Un circuit demain en Suisse ?

Cette page de l’article a été originalement publiée le 1er Octobre 2005.

Un circuit demain en Suisse romande ?

L’article 52 de la Loi sur la Circulation Routière (LCR) interdit depuis 1958 les courses automobiles sur circuit ayant un caractère public. Cette mesure fut prise en réaction au terrible accident survenu au Mans le 11 juin 1955 où l’explosion d’une Mercedes-Benz tua 77 spectateurs. Suite à l’initiative parlementaire d’Ulrich Giezendanner (UDC Argovie) déposée le 21 mars 2003, la commission des transports a accepté fin 2004 de rentrer en matière et planche sur le projet. A noter que le libellé de l’initiative est « Lever l’interdiction des courses de formule 1 ».

Selon le site du Parlement Fédéral, cet objet fait partie des « grands dossiers » de la Commission des Transports et Télécommunications (CTT), et un examen par le Conseil National était prévu pour la session d’automne 2005 qui a débuté le Lundi 19 Septembre ; cependant cet objet ne figure pas à son ordre du jour. Ce sera donc – au mieux – pour la session d’hiver, qui se termine le 16 Décembre 2005. M. Giezendanner, contacté par email, n’a pu commenter ce point dans les délais éditoriaux.

L’enjeu légal n’est ainsi pas l’autorisation de construire un circuit, mais de permettre la viabilité économique d’un tel projet par l’apport de compétitions ouvertes au public. Le vote final n’a pas encore eu lieu, et une telle modification le la LCR est susceptible d’être soumise à référendum si la minorité parlementaire rose-verte décide d’y investir ses deniers. Rien n’est joué, ni sur la nature du texte final soumis aux chambres, ni sur le délai pour obtenir un vote, ni sur son issue.

Le projet de Chamoson

Le Centre Technologique Alternatif a pour vocation principale le développement des énergies renouvelables et non polluantes. Les promoteurs mettent en avant l’opportunité de développer un tissus de PME gravitant autour de nouvelles technologies permettant des modes de propulsion écologiques : piles à combustibles, solaire, hydrogène, etc … Pour ces industries, une piste d’essai est un outil indispensable à la conduite d’essais de prototypes. Dans ce but, un tracé modulaire comptant 10 variantes possibles a été développé, avec une longueur de 4.7km dans cette configuration:

 

Chamoson trace 10

 

La préoccupation écologique est centrale: le dossier du projet est truffé du terme (33 citations sur 35 pages), et reflète tant l’objectif premier des infrastructures que la prise en compte des impacts sur l’environnement dans le cahier des charges.

Les objectifs annexes sont la sécurité routière, des aspects culturels et touristiques. Un « usage sportif ne représenterait que 2 à 3% », mais il n’est pas clair si une ouverture pour essais libres non chronométrés tomberait dans la catégorie « formation » ou serait considéré comme activité sportive. La part des revenus de ces 2 à 3% d’activités sportives dans un budget d’exploitation annuel n’est pas évaluée.

Un projet similaire avait été refusé par les habitants de Rarogne, mais les Chamosards se sont montrés enthousiastes avec une acceptation à 75% des votants le 10 mai 2004.

Le financement est estimé à environ 200 millions de francs, une somme rondelette qui ne semble pas effrayer M. Christian Salamin, Secrétaire Général du projet, qui estime la somme assez facile à réunir, entre industriels (énergie, automobile, technologie) et mécènes. Pas de budget d’exploitation établi, la priorité est de faire avancer le projet. Les étapes les plus importantes sont de conclure le changement d’affectation des parcelles puis de lancer les études d’impact détaillées. Une planification précise n’est pas disponible, tant la durée des démarches administratives est aléatoire, mais un objectif réaliste serait une exploitation à l’horizon 2010-2012.

Mise-à-jour, 23.9.2006: le changement d’affectation de la parcelle de 100’000 m2 du pôle industriel à été accepté. Ceci permettrait à d’éventuels partenaires industriels de mettre à l’enquête la construction de batiments. La prochaine étape – cruciale – consiste à obtenir la réaffectation de la zone correspondant au circuit lui-même. Le groupe de promoteurs cherche évalue également divers modes de financement de cette phase administrative intermédiaire. Selon M. Salamin, Secrétaire Général du projet, la recherche d’investisseurs pour un projet dont la destinée administrative reste encore incertaine est délicat, différentes solutions sont à l’étude.

Du côté légal, l’initiative parlementaire Giezendanner a sombré dans les lymbes du Conseil National, aucune trace de l’objet à l’agenda des sessions à venir. L’impact sur le projet de Chamoson est indirect, mais une autorisation générale d’organiser des courses en public sur circuit fermé donnerait certainement un coup de pouce au projet.

