Essai Volvo V50 Multifuel : « Alors, ça gaze ? »
Un break suédois peut en cacher un autre… Après le « noir profond » de la Saab 9-3 Turbo X passons au lumineux « blanc glace » de la Volvo V50 Multifuel et carburons « vert », soit au sans plomb, au gaz naturel ou au bioéthanol. Et dire que dans mon dernier compte-rendu d’essai, je faisais allusion aux automobiles fonctionnant à « l’avoine fermenté »…A l’automne 2006, le lancement des nouveaux modèles Volvo Flexifuel au bioéthanol sonna le glas de la production d’usine des modèles à gaz de la gamme, qui dura malgré tout une bonne décade. Précurseurs dans la production en série d’autos fonctionnant aux carburants alternatifs, les ingénieurs du constructeur suédois se sont attelés à modifier le petit 4 cylindres 1.8 l. d’origine Ford pour le faire fonctionner à l’alcool de betteraves. C’est par ailleurs ce même moteur que nous avions déjà testé pour vous dans la Ford Focus C-Max Flexifuel.
Surfant sur la vague de la mobilité durable permettant de se mouvoir sans faire de « compromis » sur les questions d’environnement, la direction de Volvo Automobiles Suisse décide de présenter lors de l’édition 2008 du Salon de Genève un modèle Multifuel destiné au marché helvétique uniquement, basé sur le petit break de la marque, le V50. Au setup d’origine essence sans plomb/bioéthanol, Volvo Suisse y ajoute en option un dispositif permettant de rouler au gaz naturel. Le montage des bonbonnes et l’adaptation de la carburation sont « swiss made », réalisés par une officine spécialisée dans le domaine et basée en banlieue zurichoise. C’est donc avec curiosité et de forts aprioris que je prends possession de mon « usine à gaz ».
Depuis la V40, le look des monumentaux breaks déménageurs ou, dans certaines régions, transporteurs de boilles à lait, a laissé place à une ligne plus élégante voire sport-chic privilégiant le style au volume de chargement. Et la tendance est conservée avec la V50. Force est de constater que la robe blanche de notre modèle d’essai lui sied particulièrement bien, avec en prime de belles jantes 18’’ sorties du catalogue d’options. La ligne générale de la face avant, immuable depuis des décennies, permet immédiatement d’identifier la marque. Les phares et la calandre ont certes vu leur dessin s’arrondir et s’affiner au fil des ans, mais la baguette traversant la prise d’air principale en diagonale, surmontée du logo, est toujours au rendez-vous. L’aspect général de l’auto, surtout dans cette livrée démontre une belle présence, notamment par une ceinture de caisse haute et soulignée par un renflement de carrosserie au-dessus des poignées. L’arrière quant à lui reprend l’idée qui avait été lancée en son temps sur la 850, consistant en des feux verticaux bordant de part et d’autre le hayon.
Une chose m’a cependant surpris au premier regard : le clair tassement du train arrière comparé à l’avant, qui se voit être par effet de balance, surélevé. Y a-t-il un cadavre de renne dans le coffre ? Pourquoi rabaisser l’arrière et pas l’avant ? Après une inspection minutieuse j’ai trouvé les coupables. Les bonbonnes de gaz… Alourdissant notre charmant break de près de 100 kg à vide, ces passagers pour le moins encombrants péjorent non seulement l’assiette du véhicule, mais aussi son comportement. Nous y reviendrons.
L’instrumentation du combiné tachymètre/compte-tours est d’une parfaite lisibilité et un petit écran multifonction situé entre les deux compteurs affiche les données de l’ordinateur de bord et vous tiendra informé de toute éventuelle anomalie. La console centrale regroupe les commandes de la hifi (surprenante par sa haute qualité phonique, bravo !) et de la climatisation. Je vous conseillerais toutefois de procéder aux réglages secondaires de la radio à l’arrêt, car son ergonomie peu intuitive et les interrupteurs de petite dimension vous obligent à quitter les yeux de la route en les manipulant. Fort heureusement, les commandes principales sont également disponibles sous vos pouces au volant.
L’habitabilité à l’avant est tout à fait correcte avec des sièges idéalement dimensionnés, confortables, au maintien convenable et disposant de tous les réglages (manuels) que l’on peut attendre de nos jours. A l’arrière toutefois l’espace dévolu aux jambes sera compté pour les grands gabarits et la longueur de l’assise s’avère un peu juste pour garantir un confort optimal sur de longs trajets.
Qui dit break, dit volume de chargement conséquent… Enfin, pas tout à fait en ce qui nous concerne. Disposant d’un volume de 417 litres en version normale et 1307 litres banquette arrière rabattue, notre V50 se situe dans la fourchette inférieure de la catégorie. Ajoutez à cela qu’en raison de la présence des réservoirs de gaz, vous perdrez les quelques rangements habituellement cachés sous le plancher et une bonbonne anti-crevaison officiera à la place de la roue de secours. La longueur utile du coffre, n’est que de 1 m 70 au maximum. Pour les objets plus longs, vous serez contraints de rabaisser vers l’avant le dossier du siège passager. En hauteur vous disposerez de 70 cm tandis que la largeur du hayon est à peine plus large que 1 mètre.
