Essai KTM X-Bow Clubsport: X-treme
Subjectivement, la bête semble être souveraine et largement capable de larguer une GT de 400 chevaux. C’est donc avec pleine confiance que j’embarque un passager alors que notre voiture suiveuse – une Porsche 991 Carrera S – nous emboîte le train jusqu’au premier spot photo. Et malgré des efforts diligents, je ne parviens pas à distancer la 911 en ligne droite, son conducteur doit même légèrement soulager le pied droit. Surprenant. Nous répétons l’exercice peu après, mais le troisième est cette fois dans l’habitacle douillet de la Carrera. Cette fois, la « carbonbinette » a le dessus. L’explication est simple : un passager représente 5% du poids de la 911 avec son conducteur, mais 10% du poids du X-Bow. Les voitures légères souffrent plus du poids de leurs occupants, les accélérations s’en ressentent. La barre est toutefois placée haut, et les performances et l’agrément de pilotage font du moteur suralimenté un point fort.
La commande de boîte est bonne, le petit levier ne se trouve qu’à une petite vingtaine de centimètres de la jante du volant. Débattement court, verrouillages rapide, il n’y a qu’en roulant lentement que j’ai trouvé occasionnellement les guidages un peu flous. Je craignais un peu la disposition du pédalier, mais elle s’avère excellente. KTM a su ménager un logement d’appui pour le pied gauche, les commandes sont douces, la disposition idéale pour le talon pointe. Il faut certes s’habituer à l’absence d’assistance de pression de freinage, mais une fois le muscle calibré, on peut moduler sans difficulté. Pour mon mètre quatre-vingt deux, la position de conduite est bonne dans l’ensemble, le volant appréciablement proche du corps, même si je le trouve trop bas et, comme nous allons le voir plus tard, trop petit.
Mes marques étant prises, j’entreprends d’explorer l’enveloppe de comportement du X-Bow. Bénédiction, la voiture est montée en Continental Sport Contact 3, bien plus en rapport avec des conditions automnales, la température extérieure flirtant avec les dix degrés celsius et des plaques d’humidité persistant. Des semi-slicks auraient été traitres, difficiles à mettre puis maintenir en température. L’adhérence demeure phénoménale, l’inertie nulle à la prise d’appui, rendant l’ensemble difficile à appréhender. Le châssis suit la moindre impulsion du volant sans retard ou flexibilité, je peine à combiner précision et force pour tracer des trajectoires propres et sans corrections, surtout en courbe rapide. J’attribue le challenge au faible diamètre du volant, limitant d’autant l’amplitude des gestes et multipliant la force à appliquer pour tenir l’auto. Le X-Bow n’est pas physique comme peut l’être un kart, mais la précision et la fermeté requis sont sans comparaison avec une GT sportive, même affutée comme une 911 GT3.
A ce challenge vient s’ajouter l’équilibre de l’auto. Chose rare, le sous-virage est nul, on ne peut pas compter sur les prémices d’une perte progressive du train avant pour téléphoner un excès d’optimisme. On sent par contre la charge se transférer sur le train arrière dès la remise des gaz. Dans les sorties de virages lents, le X-Bow accepte volontiers de prendre un léger angle de lacet, la dérive étant progressive et facile à provoquer grâce au couple du TFSI. C’est sur ce terrain que le KTM est le plus facile à maîtriser, l’avant rivé au bitume, l’agilité démoniaque. Le centre de gravité se situe à 390mm de la route, 56mm plus bas qu’une 911 GT3, un autre monde. Dans les épingles les plus serrées, il faut juste prendre garde à écarter les cuisses pour éviter que les mains ne viennent buter contre lorsque l’angle de braquage dépasse le quart de tour de volant. Les grandes courbes rapides demandent incomparablement plus de pratique et de finesse pour passer vite et sans corrections.
Déterminé à poursuivre mon apprentissage, je pointe le museau agressif du X-Bow vers les contre-pieds du Jura Vaudois. Un court tronçon autoroutier pour aller à l’essentiel, la pression de l’air sur le casque est considérable, je n’arrive pas à me tasser assez pour me mettre à l’abri. A 150 km/h de croisière, le bruit est saoulant, je jette parfois un œil aux biellettes de suspension qui travaillent au gré des compressions. Le stratus drapant le plateau n’est guère engageant et dès les premiers S du col du Mollendruz, la route devient humide, le coup de grâce venant avec un sémaphore de chantier au milieu de la montée, brillant dans le brouillard. La visibilité s’amenuise, il est hors de question de taquiner les arêtes tranchantes d’un tel outil dans ces conditions. Cinq cent mètres après le col, la luminosité augmente progressivement, je poursuis vers le Lac de Joux. Le ciel passe soudainement du gris au bleu, les arbres du brun sombre au chatoiement de rouges et de jaunes, les crêtes du Risoux se reflètent dans les eaux froides et calmes. Un paysage d’une beauté enivrante, mais qui prend une saveur toute particulière dans un roadster aussi radical, le soleil chauffant le cuir et l’air sous la visière du casque. Les employés des manufactures horlogères se retournent sur le passage de l’agent orange, le regard médusé.