Essai piste Porsche 964 RS N/GT


Essai piste Porsche 964 RS N/GT

Un vendredi matin d’Août. La Suisse Romande dort encore mais il est déjà l’heure de se retrouver sur une aire de repos vaudoise où nous attendent un homme hors du commun, Jean-Paul, et sa bête de circuit, une Porsche … mais pas n’importe laquelle : une rarissime 911 (type 964) RS N/GT de 1992. Selon les archives de Zuffenhausen, 290 numéros de châssis ont été réservés pour cette version de la 964 RS mais seulement 200 auraient été produites. Cette déclinaison de la RS’92, comme l’appellent les puristes, a servi à l’homologation pour le championnat N/GT de l’époque, et elle était uniquement disponible en Allemagne, Belgique et Suisse. Grâce à la générosité de son propriétaire, je vais pouvoir aujourd’hui prendre les commandes de ce missile sol-sol pour quelques tours sur la prestigieuse piste de Dijon-Prenois.

Le temps d’échanger quelques mots et nous nous mettons en route. Après la traversée du Jura, suivie d’une centaine de kilomètres d’autoroute, nous voilà enfin arrivés aux portes du site de Dijon-Prenois. L’endroit est magique. Dans ma tête défilent les images du magnifique duel entre Villeneuve et Arnoux lors du Grand Prix de France en 1979. Depuis 1984, la Formule 1 a déserté ce tracé mythique, long de 3,801 km. Quelques compétitions automobiles s’y déroulent encore ainsi que des journées comme aujourd’hui ou des passionné(e)s se retrouvent pour profiter pleinement de leur voiture en toute liberté, sans limitation de vitesse, en gentleman driver. Toutes ces journées commencent généralement par un briefing rappelant à tous les règles importantes sur la sécurité et le comportement à adopter en piste.

Revenons à notre voiture. La Porsche 964 RS N/GT était équipé à l’origine d’un 6 cylindres à plat de 3.6 litres de cylindrée qui développe 260 chevaux. La grande différence par rapport à une “simple” 964 RS est la présence d’un arceau cage soudé au châssis lors de la fabrication de la voiture. De plus, notre superbe exemplaire est équipé du bodykit provenant des RSR de course, ce qui nous procure des frissons rien qu’en la regardant alors qu’elle est encore juchée sur sa remorque. Le look est typé course, agressif, et respire l’envie d’arpenter l’asphalte des plus prestigieux circuits du monde comme Spa Francorchamps ou le Nürburgring.

A ce cocktail viennent s’ajouter une petite préparation moteur qui porte la cylindrée à 3.8 litres, une bonne reprogrammation de la cartographie moteur portant la puissance à environ 325 ch pour un poids total d’un peu moins de 1200 kg. Le rapport poids puissance de 3.63 kg/ch la met au niveau d’une Audi R8 ou d’une Corvette C6, plus puissantes mais beaucoup plus lourdes. Cette version de la 964 était homologuée pour la route, mais dans sa configuration actuelle, il est bien clair que cela n’est plus envisageable, simplement du fait de la monte pneumatique : jantes 18” avec des slicks, 265/645 pour l’avant et 305/660 pour l’arrière. Cette dénomination fournit la largeur et le diamètre extérieur du pneu. Tous les autres réglages de la voiture sont bien entendu optimisés pour la performance sur circuit et cela se traduit notamment par le carrossage et la hauteur de caisse.

9h00: la piste est ouverte. Jean-Paul a déchargé sa voiture et rejoint les stands où il a méticuleusement préparé sa monture. Il enfile son casque et ses gants et s’en va découvrir la piste, même si ce tracé n’a plus aucun secret pour lui. Pendant ce temps, nous profitons du spectacle offert depuis le muret des stands. La température est idéale. La voiture fonctionne parfaitement et le pilote est en forme. Les sessions se suivent, avec et sans passager, et avant la mi journée, le résultat est là : le chrono a été amélioré, 1’29”75 avec un passager de 65kg. On entend de tout quand au meilleur temps sur cette piste, mais tourner sous la barre des 1’30” est un excellent chrono. Tout au long de la journée, en regardant uniquement les voitures de type GT, il me semble que seules les Porsche GT3 Cup ont été plus rapides.

