V10 biturbo, 580 chevaux: au volant du nouveau vaisseau amiral de la flotte Audi.
580 chevaux, mis à part la Ferrari 599 GTB, c’est la voiture la plus puissante que je conduis. Un chiffre pareil de puissance évoque inévitablement un coupé, au look exotique, mais dans ce cas il ne s’agit que d’un « simple » break 5 portes, autant de places, et un coffre capable d’avaler aisément leurs bagages. Un moteur qui possède en gros 100 chevaux de plus que les plus désirables des sportives actuelles a-t’il sa place dans un break ? Est-ce que tout ceci a un quelconque sens ? Nous allons le découvrir lors des quelques heures qui suivent.
100 chevaux d’écart… en faveur du break !
L’Audi RS6 occupe depuis 2002 le sommet de la gamme Audi en termes de puissance. Pour cette première génération type C5 le moteur V8 4.2l de la marque avait été doppé par Cosworth Technologies d’un double turbo pour obtenir 450 ch. Présentée au salon de Francfort en 2007, cette nouvelle version type C6 reprend la recette des deux turbo-compresseurs mais l’applique cette fois au V10 5 litres notamment utilisé par la Lamborghini Gallardo, les S8 et S6. Pour être précis, la cylindrée de cette dernière est aujourd’hui de 5.2l alors que la RS6 se contente de 4991 cm3. La combinaison de ce double-turbo, soufflant au maximum à 0.7 bar, de l’injection directe et de la forte cylindrée génère un couple de 650 Nm sur la plage de régime incroyable de 1500 à 6250 tr/mn. C’est assez simple à décrire, la courbe de couple se résume à une ligne horizontale sur toute la plage de régime exploitable, celle de puissance une ligne oblique également tracée à la règle, hallucinant. A noter que ce V10 est ouvert à 90° et non pas à l’angle idéal de 72° pour un 10 cylindres. Probablement pour des questions de standardisation avec les V8 de la marque.
Les performances sont au rendez-vous sur le papier, avec 4.6s de 0-100 km/h on se situe au niveau des meilleures sportives du moment. La transmission Quattro avec répartition de couple à prépondérance sur l’arrière ainsi qu’un châssis doté des derniers développements de la marque ne sont pas de trop pour canaliser une telle énergie. Notre modèle d’essai est équipé entre-autres des options suivantes ayant un effet sur le comportement, le châssis super sport avec amortissement variable (Fr 1620.-) et de roues de 20 pouces chaussées de Pirelli PZERO de 275/35ZR20 (Fr 3070.-). La transmission dispose également d’une boite à vitesse automatique Tiptronic avec commande au volant. Cette voiture est capable de supporter une accélération latérale de plus de 1.2g ce qui a obligé l’installation de la lubrification du moteur à carter sec.
Toute cette technologie est embarquée dans un break somme toute discret. Le moyen le plus simple d’identifier ce modèle par rapport à son petit frère atmosphérique S6, se trouve à l’avant. De manière à libérer de la surface pour les prises d’air de chaque côté, les lignées de LEDs, maintenant caractéristiques de la marque ont été intégrées au bloc optique des phares. Quelques aménagements aérodynamiques ont aussi été rajoutés au spoiler avant, ainsi que les inévitables élargisseurs d’ailes. Sur cette voiture noire, le tout passe presque inaperçu.
L’intérieur ne dépaysera pas un habitué de la marque. Les commandes sont classiques, bien disposées, et facile à manipuler. La finition sans reproche devient lassante à mentionner, tant elle est devenue commune pour Audi. Cette RS6 marie le cuir, le carbone et le plastique, beaucoup de plastique, en fait. Une voiture de ce niveau aurait à mes yeux dû inclure un revètement cuir de la planche de bord pour cacher la surface supérieure du tableau de bord dont la structure – certes de bonne qualité – peine à la différencier des modèles bas de gamme. Cette option tout cuir s’est malheureusement avérée introuvable dans le catalogue pourtant bien fourni, comme il se doit.
