Nous essayons la Maserati Gran Turismo, nouveau porte-étendard de la marque au trident.
Quasi moribonde vers la fin des années 90 avec une production annuelle de quelques centaines de véhicules, Maserati, suite à son rachat par l’ennemi de toujours Ferrari, a su donner le tour et (re-)conquérir de précieuses parts de marché. Merci aux 3200 GT et Coupé/Gransport signés Giugiaro, et surtout à la Quattroporte, chef-d’œuvre de la renaissance, que l’on doit à Pininfarina. En 2005, le chef d’orchestre de l’industrie automobile italienne, Fiat, a décidé de reprendre à 100% les reines de Maserati pour l’inclure dans sa division « Auto » aux côtés d’Alfa Romeo. Le premier fruit de cette union a été la fabuleuse Alfa Romeo 8C Competizione. Mais rassurez-vous, le partenariat technique unissant le Trident au Cavallino Rampante reste d’actualité. Outre la mise au point du modèle, la peinture des coques ainsi que le montage des moteurs sont toujours réalisés à Maranello. L’an dernier, plus de 7’100 voitures ont trouvé preneur, ce qui a permis à l’entreprise de renouer avec les chiffres noirs dont l’encre n’avait plus été utilisée depuis près de 15 ans.
L’optimisme du côté de Modène est tel que Roberto Ronchi, PDG de la marque, avait annoncé en fanfare, lors du dernier salon de Genève, que le nombre de véhicules vendus avoisinerait le nombre de 10’000 d’ici à 2010, grâce notamment à la croissance du réseau dans les pays émergents (Russie et Chine en particulier) et outre-Atlantique. Il faudra cependant certainement y ajouter un petit bémol compte tenu de la tempête financière actuelle. Mais quoi qu’il en soit, la partition jouée par Ferrari et Fiat a permis à Maserati de renouer avec la grande tradition des GT qui avait fait son succès dans les années 60 et 70, avec la Ghibli notamment. Fort de sa légitimité retrouvée, Maserati nous présente son coupé 2+2, à même de concurrencer les Jaguar XK8, BMW série 6 et Mercedes-Benz CL. Le caractère « sauvage » de la Gransport est d’entrée relégué aux oubliettes. Ainsi donc, je prends possession de cette magnifique prima donna aux atours de gala dans sa robe nero carbonio, pour quelques jours de bel canto.
D’emblée, le savant mélange d’agressivité et de sensualité de la ligne interpelle et émeut, à tel point que même Escamillo, le toréador macho de l’opéra « Carmen », en deviendrait fleur bleue. Inspirée de la Maserati A6GCS des années 50, la face avant avec sa bouche béante est mise en évidence par des yeux acérés menaçants, intégrés dans les ailes rebondies à la perfection. Le long capot s’orne d’un bossage en son centre comme la Jaguar XK8. Osmose réussie de tradition et modernité ! Sur les flancs avant, nous retrouvons les trois petites ouïes latérales déjà présentes sur la Quattroporte, et devenues depuis une signature de la marque. Au-dessus, la découpe étirée des vitres souligne une ligne de caisse fluide et dynamique venant mourir sur les galbes « Bellucciesques » du déhanchement des ailes arrière.
L’arrière, ramassé et fuyant, s’habille de feux triangulaires imposants et le bouclier accueille en sa partie basse un extracteur entouré, côté cour comme côté jardin, par des doubles sorties d’échappement. Pour atténuer ses dimensions généreuses et souligner encore plus la puissance de l’ensemble, notre top-model se chausse des magnifiques jantes 20 pouces « Birdcage », disponibles en option. Indubitablement, cette Maserati GranTurismo en impose tant par son style que par ses dimensions généreuses et tient plus de la sculpture sur roues que du simple gros coupé 2+2 avaleur de kilomètres, comme en témoigne le regard des quidams dans la rue et les réactions qui en émanent.
A l’intérieur, le savoir-faire italien est également à son paroxysme. Le cuir Poltrona Frau s’étend du sol au plafond, créant ainsi un cocon pour quatre passagers. La planche de bord regroupe en son centre les commandes de climatisation, radio et l’écran multifonctions. Elle est en outre parcourue horizontalement par une applique en aluminium du plus bel effet, s’accordant parfaitement avec les surpiqures rouges de la sellerie de notre modèle d’essai. Au sommet de la console trône le traditionnel garde-temps ovale qui apporte une petite touche rétro à cet ensemble plutôt High-tech. Le combiné du poste de pilotage est repris de la Quattroporte et offre les mêmes instruments, laissant présager des performances de l’engin avec sa graduation de vitesse jusqu’à 320 km/h et la zone rouge commençant à 7’500 t/min. Derrière le volant multifonctions se trouvent les désormais traditionnelles palettes permettant de piloter la boîte automatique. Les sièges sont accueillants et leur assise bonne, quoique très ferme. Grâce aux innombrables possibilités de réglages, la position de conduite idéale se trouve aisément.