Le seuil de chargement quant à lui se situe à une soixantaine de centimètres du sol. Ainsi la vocation de voiture familiale est toute relative si vous devez transporter les bagages, poussette, etc. de votre tribu. Les rangements annexes dans l’habitacle brillent également par leur quasi absence.
Par contre, côté sécurité, aucun reproche possible. Volvo oblige, une kyrielle d’airbags, de renforts en tous genres et d’assistances électroniques diverses et variées, dont je vous épargnerai les acronymes, équipent de série la V50. J’ai également appris qu’en Suède, lorsqu’une Volvo récente est impliquée dans un accident dans un rayon de 100 km autour de Göteborg, les secours contactent les chercheurs du pôle accidentologie de l’usine afin de procéder à un relevé sur place et analyser les circonstances de l’accident. Ces données sont ensuite réutilisées lors de la conception de nouveaux systèmes de sécurité passive ou la mise à jour de ceux existants.
Malgré une dotation sécuritaire de premier ordre, il est à relever que les ouvrants paraissent aussi légers qu’un Krisprolls et lors de leur ouverture/fermeture, se fait entendre un bruit creux, peu rassurant, que nous avons plutôt l’habitude de retrouver sur une coréenne bas de gamme. Un travail plus poussé sur cette notion de qualité perçue aurait été nécessaire.
Attardons-nous maintenant sur les dessous de cette jolie suédoise. Comme mentionné plus haut, notre V50 sort d’usine avec une carburation bi-fuel, essence sans plomb/éthanol. En option à la commande et contre six billets mauve, Volvo Automobiles Suisse y ajoutera un système fonctionnant au gaz naturel. Il est à noter que le travail de conversion à gaz est réalisé avec soin, tant dans la baie moteur que dans l’habitacle avec le montage du « switch » permettant de permuter du gaz à l’essence/éthanol et vice-versa à n’importe quel moment. Le passage d’un carburant à l’autre ne se matérialise que par l’allumage d’un petit témoin sur l’interrupteur en question. Le moteur, lui, continue à tourner comme si de rien était.
Sur le papier, les performances affichées sont relativement correctes : 1.8 l. de cylindrée, 125 chevaux pour un couple maximum de 165 Nm culminant à 4000 t/min. Mais le gros problème réside dans le fait que ce petit « quatre pattes » doit tracter une masse à vide de plus de 1400 kg… Cette équation nous donne malheureusement des performances de second choix, notamment à l’accélération et en reprise, où il ne faut pas hésiter respectivement à tirer haut dans les tours et descendre un ou deux rapports afin d’avoir un peu de punch. Il faut cependant saluer ici le travail de recherche et de mise au point qui a été réalisé par les ingénieurs suisses et suédois, car maintenir le même niveau de puissance entre trois carburants relève d’une gageure qui demande sans aucun doute de nombreuses heures de mise au point et une électronique de pointe. La sportivité que nous recherchons habituellement restera au garage et je suis donc contraint d’adopter une conduite plutôt « père de famille », à la Volvo…
Et c’est dans ce mode « pépère » que cette V50 démontre toute son intelligence. Il est tout à fait possible de cruiser sur autoroute à vitesse légale en toute quiétude, régulateur de vitesse enclenché, dans un confort exemplaire et un silence de fonctionnement surprenant pour cette catégorie. Ce break est donc parfaitement utilisable sur de longs trajets au terme desquels votre fatigue sera moindre. Les commandes sont souples, l’assistance de direction parfaitement dosée ce qui, vu l’encombrement, est très utile et agréable en ville. Les manœuvres s’exécutent aisément et la carrosserie ne dispose d’aucune zone aveugle souvent source de sueurs froides lors d’un parcage dans un trou de souris.
Comme mentionné plus haut, le dispositif à gaz ajoute au véhicule un poids non négligeable qui se ressent passablement en conduite et qui ravira certainement les nostalgiques des Citroën DS : la voiture adopte en permanence une configuration « nez en l’air » déjà peu esthétique, mais surtout handicapante pour le champ de vision du rétroviseur intérieur dans lequel vous aurez tout le loisir d’observer l’état de la chaussée ou compter les lignes blanches de direction défilant derrière vous. A l’avant, l’angle d’inclinaison déjà prononcé s’accentue lors de l’accélération ce qui aura tendance, même avec la correction d’assiette automatique de l’éclairage, à éblouir les conducteurs venant en sens inverse. Au volant des pertes de motricité sont constatées sur chaussée humide alors que lors des freinages vous assisterez à une démonstration on ne peut plus probante du transfert des masses. L’avant s’écrase en bonne et due forme et nuit dès lors considérablement à l’équilibre et au pouvoir directionnel, délicat en situation d’urgence. La prise de roulis est également importante mais en conduite douce et coulée vous n’affolerez cependant pas l’électronique. Ce qui démontre une qualité de mise au point du châssis de premier ordre.
