“Créateur d’automobiles” s’il en est, Renault ressuscite pour nous les 4 roues directrices.
Mazette ! Il est bien loin le temps des poussives « commerciales » Renault, chargées comme des mules, que l’on doublait sur l’Autoroute du Soleil chemin faisant vers les plages de la Méditerranée ! Au terme de ce week-end pluvieux passé au volant de la Laguna Grandtour GT, il est certain maintenant que je ne regarderai plus ce break avec la condescendance instantanée qu’induisait la vue des R18 et autres R21 Nevada de l’époque.
Mais pourquoi donc ai-je viré ma cuti ? Très simple, une technologie : « Active Drive », qui transforme cette paisible berline en centrifugeuse. A tel point que sur une petite route de montagne sinueuse à souhait, j’ai été contraint de m’arrêter quelques minutes tant la nausée m’importunait. Vous verrez plus loin pourquoi…
D’emblée, après avoir observé la Laguna dans sa version berline dans le showroom de notre agence préférée, force est de constater que sa soeur la Grandtour (break) est bien plus séduisante, avec sa ligne de toit fuyant vers l’arrière et des proportions agréables à l’oeil.
Bien qu’affublée du logo « GT », synonyme de sportivité, l’esthétique de cette Laguna n’a rien de commun avec les productions de la filiale Renault Sport. Elle cultive cependant, à l’image de ses concurrentes allemandes, un dynamisme bourgeois, se matérialisant par une calandre élargie, des ouïes latérales dans le bouclier, des projecteurs à fond noir, des jantes 18’’, et une double sortie d’échappement chromée. Sachons rester modestes, mais l’ensemble a très belle allure !
L’intérieur de la Laguna GT la distingue également de ses consœurs dans la gamme. Ici aussi la sportivité se fait discrète : volant 3 branches en cuir à jante épaisse et méplat, un pédalier, inserts du tableau de bord et pommeau de vitesses en alu et de magnifiques sièges en cuir et alcantara au maintien latéral excellent. En outre, la dotation de cette version GT comprend la climatisation bi-zone, les projecteurs bi-xénon directionnels, la carte d’accès et démarrage « Keyless » ainsi que le radar de recul.
La finition et l’assemblage sont de très bonne facture pour un véhicule à vocation familiale. Un accent particulier a été mis sur la qualité perçue de l’ensemble de l’habitacle, se traduisant par l’utilisation de matériaux de premier choix, notamment les plastiques moussés habillant la planche de bord et les contre-portes. L’ergonomie des commandes a été longuement étudiée, vous évitant ainsi de chercher parmi une forêt d’interrupteurs la fonction souhaitée.
L’habitabilité est excellente, avec notamment à l’arrière un espace plus que suffisant pour les passagers, tant en hauteur qu’en dégagement pour les jambes. L’atout majeur d’un break est sa capacité de chargement ainsi que sa modularité. Ici aussi notre Laguna ne peut que faire envie. Le coffre dispose d’un volume allant de 508 à 1’593 litres, sièges arrières rabattus. A noter que le mécanisme de rabattage des sièges (1/3 -2/3) est d’une simplicité enfantine à l’utilisation, et l’espace de chargement ainsi créé est entièrement plat.
Carlos Ghosn, le patron de Renault, avait affirmé au lancement du modèle que la Laguna serait sans défauts ! Contrat rempli en ce qui concerne l’habitacle.
Sous le capot, vous aurez le choix entre deux nouvelles motorisations : un diesel dCi de 2.0 litres développant 180 CV et 400 Nm, ou alors un 2.0 litres essence turbocompressé de 205 CV et 300 Nm dès 3’000 t/min qui équipe notre modèle d’essai. Emprunté à la Megane RS et pour l’occasion légèrement dégonflé, ce bloc a l’avantage d’être sage et souple à bas régime et particulièrement tonique une fois la turbine enclenchée, permettant ainsi de mener ce break à bon rythme. Les deux propulseurs sont accolés uniquement à une boîte manuelle 6 vitesses, dont la commande est à mon avis un peu lente pour profiter pleinement de l’agrément du moteur turbo.
