La version pistarde de la Ferrari 430 à l’essai. Extrême, intense.
Au terme de 200 kilomètres de départementales françaises, je suis presque en état d’épuisement nerveux, tant les sensations procurées sont intenses, brutes. Le plus bluffant est que nous avons à peine effleuré le potentiel de la 430 Scuderia, ses limites étant inatteignables sur route ouverte, et pourtant mes nerfs bourdonnent comme ceux d’un nicotinomane après trois semaines d’abstinence. Si l’essence de l’automobile sportive est l’accord parfait entre sensations pures et performances, Ferrari est au sommet de son art avec sa dernière création.
Notre périple débute dans les locaux de Modena Cars à Genève. La voiture, drapée de noir mat, évoque l’armement de pointe. Un avion furtif parqué dans une concession de luxe, une arme automatique déposée dans la devanture d’un joailler. En comparaison avec sa devancière, la ligne évolue par touches discrètes avec, comme toujours chez Ferrari, une recherche où la fonction dicte le design, une philosophie sans nul doute héritée de la F1 où seule la performance est belle. Du bouclier avant entièrement redessiné au spoiler arrière plus proéminent en passant par un diffuseur arrière reconçu pour augmenter l’appui aérodynamique en optimisant le flux d’air passant sous la voiture, la Scuderia offre à toutes les vitesses un appui supplémentaire culminant à +30kg à 310 km/h. Le chiffre peut paraître anecdotique, mais il représente un gain de plus de 10% par rapport à une F430 sans recours à des appendices disgracieux ou tapageurs.
Si la course automobile est une religion à Maranello, l’intérieur de la 430 Scuderia est une chapelle dédiée à son culte, avec un superbe mariage entre alcantara surpiqué de rouge et des baquets en carbone revêtus de textile high-tech très réussi, avec rappel sur le ciel de toit. En abaissant les yeux, le regard rencontre l’aluminium du spaceframe laqué couleur titane avec ses soudures apparentes ; l’option pack carbone, visible sur un autre exemplaire, inclut des seuils de porte en carbone, une alternative du plus bel effet qui mérite considération. Ferrari offre de larges possibilités de personnalisation à votre goût (et à votre bourse) par l’intermédiaire de son programme Carrozzeria Scaglietti, mais il faut reconnaître que Ferrari a eu du goût.
Les baquets en carbone à dossier réglable, disponibles dans plusieurs dimensions, offrent un maintien parfait pour ma morphologie, avec un maintien latéral précieux pour aider votre tronc à encaisser les accélérations latérales dont est capable l’auto, et un soutien lombaire bienvenu sur longs trajets. Sanglé par un harnais à 4 points, la position de conduite est excellente, le volant à la jante mixte cuir, carbone et alcantara accueille les deux pouces, les palettes en carbone sont à portée de phalanges (les commodos sont, eux, trop distants). Au centre, à gauche, le démarreur, à droite le manettino et ses cinq positions.
Contact, une pression sur le bouton du démarreur, et le V8 explose pour se stabiliser sur un ralenti sourd et rauque. Démarrage en douceur sur un filet de gaz, passage circonspect de la rampe de sortie, la garde au sol sous le bouclier avant reste fort heureusement réaliste malgré les 15 mm de réduction de hauteur de caisse par rapport à la F430. La docilité de l’ensemble dans le trafic est remarquable, la voiture se fait aussi discrète qu’une berlinette Ferrari noir mat peut l’être, même si la moindre pression sur la pédale droite fait instantanément donner de la voix au V8. Difficile de résister à la tentation de tomber deux rapports dans les tunnels de l’autoroute de contournement de Genève, le brame du 4.3L submerge immédiatement toute la cavité : antisocial mais suprêmement ludique. Le système d’échappement est cependant bien jugé et permet d’abattre des distances autoroutières à allure légale (ou presque) sans risquer surdité précoce ou migraine tenace. Parcourir les grandes courbes de l’A40 à ce rythme reste un supplice, autant essayer d’avoir l’air cool sur les photos prises depuis notre voiture suiveuse en attendant que les départementales nous amènent un soulagement relatif.
