Essai KTM X-Bow Clubsport: X-treme

KTM propose le roadster homologué le plus radical. Le résultat tient plus du génie que de la gageure, avec un résultat aussi performant qu’exigeant de son pilote. Un magnifique jouet à un prix étonnamment accessible en regard de la qualité de réalisation.

Procrastination. Il y a des choses qu’on repousse sans trop de raisons valables, et l’essai du KTM X-Bow en est une. KTM a présenté le premier prototype au salon de Genève 2007 avant de revenir en 2008 avec la version définitive destinée à l’homologation routière. Enhardi par quelques jours d’été indien, je décide de faire enfin de la bombe autrichienne une priorité, mais c’est par des températures plutôt fraîches que je vois l’essai se concrétiser.

Décidé à affronter avec stoïcisme une fin d’automne assez brutale, j’ai ressorti du placard mon Shoei et mes cuirs Dainese de motard repenti, le port du premier étant rendu indispensable par l’absence de pare-brise (la projection d’un simple gravillon pourrait avoir des conséquences dramatiques), les seconds offrant la meilleure protection disponible contre le vent et le froid.  L’installation à bord est un cérémonial un peu fastidieux, mais qui participe à l’expérience décalée de la conduite d’un tel engin. L’extraction du volant à baïonnette est quasiment obligatoire pour pouvoir s’insérer dans le cockpit. Les baquets, un revêtement en mousse dure épousant la coque, sont naturellement fixes, mais le pédalier est facilement réglable en profondeur

Vient ensuite le harnachement dans le harnais à 6 points (j’ai fait l’impasse sur la boucle inférieure pour cet usage routier) puis la procédure de démarrage. Switch de contact, bouton stop, bouton start, changement de mode au volant puis start à nouveau – vous me suivez ? – et le 2.0 litres TFSI d’origine Audi/VW s’ébroue. Avec la cartographie de KTM, il développe 310 Nm dès 2000 t/min et 240 chevaux à 5500 t/min, des chiffres qui prennent une autre dimension quand on les rapporte au poids du X-Bow, 886 kg avec le plein d’essence sur nos corner scales. Le rapport poids puissance résultant est de 3.69 kg/ch, une valeur incidemment similaire à celle d’une Porsche 991 Carrera S. Comment faire beaucoup avec peu, le CQFD du « Light is Right » (« ce qui est léger est bien ») qu’on attribue à Colin Chapman. Dans l’absolu, les 886kg du X-Bow sont une légère déception. Avec une coque en carbone, un gabarit réduit (3.74m de long), l’absence de tout vitrage, des panneaux de carrosserie réduits au strict minimum, aucun équipement de confort ou de sécurité (il n’y a pas d’airbag), l’écart avec une Caterham R500 qui flirte avec la demi-tonne en utilisant des technologies bien moins sophistiquées est difficile à comprendre.

La première impression prédominante est l’abondance de couple. Le 2 litres turbo ne semble guère se complaire dans les très bas régimes, mais dès 2000 tours, la poussée est franche, virile, balistique. Tout de Shoei et Dainese vêtu, je retrouve les sensations de ma Yamaha R1, le couple prédominant d’un gros moteur dans un châssis léger, la furie des hauts régimes en moins. Le X-Bow pousse fort, mais à l’approche de 6000 tours, la grosse LED rouge du bloc d’instruments se met à clignoter, le passage au rouge continu marquant le point de passage du rapport. Tirer quelques intermédiaires à fond propulse le X-Bow a des vitesses conséquentes dont la perception est encore magnifiée par l’assise à ras du sol. En usage routier, les perfs sont de premier ordre, la disponibilité offerte par le couple abondant sur toute la plage de régime permettant de piquer une chicane mobile à la moindre ouverture sans devoir se soucier du rapport engagé. La sonorité du moteur n’est pas un point fort, le 4 cylindres se faisant juste un peu plus présent et rageur que sous le capot d’une Golf ou TT, mais les piaffements émanant de la waste gate ajoutent une touche sympathique à basse vitesse.