L’avantage incontestable de cette V50 est sans nul doute son autonomie, et en corollaire sa consommation. Disposant d’un réservoir « liquides » de 55 litres et de 15 kg (22 litres) pour le gaz, il est possible dès lors de parcourir près de 1000 km sans faire de plein. La consommation moyenne sur notre essai se monte à 8.3 l/100 km pour le gaz, 7.8 l/100 km pour l’essence et 8.1 l/100 km pour l’éthanol. Nous sommes certes dans des chiffres banaux pour une cylindrée de 1800 cm3, mais il est utile de les mettre en perspective avec deux critères : le prix du carburant et surtout les fameuses émissions de CO2, devenues depuis quelques années la mesure du pouvoir polluant d’un moteur. Ainsi, au moment de notre essai, le gaz était facturé CHF 1.58/kg soit CHF 1.07 en équivalent litre. Avouez que pour parcourir 250 km, payer à peine plus que CHF 20.- est intéressant ! L’éthanol, lui a perdu un peu de son attrait avec les prix du sans plomb actuels, équivalents, voire légèrement en-dessous suivant les stations services. Par contre, lorsque l’essence était à ses sommets vers les CHF 2.-, l’éthanol n’est pas monté plus haut que CHF 1.55-1.60.
En termes d’émissions, le gaz emporte la palme en produisant, par rapport au sans plomb, 25% de CO2 en moins (bilan neutre avec le biogaz, introuvable comme carburant officiel dans nos contrées) et 53% d’oxydes d’azote en moins. Les particules fines sont diminuées de 35% tandis que les hydrocarbonates toxiques sont en voie d’extinction avec 75% de diminution.
Devant un tel constat, je comprends mieux la nécessité de ces véhicules bi- ou tri-carburation qui étaient pour moi jusqu’alors d’une hérésie patente, tant par leur coût d’opportunité, l’investissement devant être consenti pour la mise au point de leur technologie et le poids ajouté au véhicule pour malgré tout, en finalité, rejeter du CO2 dans l’atmosphère. Ils réussissent en fait à allier conscience écologique et coût mesuré. Lorsque les réseaux de stations à gaz et à éthanol seront un peu plus étoffés (pour l’heure 2 emplacements pour le gaz et 1 pour l’éthanol en accès public dans l’agglomération lausannoise), il sera tout à fait possible d’imaginer une utilisation exclusive du gaz en zone urbaine, l’éthanol en campagne et le sans plomb sur autoroute ! Voilà effectivement l’absence de compromis que met en avant Volvo.
Indéniablement Volvo roule dans la bonne direction, en proposant des véhicules tri- ou polycarburation à des prix abordables et dont l’efficacité n’est plus à prouver. Il serait judicieux également que le monde politique et nos collectivités prennent enfin leurs responsabilités en donnant un signal clair et mesuré en faveur de ces véhicules offrant la polyvalence et la fiabilité d’un véhicule à carburation conventionnelle tout en étant très propres.
Il serait tout à fait imaginable, à terme, d’inciter les gros rouleurs comme les taxis, les sociétés dites de service public (téléphone, poste, etc.), les flottes d’entreprises etc. à investir dans ces modes de propulsion. Chacun y trouverait finalement son compte…Pour revenir à notre véhicule d’essai, la marque de Göteborg nous propose un véhicule abouti et de bonne qualité, mais manquant singulièrement de caractère. A l’exception de quelques modèles rares, coûteux et à l’autonomie restreinte, la « sportivité verte » accessible à tous n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais cela ne saurait tarder. D’ailleurs, il me semble que certaines marques travaillent sur des moteurs à gaz turbocompressés dont les performances seraient de premier plan. Souhaitons d’ici-là qu’il n’y ait pas trop d’eau dans le gaz du secteur automobile…
Caractéristiques techniques
Moteur | 4 cylindres, transmission manuelle 5 rapports | |
Cylindrée | 1798 ccm | |
Puissance maximale | Gaz naturel : | 123 CV à 6000 t/min |
Essence / Ethanol : | 125 CV à 6000 t/min | |
Couple maximal | Gaz naturel : | 163 Nm à 4000 t/min |
Essence / Ethanol : | 165 Nm à 4000 t/min | |
Vitesse max | 200 km/h | |
0-100 km/h | Gaz naturel : | 12.1 sec. |
Essence / Ethanol : | 11.0 sec. | |
Consommation (l./100 km) | Gaz naturel : | 8.3 (7.9) |
Essence : | 7.8 (7.4) | |
Ethanol : | 8.1 (n/a) | |
Poids à vide | 1407 kg |
Prix
Volvo V50 1.8 Flexifuel Basis dès | <CHF 36’200.- |
Adaptation carburation à gaz | CHF 6’000.- |
Nos remerciements à M. S. Heiniger de Volvo Automobiles Suisse pour le prêt de cette V50 Multifuel
Liens
Le sujet du forum – les articles Volvo – la liste des essais – à lire également: