Essai Volvo V60 T6


La Volvo V60 dans sa version haut de gamme T6 doit affronter une concurrence relevée parmi les breaks “sportivisants” de 300 chevaux et plus. Y parvient-elle ? 

Alors, comment ? ». Mon collègue me tend les clefs, son silence trahissant un verdict maussade. J’écoute les réponses à mes questions exploratoires alors que nous nous approchons de la voiture. Les griefs ne paraîssent pas rédhibitoires, mais l’enthousiasme demeure très mesuré. La ligne ne manque pourtant pas de classe, élégante et dynamique avec des flancs galbés partant des optiques arrières, réhaussée par ces jolies jantes de 18 pouces baptisées Sleipner et des inserts en aluminium dans le bas des boucliers qui rappellent un cross-over. Volvo revendique d’ailleurs explicitement un cachet plus coupé que break, avec une ceinture de caisse plongeante.

Mon impression favorable se ternit lorsque j’ouvre la porte. Si le revêtement de la planche de bord ne flatte pas l’oeil, le dessin de l’habitacle comporte de belles touches d’accent, avec des inserts en aluminium poli soulignant élégamment les poignées de portes, la console centrale flottante et les branches du volant. Mon regard s’est accroché sur la sellerie.
Je déteste les cuirs texturés et suis navré de constater qu’ils abondent, des sièges aux contre-portes. La porte se referme sur un bruit mat, les commodos, touches et molettes sont bien lestés, donnant une impression générale de qualité et de robustesse. La jante du volant est épaisse et revêtue – elle – de cuir fin, le siège conducteur est confortable et bénéficie d’un réglage spécifique de la moitié supérieure du dossier. Confortablement installé, j’ai juste l’impression de manquer de maintien latéral et trouve l’amortissement secondaire un peu sec et trépidant sur des petites inégalités.

Dans le trafic, la boîte automatique à 6 rapports Geartronic, seule option disponible avec le moteur T6 de 304 chevaux en conjugaison avec la transmission intégrale, s’acquitte de sa tâche avec prévenance et discrétion. La montée des rapports est rapide, maintenant le moteur à bas régime. Confortable, discret et sans effort, le cahier des charges d’une limousine sachant prendre bon soin de son conducteur.

Pied dedans, pas de doute, ça pousse ! La boîte masque l’absence de couple à très bas régime avec des rétrogradages dont l’effet est radical. L’unique turbo ne permet d’atteindre le couple maxi qu’à 2100 t/min, ce qui est élevé aux standards actuels établis par Audi ou BMW, mais dès qu’il souffle dans les bronches du 6 cylindres en ligne de 3 litres, l’effet des 440 Nm est très efficace, avec une poussée constante et conséquente vers des vitesses qui ne le sont pas moins. La sonorité du moteur n’est pas omniprésente, mais des harmoniques flutées accompagnent les montées en régime et donnent une touche plaisante que certains V6 ne peuvent revendiquer. En conduite plus agressive, la gestion de la boîte montre ses limites et il devient préférable d’utiliser la sélection manuelle au levier pour forcer le maintien du rapport voulu, surtout en descente.

Ancien satellite de la galaxie Ford, Volvo appartient depuis Mars 2010 au constructeur chinois Geely, mais conserve une identité toute suédoise, du moins pour l’instant. Les nouveaux propriétaires chinois semblent avoir la sagesse de préserver l’ADN de la marque et l’utiliser comme un appréciable complément à son offre de produits pour le marché domestique chinois, le plus grand marché automobile mondial depuis 2009. Le gène dominant de Volvo est la sécurité, et la V60 est truffée – par le truchement d’options – de systèmes de sécurité actifs. Si l’on peut débattre philosophiquement de la déresponsabilisation des conducteurs par un excès d’assistances, il est plus objectif de se concentrer sur l’efficacité de leur fonctionnement.

Point de meilleur terrain d’essai que le trajet d’autoroute qui me ramène au bercail. Le confort est appréciable, l’isolation phonique excellence à l’exception d’un léger bruit aérodynamique en provenance du rétroviseur expérieur.