Cependant, et malgré les nombreux progrès réalisés à tous les niveaux par Renault sur sa familiale, la Laguna me paraît frêle face à l’armada germanico-scandinave et sa surenchère de motorisations dans ce segment. La française n’a même pas un V6 à se mettre sous le capot. Et ce n’est pourtant pas le groupe Renault-Nissan qui manque de ressources dans ce domaine ! C’est en fait un problème récurrent chez les constructeurs français qui ne montent des motorisations nobles, dépassant les 250 CV, que pour faire joli dans d’improbables concept-cars. Il est vrai, à leur décharge, que la nouvelle fiscalité française sur les émissions polluantes a un effet castrateur sur le marché des grosses cylindrées dans l’Hexagone. Mais à l’inverse du nuage de Tchernobyl, leur production automobile, elle, traverse les frontières !
Côté consommation, le 4 cylindres essence s’avère passablement gourmand, avec une consommation moyenne lors de notre essai de 14.3 litres/100 km (13.5 l. à l’ordinateur de bord). Certes, j’ai bien profité des qualités du châssis “Active Drive” dans bon nombre de chemins sinueux de notre relief, et ceci se ressent forcément sur la consommation… Mais rassurez-vous, en utilisation normale, la consommation mixte se situe bien en-deçà de la barrière psychologique des 10 l/100 km.
A l’image des belles de westerns cachant leur revolver dans leur jarretière, la Laguna GT cache son arme secrète sous sa jupe : les quatre roues directrices.
Conceptuellement, Renault n’a rien inventé. Il y a une vingtaine d’années, Honda avec sa Prelude, et Mazda avec ses 626 et MX-6 se vantaient déjà d’une tenue de route exceptionnelle. Dans un autre domaine, les machines de chantiers mais aussi les bolides du Trophée Andros utilisent cette technologie depuis des lustres.
A l’origine mécanique puis hydraulique, la technologie des quatre roues directrices a été mise de côté au profit de l’ESP, à l’efficacité quasi similaire en terme de sécurité, mais considérablement moins onéreux. Renault a donc décidé de recomposer le passé en combinant les deux mécanismes, se reposant à un niveau inégalé sur l’électronique pour gérer le système. C’est en collaboration avec les savants-fous de Renault Sport Technologies que le châssis « Active Drive » a été développé.
Et alors, comment ça marche ? Déjà, à la différence des anciens systèmes japonais, celui de Renault ne relie plus physiquement la colonne de direction à l’essieu arrière. Ensuite, il n’a pas été nécessaire d’entièrement revoir la conception du châssis. Un petit moteur électrique a été fixé sur le train arrière et actionne les roues sur l’ordre d’une centrale électronique qui collecte les informations en provenance des différents capteurs de l’ESP (vitesse, angle du volant, accéléromètre, etc.). C’est aussi simple que ça.
Cette solution technique, à l’inverse d’une transmission intégrale par exemple, permet de contenir le poids total du véhicule. Le châssis « Active Drive » ne pèse ainsi que 19 kg de plus qu’un châssis normal, contre plus de 100 kg pour un système tel que le Quattro d’Audi.
A partir de là, deux modes de fonctionnement entrent en jeu. En-dessous de 60 km/h, les roues arrières braquent en sens inverse des roues avant (jusqu’à un angle de 3.5°) facilitant ainsi les manœuvres en ville. Grâce à ce système, le diamètre de braquage passe de 12,05 m pour une Laguna normale à 10,80 m (équivalent à celui d’une Clio) pour la GT. Dès lors, la démultiplication de la direction diminue et jamais il ne m’a été aussi facile de glisser une telle péniche dans un mouchoir de poche le long d’un trottoir.
