Est-ce que la toute dernière “petite” Ferrari est au niveau des attentes des nombreux fans de la marque ?
Cinq diodes électroluminescentes. La première apparait furtivement lors de rétrogradages appuyés, lorsque le régime dépasse les 5500 t/min. Sur les courtes enfilades de cette route serpentant dans les collines occidentales du Chianti, rares sont les occasions de piocher plus profondément dans l’extraordinaire plage de régimes. Les pouces bien calés autour de la jante épaisse du volant, les moindres mouvements des bras se traduisent immédiatement par une réaction du train avant, le nez de la berlinette dardant avidement vers des points de corde imaginaires. Ligne droite dégagée, pied droit à fond, le V8 déploie ses crocs. La deuxième, troisième puis quatrième LED apparaissent dans mon champ de vision périphérique, le regard concentré sur le ruban gris bordé de pins. Le 4.5 litres hurle déjà à pleines bronches, éveillant tous mes sens. La cinquième LED est celle du courage, de la transgression, de la damnation peut-être. Tant le régime peu usuel (9000 t/min) que les vitesses impressionnantes atteintes sur les intermédiaires forcent le respect.
Les premières dizaines de kilomètres au volant m’ont demandé une acclimatation à la sensibilité extrême de toutes les commandes. La direction, voulue plus directe que sur les modèles précédents, demeure légère mais est devenue très sensible dans sa descente d’impulsions vers les roues avant. La remontée me paraît plus – voire trop – filtrée, mais il est difficile de savoir si la faute incombe à la voiture ou à sa monte OEM Bridgestone Potenza S001 qui manque de franchise et n’impressionne guère par son grip. Je laisse juste à leur décharge des routes parfois poussiéreuses. La pédale de gaz m’a également surpris par sa singulière sensibilité, rendant la conduite sur un filet de gaz difficile. Inutile en conduite sportive et inconfortable le reste du temps. Même commentaire sur la pédale de frein dont l’attaque initiale est brutale pour la marque, en contraste avec une puissance de freinage qui m’a quelques fois surpris par sa mollesse – peut-être une température insuffisante – mais s’avère maintenant redoutable de mordant.
Au lever de pied, la 458 donne l’impression curieuse de conserver un filet de gaz pour générer les glorieux borborygmes qui résonnent entre rocailles et conifères. J’aurais souhaité une coupure plus franche, mais l’effet acoustique est jubilatoire de l’intérieur et offre un spectacle dantesque de l’extérieur. Avec une note d’échappement pareille, le Vatican devrait excommunier tous les propriétaires de 458 et remplir les bénitiers d’Emilie Romagne de soude caustique.
Dernier ajout à la flotte de Carz, la Ferrari 458 Italia est une toute nouvelle voiture, en rupture avec la lignée 360-F430, avec un empattement rallongé de 5cm et un packaging aérodynamique complètement revu. Rupture de style également, avec une ceinture de caisse plus plongeante dégageant un pare-brise plus incurvé, et deux arcs soulignant les flancs. Si la voiture est belle à l’arrêt, sa présence sur route est extraordinaire.
Le dessin de l’intérieur est superbe, relevé par ces ouïes d’aération en aluminium coulé de très belle facture. L’instrumentation est complète, avec deux écrans LCD configurables sertissant un compte tours illisible tant il est sombre (défectuosité ?) et caché par le volant. Cuir fin avec coutures rouges contrastantes, inserts en carbone faisant le pont entre le volant et la console centrale, des options onéreuses mais qui donnent à cet habitacle l’ambiance qu’on attend d’une voiture de ce segment. La qualité est en progrès constant même si il n’est pas nécessaire de chercher loin ou longtemps pour trouver des défauts, notamment sur cette voiture à peine rôdée une console de climatisation baladeuse et quelques rossignols incongrus sur un exemplaire aussi frais.
La position de conduite est compromise par un assise trop haute qui péjore la visibilité du haut du compte-tours et offre une garde au toit trop chiche pour le port d’un casque. Pistards occasionnels ou assidus de 1m80 et plus, essayez une voiture équipée de baquets racing en carbone avec votre couvre-chef préféré avant de signer le bon de commande. Le maintien des sièges standard est largement insuffisant : ils sont disponibles en trois tailles, celle de notre voiture d’essai nous est inconnue, mais ils ne conviennent ni à des gabarits fluets, ni à des carrures plus charpentées. Un bon point par contre pour l’ergonomie du volant. Toutes les situations routières usuelles sont négociées avec moins d’un demi tour de volant à gauche ou à droite ; les commandes de signofils, phares et essuie-glaces demandent un léger temps d’adaptation mais convainquent par leur élégance.
