La grande berline de Porsche affiche un niveau de ventes surprenant, nous avons tenté de découvrir pourquoi sur nos routes hivernales.
La Porsche Panamera a fait une entrée fracassante sur le marché automobile mondial. D‘abord par les discussions animées qu’elle suscita entre les amateurs traditionnels de la marque, malmenés au gré des années par l’abandon du moteur refroidi par air, l’avénement du Cayenne et, désormais, cette grande berline sportive. Ensuite par ses ventes : plus de 30’000 exemplaires vendus après 15 mois et une part de marché de 13% dans le segment. La Panamera a trouvé sa clientèle et constitue un instrument essentiel du retour à la croissance de Porsche après la crise des subprimes. Notre première prise de contact nous avait donné un avant-goût des caractéristiques dynamiques des versions S, 4S et Turbo à moteur V8. Place à l’entrée de gamme, la Panamera 4 avec son moteur V6.
Le dessin de la Porsche Panamera est d’une beauté intellectuelle : toutes les lignes et volumes ont un sens. Des optiques de phares à la découpe du capot moteur, du galbe des ailes au contour en trapèze inversé de la vitre arrière, l’ADN Porsche est omniprésent mais l’ensemble n’est pas toujours facile à apprécier au premier coup d’œil. Pourtant, le quidam se retourne sur son passage là où le trio de berlines germaniques statutaires passerait complètement inaperçu. Le dessin ne fait certainement pas l’unanimité, mais la voiture ne manque pas de présence visuelle, surtout dans cette robe améthyste métallisé (6090 CHF, la plupart des teintes métallisées ne coûtent que 1880 CHF) dont les tons changent en fonction de la lumière ambiante. Les magnifiques jantes RS Spyder Design de 20 pouces (4700 CHF en option) donnent un bel équilibre à la ligne, la monte d’origine en 18 pouces est à proscrire et les options en 19 pouces seraient une demi-mesure.
L’intérieur de la Panamera, c’est avant tout cette console de contrôle inspirée du cockpit d’un avion de ligne, très enveloppante, avec ses longs alignements de commutateurs en épi. Comme dans le nouveau Cayenne, design et qualité sont de premier ordre, un délice. La console se poursuit sur l’arrière où elle rend l’espace dévolu aux sièges arrières plus privatif – la Panamera est une stricte 4 places – au prix d’une liberté de mouvement un peu entravée. Visuellement, l’effet est réussi, avec des sièges individuels dont le contour est clairement dessiné et rappelle les baquets à l’avant. Des sièges standard qui manquent légèrement de maintien latéral et de soutien lombaire, l’option Pack Mémoire Confort à 2960 CHF dont notre voiture d’essai n’était pas équipée est recommandée pour avoir un maintien dorsal optimal, alors que les plus saignants opteront pour les sièges adaptatifs (5190 CHF) appréciés sur les 911.
Si je fais abstraction de mes lombaires privées d’un maintien suffisant, la position de conduite est excellente, avec une assise basse, un volant haut qu’on peut régler proche du torse. La position est digne d’une GT, avec une ceinture de caisse haute, enveloppante. La voiture est maniable grâce à un bon rayon de braquage, mais il est impératif de choisir un pack d’équipement incluant la caméra de recul du fait du manque de visibilité vers l’arrière. Les détecteurs de proximité permettent d’éviter le pire,mais pour manœuvrer au plus près un vaisseau de cette taille, rien de tel qu’un coup d’œil sur les environs du précieux bouclier arrière.
Sous le long capot nervuré, on retrouve le V6 3.6L, commun au Cayenne V6. C’est un dérivé du V8 à 90 degrés de 4.8L, amputé d’un cylindre sur chaque banc. Sur le papier, les performances sont respectables avec 400 Nm à 3750 t/min et une puissance maxi de 300 ch à 6200 t/min (83 ch/L de puissance spécifique). En pratique, s’il a la tâche plus facile que sur le Cayenne avec 200 kilos de moins à mettre en mouvement, ses prestations demeurent en demi-teinte et sont presque plus frustrante que sur un SUV à la vocation plus placide. Une sonorité quelconque, des montées en régime qu’on parcourt plus par nécessité que par plaisir, sa seule qualité marquante est une étonnante sobriété: les 9.6L/100km en cycle mixte annoncés sont naturellement hors d’atteinte, mais nous avons mesuré 10.2 L/100km à allure pressée sur autoroute de plaine (dans la zone des amendes d’ordre prévues par la loi sur la circulation routière) pour 10.0 L/100km affichés, et 11.55 /100km (11.0 affichés) sur l’ensemble d’un essai parcouru à 68 km/h de moyenne, en plaine comme en haute montagne. Il a pour lui souplesse et onctuosité, ne vibrant ou bourdonnant jamais à très bas régime, et offrant un son rond entre 2000 et 3000 t/min. Au dessus, le bruit d’admission se fait légèrement plus présent alors que l’accélération se poursuit, linéaire et sans brio. Les acousticiens de Porsche ont d’ailleurs snobé ce moteur, le Porsche Sports Exhaust (PSE) n’est disponible que dans la longue liste d’options des Panamera S/4S/Turbo. Si les performances modestes sont excusables par la tâche à accomplir, le manque de charisme l’est moins. Difficultés de packaging mises à part, la comparaison avec le flat 6 3.8L d’une Carrera S (380ch, 420 Nm) est rude. Une substitution par le V6 à compresseur d’origine Audi utilisé sur les Cayenne et Panamera hybrides serait bienvenue.