Au-delà de 60 km/h, en revanche, les roues arrière pivotent dans le même sens que les roues avant, jusqu’à 2°, de façon à contrer la force centrifuge qui emmène naturellement le train arrière vers l’extérieur du virage. En outre, la répartition du travail de changement de direction sur les quatre roues permet aux pneus avant de récupérer une bonne partie de leur adhérence, retardant ainsi l’apparition du sous-virage, inhérent aux tractions, et atténuant l’impression de lourdeur dans la direction.
Tout ceci est bien joli, mais qu’advient-il quand le système tombe en panne, me direz-vous ? Effectivement, comme disséqué plus haut, le mécanisme de braquage repose à 100% sur l’électronique. Dès lors, nous ne sommes point à l’abri d’un éventuel caprice des puces. Renault a donc prévu la parade, en désactivant totalement le système en cas de panne du moindre capteur. Et donc le moteur électrique revient à sa position de repos, avec un angle de braquage nul.
Lorsque ledit moteur tombe en panne, Renault précise que le conducteur aura la sensation d’un véhicule « qui ne tire pas droit, comme s’il avait tapé de la roue un trottoir ». Ce qui devrait inciter le conducteur à rallier l’agence Renault la plus proche.
Mais comme il s’agit du véhicule à zéro défaut, aucun de ces deux cas de figure ne devrait survenir…
Sur la route, le comportement de l’auto est tout simplement hallucinant.
En ville tout d’abord. A l’approche d’un croisement, obliquer à angle droit au dernier moment est possible sans ralentir. Avec une auto « conventionnelle », il y a fort à parier qu’il faudrait se battre avec le volant pour compenser la dérive des pneus avant. La Laguna, elle, s’enroule avec agilité autour de son centre de gravité, sans aucun cri de torture des galettes. Tellement efficace et propre que l’on se surprend même à surbraquer… Encore plus intéressant; j’ai noté que plus les gestes du volant étaient vifs, plus le braquage des roues arrières est prononcé. Un régal !
A plus vive allure, la précision de braquage est chirurgicale, à l’image d’une Ferrari F430 par exemple. Le train arrière se place parfaitement dans la courbe afin d’épouser la trajectoire indiquée par le volant. Les pneus sont vissés à l’asphalte et l’ESP n’entre en action que très tardivement, ce qui nous permet de profiter de l’agilité du châssis. Même sur route humide, l’aplomb de la Laguna en appui est sans faille et le châssis est réglé de telle façon à ce que la voiture prenne le moins de roulis possible. Au grand dam de notre photographe, mais très sécurisant pour ce qui est des éventuelles manœuvres d’évitement d’obstacle à haute vitesse. En corollaire, le confort à bord est excellent malgré un tarage de suspensions très ferme, spécifique à cette version GT. La sellerie des assises de sièges, bien rembourrés, y est pour quelque chose.
Dans ces conditions, il est possible de négocier les passages de courbes à des allures démentielles, ou du moins bien supérieures à celles d’un véhicule conventionnel à performances équivalentes, et l’on se surprend même à « jeter » ce break dans les courbes comme une petite voiture de sport. Et la seule chose qui vous arrêtera, comme moi, c’est le mal au cœur. Car si la Laguna s’adaptera sans peine à tous les virolets dans lesquels vous l’emmenerez, il n’en sera pas de même de votre organisme ! Pour l’anecdote, lors de la présentation officielle de la Laguna GT en Corse, Renault avait glissé dans la boîte à gants quelques sachets en papier, au cas où …
Petite ombre au tableau, à l’heure où toutes sortes de campagnes de sensibilisation à la sécurité routière fleurissent, le côté sécuritaire en toutes circonstances de la Laguna peut vous inciter à troquer la casquette de bon père de famille pour celle de pilote de rallye. Attention tout de même ! Finalement ce n’est pas si bête que ça de n’avoir mis « que » 205 CV sous le capot…
Last but not least, la Laguna ne fait pas payer ses prestations au prix fort. Affichée à CHF 47’700.- pour la version essence et CHF 50’200.- pour la version à mazout, équipée très correctement à la base, il ne resterait éventuellement qu’à ajouter le “Pack Elegance” comprenant le GPS pour 3 « fourmis ». Admettez, qu’à ce prix peu concurrentes n’affichent un rapport prix/prestations/plaisir aussi avantageux !