Si l’UNESCO se préoccupait de patrimoine automobile, l’ensemble moteur-boîte de la 458 Italia y serait inscrit dare-dare par les fonctionnaires onusiens. Par rapport aux F430 et 430 Scuderia, le V8 a pris 200 cm3, adopté l’injection directe et affiche désormais 570 chevaux à 9000 tours/min – soit 127 chevaux au litre – et 540 Nm à 6000 t/min. Les chiffres atteint par le V8 de 4.5L impressionnent et se traduisent sur l’asphalte par des performances époustouflantes sur toute la plage de régimes. Sur le papier des communiqués de presse, la nouvelle starlette se paie même le luxe de déposer la 599 GTB Fiorano avec un 0-200 km/h annoncé à 10.4s contre 11s pour le V12 de 620 chevaux.
La boîte 7 vitesses rejoint la catégorie des très bons systèmes à double embrayage, très douce en conduite coulée, diaboliquement rapide – presque épuisante – à l’attaque. L’interruption du couple est souvent imperceptible, la poussée infatigable, l’accélération sans répit. Ses prestations semblent cependant légèrement inconstantes, son comportement pouvant changer notablement d’un jour à l’autre. Lors de passages à forte charge, la gestion du croisement entre les deux embrayages occasionne alors un micro-surrégime qui n’est pas sans rappeler certaines 360 Modena F1. A ce niveau de performance, il faut également tolérer quelques menus à-coups, mais ils restent occasionnels. Verdict : bien qu’imparfaite, elle fait tout mieux que celle de la 430 Scuderia, ce n’est pas le moindre des compliments.
Moteur plein, boîte à sept rapports rapprochés, la recette donne vraiment l’impression que la 458 reprend plus fort qu’une 430, mais un rapport au-dessus ! Les reprises charnues font place à une poussée aussi inlassable que linéaire, sans réel crescendo, jusqu’aux 9000 t/min de la zone rouge. Ne pas confondre linéaire et insipide, l’erreur serait funeste. A ce niveau de performances, sur route ouverte, il faut se forcer pour rester pied au plancher jusqu’à la zone rouge et les vitesses atteintes en tirant un rapport sont affolantes. Un V8 performant mais glouton. Avec une moyenne de 18.9L/100km sur 2350km dont de grosses tranches d’autoroute, et quelques pleins à 25.8L/100km en roulant à un rythme soutenu sur le réseau secondaire, la sobriété revendiquée par Ferrari ne se vérifie pas sur route. Si la note de carburant reste négligeable par rapport au confortable budget d’amortissement, l’autonomie offerte par le réservoir de 85L (5L de moins que la F430) ne s’en trouvera guère améliorée. A noter, le réservoir n’a plus de bouchon vissé, celui-ci est intégré à l’orifice.
Le mode d’amortissement route bosselée, voulu par Michael Schumacher et accessible par un bouton sur la gauche du volant, est une bénédiction sur tous les revêtements qui ne sont pas parfaitement lisses. A défaut, la voiture peut rapidement se désunir et perdre en fluidité. Les inégalités sont mieux absorbées, la voiture reste plus stable, au prix de quelques amorces occasionnelles de pompage diagonal en grandes courbe rapide. Il est juste irritant que la 458 repasse dans son mode ferme par défaut à chaque action sur le Manettino, le découplage complet des deux fonctions aurait son sens. Le mode Sport du manettino est en fait un mode grand tourisme confortable, note d’échappement atténuée, passages de rapports adoucis, parfait pour l’autoroute. Le confort est alors remarquable. En mode « Race », l’action combinée du contrôle de traction F1-Trac et du différentiel piloté E-Diff 3 donne l’impression diffuse de provoquer des dérives un peu artificielles en sortie de virage, puis de les interrompre brutalement en remettant la voiture en ligne.
La désactivation du F1-Trac en mettant le Manettino en position CT Off transfigure le comportement de la 458 en sortie d’épingle et est sans nul doute celui à privilégier si les conditions le permettent. Les amorces de survirage restent progressives mais le train arrière devient plus communicatif, plus limpide dans ses réactions, faisant remonter le travail de répartition de couple de l’E-Diff 3 pour extraire un maximum de motricité des Bridgestone à l’agonie. La 458 Italia atteint alors un accord parfait : montée de rapports symphonique, freinage incisif en rétrogradant à la volée, prise d’appui d’une inflexion du volant, remise des gaz progressive pour aller chercher la motricité, accélération à fond. Gabarit contenu, visibilité excellente au-delà des arêtes saillantes des ailes, la 458 se rétrécit alors autour de son pilote pour l’épouser comme une seconde peau.
Un comportement remarquable en regard du poids de l’auto. Les chiffres de Ferrari « à sec » le présageaient, la 458 est nettement plus lourde que sa devancière. Nous avons mesuré notre exemplaire à 1598kg (43/57) avec le plein d’essence, des jantes forgées et sans personne à bord, soit 124kg de plus que la F430 mesurée lors de notre essai piste, la 430 Scuderia pesant encore une petite cinquantaine de kilos de moins. Le poids « à sec » de 1380 kg revendiqué par Ferrari flotte entre romantisme et ridicule. Un embonpoint bien difficile à expliquer, tant Ferrari est discret sur la conception de la coque de la 458. Les dimensions n’évoluent qu’à peine, il n’y a guère que la boîte à double embrayage qui doit contribuer de quelques dizaines kilos à l’addition.