En une phrase comme en dix paragraphes, la boîte à double-embrayage PDK, seule transmission disponible sur la gamme Panamera en 4 roues motrices (Panamera et Panamera S sont livrables avec une boîte manuelle à 6 rapports alors que la Panamera Hybride S est livrée exclusivement en Tiptronic), ne convainc pas. En conduite coulée, elle se fait oublier la plupart du temps avec des passages de rapports rapides et transparents. On rencontre juste de temps à autres un léger à-coup à la remise des gaz au pas, une situation négociée la plupart du temps en deuxième, le premier rapport n’étant nécessaire qu’en montée. La septième est véritablement un rapport surmultiplié destiné à abaisser la consommation et le bruit sur autouroute. A 150 km/h affichés, l’aiguille du compte-tours reste sous la barre des 2600 t/min alors qu’en sixième, elle affiche 3500 t/min, ce qui est déjà long pour une auto qui revendique 257 km/h en vitesse de pointe. Ainsi, pour des relances vigoureuses sur autoroute, il n’est pas rare de rétrograder en cinquième, et des déclivités importantes abordées mettent en relief le manque relatif de couple du V6. Le mode sport améliore l’agrément sur autoroute en étant plus prompt au rétrogradage en cas de sollicitation de la pédale de gaz, mais convainc moins sur route secondaire, maintenant des régimes trop élevés pour une conduite fluide et sereine.
Le meilleur compromis est de rester en mode normal pour la quiétude qu’il apporte, et de recourir aux poussoirs intégrés au volant pour forcer le passage des rapports lorsque les conditions le requièrent. La réactivité reste cependant perfectible, en net retrait par rapport aux meilleures boîtes à double embrayage du marché. Au bilan, la boîte PDK n’a pas ni la fluidité d’une tiptronic en utilisation urbaine, ni d’avantage flagrant en conduite sportive. La copie est à revoir, Porsche est en retard.
C’est surtout par ses qualités dynamiques que la Panamera étonne. L’amortissement réglable PASM – une option incontournable à 2550 CHF – offre trois réglages, confort, sport et sport plus qui ont une influence très perceptible sur les mouvements de la caisse, plus que la filtration des inégalités. Le mode confort est idéal pour une conduite paisible, amortissant généreusement les grandes inégalités et tolérant de légers flottements. Le mode sport offre un compromis idéal pour une conduite rapide sur route ou autoroute sinueuse tout en préservant un bon niveau de confort. Les mouvements de caisse sont plus contenus, les prises d’appui plus précises, mais demeurent tolérante sur les inégalités les plus sèches.
Le mode Sport Plus raffermit encore suspension et amortissement et rend la Panamera redoutable en conduite très rapide. Le grip est excellent, la motricité absolument sans faille grâce à la transmission intégrale. Le couple à disposition en sortie de virage demeure modéré pour une voiture de plus de1.9 tonnes et, ESP déconnecté, les provocations restent sans suite là où un S ou 4S s’animerait. Il est difficile de rendre un jugement sur les bénéfices de l’option Porsche Torque Vectoring (PTV) sans faire une comparaison directe avec un exemplaire qui n’en est pas équipé. J’ai trouvé l’absence de sous-virage remarquable en négociant des épingles serrées sur des routes rendues glissantes par des résidus de sel, signe que la répartition variable du couple entre les roues arrières force la voiture à serrer sa trajectoire. Châssis très capable, mais les sensations sont limitées par la fadeur du V6 et le manque de plaisir pris à le cravacher. C’est dans les descentes de cols que la Panamera 4 brille. Avec la gravité comme alliée, bien campée sur des Pirelli Sottozero garnissant les jantes (optionnelles) de 20 pouces, le comportement est d’une très grande rigueur, avec un train avant incisif qui invite des prises d’appui tranchantes. Imperturbable dans les enchaînements d’appuis, des freins à la hauteur de la réputation de la marque. Seul bémol, la direction. Le tarage est bien jugé, mais les informations remontant des roues avant sont un peu trop filtrées à mon goût. Les limites de grip sous les roues avant se découvrent par itération plutôt qu’elles se ressentent sous le cuir soyeux du volant.
