo intégré derrière l’accoudoir central arrière pouvant accueillir 2 bouteilles de champagne, 3 flutes en cristal soufflé et coupé à la main complètent l’arrangement.


La préoccupation obsessionnelle du détail confine au vice. Le plastique si courant dans nos voitures est pour ainsi dire complètement absent, les seuls éléments dans cette matière sont une partie des boutons de commande des systèmes de la voiture, mais recouverts de peinture piano noir brillant. En dehors de cela, on ne trouve que des matériaux nobles, des tirettes métalliques, des moquettes profondes, des boutons moletés et du cuir odorant de première qualité. Comme dans un établissement cinq étoiles, les détails sont soignés, comme des rembourrages moelleux contre les piliers arrière pour pouvoir reposer sa tempe confortablement, ou le bandeau de boiserie courant derrière les sièges arrière, dans la continuité de l’habillage de la planche de bord et des contre-portes.

Le coffre à bagages n’est pas en reste avec des supports de parapluie et un étui en cuir brodé pour le triangle de panne. Avec 443 litres, ce coffre est de taille plutôt menue vu les dimensions de la voiture, il est un peu étriqué pour emmener une garde robe adaptée lors de longs voyages. Le tableau de bord ne pose pas de problème d’appréhension, la logique de commande et le logiciel d’interface sont de provenance Audi. L’écran d’interface escamotable mesure 8 pouces en diagonale et parait désormais petit en regard de l’évolution rapide des interfaces graphiques dans l’automobile. Les graduations des deux cadrans analogiques faisant face au conducteur démarrent à 13 heures, une touche d’originalité.

Pour être complet, il convient d’aborder les sujets d’intendance. Pour nos quelques jours d’essai sur des parcours mixtes, la consommation s’est établie à 23.06 L/100km. Le réservoir de 96 litres assure ainsi une autonomie raisonnable de plus de 400 kilomètres. Le prix de base est affiché à CHF 362’000.- auxquels viendront s’ajouter les nombreuses options et packs d’équipement disponibles pour configurer une Mulsanne selon ses goûts. Le nuancier standard inclut 28 teintes extérieures, 25 couleurs de sellerie à simple ou double ton, 22 moquettes et 23 couleurs pour les ceintures de sécurité.

Après la suspension de la production de Maybach par Daimler, aucune autre concurrente allemande, anglaise ou italienne ne s’approche des dimensions, encore moins du cachet, des deux aristocrates britanniques, Rolls Royce et Bentley. La clientèle de ce type de voiture trouvera dans la Mulsanne l’expression de la passion et du goût pour le détail soigné. Le comportement routier est sans reproche lorsqu’on est installé sur le siège arrière, il n’est pas sans défaut lorsqu’on prend le volant et souhaite hausser le rythme. Tout dans le style et l’ambiance intérieure incite à une conduite calme et feutrée – distinguée serait-on tenté d’écrire – en ligne avec l’esprit que cette voiture insuffle. Bentley présente la Mulsanne comme une limousine luxueuse sportive, il convient de garder une distance critique et réaliste avec ce dernier qualificatif. La Mulsanne incarne l’excellence britannique dans la manufacture d’automobiles de luxe, un objet rare destiné à celle ou celui qui, lorsqu’ils souhaitent se faire conduire, apprécient le style, le raffinement et la quiétude à leur juste prix.

Configuration du véhicule

Bentley Mulsanne CHF 362’000.- € 314’000.-
Seat piping Highland Hare CHF 2’370.- € 1’926.-
Glass roof CHF 1’410.- € 2’892.-
Entertainment specification CHF 35’410.- € 25’374.-
2 City umbrellas CHF 215.- € 186.-
Deep Pile Wilton Carpet Mats To Front And Rear CHF 1’445.- € 1’278.-
Frosted Glass, Refrigerated Bottle Cooler with Bespoke Crystal Champagne Flutes CHF 10’895.- € 9’678.-
TV Tuner (DVB-T MPEG2&4) & DAB/DAB+ Radio  CHF 1’690.- € 1’500.-
Vehicle Tracking System – Full Fitment CHF 2’135.- € 1’890.-
Premier Specification CHF 21’835.- € 11’190.-
21″ Classic Alloy Wheel – Painted CHF 4’935.- € 4’506.-
Prix catalogue du véhicule essayé CHF 444’340.- € 374’420.-

 

Face à la concurrence

 Bentley Mulsanne Rolls Royce Ghost Series II Extended Wheelbase Mercedes S65 AMG BMW 760 Li
Moteur V8 biturbo V12 biturbo – 6592 cm3  V12 biturbo – 5980 cm3  V12 biturbo – 5972 cm3
Puissance (ch) 512 / 4200 570 / 5250  630 / 4800-5400 544 / 5250-6000
Couple (Nm) 1020 / 1750 780 / 1500  1000 / 2300-4300 750 / 1500-5000
Transmission Roues AR Roues AR Roues AR Roues AR
Boite à vitesses ZF 8HP90 8 rapports ZF 8HP90 8 rapports Automatique 7 rapports  Steptronic 8 rapports
RPP (kg/ch) (5.24) (4.30)  (3.57) (3.99)
Poids DIN (constr.) (2685) (2450) (2250) (2175)
0-100 km/h (sec.) 5.3 5.0 4.3 4.6
Vitesse max. (km/h) 296 250  250 250
Conso. Mixte (constr.) (16.9) (14.1)  (11.9) (12.9)
Réservoir (l) 96 82.5  80 80
Emissions CO2 (g/km) 393 329  279 303
Longueur (mm) 5575 5569  5246 5219
Largeur (mm) 1926 / 2208 1948  1899 / 2130 1902 / 2142
Hauteur (mm) 1521 1550 1494 1481
Empattement (mm) 3266 3465  3165 3210
Coffre 443 490  470 500
Pneumatique AV  265/45 R20 255/45 R20  255/40 R20 245/50 R18
Pneumatique AR  265/45 R20 285/40 R20  285/35 R20 245/50 R18
Prix de base (CHF) 362’000.- 447’400.- 308’000.- 199’080.-
Prix de base (EUR) 314’000.- 300’900.-  249’000.- 158’100.-

Nos remerciements à Bentley Genève pour le prêt de cette Bentley Mulsanne.

Galerie de photos

Liens

Le sujet du forum – les articles Bentley – la liste des essais – les essais récents ou relatifs:

        

Tu pourrais aussi aimer