La GranTurismo partage son châssis avec sa grande sœur la berline dont l’empattement a été raccourci de 12,5 cm. Ainsi, les deux passagers arrière n’ont pas été oubliés. S’offrent à eux deux sièges profonds au maintien tout à fait correct, même pour de grands gabarits. Bien entendu, l’espace dévolu aux jambes sera fonction du réglage des sièges avant. Ils devront en outre se priver de champ visuel latéral, la custode ayant été en partie sacrifiée au profit de la ligne extérieure de l’auto. Enfin, une console centrale arrière regroupe l’accoudoir ainsi qu’une commande séparée de la climatisation. La finition, bien que rigoureuse, présente cependant quelques fausses notes, notamment dans l’ajustement de certaines pièces hors du champ visuel habituel comme les commandes de réglage des sièges. Par ailleurs, l’utilisation d’interrupteurs et composants issus de la banque d’organes de Fiat nous rappelle que les économies d’échelle n’ont pas de prix et concernent tout le monde… Enfin, les perspectives de vente aux USA ont conduit à l’aménagement de pas moins de « quattro » porte gobelets gigantesques, dont l’intégration dans cet univers cosy aurait mérité une étude un peu plus approfondie.
Nous l’avons vu, la GranTurismo reprend la plateforme raccourcie de la Quattroporte. Dès lors, le coupé hérite également de la dernière évolution du fameux V8 4.2 litres qui a été inauguré dans la version « Automatica » de la limousine. Ce propulseur est accouplé à une boîte automatique ZF 6 rapports à convertisseur de couple. A la différence de celui associé à la boîte séquentielle (dénommée DuoSelect), ce bloc arborant des culasses de couleur bleu, a abandonné l’architecture transaxle (boîte de vitesses sur l’essieu arrière) ainsi que la lubrification par carter sec issue de la compétition. Selon le constructeur, le bruit de fonctionnement s’en voit considérablement réduit car ce système n’utilise qu’une seule pompe contre plusieurs pour le système par aspersion. Il faut avouer que la sportivité de la GranTurismo est toute relative et ne justifie pas nécessairement un tel dispositif complexe et coûteux. Qui dit V8 sous-entend des performances au-dessus de la moyenne. C’est le cas sur le papier, où notre moteur annonce une cavalerie de 405 ch à 7’150 t/min pour 460 Nm de couple à 4’750 tours. Inutile de vous préciser que l’octuor affirme sa présence dès le tour de clé par un doux feulement et monte en régime avec rage dans une myriade de vocalises dignes du regretté Pavarotti.
Mais attardons-nous un instant sur cette transmission automatique, qui est pour nous une découverte. Il s’agit donc d’une boîte à convertisseur de couple réalisée par ZF, l’un des leaders en la matière. Grâce à elle, la GranTurismo ne renie en rien son patronyme, l’objectif étant de privilégier le confort à la sportivité. Ainsi doté, notre coupé évolue tout en douceur, que le tempo de conduite soit Adagio en ville ou Presto sur autoroute. La gestion électronique, auto-adaptative, intervient toujours au bon moment pour le changement de rapport. Les kick-down sont immédiats, et les à-coups inhérents à la manœuvre sont purement et simplement absents. Un mode « sport » est disponible, durcissant l’amortissement et relevant le seuil de passage des vitesses, permettant ainsi de profiter pleinement des envolées lyriques du V8. Les palettes permettent une utilisation du type « tiptronic » de la boîte, pas vraiment efficiente sur une boîte à convertisseur, et dont l’utilité se résume pour moi à l’utilisation du frein moteur lors des rétrogradages en sortie d’autoroute par exemple. A noter que depuis l’apparition de cette boîte auto chez Maserati, 75% des Quattroporte en sont équipées, ce qui démontre l’intérêt de la clientèle pour ce type de transmission. Les amateurs de sportivité exacerbée verront leurs attentes comblées avec la version « S » de la GranTurismo.