Le BLIS (Blind Spot Info System), un composant du Driver Support Pack à 3000 CHF, détecte à l’aide de caméras montées sous chaque rétroviseur la présence d’une automobile dans l’angle mort et vous en prévient par un avertisseur lumineux logé dans la garniture intérieure. Les ingénieurs de Volvo semblent avoir été contraints d’accepter des fausses détections pour rendre le système suffisamment sensible en toutes situations, elles abondent. Alors que les rétroviseurs extérieurs convexes sont une solution fiable depuis plus d’une décennie, le BLIS de Volvo est plus cher, plus complexe et fonctionne moins bien.

Le DAC, Driver Alert Control, détecte plusieurs types de comportements à risques, notamment un franchissement des lignes de marquage sur autoroute. Très vite irritant sur autoroute où une utilisation systématique des signofils, même en asbence complète de trafic, devient obligatoire pour éviter des rappels à l’ordre de la nounou scandinave. Le dispositif a également tendance à donner de fausses alertes lorsqu’on serre une ligne continue d’un peu trop près. Il est désactivable par un bouton sur le tableau de bord.
Le système de caméra logé dans le volumineux boîtier au sommet du pare-brise assure également la fonction City Safety : il détecte la présence d’obstacles lents ou statiques et, sous les 30 km/h, déclenche un freinage d’urgence en dernier recours. Au-delà de 30 km/h, tant pis pour le piéton. Sarcasme mis à part, une alerte intempestive pourrait se révéler accidentogène en provoquant un choc par l’arrière.

Le régulateur de vitesse adaptatif ACC (Adaptative Cruise Control) fonctionne très bien, maintenant avec une progressivité bien jugée une distance de sécurité réglable par rapport au véhicule précédent. L’intérêt du système demeure toutefois limité dans la mesure où la distance minimale autorisée –sûre aux termes du code de la route – invite trop d’automobilistes indisciplinés à s’intercaler. Les conditions dans lesquelles le système amène un confort appréciable sont celles d’un trafic fluide avec des obstacles épisodiques, par exemple deux véhicules lents en dépassement.

L’ACC comporte également une fonction de limiteur de vitesse fort pratique. Il permet de rouler librement tout en évitant qu’un moment d’inattention ne se traduise par une infraction insupportable pour votre portefeuille, chose malheureusement facile avec une auto aussi puissante et silencieuse. Une fois le seuil programmé atteint, la voiture ne répond plus à l’accélérateur, sauf si on déclenche un kickdown en mettant le pied au plancher. La V60 T6 remplit ainsi bien sa tâche de grande routière rapide et confortable, avec en plus une sobriété louable grâce à un étagement long de la boîte automatique à 6 rapports : nous avons mesuré 9.6 L/100km sur long trajet autoroutier de plaine sans porter une attention particulière à la consommation. La moyenne sur l’essai s’est établie à 12.03 L/100km.

Détail technique d’importance, Volvo a retenu un système Haldex pour coupler train avant et train arrière, soit un embrayage piloté qui transfère le couple moteur vers les roues postérieures lorsque les roues antérieures perdent leur adhérence. En provoquant la voiture dans une succession d’épingles, le système démontre une bonne efficacité en jugulant tout patinage intempestif, mais la il laisse une sensation artificielle. L’amorce de sous-virage provoquée par le couple déboulant est perceptible dans une direction par ailleurs aphone, suivie par un temps mort avant que la voiture ne s’extraie avec efficacité. On ne sent pas la voiture sortir sur le train arrière, on perçoit juste l’intervention d’une électronique qui cultive plus l’efficacité que le plaisir de conduite.

 

Sur un parcours plus fluide, le souffle du 6 en ligne transversal et le bon équilibre général permettent d’avaler des enchaînements à un rythme peu orthodoxe. De plus hautes vitesses de passage en courbe mettent en relief le poids conséquent de la V60 (1818kg sur nos balances avec une répartition 60% AV / 40% AR). La voiture plonge passablement en freinage appuyé, s’écrasant encore plus sur le train avant à la prise d’appui. L’arrière suit avec un temps de retard, demandant parfois un léger débraquage pour éviter de virer trop serré. La suspension réglable Four-C (Continuously Controlled Chassis Concept) peine à convaincre malgré ses trois modes Confort, Sport & Advanced, débouchant sur un compromis prévisible. Un tarage un peu trop sec pour bien filtrer les inégalités, mais trop souple pour controller les mouvements de caisse en conduite très rapide. Cohérent avec son approche de la sécurité active, Volvo ne propose pas de touche pour déconnecter le contrôle de stabilité, il faut naviguer les menus de l’écran multi-fonction pour neutraliser le système. Globalement, le comportement est capable, efficace, parfois amusant car il demande du travail au volant pour corriger les effets d’inertie, mais n’a ni la rigueur ni l’attractivité d’un châssis réellement sportif. Le contraire aurait été surprenant.

