Le Tesla Roadster Sport, la voiture de sport électrique.
400 Nm. A zéro tours par minute. Le chiffre a de quoi aiguiser l’intérêt de tout amateur d’automobiles, encore plus lorsque l’emballage est aussi séduisant que l’exemplaire Very Orange (c’est le nom de la peinture) qui nous est confié pour cet essai, réhaussé de vastes surfaces de fibre de carbone, de la lame de spoiler avant au capot moteur en passant par l’intérieur Premium Executive Carbon Fiber. Sous un ciel maussade, nous nous dépêchons de nous extraire de la banlieue genevoise. A vitesse constante sur autoroute, les bruits de roulement et d’air dominent. Difficile à dire si on y préfèrerait le bourdonnement d’un bon vieux 4 cylindres, l’exercice n’est de toute manière pas la tasse de thé de ce genre d’auto. L’équipement de série inclut la climatisation, l’ordinateur de bord à écran tactile, un autoradio et une préparation pour iPod.
Devant le volant, le combiné d’instruments montre à gauche un tachymètre gradué jusqu’à 250 km/h (par saut de 30 km/h, habitude regrettable héritée de Lotus), avec une échelle parallèle de régime allant de 0 à la zone rouge de 14’000 tours minute. Il n’y a pas de boîte à vitesses, le couple du moteur est tel que sa plage de régime maxi de 14’000 t/min permet à la fois des accélérations décoiffantes et une vitesse de pointe de 201 km/h avec le rapport de transmission fixe de 8.28 :1. Vitesse et régime moteur sont ainsi en relation directe. Sur la droite, un indicateur de consommation électrique, gradué de 0 à 200kW (soit 271 chevaux), et de 0 à 40 kW pour la recharge. A la différence de la plupart des voitures hybrides, le Roadster Tesla ne dispose pas de modulateur de pression de freinage entre régénération électrique et dissipation thermique dans les disques de frein. Le frein moteur est très prononcé si la pédale de gaz est relâchée, au point où il est quasiment inutile de freiner en conduite coulée et où un véhicule suivant pourrait être sérieusement surpris par le ralentissement du petit roadster alors que ses feux d’arrêt restent éteints. Une action sur la pédale de frein ne module pas la régénération d’énergie cinétique. Il faut donc maintenir un filet d’électrons (le terme « pédale de gaz » est ici complètement déplacé) pour continuer sur sa lancée sans être fortement ralenti.
Le pack de batteries du Tesla Roadster est logé derrière les sièges dans le compartiment normalement réservé aux mécaniques Toyota sur les Lotus dont Tesla emprunte l’architecture du châssis pour ce modèle. Pas moins de 6831 cellules Lithium Ion dont il est pris grand soin, notamment dans la gestion thermique, avec un refroidissement liquide entre les batteries à l’arrière et un échangeur de taille respectable à l’avant, coiffé de deux ventilateurs. Leur durée de vie est estimée à 7 années ou 160’000 km et leur remplacement coûte la bagatelle de 13900 CHF selon la liste de prix. A 120 km/h stabilisés, l’indicateur de puissance oscille autour de 25 kW (33 ch), il reste donc 250 chevaux sous le pied droit ! Direction les coteaux de la côte Lémanique puis les contreforts du Jura.
Pied dedans à chaque sortie de village, les reprises de 50 à 80 (ou plus si vous avez l’esprit polisson et téméraire) sont hilarantes, l’instantanéité de la réponse à l’accélérateur, la force et la constance de la poussée procurent des sensations uniques dans le domaine automobile. Elles sont naturellement différentes – bien moins viscérales – que le hurlement du V8 d’une Ferrari 458 entre 6000 et 9000 t/min, mais le bruit de turbine a son charme propre, dans la veine « spacio-mobile » de film d’anticipation type Cinquième Element, Minority Report ou i-Robot, avec une touche qui rappelle un avion à réaction. S’il est fort probable que l’expérience aura plus d’attrait pour les geeks que pour les nostalgiques des sportives brutes des seventies, elle a un côté séduisant et enivrant. Un côté socialement responsable également car le Tesla Roadster, en dehors de toute considération écologique, est très silencieux pour les riverains. Moins silencieux, les deux ventilateurs qui, en cas de fortes sollicitations répétées, s’enclenchent pour accroître le refroidissement liquide des batteries, envahissant l’habitacle d’un bruit de sèche-cheveux.
