Essai de la Bentley Continental GT Convertible, en version Speed.
Après avoir testé à l’automne 2008 la version coupé de la Bentley Continental GT Speed, nous voici en cette fin d’été au volant du cabriolet GTC dans sa déclinaison « Speed ». Comme le coupé, elle arrive dans la même couleur brun « Havana » qui lui sied si bien, avec toutefois un intérieur plus clair « Saddle » et une capote également brune.
Pour les distraits, ou les plus jeunes, Bentley se positionne dans le haut du tableau de la production automobile en terme de luxe et de performance depuis exactement 90 ans. C’est en effet en 1919 que le premier moteur de cette marque fut assemblé. Plusieurs succès aux 24H du Mans dans les années 1920 (à cinq reprises plus une dernière fois en 2003) donnent aux Bentley leur réputation de voiture sportive. Plus récemment, passée sous le giron du groupe Volkswagen, après une âpre bataille avec BMW, l’anglaise revit avec une manne financière bienvenue et l’accès à la technologie de ce conglomérat.
La gamme Continental date des années 50. Mais les modèles actuels sont en fait les premiers fruits du changement de propriétaire. Avec un design dû à la plume du belge Dirk van Braeckel (ex Audi et Skoda) la Continental “moderne” tire profit des lourds investissements de VW dans cette marque. L’outil de production historique de Crewe a été remanié de manière à obtenir une capacité de production annuelle de 9500 voitures, qui s’avèrera d’ailleurs à peine suffisante vu le succès de ce modèle.
Moderne, mais très classique, pour ne pas dire tout simplement classe, avec cette grande grille presque verticale entourée de 4 phares ovales, ce cabriolet transpire ses origines, ainsi que la tradition automobile anglaise. A un extérieur très élégant avec ses ailes rebondies et une superbe ligne de caisse (capote ouverte), s’ajoute un intérieur tout simplement sublime. Le cuir odorant, taillé d’un même lot pour garantir la consistance du toucher, s’avère l’un des meilleurs. Les coutures de forme diamant sur les sièges et les contre-portes sont du plus bel effet. Rappels historiques avec les boutons de commande des volets d’aération en aluminium, ainsi que le pommeau de levier de vitesses. La pendulette Breitling fait toujours partie de l’assortiment traditionnel. Egalement emprunté à la technique horlogère, les cannelures sur les éléments en aluminium, du tableau de bord, ainsi que sur la clé de contact sont moletés. Ou encore les surfaces en aluminium disponibles en option avec un traitement bouchonné. Un soin particulier a été apporté pour rendre toutes les commandes et autres écrans spécifiques. Au contraire d’autres modèles du groupe, dont certains organes proviennent, sans changement, de la banque d’accessoires, tout ce qui est visible dans cette Bentley a été retravaillé. Jusqu’à la police de caractères des inscriptions sur les LCD. Très beau travail, et raffinement en ligne avec les attentes pour une telle voiture.
Je m’installe donc à bord, les multiples réglages électriques des sièges et du volant me permettent d’ajuster une position de conduite parfaite. Plusieurs coussins gonflables devraient permettre aux réfractaires des longues heures de conduite d’atténuer leur appréhension. Profusion de matériaux nobles, cet intérieur est tout simplement magnifique. Peu de plastique s’offre à ma vue, mais il y en a tout de même quelques centimètres-carrés, le tableau de bord reste un exemple d’intégration d’éléments techniques dans un style traditionnel. Clé de contact en poche, je presse le bouton « Start » pour réveiller les douze cylindres. Discret mais noble, le son fait bien partie de l’expérience Bentley, d’autant plus dans un cabriolet. Je déplace le levier de vitesse sur Drive et en route.