Un circuit automobile dans la Broye vaudoise ?

Un projet de circuit dans la Broye Vaudoise a germé au début de la décennie sous l’impulsion de M. Claude Haldi, président de la section vaudoise de l’ACS et de Jacques Cornu, ancien pilote de Grand Prix motocyclistes, reconverti dans la formation.

La communauté régionale de la Broye (COREB) proposa un terrain situé entre Moudon, Lucens et Curtilles, la municipalité de Moudon finança une étude géologique – positive – et lebureau d’étude Tilke, référence internationale en matière de circuits de vitesse, fut mandaté pour fournir un avant-projet.

Le projet a été présenté à M. Jean-Claude Mermoud, conseiller d’état en charge du Département des Institutions et des Relations Extérieures qui chapeaute le Service d’Aménagement du Territoire. L’objectif est d’obtenir un soutien du Conseil d’Etat avant de lancer des investissements dans des études d’impact dont la première tranche est estimée à un demi million de francs. Le soutien de Mme Jacqueline Maurer, cheffe du Département de l’Economie et ex-présidente de l’ACS semble être acquis. L’objectif de ce projet est un circuit aux normes de sécurité de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) permettant la formation des conducteurs privés (en réponse à l’introduction de la formation en deux phases et du permis de conduire à l’essai) et professionnels (police, ambulances, pompiers mais aussi chauffeurs poids lourd) ainsi que des compétitions automobiles et motocyclistes.

A noter qu’à la différence de Chamoson, le projet Broyard a suscité des oppositions tranchées de la part du secrétariat du WWF Vaud et de l’ASDEB (Association pour le développement durable de la Broye).

Commentaire

Un drame, une réaction politique émotionnelle et exagérée, une loi incohérente et obsolète. A titre d’exemple, les épreuves de rallye et les courses de côte, pourtant plus difficiles à sécuriser, sont simplement soumises à autorisation cantonale. L’article 52 de la LCR a, depuis près de 50 ans, rendu économiquement difficile la mise en place d’infrastructures permettant le développement d’un vaste écosystème, allant de la petite et moyenne industrie jusqu’au tourisme et l’événementiel, en passant par les écoles de conduite et la prévention routière.

L’abrogation de cette disposition légale est nécessaire, mais l’association réductrice avec un Grand Prix de Formule 1 très polarisant est une maladresse singulière. Interrogé sur le sujet, Jacques Deschenaux, commentateur des courses de F1 à la Télévision Suisse Romande, estime que « l’argumentation de l’initiative Giezendanner risque de faire capoter le projet. […] L’organisation d’un GP de F1 serait en quelque sorte la cerise sur le gâteau, une cerise bien incertaine compte tenu du nombre de pays candidats et l’absence évidente de volonté politique relative à la F1 en Suisse. »

De son côté, M. Salamin suggère qu’une formulation plus générale aurait été plus heureuse, mais minimise l’impact de cette décision sur le projet du CTA de Chamoson. « Si on autorise la F1, tout le reste [les autres formules] devrait l’être. Dès qu’on parle de F1, les gens sont intéressés. » Même écho du côté de Claude Haldi : impossible de parler de circuit sans que la question de la Formule 1 soit posée. Quitte à construire un circuit, autant qu’il soit aux normes FIA et permette la tenue de tous types de compétitions. Difficile de douter de la viabilité économique de telles infrastructures, l’agenda des circuits situés dans les pays limitrophes est plein à l’année, notamment grâce à nombre de clubs et associations suisses qui exportent leurs événements, parfois à plus de 600 kilomètres de route de nos régions.

L’impact macro-économique sur la région hôte est difficile à mettre en cause, en prenant à titre d’exemple le Nürburgring où un véritable pôle industriel et touristique s’est développé autour de la Nordschleife, même si des données chiffrées sur l’impact économique pour la région de l’Eiffel manquent. Des synergies avec les hautes écoles de la région (EPFL, HEVs) sont également à exploiter.

Une seule certitude : le rythme caricaturalement lent du processus parlementaire et des démarches administratives offre un contraste saisissant avec le dynamisme qu’on observe chez nos voisins: Lacquais, Lédenon, Adria, Castellet, Magny-Cours, Pouilly, Anneau du Rhin, Charade, Alès et maintenant le circuit de Bresse. Pourquoi construire ici ce qui existe déjà ailleurs ? Le développement économique trouve ses racines dans des conditions-cadre adéquates et l’exploitation d’opportunités nouvelles. Si les énergies renouvelables sont le futur de la mobilité individuelle, la Suisse romande peut y jouer un rôle d’acteur plutôt que de spectateur.

Liens

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