Sur parcours sinueux avec de nombreuses relances, peu de sportives parviendront à suivre le rythme imposé par le Roadster. Inutile de se préoccuper de la vitesse de passage en courbe, de la trajectoire, du rapport engagé pour ressortir à un régime favorable. Quelle que soit la courbe ou la pente, la réponse est immédiate et d’une cinglante vigueur. Ludique, efficace et addictif. Il n’y a guère qu’à de hautes vitesses, totalement proscrites en situation routières réalistes, que la puissance limitée – toutes proportions gardées – donne l’impression que la poussée s’atténue. A 4.42 kg/ch, le rapport poids/puissance est respectable, mais loin des 3.42 kg/ch d’une Lotus 111R Bemani avec son diabolique compresseur. Sur route sinueuse et petit circuit, le cocktail est attrayant et sans nul doute efficace, mais il en serait autrement sur parcours très roulant dans des conditions permettant d’atteindre de hautes vitesses. Sensible à la conduite, l’explication se trouve facilement dans les chiffres : le couple maxi de 400 Nm est maintenu constant de 0 à 5100 t/min (environ 70 km/h) alors que la puissance culmine à 288 ch pour un régime de 6000 t/min (soit 85 km/h), puis décline au-delà. A 10’500 t/min soit 150 km/h, il ne reste « que » 230 chevaux environ. Une boîte à deux rapports fut au programme de développement du Roadster, mais des problèmes de fiabilité ont forcé son abandon en faveur de cette solution en prise directe, élégante mais compromettant les performances absolues. L’allonge est là, manque le souffle.
Les conditions météo capricieuses ont rendu difficile l’évaluation du comportement routier, le profil des Yoko Advan A07 incitant à la prudence sur chaussée détrempée et vu le tarif de l’engin, la perspective d’aller planter son joli museau orange dans un ravin n’est guère attrayante. L’amortissement est plutôt réussi, sans raideur inutile, tout en préservant l’immédiateté des réactions et l’absence d’inertie. La direction n’est pas assistée, mais cela m’a nettement moins dérangé que lors de l’essai de la Lotus Elise Club Racer, probablement car les reprises ne rendent pas les vitesses de passage en courbe aussi cruciales. A un rythme routier, la surcharge pondérale considérable par rapport aux cousines de la gamme Lotus se fait complètement oublier. Le Roadster Sport pèse 1275 kg sur nos balances, avec une répartition assez radicale (65.1% sur le train arrière contre 34.9% sur les roues avant. La Lotus Elise la plus légère pointant à 878kg, la Tesla est donc 45% plus lourde, malgré l’ablation du moteur thermique. Avec l’abondance de couple, la motricité pourrait facilement être mise à mal, mais même avec l’antipatinage déconnecté, les Yoko motricent de manière surprenante en ligne droite, bien lestés par les batteries. J’ai trouvé le feeling de la pédale de frein moyen, un peu amorphe. Détail intéressant, l’empattement est allongé de 51mm par rapport aux châssis de Lotus Elise.
Au terme de 174km d’essai sur un parcours mixte route/autoroute à des allures variables, 77% de la charge de la batterie a été consommée, ce qui situe l’autonomie réelle à notre rythme à 226km (Tesla revendique 340km), une autonomie par ailleurs inexploitable puisqu’il est impossible de tabler sur une hypothétique et providentielle station de charge à l’endroit où les batteries seront entièrement vides, ni d’ailleurs de patienter 3 heures pour faire le plein si cette station est capable de délivrer les 70A nécessaires à une charge rapide. Comme de coutume avec les consommations normalisées, les chiffres de Tesla ne sont donc pas atteints, notre consommation effective atteignant les 247.8 Wh/km contre les 164.7 annoncés par le constructeur (56 kWh de capacité totale des batteries Lithium Ion divisés par 340km) et les 203 Wh/km affichés par l’ordinateur de bord. Au prix moyen du kWh d’électricité en Suisse (22cts, 0.13€ HT en France), le coût énergétique est presque dérisoire : 5.45 CHF/100km si on fait l’hypothèse d’un rendement de recharge de 100%, soit un transfert intégral de l’énergie tirée de la prise vers les batteries. Autre calcul amusant, en rapportant la consommation du Roadster Tesla au contenu energétique de l’essence (environ 9.7kWh par litre de carburant), on parvient à une consommation d’essence de 2.55 L/100km. Un chiffre très théorique qui ne tient pas compte des pertes de rendement, mais qui situe les ordres de grandeur.