458* | 430 Scuderia | F430** | 360 | |
Longueur [mm] | 4527 | 4512 | 4512 | 4477 |
Largeur [mm] | 1937 | 1923 | 1923 | 1922 |
Hauteur [mm] | 1213 | 1199 | 1214 | 1214 |
Empattement [mm] | 2650 | 2600 | 2600 | 2600 |
Poids [kg] | 1598 | 1421 | 1474 | (1390) |
RPP [kg/ch] | 2.80 | 2.78 | 3.01 | 3.48 |
*Jantes forgées 20 pouces, sièges standard
** modèle 2009, freins carbone céramique, baquets carbone
Le chemin pris par la 458 est préoccupant, aux antipodes des directions stratégiques d’allègement radical rassemblées autour du concept Millechili (mille kilogrammes) de 2007. Avec un rapport poids/puissance réel de 2.8 kg/ch, la 458 ne progresse donc pas par rapport à la 430 Scuderia du fait de son poids, mais les accélérations demeurent subjectivement plus impressionnantes. A cela, deux raisons probables : la boîte 7 rapports et l’augmentation du couple (540 contre 470 Nm). Sur route, jamais la 458 ne nous est apparue pataude, mais ce quintal se paiera cher sur piste où une 430 Scuderia pourrait conserver l’avantage. Et que dire de la McLaren MP4-12C et de son objectif ambitieux de 1300kg ?
Ferrari a réussi le tour de force de rendre la 458 Italia à la fois plus utilisable que la F430 et plus furieuse que la 430 Scuderia. Un ensemble moteur-boîte-transmission monumental, un design intérieur et extérieur résolument moderne, une note d’échappement à damner un écologiste intégriste, cette Ferrari – bien qu’imparfaite à maints égards – est une voiture envoutante, bien à l’image du pays dont elle porte le nom.
Face à la concurrence
Ferrari 458 | McLaren MP4-12C | Lamborghini Gallardo LP560-4 |
Porsche 997 GT2 RS | |
Moteur | V8, 4499 cm3 | V8, 3800 cm3 biturbo | V10, 5204 cm3 | B6, 3600 cm3 biturbo |
Puissance (ch / régime) | 570 / 9000 | 600 | 560 / 8000 | 620 / 6500 |
Couple (Nm / régime) | 540 / 6000 | 600 | 540 / 6500 | 700 / 2250 |
Transmission | Double embrayage, 7 | Double embrayage, 7 | Manuelle / séquentielle, 6 | Manuelle, 6 |
RPP (kg/ch) | 2.80 (2.61) | (2.16) | (2.67) | (2.71) |
Poids à vide (constr.) | 1598 (1485) | (1300) | (1500) | (1445) |
0-100 km/h (sec.) | 3.4 | N.C. | 3.7 | 3.5 |
Vitesse max. (km/h) | >325 | N.C. | 325 | 330 |
Conso. Mixte (constr.) | 18.94 (13.7) | N.C. | (14.7) | (11.9) |
Longueur | 4527 | 4509 | 4345 | 4469 |
Largeur | 1937 | 1908 | 1900 | 1852 |
Hauteur | 1213 | 1199 | 1165 | 1285 |
Empattement | 2650 | 2670 | 2560 | 2350 |
Pneumatique AV | 235/35/20 | 235/35/19 | 235/35/19 | 245/35/19 |
Pneumatique AR | 295/35/20 | 305/30/20 | 295/30/19 | 325/30/19 |
Prix de base (CHF) | 285’000 | 250-300’000 | 275’200 | 369’000 |
Prix de base (EUR) | 196’933 | 180’000 | 175’214 | 239’589 |
Nos sincères remerciements à Franck Milet, directeur de Carz, pour le prêt exclusif de la 458 Italia du club.
Prix des principales options (CHF)
Peinture des années 50 et 60 | 12’320.- |
Ecussons “Scuderia Ferrari” sur ailes AV | 1’720.- |
Jantes 20 pouces forgées | 6’140.- |
Pinces de frein en couleur jaune | 1’490.- |
Sièges racing | 8’350.- |
Sellerie des sièges type “Daytona” | 3’980.- |
Bordures sièges en cuir couleur à choix | 950.- |
Volant carbone et LEDs | 5’040.- |
Console centrale carbone | 2’780.- |
Kit fibre de carbone pour conducteur | 7’640.- |
Planche de bord en carbone trim | 7’280.- |
Ceintures de sécurité dans couleur à choix | 970.- |
Assistance de parquage AV/AR | 2’550.- |
Système de navigation | 3’680.- |
Connexion iPod | 980.- |
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