Essai Rolls Royce Phantom: luxe, calme et volupté
L’accès à ce salon roulant se fait au moyen de portes « suicide » – pour plus d’élégance à la descente du véhicule – et dont la fermeture peut être commandée de l’intérieur par le passager au moyen d’un bouton dédié. En outre, afin de ne point être dépourvu lorsque la pluie s’invite à votre arrivée à destination, un parapluie se cache dans le flanc de chacune des portières.
Dernier détail « british » comme il se doit, l’assise des sièges arrière est surélevée de 18 millimètres par rapport à ceux de devant, simplement pour que les passagers arrière ne perdent pas de vue la fameuse « Flying Lady » juchée sur la proue. So lovely, Darling.
A l’arrière, sous les sièges et un panneau de moquette se cachent les chargeurs CD et DVD. Dans leur accoudoir, Madame et Monsieur trouveront les commandes leur permettant de zapper le programme TV qu’ils visionnent sur les écrans 12 pouces dissimulés dans les tablettes aviation au dos des sièges avant. Au plafond, ils trouveront les interrupteurs de l’éclairage d’ambiance ainsi que les commandes des rideaux de la lunette arrière et des fenêtres latérales pour plus d’intimité.
Sous le long capot se cache le second joyau de la couronne. Un V12 atmosphérique maison de 6.75 litres de cylindrée et monté entièrement à la main. Développant la bagatelle de 460 CV à 5’350 t/min et un couple maximum de 720 Nm à 3’350 t/min dont le 77% est disponible dès 1’000 t/min, notre croiseur est catapulté à 100 km/h en moins de six secondes. Ce moteur se distingue aussi par son silence de fonctionnement, inaudible de l’intérieur, au ralenti comme à pleine charge. A ce propos, coquetterie oblige, la Rolls Royce Phantom ne dispose pas d’un compte-tours conventionnel indiquant les révolutions du moteur, mais d’un indicateur de réserve de puissance en pourcents. Ainsi, j’ai appris qu’à vitesse stabilisée à 120 km/h en 6e, le moteur dispose de plus de 90% de sa puissance en réserve, si besoin …
Le propulseur est accouplé à une boîte automatique à convertisseur à 6 vitesses, parangon de douceur tant les changements de rapports sont imperceptibles. Les accélérations sont fluides, onctueuses, et s’exécutent dans un confort princier ; tenue de cap sans reproche et très léger tangage de la caisse au transfert des 720 Nm sur le bitume. Sur les quelques centaines de kilomètres couverts, la moyenne de consommation s’élève tout de même à 21.6 litres/100 km. Chiffre qu’il faut toutefois relativiser en regard aux performances et gabarit de notre Lady.
Comme ne le laisse point présager mon descriptif de l’habitacle, la Rolls Royce Phantom est également une voiture qui se conduit. Si la crise, Bernie Madoff ou les frères Lehman vous ont dépouillé(e), je vous suggérerais de « réorienter la carrière » de votre chauffeur plutôt que de vous séparer de votre carrosse… Alors que les précédentes versions de la Phantom étaient réputées pour leur tenue de route aléatoire une fois les parades royales terminées, la version actuelle fait montre d’excellentes aptitudes en la matière compte tenu de son gabarit et son poids.
Une fois installé dans le cockpit, les innombrables réglages électriques du siège… pardon, du fauteuil vous permettent de trouver la position de conduite idéale. S’offre alors à vous la vision certainement la plus inspirante de toute la production automobile : un long capot reflétant le ciel, flanqué en son extrémité de la fameuse statuette fendant le vent.
Il est temps de découvrir cette Rolls Royce sur la route. L’énorme volant à jante fine dans une main, avec l’autre j’appuie sur le starter et voici que je quitte Keller sur un filet de gaz. L’assistance de la direction est telle qu’à aucun moment je n’ai l’impression de manœuvrer un paquebot routier. Malgré ses dimensions intimidantes, la Phantom se laisse guider sans broncher dans la circulation urbaine sur un filet de gaz. Il faut dire qu’avec un habitacle aussi surélevé, la vision sur ce qui vous entoure est imprenable.
L’amortissement très souple, aidé par les pneus de large section, filtre parfaitement la moindre aspérité sur la chaussée. Même les gendarmes-couchés sont avalés en toute quiétude, leur franchissement se traduisant par un doux bercement dans ce cocon de cuir.
Si ce setup privilégie le confort, il s’avère pénalisant en conduite plus volontaire. Les mouvements de caisse de même que la prise de roulis sont importants et vos passagers arrière en seront quitte pour un accès de mal de mer. Bien entendu, une Rolls Royce n’a pas pour vocation d’arsouiller dans nos cols alpins, préférant de loin un rythme de sénateur pour profiter du paysage. Toutefois elle fait preuve d’une belle célérité en courbe, grâce à une direction ultra précise, communicative et incisive ainsi qu’une tenue de cap irréprochable. Les relances sont effectuées avec vigueur et à aucun moment le comportement général ne s’avère piégeur. Son freinage est un exemple d’endurance et d’efficacité, stoppant notre limousine en seulement 40 mètres à 100 km/h.
Son royaume est définitivement les longs rubans d’asphalte sur lesquels votre voyage au long cours sera un arrêt dans le temps, une pause voluptueuse où votre spleen sera chassé dans les effluves de votre vitole.
Place maintenant à quelques chiffres qui donnent le tournis : une Rolls Royce Phantom nécessite pas moins de 460 heures pour son montage (moteur et carrosserie exclus). La carrosserie à elle seule nécessite jusqu’à sept jours en atelier de peinture, dans la mesure où un total de cinq couches de peinture sont appliquées à chaque véhicule (sept couches en cas de commande bi-ton). Une fois le processus de peinture terminé, chaque véhicule est poli à la main durant cinq heures. Vous pouvez sélectionner la couleur de votre Phantom parmi quinze nuances standard, ou alors parmi 45’000 teintes dans le cadre du programme sur mesure. Les lignes de carrosserie (« coachline »), simples ou doubles, sont la touche finale à la construction de la voiture, juste avant sa sortie de la manufacture de Goodwood. Appliquées à la main sur une longueur de près de six mètres et parfaitement de niveau, leur réalisation nécessite pour chacune d’entre elles trois heures de travail.
Pour l’habitacle, quinze à dix-huit peaux de taureau au minimum sont utilisées. Les 450 morceaux individuels sont découpés à l’aide d’un laser de précision puis cousus à la main. Quarante-trois pièces de boiseries sont assemblées au raccord, en fonction des spécifications, et chacune d’entre elles peut compter jusqu’à vingt-huit couches séparées par des feuillets d’aluminium pour une optimisation de la résistance en cas d’impact. Notez également que le surplus de bois ayant servi à « votre » intérieur sera précieusement conservé si l’un ou l’autre des placages devait être reconstruit ultérieurement.