La suspension est extrêmement ferme et met en valeur l’impressionnante rigidité de la voiture. On sent la voiture bouger d’un seul bloc. Sur la chaussée déformée des petites départementales de l’Ain, la voiture demande de l’attention pour rester en ligne, allant jusqu’à légèrement se désunir sur des ondulations trop prononcées. La Scuderia dispose sur la console centrale d’un commutateur d’amortissement découplé des modes gérés par le manettino même s’il n’est actif que depuis le mode Race, une fonction ajoutée à la demande expresse de Michael Schumacher pour offrir des performances optimales dans des conditions spécifiques comme la Nordschleife du Nürburgring. Je n’ai malheureusement compris son fonctionnement qu’au terme de notre essai (c’est promis, la prochaine fois je lirai le dossier de presse avant l’essai), son fonctionnement étant contraire à l’intuition : ferme par défaut, plus souple sur demande. Sur le bitume parfait des nationales, les vitesses de passage en virage sont telles qu’on s’y attend : déraisonnables. La qualité d’assemblage de cet exemplaire est remarquable en regard de la fermeté de l’amortissement : pas le moindre couinement, même sur revêtement dégradé.
La rapidité de passage des rapports de la boîte F1-SuperFast2 à pleine charge est insensée et demande un recalibrage des synapses, tant l’exécution est fulgurante. Une combinaison magistrale entre la rapidité des meilleures boîtes à double embrayage et les sensations que seule une boîte robotisée semble pouvoir procurer. Les rapports claquent à chaque flexion du doigt, interrompant la poussée pendant 60 millisecondes. Un seuil cognitif a été franchi : cette boîte est plus rapide que le cerveau humain. Le rapport supérieur a été engagé et la poussée a déjà repris alors que votre cortex cherche encore à analyser le déluge d’informations inertielles et auditives qui ne semble jamais vouloir cesser. Une sensation irréelle, une démonstration éclatante d’un savoir-faire technique unique en la matière.
Avec ses 150ms, la F430 a été la référence des boîtes manuelles robotisées jusqu’au lancement de la 599 (100ms). La Scuderia les déclasse complètement. Si ces chiffres peuvent paraître artificiels, superlatifs et métaphores vaseuses peinent à décrire les sensations ressenties lorsque, 5 LEDs allumées sur la jante du volant et aiguille du compte tours se ruant vers le régime maxi, votre index droit déclenche cet éblouissement électromécanique. La vigueur de l’accélération, le V8 qui hurle, la violence maîtrisée du passage du rapport, et cette bacchanale qui reprend sans vous laisser le moindre répit. Les rétrogradages sont à l’avenant, avec de glorieux coups de gaz et quelques explosions occasionnelles à l’échappement. Le système SuperFast2 est sans aucun doute un des grands points forts de la voiture, tant par son efficacité que les sensations qu’il procure.
Le moteur de la Scuderia est une évolution du V8 4.3L de la F430, avec une attention portée sur de multiples détails comme des pistons spécifiques augmentant le taux de compression, le polissage des pipes d’admission ou l’élimination du pré-catalyseur pour diminuer la contre-pression à l’échappement tout en respectant les normes anti-pollution. Le gain annoncé est de 20 chevaux au régime maxi, avec 10% de couple supplémentaire à bas et moyen régime. Malgré une puissance spécifique très élevée pour un moteur atmosphérique (118.4 chevaux par litre), la vigueur des reprises dès les bas régimes étonne et fait de la Scuderia une arme redoutable dans les dépassements et en sortie de virages serrés. Les montées en régime sont épiques, avec un crescendo constant jusqu’à la zone rouge. Si d’autres constructeurs parviennent à des régimes similaires, le brio des montées en régime reste une caractéristique remarquable des mécaniques Ferrari, que ce soit ce V8 ou le V12 de la 599 Fiorano. Là où d’autres moteurs font preuve d’une belle allonge – le flat 6 de la Porsche 997 GT3 par exemple – Ferrari incite à aller taquiner le rupteur sur chaque intermédiaire. Avec un poids puissance réel de 2.78 kg/ch, il est probablement inutile d’insister sur le fait que ça pousse très très fort.
S’il est, de l’intérieur, un peu moins extrême qu’une 360 Challenge Stradale, le bruit est tonitruant dès que les valves à géométrie variable s’ouvrent, avec un mariage équilibré entre admission et échappement. Subjectivement, je lui préfère les vocalises du V12 de la 599 Fiorano, avec des harmoniques plus riches et subtiles que les V8 des 430, mais le résultat contribue sans nul doute aux sensations ressenties à chaque opportunité d’ouvrir en grand. Les accélérations annoncées sont naturellement de tout premier ordre avec un 0-200 km/h annoncé en 11.6 secondes.
Comme la F430 et la 599, la Scuderia dispose du fameux Manettino, mais avec cinq modes spécifiques axés sur la performance :
- – un mode pour surfaces glissantes,
- – le mode Sport, dédié aux conditions routières normales,
- – le mode Race, maximisant la performance en limitant le patinage des roues arrière,
- – le mode CT off où tout contrôle de traction est annulé, mais le contrôle de stabilité reste en veille,
- – le mode CST off où toutes les aides à la conduite sont débranchées.
La 430 Scuderia combine ainsi le contrôle de stabilité (CST, commun à la F430), l’anti-patinage F1-TRAC hérité de la 599, mais dont la gestion est ici combinée avec le différentiel piloté, appelé désormais E-DIFF2. Nous avons pu disséquer les vertus respectives de chacun des systèmes sur piste humide au volant d’une 599 Fiorano et d’une F430, et, si leur efficacité est difficile à prendre en défaut, c’est surtout la discrétion de leurs interventions qui est remarquable. L’heureux propriétaire d’une 430 Scuderia dispose ainsi d’une palette de réglages large qui permet d’adapter l’enveloppe de comportement à ses aptitudes et aux conditions de sécurité.
Les freins carbone céramique sont puissants, c’est un euphémisme, mais parfois délicats à relâcher progressivement en circulation routière, comme si les étriers six pistons rechignent légèrement à relâcher les disques monumentaux (398mm de diamètre à l’avant, soit 18mm de plus que leurs homologues sur la 430). On sent que le système a été conçu avec une exigence intransigeante pour la performance, et on salue la décision de Ferrari de désormais installer ces composants de série sur toute sa gamme, les disques en acier n’étant plus à la hauteur des performances de la gamme.
Ferrari a communiqué avec insistance sur un poids à sec de 1250 kg et, plus discrètement, un poids en ordre de marche de 1350 kg. Sur les corner scales Asphalte.ch, la 430 Scuderia pointe à 1421 kg (42.7% AV, 57.3% AR, plein d’essence entamé de 70 km de route/autoroute), soit une petite cinquantaine de kilos de moins qu’une F430 modèle 2008 avec disques carbone céramique et sièges sport mesurée dans des conditions scrupuleusement identiques. L’allègement n’est donc pas aussi radical que Ferrari le suggère. Les efforts n’ont pourtant pas été ménagés, avec des barres antiroulis creuses, des ressorts de suspension et goujons de roues en titane, une utilisation choisie du carbone dans l’habitacle et le compartiment moteur, et une vitre arrière en Lexan. La 430 Scuderia reste la plus légère de sa catégorie, les chiffres annoncés par Lamborghini pour sa nouvelle Gallardo LP560-4 et Porsche pour la 997 GT2paraissent résolument optimistes. Nous nous empresserons de le vérifier à la première opportunité.
Au volant, l’absence d’inertie aux changements d’appui est bluffante mais la direction est singulière, trop légère en assistance et d’une démultiplication pas assez directe à mon goût. La Scuderia étant résolument axée sur la fermeté et la précision, il est surprenant que Ferrari ait choisi de laisser inchangé ce composant essentiel par rapport à la F430.
Avec la 430 Scuderia, Ferrari réédite le « coup » de la 360 Challenge Stradale avec brio. Volant en mains, la différence avec une F430 F1 équipée de sièges sports et freins carbones céramiques est considérable, choquante presque. Ce n’est en rien une critique de cette dernière – elle reste une des meilleures voitures de sport de la production contemporaine – mais un témoignage de l’ampleur des progrès apportés par la 430 Scuderia. Les 50’000 CHF de différence de prix avec une 430 F1 sont significatifs, mais la différence de sensations au volant l’est encore plus. Face à une concurrence allemande compétente mais un peu austère, il est indéniable que Ferrari continue à offrir avec cette auto l’essence de l’automobile sportive d’exception.
Face à la concurrence
Ferrari 430 Scuderia | Ferrari F430 F1 | Lamborghini Gallardo LP560-4 | Porsche 997 GT2 | |
Moteur | V8 – 4308 cm3 | V8 – 4308 cm3 | V10 – 5204 cm3 | B6 – 3600 cm3 biturbo |
RPP (kg/ch) | 2.78 | 3.00 | 2.67* | 2.71* |
Poids à vide (constr.) | 1421 (1350) | 1474 (1450) | (1500) | (1440) |
Puissance (ch/régime) | 510 / 8500 | 490 / 8500 | 560 / 8000 | 530 / 6500 |
Couple (Nm/régime) | 470 / 5250 | 465 / 5250 | 540 / 6500 | 680 / 2200 |
Longueur | 4512 | 4512 | 4345 | 4469 |
Largeur | 1923 | 1923 | 1900 | 1852 |
Hauteur | 1199 | 1214 | 1165 | 1285 |
Réservoir | 95L | 95L | 90L | 90L |
Coffre | 250 L | 250L | 110L | 165L |
0-100 km/h | 3.6s | 4.0s | 3.7s | 3.7s |
0-200 km/h | 11.6s | – | 11.8s | 11.5s |
0-1000m | 20.9s | 21.6s | – | – |
Vitesse max. | 320 km/h | 315 km/h | 325 km/h | 329 km/h |
Pneumatiques AV | 235/35/19 | 225/35/19 | 235/35/19 | 235/35/19 |
Pneumatiques AR | 285/35/19 | 285/35/19 | 295/30/19 | 325/30/19 |
Prix de base (CHF) | 310’000 | 260’000 | 278’500 | 294’000 |
Prix de base (EUR) | 207’900 | 179’472 | 246’106** | 191’214 |
*basé sur le poids annoncé par le constructeur – ** eGear + 12904€
Prix des principales options (CHF)
Prix de base | 310’000 |
Harnais 4 points de couleur rouge ou noir | 3’600 |
Revètement seuils des portes en carbone | 3’250 |
Pinces de freins en couleur «rosso corsa» | 1’350 |
Kit carbone extérieur avant | 6’650 |
Kit carbone extérieur arrière | 20’100 |
Extincteur | 850 |
Revètement intérieur Alcantara | 5’100 |
Revètement intérieur cuir | 6’150 |
Equipement iPod | 1’100 |
Volant avec partie supérieure carbone + LEDs | 3’350 |
Couleur carrosserie des années 50-60 (10 couleurs à choix) | 12’600 |
Racing stripes | 9’600 |
Arceau | 4’150 |
Couleur coutures standard | 500 |
Système de contrôle de pression des pneus | 1’750 |
Chaleureux remerciements à M. Gino Forgione, Directeur Général de Modena Cars à Genève, ainsi qu’à toute son équipe, pour l’accueil exceptionnel et le prêt de cette 430 Scuderia.
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