Quiconque m’aurait dit un jour qu’il peut emmener sa petite famille et le chien dans un break au comportement d’un coupé sportif, je l’aurais conseillé d’aller voir un médecin. Le « créateur d’automobiles » l’a fait pour vous, autant pour les longues distances ou se faufiler en ville que pour faire passer un sale quart d’heure à Belle-Maman dans nos tortueux cols alpins.
Alors ? Avancée technologique ou coup de bluff marketing ? Un peu des deux selon moi. D’un côté Renault démontre sa maîtrise dans la conception de trains roulants en nous mettant à disposition une technologie aboutie, efficace et abordable. Par contre, je doute que le châssis « Active Drive » fasse réellement décoller les ventes jusqu’à présent en demi-teinte d’une Laguna qui pâtit d’un design sans grande personnalité et du manque de motorisations musclées. Tout au plus quelques fidèles connaisseurs, en manque d’exotisme depuis la disparition de la Safrane Biturbo et l’AvanTime, feront le pas. C’est dommage, car cette Laguna GT mérite vraiment que l’on s’y attarde. Aucune concurrente, à ce niveau de prix, n’offre une telle tenue de route permettant de bénéficier au quotidien d’un réel agrément de pilotage.
Quant à la pérennité du système « Active Drive », espérons que Mr Ghosn en équipe l’hypothétique héritière des berlinettes Alpine…
Face à la concurrence
Renault Laguna Grandtour GT 4RD | Alfa 159 2.2 JTS SW Ti | Audi A4 Avant 2.0 TFSI 211 Quattro | Volvo V70 2.5 T (Momentum) | |
Moteur | 4 cyl., 1998 cm3 | 4 cyl., 2198 cm3 | 4 cyl., 1984 cm3 | 5 cyl., 2521 cm3 |
Transmission | Traction | Traction | 4 roues motrices | Traction |
Boite de vitesse | 6, mécanique | 6, mécanique | 6, mécanique | 6, mécanique |
RPP (kg/ch) | (7.92) | (8.48) | (7.77) | (8.29) |
Poids à vide (constr.) | (1625 kg) | (1570 kg) | (1640 kg) | (1658 kg) |
Puissance (ch / régime) | 205 / 5000 | 185 / 6500 | 211 / n.a. | 200 / 4800 |
Couple (Nm / régime) | 300 / 3000 | 230 / 4500 | 350 / 1500 | 300 / 4500 |
0 – 100 km/h | 8 sec | 8.9 sec | 8.1 sec | 8.1 sec |
Vitesse max. | 227 km/h | 222 km/h | 228 km/h |
230 km/h |
Conso. mixte (constr.) | 14.3 (8.3) | (9.3) | (7.6) | (9.5) |
Pneumatiques | 225/45 R18 | 225/50 R17 | 225/50 R17 | 225/55 R16 |
Prix de base (CHF) | 47’700.- | 54’000.- | 58’020.- | 55’000.- |
Prix de base (EUR) env. | 29’215.- | 33’075.- | 35’540.- | 33’690.- |
Principales options :
Extension de garantie 5 ans | CHF 1’300.- |
Toit ouvrant en verre | CHF 1’200.- |
Pack Elegance 2 (supercondamnation, alarme, sièges avant chauffants, GPS, Hifi Cabasse 4x50W + 1x30W, changeur 6CD MP3) |
CHF 3’000.- |
Nos sincères remerciements à M. Ludovic Odier de Renault Retail Group, Bussigny (021/706 48 00)
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