Quelques kilomètres tranquilles jusqu’à mon premier spot photo me permettent déjà de constater la présence de cette Bentley. Elle (et non pas « je ») ne passe pas inaperçue, je ne compte pas les têtes se retournant et les regards admiratifs à notre passage. La noble anglaise ne compte que des supporters, point de trace de la condescendance parfois perceptible envers une supercar italienne. La taille de la voiture incite tout de même à un peu de retenue, mais il apparaît tout de suite que le travail sur les suspensions, la boite et le moteur porte ses fruits, c’est un véritable salon ambulant.
La confiance aidant, je me risque à écraser la pédale de droite, et là, un autre monde s’ouvre, la poussée est tout simplement phénoménale, la prise de vitesse hallucinante. La voiture se cabre, hésite une fraction de seconde avant de baisser d’un rapport, de lancer les deux turbo-compresseurs et ensuite, le déferlement de Nm sidère. Clairement cette brave dame possède les arguments pour enrhumer le 99% de ce qui roule. Toutes les auto-écoles du monde devraient en avoir une pour inculquer aux élèves la notion du couple d’un moteur. Avec 750 Nm de 1700 à 5600 tr/mn, ce ne sont pas les 2548 Kg de la belle, pesée par nos soins, qui vont entraver sa progression. Le W12 bi-turbo 6l spécifique de 610 ch offre un pouvoir d’accélération et de reprise phénoménal. Le « retard » caractéristique des moteurs suralimentés est en grande partie gommé et ne présente pas de désagréments. Le bruit a manifestement été travaillé et flatte les oreilles des passagers comme des admirateurs en bord de route. A chaque relâchement de pression sur la pédale d’accélérateur, le fonctionnement des soupapes de décharge est accompagné d’une suite de grondements sourds tout à fait enivrants. Ce moteur en W présente la caractéristique d’être le plus petit 12 cylindres au monde et trouve donc aisément sa place sous l’imposant capot avant de notre cabriolet.
A rouler, la force de ce moteur est vraiment impressionnante, dès les plus bas régimes, elle propulse cette Bentley vers l’avant sans le moindre problème. Peu de voitures peuvent prétendre suivre un tel rythme, y compris des sportives affirmées. Lors de mon parcours de test, j’ai pu apprécier les qualités de cette Continental sur tout types d’utilisations. L’aérodynamique a été parfaitement étudiée, aucun remous ne vient perturber la sérénité des occupants capote ouverte, en tout cas pour les passagers assis à l’avant. Comme tout cabriolet 4 places de grande taille, les places arrière sont nettement moins agréables ; à réserver aux trajets capote fermée.
Equipée d’une transmission intégrale dérivée de celle montée sur les Audi A8, possédant entre autre un différentiel Torsen central pour la gestion de la répartition du couple entre les essieux avant et arrière, cette Bentley possède également des suspensions pneumatiques actives et régulées. Avec un tel niveau de puissance, l’ESP est un accessoire indispensable de nos jours, avec toutefois sur la version Speed un mode dynamique un peu moins restrictif. Le confort de roulement est exceptionnel, les aspérités de la route sont absorbées avec élégance, tout en gardant le roulis en virage dans des proportions acceptables. La possibilité de varier les lois d’amortissement est également offerte à l’aide d’un basculeur au tableau de bord.
La boîte à six vitesses automatique provient de ZF et offre tous les raffinements disponibles à ce jour, avec notamment la commande manuelle et deux lois de passage de rapports. Je ne l’ai pas trouvée au niveau du reste de la voiture mais surtout pas au niveau de ce qui se fait de mieux actuellement dans le domaine. Un exemple, en mode manuel, la lenteur de réaction surprend, lors de montées en régime à plein gaz, le moteur prend environ 500 tr/mn entre le « click » sur la palette et le changement de rapport. On ne peut certes pas comparer une boite automatique telle que celle-ci avec une boite séquentielle ou double-embrayage comme sur une Ferrari California, mais, à l’instar de Jaguar par exemple, il y a moyen d’obtenir de bien meilleures performances actuellement avec ce type de transmission. Le résultat donne une boîte pas suffisamment réactive pour une conduite dynamique.