Le plus gros défaut de la V60 demeure son habitabilité arrière. La banquette est en position légèrement surélevée, ce qui est agréable en termes de visibilité pour les passagers, mais la place aux jambes est trop comptée si les passagers avants sont de taille normale. Une énigme si on considère le fait que l’empattement n’est pas court (2776 mm pour une longueur totale de 4m62). Dans la catégorie, une Audi A4/S4 est nettement plus accueillante. On peste également parfois sur un rayon de braquage de supertanker (12.4m entre murs selon la spécification), soit 90cm de plus que les autres motorisations disponibles sur la V60.

Notre modèle d’essai affiche un prix coquet de 88500 CHF, soit 17250 CHF d’options en sus des 71’000 CHF de la version de base en finition Summum, une finition qui s’affiche déjà 7000 CHF au-dessus du prix d’appel de 64000 CHF. Un prix compétitif dans un segment qui ne l’est pas moins, et qui peut être contenu si on s’en tient à l’essentiel, faisant de la V60 T6 une alternative attractive aux valeurs sûres du segment. Pour autant que vous aimiez le cuir texturé.

 

Prix des principales options (CHF)

Prix de base V60 T6 Summum 71’000.-
Xenium Pack (système audio multimedia, siège passager électrique, aide au parking avant/arrière, sièges AV chauffants, toit panoramique en verre, navigation et caméra de recul) 3’950.-
Driver Support Pack (régulateur adaptatif ACC, BLIS, DAC) 3’000.-
Bodykit 2’700.-
Driver Dynamics Pack (suspension Four-C, direction adaptative) 1’800.-
Jantes 8×18 Sleipner 1’300.-
Security Pack Personal Car Communicator avec Keyless Drive, alarme à télécommande,) 1’200.-
Peinture Savile Grey 1’200.-
Radio DAB 600.-
Prix du modèle essayé 88’250.-

Face à la concurrence

Volvo V60 T6

BMW 335i xDrive

Opel Insignia OPC 2.8T 4WD Sports Tourer Audi S4
Moteur L6-2953 cm3 Turbo L6-2979 cm3 Turbo V6 2792cm3 Turbo V6 2995 cm3 Compresseur
Puissance (ch / régime) 304 / 5600 306 / 5800 325 / 5250 333 / 5500
Couple (Nm / régime) 440 / 2100-4200 400 / 1300 435 / 5250 440 / 2900-5300
Transmission 4 roues motrices 4 roues motrices 4 roues motrices 4 roues motrices
Boite à vitesse 6 vitesses auto 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle
RPP (kg/ch) 5.98 (5.60) (4.96) (5.16)
Poids à vide (constr.) 1818 (1742) (1715) (1613) (1720)
0-100 km/h (sec.) 6.5 5.6 6.3 5.2
Vitesse max. (km/h) 250 250 250 250
Conso. Mixte (constr.) 12.03 (9.9) (9.8) (11.0) (10.2)
Capacité du réservoir (l) 67.5 63 70 64
Emissions de CO2 (g/km) 231 222 274 239
Longueur (mm) 4628 4527 4908 4717
Largeur (mm) 1865 / 2097 1817 / 2013 1856 / ? 1826 / 2040
Hauteur (mm) 1484 1418 1520 1415
Empattement (mm) 2776 2760 2737 2811
Coffre 430 / ? 460 / 1385 540 / 1510 490 / ?
Pneumatique AV 215 / 50 / 17 225 / 45 / 17 245 / 40 / 19 245 / 40 / 18
Pneumatique AR 215 / 50 / 17 225 / 45 / 17 245 / 40 / 19 245 / 40 / 18
Prix de base (CHF) 64’000 70’700 68’700 81’920
Prix de base (EUR) 44’900 49’450 45’400 60’220

Nous remercions Volvo Suisse pour le prêt de la Volvo V60 T6 utilisée dans cette essai.

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