Un bémol toutefois : les chiffres sont attractifs sur le papier, mais la réalité pratique est différente. L’angoisse de la « panne sèche » est une préoccupation réelle. La recharge peut se faire à partir d’une prise secteur 220V classique, ou de préférence depuis une prise triphasée, le temps de charge étant proportionnel au courant disponible. Avec 70A sous 220V, la charge complète ne prend que 3 heures. Avec les 10A normalement disponibles sur une prise secteur classique, la durée s’allonge à 22 heures. Il est donc impossible de partir pour une virée de 300km de cols alpins à moins d’avoir prévu une pause déjeuner conséquente avec station de charge à courant fort à disposition. Si l’autonomie est viable dans le cadre de trajets pendulaires, ceux-ci sont en contradiction avec la vocation d’un roadster spartiate destiné aux loisirs.
Autre écueil, les tarifs. Le Tesla Roadster Sport est affiché à 142’200 CHF, et la liste d’options disponibles donne le vertige. Avec une belle configuration telle que celle de notre voiture d’essai, le tarif catalogue dépasse les 170’000 CHF. Un tarif qui en fait un produit de niche pour consommateurs précoces (version Académie Française des early adopters). Une somme conséquente pour rouler différent, avec des sensations qui demeurent uniques dans la production automobile actuelle et l’image valorisante d’une voiture de sport responsable.
Aux Etats-Unis, tous les Tesla Roadster sont vendus, l’attention se tournant vers le lancement de la limousine Model S au printemps 2012. Les pays européens ont encore des allocations disponibles, le Roadster y est donc toujours en vente. Le marché suisse est d’ailleurs porteur, plus de 100 voitures ont déjà trouvé preneur depuis la commercialisation en 2009. Petrolhead, disent les brittons pour désigner les amateurs d’automobiles. Des voitures comme le Tesla Roadster vont donner naissance à une nouvelle génération de passionnés : les Electronheads.
Prix des principales options (CHF)
Tesla Roadster Sport | 142’200.- |
Peinture métallisée | 1’200.- |
Peinture Premium | 2’400.- |
Hardtop dans la couleur de la carrosserie | 3’800.- |
Hardtop en carbone | 6’000.- |
Paquet carbone externe | 9’300.- |
Phares Xenon | 3’000.- |
Sièges cuir Premium | 2’250.- |
Pack cuir Executive avec sièges cuir Premium | 9’500.- |
Pack cuir et carbone Executive avec sièges cuir Premium | 13’700.- |
Système multimedia Premium avec touch screen 7″, GPS et caméra de recul | 5’300.- |
Chargeur universel 220V/32A | 1’800.- |
Chassis sport réglable | 4’900.- |
Prix catalogue du modèle d’essai | >170’000.- |
Face à la concurrence
Tesla Roadster Sport | Lotus Elise S | Porsche 997.2 Cabriolet | |
Moteur | AC 375V | L4 1797 cm3 compresseur | Flat 6 3614 cm3 |
Puissance (ch / régime) | 288 / 4400-6000 | 220 / 6800 | 345 / 6500 |
Couple (Nm / régime) | 400 / 0-5100 | 250 / 4600 | 390 / 4400 |
Transmission | Propulsion | Propulsion | Propulsion |
Boite à vitesse | 1 rapport | 6 rapports manuels | 7 rapports double embrayage |
RPP (kg/ch) | 4.42 | est. 4.32 | 4.55 |
Poids à vide (constr.) | 1275 | est. 930 | 1569 (1530) |
0-100 km/h (sec.) | < 4s | NC | 4.7 |
Vitesse max. (km/h) | 201 | NC | 287 |
Conso. Mixte (constr.) | 247.8 (164.7) Wh/km | NC | 12.3 (9.9) |
Capacité du réservoir (l) | 0 | 43.5 | 64 |
Emissions de CO2 (g/km) | 0 | NC | 234 |
Longueur (mm) | 3941 | 3785 | 4435 |
Largeur (mm) | 1851 | 1850 / 1719 | 1808 |
Hauteur (mm) | 1127 | 1117 | 1310 |
Empattement (mm) | 2351 | 2300 | 2350 |
Coffre | NC | NC | 135 |
Pneumatique AV | 175 / 55 / 16 | 175 / 55 / 16 | 235 / 35 / 19 |
Pneumatique AR | 225 / 45 / 17 | 225 / 45 / 17 | 295 / 30 / 19 |
Prix de base (CHF) | 142’200 | 66’300 | 146’900 |
Prix de base (EUR) | 102’400 | 47’850 | 98’349 |
Nos remerciements à Tesla pour la mise à disposition de la voiture d’essai.
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