Mon parcours d’essai m’amène sur une route de montagne, après une courte ligne droite où le 12 cylindres cravache, j’aborde une épingle à cheveux. Je presse fermement sur la pédale de freins en aluminium percé, cela provoque un important tangage, la voiture se pose littéralement sur le train avant, alors que les pinces mordent les disques avec vigueur en un sifflement strident. A l’inscription de la voiture dans le virage, la direction un peu trop légère peine à remonter le niveau d’adhérence des Pirelli P ZERO 20 pouces luttant pour forcer la voiture à tourner. Une fois les suspensions compressées, la voiture stabilisée dans la courbe, je peux remettre les gaz et profiter du couple pour dériver vers l’extérieur et surtout bondir vers le virage suivant. La vitesse de passage dans cette épingle surprend, la sérénité avec laquelle cette Bentley aborde les courbes dépasse l’entendement. Par contre les lois de la physique s’appliquent quand même, et dans un enchaînement de virages serrés, le poids et l’inertie trop importants obligent à lever le pied ; c’est le seul type de tracé qui va permettre de trouver les limites de cette fabuleuse voiture.
Le succès de la Bentley Continental GT récente ne se discute pas après quelques kilomètres à son volant. Les qualités routières, le comportement exemplaire et un moteur exceptionnel s’allient à un design fantastique et une classe indéniable. Tout ceci en fait une voiture bien désirable, et désirée, à en croire les nombreuses remarques positives entendues lors de cet essai. Elle n’est pas exempte de défauts, le plus important à mes yeux provient de la boîte à vitesse : il en existe de meilleures en ce moment, et cette Bentley mérite ce qui se fait de mieux. Je ne vois guère de voiture de la production automobile actuelle capable de rivaliser avec cette Bentley, le challenge de l’améliorer va d’ailleurs s’avérer difficile. Walter Owen Bentley, fondateur de la marque il y a près de 90 ans peut reposer en paix, les propriétaires actuels ont démontré leur attachement aux traditions avec cette formidable Continental GTC Speed.
Face à la concurrence
Bentley Continental GTC Speed |
Aston Martin DBS Volante | Ferrari California | Maserati GranCabrio | |
Moteur | W12 bi-turbo – 5998 cm3 | V12 – 5935 cm3 | V8 – 4297 cm3 | V8 – 4691 cm3 |
Transmission | Intégrale | Arrière | Arrière | Arrière |
Boite de vitesses | 6, automatique | 6, mécanique ou automatique | 6, mécanique ou 7, double embrayage |
6, automatique |
RPP (kg/ch) | 4.18 | (3.50) | 4.04 | (4.5) |
Poids à vide (constr.) | 2548 kg(2485 kg) | (1810 kg) | 1860 (1735 kg) | (1980 kg) |
Puissance (ch/régime) | 610 / 6100 | 517 / 6500 | 460 / 7750 | 440 / 7000 |
Couple (Nm/régime) | 750 / 1700 – 5600 | 570 / 5750 | 485 / 5000 | 490 / 4750 |
0-100 km/h | 4.8 sec | 4.3 sec | 4.0 sec | 5.4 sec |
Vitesse max. | 322 km/h | 307 km/h | 310 km/h | 283 km/h |
Conso. Mixte (constr.) | 23.99 (16.6*) | – – | 23 (13.1) | (15.23) |
Pneumatique | AV 275/35 ZR 20 AR 275/35 ZR 20 |
AV 245/35 ZR 20 AR 295/30 ZR 20 |
AV 245/40 ZR 19 AR 385/40 ZR 19 |
AV 245/40 ZR 19 AR 285/30 ZR 19 |
Prix de base (CHF) | 359’900 | 392’200 | 269’700 | – – |
Prix de base (EUR) | 223’771 | – – | 179’163 | – – |
Nos remerciements à Bentley Motors pour le prêt de ce cabriolet GTC Speed.
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