En utilisation civilisée, cette « Dueporte » interprète de manière magistrale sa symphonie, faisant preuve d’une excellente homogénéité tant en confort, tenue de route, qu’en performances et agrément. Bien que la carrosserie de la GranTurismo soit en aluminium, notre Montserrat Caballé accuse malgré tout un poids conséquent de 1’965 kg sur la balance. Un travail important a été réalisé sur le châssis afin de minimiser l’impact de l’embonpoint… mais pas suffisamment à mon goût, surtout en conduite plus sportive. Ainsi, la direction à assistance variable permet d’alléger considérablement l’auto dans les manœuvres. Très bien. En revanche, à haute vitesse, le point milieu paraît flou et l’assistance s’avère encore beaucoup trop présente, notamment sur route déformée ou lors des corrections de trajectoire afin de contrer le vent latéral. La tenue de cap en devient dès lors imprécise.
Depuis peu, les cousins de Maranello offrent le freinage carbone-céramique de série… Il aurait également été le bienvenu sur la Maserati ! Bien que nous soyons en présence de quatre disques de 330 mm pincés à l’avant par des étriers 6 pistons et 4 à l’arrière, une utilisation normale de l’engin ne mettra pas à mal cet arsenal. Par contre, sur route sinueuse, l’endurance fait cruellement défaut. Autant la course de la pédale des freins que la distance effective de freinage s’allongent de manière préoccupante.
Le mot « sportivité » a également été banni du cahier des charges des ingénieurs en charge de l’amortissement. Notre belle cache sous sa robe un amortissement piloté Skyhook, qui par son tarage variable automatique lui permet d’affronter avec sérénité toutes les imperfections de la route. Le confort pour les passagers est impérial, même avec une monte pneumatique 20 pouces à profil bas. Cependant la prise de roulis en appui est importante, déstabilisant l’équilibre général de l’auto. Même le mode « sport », sensé élever le tarage, est totalement dépassé par les mouvements de caisse, tant celle-ci est lourde. Il est ainsi difficile de pleinement profiter de l’équilibre des masses quasi parfait de 49% à l’avant et 51% à l’arrière. Je vous déconseille fortement d’emmener votre GranTurismo sur circuit, à moins que vous ne vouliez lui faire chanter le Va Pensiero du Nabucco de Verdi, tant le supplice serait terrible pour elle.
Il est bien clair que côté consommation, votre carte de crédit aura vite fait de jouer son requiem. La moyenne durant notre essai se monte à 17,7 l/100 km ce qui reste somme toute « raisonnable » en regard des performances, de la transmission automatique et de l’itinéraire emprunté. Lors d’un trajet autoroutier pur, la consommation a même atteint un « petit » 12 litres aux 100 km. Comme quoi, toute diva qu’elle est, notre Castafiore sait aussi rester raisonnable !
Au final, en troquant le suffixe « -sport » pour « -turismo » dans la dénomination de son grand coupé, Maserati traduit sa nouvelle orientation. Laissons le sport aux virtuoses de Maranello et redonnons au Grand Tourisme ses lettres d’or. Et bien leur en a pris ! Héritant d’une plateforme éprouvée, habillée par le maestro Pininfarina d’une robe haute-soudure et dotée d’une mécanique enthousiasmante, la dernière-née de la firme au Trident fait clairement preuve des qualités qui la mèneront, elle aussi, sur les voies du succès.
Malgré un caractère sportif mis en sourdine, les performances de la Belle de Modène sont au rendez-vous, tout en conservant une polyvalence exemplaire. Enfin, et comme « de coutume » chez les italiens, le caractère attachant de l’auto et de sa mécanique ont vite fait de pardonner certains caprices au niveau de la finition et une facture un peu plus salée que chez ses concurrentes. Une vraie diva, quoi.
Maserati GranTurismo, deuxième opinion: je t’aime, moi non plus
Maserati, des voitures qu’on aime détester. Comment ne pas succomber devant un tel style ? Agressive avec cette gueule béante prête à avaler les kilomètres, sensuelle avec cette ceinture de caisse aux galbes sublimes. Pourtant, l’arrière me laisse sur ma faim, les optiques omniprésentes et le mariage entre leur dessin et le bandeau chromé paraissent trop chargés. On continue avec l’ambiance à bord qui mèle le familier – la plupart des composants sont repris de la berline – et quelques accents de nouveautés comme le bandeau qui habille le tableau de bord d’est en ouest. La fermeté du placet du siège conducteur m’a surpris, et le maintien latéral est largement insuffisant, forçant à une gymnastique burlesque en conduite sportive, genoux écartés pour trouver entre porte et tunnel de transmission un maintien que les sièges n’ont su assurer. Inutile de chercher trop longtemps pour trouver la faille dans la finition, des détails qui n’en sont plus dans cette gamme de tarifs. Les vieux démons hantent toujours Modène. L’habitabilité arrière est crédible, un adulte s’y sentira raisonnablement à son aise une fois installé, la garde aux genoux et au toit sont bonnes mais les claustrophobes regretteront le manque relatif de visibilité latérale, mais avec 4.88m de long, le contraire aurait déçu.