Un peu avant midi, arrive mon tour de monter dans le baquet de droite. Pas de doute, on est bien dans une voiture de course, les tapis et la moquette brillent par leur absence, l’équipement est ramené au strict minimum : un arceau cage, deux sièges baquets ignifugés équipés de harnais 6 points, un extincteur, un coupe-circuit et l’Alfano qui permet de mesurer les temps au tour. Une fois harnachés et casqués, on lance le manège. C’est comme la fête foraine mais en plus réel. Le bruit du moteur envahit l’habitacle, on quitte gentiment les stands. Les premiers tours sont accomplis à régime modéré afin d’amener les pneus et la mécanique à bonne température. Une fois l’optimum thermique atteint, on attaque la grande ligne droite des stands, nommée ligne droite de la Fouine. Le paysage défile très vite, et peu avant le freinage le compteur indique environ 240 km/h. Au panneau 150m (distance avant la courbe), le pilote écrase la pédale des freins. J’ai la douloureuse sensation d’avoir les harnais qui s’enfoncent dans les épaules. On rentre dans le double droits de Villeroy à un peu plus de 110km/h (1.2g), puis accélérateur à fond, changement de vitesse et on fonce dans les Esses des Sablières à plus de 150 km/h.

La voiture ne prend pas de roulis, vire à plat et l’accélération latérale atteint plus de 1.3g. Gros freinage pour attaquer le gauche de la Bretelle qui est situé dans une cuvette, la vitesse chute à 93 km/h. Les slicks accrochent au bitume et ce sont les amortisseurs qui font tout le travail. Cela se ressent dans de légers sautillements. Le pilote gère cela de main de maître en dosant la pédale de droite tout en maintenant la trajectoire parfaite par des petites corrections du volant. Le revêtement du circuit est abîmé par les années, ce qui n’arrange en rien la stabilité à haute vitesse. Ré-accélération en passant sur le vibreur en sortie de courbe et on fonce à 160 km/h sur la parabolique, plus de 1.4g au point de corde, avant d’attaquer une montée à 15%. L’accélération est franche et directe, mais reste sage comparée à la violence du freinage. On arrive ensuite sur les double gauche de la Bretelle, négocié à un peu moins de 100 km/h, puis dans le virage de la Combe qui nous amène à plus de 160 km/h dans la fameuse courbe de Pouas. Là il faut avoir le coeur bien accroché pour passer vite : c’est une courbe à droite avec un léger dévers, une prise de corde prématurée se traduirait inévitablement par une sortie dans la glissière, le dégagement étant inexistant. La courbe est attaquée à 140 km/h pour en ressortir à 180 km/h et nous voilà dans le rectiligne des stands. Les tours s’enchaînent et les sensations sont vraiment exceptionnelles. Aucun doute possible, c’est mieux que le Luna Park. Nous ferons notre tour le plus rapide en 1’30”89, tout à fait honorable.

Pendant la pause de midi, Jean-Paul m’informe que la piste ouvre à 13h30 et que ça sera à moi de prendre les commandes de son bolide. Encore une fois je le remercie de la confiance témoignée et un petit stress m’envahit. Voilà, le moment tant attendu arrive et je me dirige tranquillement vers notre box. Cette fois-ci, je m’installe dans le baquet de gauche avec casque et harnais, non sans appréhension. Soudain il fait chaud, la tension monte, il va falloir être à la hauteur d’une telle voiture. Jean-Paul s’installe à droite avec, je pense, une certaine circonspection. Je tourne la clé et le moteur vrombit, des frissons envahissent mon corps : cette fois il faut y aller ! Marche arrière, je sors lentement du box avec l’impression que tout le monde m’observe. J’engage la première et sans mettre assez de gaz, je cale. Je tente de redémarrer mais la voiture refuse, comme si elle ne voulait pas repartir sans son maître aux commandes.