En route, cette voiture dispose du système d’accès sans clé, mais conserve le cylindre standard au tableau de bord, le démarrage et l’arrêt du moteur sont executés à l’aide de deux boutons séparés. Le bruit à l’intérieur reste très atténué, manifestement le confort a été privilégié dans ce domaine. Ce V10 garde également une sonorité très proche des V8 de la marque, RS4 et R8 exclus. A l’extérieur, c’est un peu plus démonstratif, avec un volume et un grondement peu communs. Peu commun également le fonctionnement des ventilateurs à l’arrêt qui, à plein régime, devraient permettre de refroidir une centrale nucléaire, tellement le déplacement d’air semble important.
Pas de temps d’adaptation au volant de cette RS6. Les commandes classiques, et la boite automatique mettent tout de suite en confiance. Le châssis variable offre le choix entre trois niveaux : « confort », « dynamic » et « sport ». Le mode dynamique s’avère parfait pour la conduite de tous les jours, un excellent compromis entre le confort et la tenue de route. Le roulis et le tangage sont parfaitement maitrisés, le mode sport ne faisant pas mieux dans ce domaine. Par contre avec ce dernier, l’amplitude des oscillations verticales est telle qu’il devient désagréable sur route déformées. Malgré un très bon filtrage des petites aspérités, le mode sport n’apporte pas d’avantage déterminant sur route. A considérer pour une éventuelle utilisation en circuit, qui ne devrait pas être la vocation première d’une voiture de ce type.
La direction est très bien dosée, avec un tarage plus ferme que le standard de la marque, un peu trop mou. La pédale de frein par contre pourrait être un peu moins spongieuse, avec un ressort de rappel plus dur. Le freinage en lui-même n’est pas sujet à la critique, juste la sensation à la pédale. La boite automatique classique, dispose également d’une commande manuelle par palettes au volant. Le mode automatique convient parfaitement pour les trajets quotidiens, mais est a éviter en conduite plus dynamique, en effet, son gros défaut est de ne pas anticiper en rétrogradant lors des freinages, les sorties de virages deviennent frustrantes, avec une bonne seconde de délai entre la remise de gaz et l’accélération en elle même. La concurrence, notamment Jaguar fait mieux dans ce domaine précis. En mode manuel, par contre, que du bonheur, une boite réactive, rapide, qui permet une conduite active très prenante.
Les accélérations sont très franches, entrecoupées uniquement par le bref « FRROOFF » des soupapes de décharges. Comme la courbe de couple le laisse supposer, les montées en régime sont très très linéaires, pas de place à un quelconque fléchissement, c’est peu démonstratif, ça n’est pas physique mais extrèmement efficace. Le peu de sensations sonores fournies rend le respect des limitations de vitesse en vigueur problématique, un coup de gaz, quelques secondes, un coup de palette de droite plus tard, et la zone du retrait de permis est atteinte, sans le moindre effort.
Le poids, mesuré par nos soins à 2150 kg tous pleins faits explique également le « filtrage » des sensations. Par contre, lorsque les virages s’enchainent, le chassis, la qualité de la direction le font oublier. Surprenant de voir l’agilité de cette grande voiture. L’entrée en courbe se passe très bien, la mise en appuis est favorisée par une prise de roulis minimale, dès la corde, la remise des gaz peut être franche dans toutes les conditions, même sur les rapports les plus courts. Une partie de notre galop d’essai s’est fait sous une fine pluie, et malgré la route humide, le grip est tout simplement phénoménal, il nécessite de réajuster mes repères, tellement la voiture autorise des vitesses de passage en courbe élevées. Les Pirelli y contribuent probablemement de manière significative. La voiture passe admirablement d’un virage à l’autre, elle a la faculté de faire oublier son poid en gommant tout signe d’inertie normalement perceptible sur une grande voiture. La confiance aidant, j’accélère de plus en plus tôt, de plus en plus franchement, mon cerveau me rappelant constament le chiffre 580, je reste stupéfait par les qualités de tenue de route de cette voiture. Tout ceci s’effectue en toute sérénité, avec une électronique en mode veille uniquement qui ne se manifestera qu’une seule fois pour modérer mes ardeurs par une intervention sur le couple moteur. Du coup, les sièges standards s’avèrent insuffisants pour maintenir les passagers en place.