 

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Subjectivement, la bête semble être souveraine et largement capable de larguer une GT de 400 chevaux. C’est donc avec pleine confiance que j’embarque un passager alors que notre voiture suiveuse – une Porsche 991 Carrera S – nous emboîte le train jusqu’au premier spot photo.  Et malgré des efforts diligents, je ne parviens pas à distancer la 911 en ligne droite, son conducteur doit même légèrement soulager le pied droit. Surprenant. Nous répétons l’exercice peu après, mais le troisième est cette fois dans l’habitacle douillet de la Carrera. Cette fois, la « carbonbinette » a le dessus. L’explication est simple : un passager représente 5% du poids de la 911 avec son conducteur, mais 10% du poids du X-Bow. Les voitures légères souffrent plus du poids de leurs occupants, les accélérations s’en ressentent. La barre est toutefois placée haut, et les performances et l’agrément de pilotage font du moteur suralimenté un point fort.

La commande de boîte est bonne, le petit levier ne se trouve qu’à une petite vingtaine de centimètres de la jante du volant. Débattement court, verrouillages rapide, il n’y a qu’en roulant lentement que j’ai trouvé occasionnellement les guidages un peu flous. Je craignais un peu la disposition du pédalier, mais elle s’avère excellente. KTM a su ménager un logement d’appui pour le pied gauche, les commandes sont douces, la disposition idéale pour le talon pointe. Il faut certes s’habituer à l’absence d’assistance de pression de freinage, mais une fois le muscle calibré, on peut moduler sans difficulté. Pour mon mètre quatre-vingt deux, la position de conduite est bonne dans l’ensemble, le volant appréciablement proche du corps, même si je le trouve trop bas et, comme nous allons le voir plus tard, trop petit.

Mes marques étant prises, j’entreprends d’explorer l’enveloppe de comportement du X-Bow. Bénédiction, la voiture est montée en Continental Sport Contact 3, bien plus en rapport avec des conditions automnales, la température extérieure flirtant avec les dix degrés celsius et des plaques d’humidité persistant. Des semi-slicks auraient été traitres, difficiles à mettre puis maintenir en température. L’adhérence demeure phénoménale, l’inertie nulle à la prise d’appui, rendant l’ensemble difficile à appréhender. Le châssis suit la moindre impulsion du volant sans retard ou flexibilité, je peine à combiner précision et force pour tracer des trajectoires propres et sans corrections, surtout en courbe rapide. J’attribue le challenge au faible diamètre du volant, limitant d’autant l’amplitude des gestes et multipliant la force à appliquer pour tenir l’auto. Le X-Bow n’est pas physique comme peut l’être un kart, mais la précision et la fermeté requis sont sans comparaison avec une GT sportive, même affutée comme une 911 GT3.

A ce challenge vient s’ajouter l’équilibre de l’auto. Chose rare, le sous-virage est nul, on ne peut pas compter sur les prémices d’une perte progressive du train avant pour téléphoner un excès d’optimisme. On sent par contre la charge se transférer sur le train arrière dès la remise des gaz. Dans les sorties de virages lents, le X-Bow accepte volontiers de prendre un léger angle de lacet, la dérive étant progressive et facile à provoquer grâce au couple du TFSI. C’est sur ce terrain que le KTM est le plus facile à maîtriser, l’avant rivé au bitume, l’agilité démoniaque. Le centre de gravité se situe à 390mm de la route, 56mm plus bas qu’une 911 GT3, un autre monde. Dans les épingles les plus serrées, il faut juste prendre garde à écarter les cuisses pour éviter que les mains ne viennent buter contre lorsque l’angle de braquage dépasse le quart de tour de volant. Les grandes courbes rapides demandent incomparablement plus de pratique et de finesse pour passer vite et sans corrections.

Déterminé à poursuivre mon apprentissage, je pointe le museau agressif du X-Bow vers les contre-pieds du Jura Vaudois. Un court tronçon autoroutier pour aller à l’essentiel, la pression de l’air sur le casque est considérable, je n’arrive pas à me tasser assez pour me mettre à l’abri. A 150 km/h de croisière, le bruit est saoulant, je jette parfois un œil aux biellettes de suspension qui travaillent au gré des compressions.  Le stratus drapant le plateau n’est guère engageant et dès les premiers S du col du Mollendruz, la route devient humide, le coup de grâce venant avec un sémaphore de chantier au milieu de la montée, brillant dans le brouillard. La visibilité s’amenuise, il est hors de question de taquiner les arêtes tranchantes d’un tel outil dans ces conditions. Cinq cent mètres après le col, la luminosité augmente progressivement, je poursuis vers le Lac de Joux. Le ciel passe soudainement du gris au bleu, les arbres du brun sombre au chatoiement de rouges et de jaunes, les crêtes du Risoux se reflètent dans les eaux froides et calmes. Un paysage d’une beauté enivrante, mais qui prend une saveur toute particulière dans un roadster aussi radical, le soleil chauffant le cuir et l’air sous la visière du casque. Les employés des manufactures horlogères se retournent sur le passage de l’agent orange, le regard médusé.