Porsche a vendu 350 Panamera en Suisse en 2010 et dépassé ses objectifs de vente mondiales pour la première année de commercialisation, signe que la voiture, malgré tout ce que ses détracteurs en disent, séduit une clientèle lasse des SUVs et du trio Audi A8/BMW Série 7/Mercedes Classe S. L’évolution de ce segment sera intéressante à observer avec la première année complète des ventes d’Audi A7 et le lancement de la nouvelle Mercedes CLS, toutes deux en concurrence frontale avec la Porsche Panamera, mais à des prix d’appel substantiellement plus contenus. Il faudra toutefois qu’elles démontrent des qualités dynamiques sans faille pour arriver à la cheville du châssis de la Porsche.
La Panamera 4 saura séduire le forçat d’autoroute en quête d’une expérience de conduite un peu plus pointue ou tout simplement différente des grandes berlines, mais si votre Panamera est voulue comme une 911 avec 4 vraies places, il est fort peu probable que le V6 soit à la hauteur de vos légitimes attentes, surtout en regard de l’investissement à consentir. Les tarifs de Porsche demeurent difficiles à digérer, surtout en comparaison avec la gamme Cayenne qui, à motorisation identique et habitabilité supérieure, s’affiche pour 40’000 CHF de moins.
Prix des principales options (CHF)
Porsche Swiss Package | 0.- |
Porsche Dynamic Chassis Control & Porsche Torque Vectoring Plus | 7’710.- |
Couleur Amethyste métalisé | 6’070.- |
PASM | 5’740.- |
Intérieur cuir noir | 5’250.- |
Jantes RS Spyder Design 20 pouces | 4’700.- |
Jantes Panamera Turbo 19 pouces | 2’930.- |
BOSE® Surround Sound-System | 2’220.- |
Sièges chauffants AV/AR | 1’430.- |
Climatisation automatique 4 zones | 1’430.- |
Volant multifonctions | 860.- |
Pare-soleil électrique pour vitre arrière | 780.- |
Sac à skis | 610.- |
Rétroviseurs intérieur/extérieur automatiques | 590.- |
Volant chauffant | 440.- |
Face à la concurrence
Porsche Panamera 4 |
Audi A7 3.0 TFSI |
Mercedes CLS 350 | BMW 740i | |
Moteur | V6 – 3605 cm3 | V6 – 2995 cm3 | V6 – 3498 cm3 | L6 – 2979 cm3 |
Puissance (ch / régime) | 300 / 6200 | 300 / 5250 | 305 / 6500 | 326 / 5800 |
Couple (Nm / régime) | 400 / 3750 | 440 / 2900 | 370 / 3500 | 450 / 1500 |
Transmission | Intégrale | Intégrale | Propulsion | Propulsion |
Boite à vitesse | PDK 7 rapports | S-Tronic 7 rapports | 7G-Tronic Plus | Steptronic 6 rapports |
RPP (kg/ch) | 6.37 | (5.95) | (5.69) | (5.70) |
Poids à vide (constr.) | 1912 (1820) | (1785) | (1735) | (1860) |
0-100 km/h (sec.) | 6.1 | 5.6 | 6.1 | 5.9 |
Vitesse max. (km/h) | 257 | 250 | 250 | 250 |
Conso. Mixte (constr.) | 11.55 (9.6) | (8.2) | (7.0) | (9.9) |
Capacité du réservoir (l) | 80 | 75 | 59 | 82 |
Emissions de CO2 (g/km) | 254 | 190 | 164 | 232 |
Longueur (mm) | 4970 | 4969 | 4940 | 5070 |
Largeur (mm) | 1931 / 2114 | 1911 / 2139 | 1881 / 2075 | 1902 / 2134 |
Hauteur (mm) | 1418 | 1420 | 1416 | 1480 |
Empattement (mm) | 2920 | 2914 | 2874 | 3070 |
Coffre | 445 / 1263 | 535 | 520 | 500 |
Pneumatique AV | 245 / 50 / 18 | 255 / 40 /18 | 245 / 45 / 17 | 245 / 50 / 18 |
Pneumatique AR | 275 / 45 / 18 | 255 / 40 /18 | 245 / 45 / 17 | 245 / 50 / 18 |
Prix de base (CHF) | 132’300 | 91’850 | 95’500 | 119’600 |
Prix de base (EUR) | 85’608 | 62’900 | 68’300 | 86’250 |
Nos remerciements à Porsche Suisse pour le prêt de cette Porsche Panamera 4.
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