Jean-Paul me prodigue alors quelques conseils et là c’est bon, le moteur rugit à nouveau. La direction est très ferme et l’angle de braquage minime du fait des réglages du train avant. On se dirige vers la sortie des stands. Heureusement, peu de monde se trouve sur la piste. Je chauffe les pneumatiques et découvre gentiment les sensations d’une voiture de course. Le sentiment de ne faire qu’un avec la machine, c’est un autre monde. Le grip est hallucinant, les relances sont excellentes et le freinage est parfait. Bien sûr l’allure est moins soutenue que le matin, mais le but n’est pas la performance car, sans bien connaître une voiture avec un tel potentiel, il est tout simplement impensable d’aller chercher un temps à moins peut-être de s’appeler Ayrton Senna. Cependant, il aura fallu plusieurs tours pour que mes poursuivants, une Porsche 996 GT3 et une Lotus Exige, arrivent me dépasser. Ils étaient toujours proches, revenant sur les freinages et s’éloignant dès que j’attaquais une courbe. Pas de doute, avec des slicks nous sommes dans une autre dimension. La comparaison entre mon “pilotage” et celui de Jean-Paul n’est pas possible, mais à titre d’information, je rentrais dans la courbe de Pouas à 120 km/h pour en sortir à 140 km/h, soit 40 km/h moins vite que le Professeur. La différence est énorme, mais le plaisir est entier et ce moment restera inoubliable dans ma vie automobile. Je rentre dans les stands et je rends les commandes de cette magnifique Porsche à son heureux propriétaire.

L’après-midi passe vite, on profite encore de voir tourner tout ce beau monde et vient le moment de charger RedRocket, surnom donné à cette 964 RS N/GT, sur sa remorque. Les conditions météo étaient excellentes, une bien belle journée. Les portes du circuit de Dijon-Prenois se referment derrière nous et nous rentrons en Suisse par le Jura avec en ligne de mire l’avant de la Porsche sanglée sur sa remorque. Au total la Porsche aura parcouru 350 km de piste aujourd’hui avec une consommation moyenne de 38 L/100km. Cela peut bien sûr paraître énorme en comparaison avec nos voitures de tous les jours, mais pour une utilisation “piste”, toutes les ressources de la voiture sont sollicitées à leur maximum. Cette vénérable grenouille a encore de bien beaux jours devant elle et ses descendantes n’ont qu’a bien se tenir car malgré ses 15 ans d’âge, elle est encore en mesure de venir régater avec les plus jeunes. Tout cela a forcément un coût, mais il est moindre en regard au plaisir offert et c’est pour cela qu’on n’en parlera pas.

Porsche 911 (type 964) RS Porsche 911 RS N/GT “RedRocket”
Moteur 6 cylindres à plat, 12 soupapes 6 cylindres à plat, 12 soupapes
Cylindrée 3’600cm3 3’746cm3
Transmission Propulsion Propulsion
Boite de vitesse 5, mécanique 5, mécanique
Poids (à vide) 1230 kg 1180 kg
Puissance (ch / régime) 260 / 6100 325 / 6500
Couple (Nm / régime) 325 / 4800 370 / 5500
0 – 100 km/h 5,3 sec 4,7 sec
Vitesse max. 260 km/h 250 km/h (pont court)
Consommation mixte 11.4 l/100 km (route) 38 l/100km (circuit)
Pneumatique AV/AR 205/50 R17 – 255/40 R17 265/645 R18 – 305/660 R18
Prix neuf (CHF) en 1992 140’000

Remerciements à M. Jean-Paul Brandimarte du Garage Cristal pour nous avoir permis de réaliser un tel essai ainsi qu’à M. Sébastien Senn pour les données précises relevées à l’aide d’une DriftBox.

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