Du Brassus, les méandres torturés de la montée du col du Marchairuz mettent en relief la sensation d’être assis non pas derrière, mais sur ce train avant accrocheur, permettant des trajectoires serrées, un œil sur la roue avant qui effleure le mur à la corde, l’autre sur la sortie du virage, un vrai régal. Le tarage des ressorts et l’amortissement sont très bien jugés. Ferme mais pas inconfortable, rigoureux mais jamais désuni, même lorsque le revêtement se dégrade. La rigidité intrinsèque de la coque et le très faible poids non suspendu ont permis aux ingénieurs de faire un travail remarquable. Parvenu au sommet, je m’arrête avant de replonger vers la mer de stratus. En plus de son dessin agressif, KTM a réalisé un magnifique objet technique. La laque orange contrastant avec le maillage parfait de la fibre de carbone du berceau, les ouies de refroidissement ressemblant à un squale, les biellettes de renvoi des bras de suspension, les plastiques mats, le caisson d’échappement, autant de magnifiques détails qui rendent le tarif de base (79’500 CHF) très attractif dans une catégorie qui se réduit comme peau de chagrin. Lotus mal en point, Caterham privé d’importation en Suisse pour cause de crash test piéton, il reste bien peu d’alternatives pour l’amateur de sportives légères et/ou radicales.

J’ai été séduit par le KTM X-Bow. Le concept est extrême, mais les sensations sont en rapport. L’interprétation austro-germanique de l’open wheeler radical, rigoureux et performant. Ici, les concessions ne sont pas à faire au nom du folklore de réalisations britanniques approximatives, elles sont logiques et pertinentes. Une auto exigeante de son pilote, non pas pour contourner ses défauts, mais pour exploiter un potentiel conséquent. Une auto difficile, mais pour de très bonnes raisons : le tribut à payer à la performance. Conséquence logique, le X-Bow attire avant tout une audience de véritables pistards, le succès du championnat KTM X-Bow Battle en est la meilleure des illustrations. Si le contexte du lancement du X-Bow – la crise des subprimes de 2008 – a certainement péjoré les volumes initiaux, KTM dit avoir pu écouler près de 700 X-Bow et prépare la présentation au salon de Genève 2013 d’une solution permettant de conduire le X-Bow sans casque. Rendez-vous est pris !

Face à la concurrence

KTM X-Bow Clubsport Lotus Exige S Morgan Plus 8
Moteur 4 cyl turbo FSI 1984 cm3 V6 compresseur 3456 cm3 V8 4799 cm3
Puissance (ch / t/min) 240 / 5500 350 / 7000 367 / 6300
Couple (Nm / tr/min) 310 / 2000-5500 400 / 4500 490 / 3400
Transmission Roues AR Roues AR Roues AR
Boite à vitesses 6 manuelle 6 manuelle 6 manuelle
RPP (kg/ch) 3.69 3.09 2.99
Poids DIN (constr.) 886 (890)
36.8% AV / 63.2% AR
(1080) (1100)
0-100 km/h (sec.) 3.8 4.5
Vitesse max. (km/h) N.C. 274 249
Conso. Mixte (constr.) 12.1 (7.8) (10.1) (12.1)
Réservoir (l) 40 40 55
Emissions CO2 (g/km) 180 236 282
Longueur (mm) 3738 4052 4010
Largeur (mm) 1915 1802 1751
Hauteur (mm) 1202 1153 1220
Empattement (mm) 2430 2370 2490
Coffre (L) Niet 112 Niet
Pneumatique AV 215/45/17 205/45/17 225/40/18
Pneumatique AR 255/35/18 265/45/18 245/40/18
Prix de base (CHF) 85’500 CHF* 93’000 CHF 137’600 CHF
Prix de base (EUR) N.C. 70’410 € 117’500 €

* version street dès 79’500 CHF

Nos remerciements à l’équipe de 5,4,3,2,1 Contact pour le prêt de ce X-Bow Club Racer. Il est à louer sur route ou sur piste, profitez-en !

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