Audi n’a manifestement pas raté sa cible avec cette RS6. Les qualités dynamiques de ce break de prêt de 5m de long sont tout bonnement stupéfiantes. Grace à une tenue de route phénoménale, bien des sportives auront de la peine à la suivre. Le moteur semble avoir été conçu pour ne pas dépasser les capacités des systèmes annexes, notamment la chaîne cinématique. Je peux imaginer un cahier des charges mentionnant “maximum 650 Nm”. Résultat: ce couple est disponible sur toute la plage utilisable. Il ne donne pas l’impression d’être au maximum de ce qu’il est possible de réaliser, et pourrait peut-être produire un peu plus de sensations.
La (mauvaise) surprise reste à venir. A la pompe, après une bonne centaine de kilomètres, certe en conduite dynamique, mais pour une partie seulement, le verdict s’avère difficile à avaler, voire même choquant : 28.9 l / 100 km ! Tout à coup, le charme, les qualités incontestables des choix techniques, et une réalisation sans reproche majeur passent au second plan. Je peux comprendre qu’un constructeur cherche par tous les moyens à battre sa concurrence, et dans ce cas, Audi le fait de belle manière, mais quelle logique pousse aujourd’hui un acheteur vers ce modèle ? J’ai beau checher, je ne vois aucun critère rationnel autre que la satisfaction de posséder le sommet de gamme Audi pour justifier un tel achat. Sur le chemin du retour, mes doutes sur l’avenir d’une telle voiture se font de plus plus grands. Ça n’enlève heureusement rien aux nombreuses qualités déjà évoquées, la meilleure probablement étant sa capacité à passer les (nombreux) chevaux sur la route, et à faire oublier le type de voiture dans lequel on se trouve. Mon expérience avec la Ferrari 599 GTB Fiorano, tout en étant remarquable, m’avait tout de même imposé un certain respect. Cette Audi ne pose pas de problème supplémentaire par rapport à un modèle affichant 300 chevaux de moins, c’est un succès en soi.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUESMOTEUR Type : 10 cylindres en V, 90°, bi-turbo, injection directe Position : longitudinal AV Alimentation : Injection électronique Cylindrée : 4’991 cm3Alésage x course : 84.5 x 89 mm Pression turbo max : 0.7 bar Puissance : 580 ch de 6’250 à 6’700 tr/mn Puissance au litre : 116 ch Couple maxi : 650 Nm de 1’500 à 6’250 tr/mn Emissions CO2 : 331 gr/kmTRANSMISSION Intégrale Boîte de vitesses : automatique 6 rapportsPOIDS Constructeur : 2’100 kg Mesuré : 2’150 kg Rapport poids/puissance : 3.7 kg/chDIMENSIONS Longueur : 4.928 m Largeur : 1.889 m Hauteur : 1.460 m Empattement : 2.846 m Capacité du coffre : 565 – 1’660 L Capacité du réservoir : 80 L Pneus : 255 40 ZR 19PERFORMANCES Vitesse maxi : 250 km/h 0 à 100 km/h : 4,5 s |
Prix et principales options (CHF)
RS6 Avant | 165’500 |
Jantes alu 20 pouces | 3’070 |
Châssis super sport amortissement variable | 1’620 |
Advanced key | 1’705 |
Adaptative cruise control | 2’275 |
Toit ouvrant | 1’875 |
Système de parcage acoustique | 765 |
Vitesse maximale plafonnée à 280 km/h | 2’370 |
Remerciements amicaux à Etienne Varga et François Guex du garage Arénaz à Bremblens pour la mise à disposition de cette Audi RS6 dès son arrivée.
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