Si le 4.2L et ses 460 Nm n’ont jamais été exubérants dans la berline Quattroporte, il en va malheureusement de même dans sa cousine à deux portes, plus légère d’un petit quintal. Malgré quelques dixièmes grappillés sur le papier sur le 0-100 km/h, les reprises sont ternes à moins de sans cesse cravacher le V8, ce qui n’est guère dans la nature de l’auto. Dans les lacets serrés du col du Marchairuz abordés avec une once de retenue, j’ai eu l’impression de bouchonner de bien modestes compactes, un comble pour un coupé de plus de 400 chevaux. Capable s’il le faut, mais certainement pas souverain.
J’attendais beaucoup de la boîte ZF à 6 rapports, tant j’ai détesté la Duo Select de la Quattroporte, et j’avoue être un peu resté sur ma faim. Paresseuse en mode normal et hyperactive en mode Sport, elle s’acquitte de sa tâche sans jamais éblouir. Elle gagne au moins en douceur et disponibilité en conduite usuelle. La GranTurismo est capable d’avaler des enchainements de courbes à des vitesses très élevées, mais avec un manque singulier de retour d’informations dans le volant, les prémices de sous-virage sont difficiles à cerner. Sur nos bases familières et en bousculant le grand coupé dans des successions d’appuis en troisième, une Porsche Carrera S suit le rythme mais ne se montre pas outrageusement pressante dans les rétroviseurs. Un terrain sur lequel on attend mieux – nettement mieux – de la Gran Turismo S, la vénérable Gransport lui est largement supérieure en termes d’homogénéité et de plaisir de pilotage.
A mes yeux, la plus sérieuse concurrente de la Maserati GranTurismo est la Quattroporte dont elle est une variante à l’image plus dynamique. Personnellement, la berline garderait ma préférence, particulièrement dans sa motorisation 4.7 litres automatique qu’il nous tarde d’essayer : quitte à jouer la carte du confort, autant pouvoir le faire partager à deux passagers arrière sans leur imposer d’inutiles contorsions d’insertion et d’extraction. Le jour où Maserati fera des voitures aussi bonnes qu’elles sont belles, allemands et britanniques auront du souci à se faire. D’ici là, je continuerai à aimer ces lignes, et maudire les carences d’une automobile qui aurait pu être exceptionnelle. Moi non plus …
Maserati GranTurismo 4.2 V8 | Jaguar XKR | Mercedes CLK 63 AMG | BMW M6 | |
Moteur | V8, 4244 cm3 | V8, 4196 cm3 | V8, 6209 cm3 | V10, 4999 cm3 |
Transmission | Propulsion | Propulsion | Propulsion | Propulsion |
Boite de vitesse | 6, automatique | 6, automatique | 7, automatique | 7, automatisée |
RPP (kg/ch) | 4.85 | 3.96 | 4.52 | 3.52 |
Poids à vide (constr.) | 1965 kg | 1665 kg | (2175 kg) | (1785 kg) |
Puissance (ch/régime) | 405 / 7150 | 420 / 6250 | 481 / 6800 | 507 / 7750 |
Couple (Nm/régime) | 460 / 4750 | 560 / 4000 | 630 / 5000 | 520 / 6000 |
0-100 km/h | 5.8 sec | 5.2 sec | 4.6 sec | 4.6 sec |
Vitesse max. | 285 km/h | 250 km/h | 250 km/h | 250 km/h |
Conso. mixte (constr.) | 17.7 (14.7) | 14.85 (12.3) | (14.2) | (14.8) |
Pneumatiques | AV 245/35 ZR 20 AR 285/35 ZR 20 |
AV 245/40 R 19 AR 275/35 R 19 |
AV 225/40 R 18 AR 255/35 R 18 |
AV 255/40 R 19 AR 285/35 R 19 |
Prix de base (CHF) | 172’600.- | 151’300.- | 166’300.- | 166’600.- |
Prix de base (EUR) env. | 112’480.- | 100’900.- | 100’000.- | 121’100.- |
Liens
Le sujet du forum – les articles Maserati – la liste alphabétique des essais – à lire également: