La Porsche Cayman 987 S à l’essai.
Cayman. Difficile d’innover tant les métaphores sur les sauriens sont devenues aussi originales qu’un sitcom sur la RTS. La voiture est super, il va donc falloir broder. Asphalte.ch vous le révèle ainsi en exclusivité : loin de toute métaphore animalière, Porsche nous a joué un tour pendable en faisant référence aux îles du même nom, un clin d’œil complice à l’exercice périlleux de l’optimisation fiscale. Oubliez Zug, Obwald ou Schwyz, ces îles des caraïbes sauront prendre excellent soin de votre épargne et de votre bronzage. Sans risque d’avoir Josef Zysiadis ou DJ bobo comme voisin. Associer la 4eme ligne de modèles du très distingué constructeur allemand à des gros lézards passant leurs journées à flotter dans de l’eau vaseuse ? Ridicule.
Une simple Boxster S avec un toit ? Presque, mais ce serait manquer l’essentiel. Une petite touche côté moteur (15 ch et 20 Nm de bonus), un poids similaire, probablement un léger gain en rigidité torsionelle. La plus grosse différence vient cependant de l’habilité et de la capacité du coffre : on retrouve les mêmes 150L de volume sous le capot avant, mais le coffre arrière passe de 130 à 260L. De quoi envisager une utilisation au quotidien, 365 jours par an (avec une monte pneumatique adaptée), que ce soit pour aller au boulot, faire du shopping ou partir en week-end avec partenaire et bagages. Ca restera juste pour un raid chez Ikea, mais pour le reste l’auto semble parfaitement viable au quotidien. Conclusion lumineuse: le Cayman S est un coupé dérivé d’un roadster, avec la polyvalence que ça implique.
Trêve de considérations pratiques, installons-nous. L’intérieur est remarquablement réalisé, qualité des matériaux, finition, du plafond au plancher, du coffre avant au coffre arrière, pas un détail qui jure sur une voiture de ce prix. Le design est affaire de goût, ça me plait beaucoup personnellement, mais l’impression générale est en ligne avec le tarif.
Sur un filet de gaz, le bruit du moteur est dominé par la distribution, mais dès qu’on ouvre un peu, le flat six répond avec un beau bruit d’admission qui monte en gamme et se transforme graduellement en un feulement absolument jouissif. La poussée est à l’unisson, alliant le naturel d’un moteur atmosphérique sans tomber dans la linéarité : plus l’aiguille du compte-tours central grimpe, plus la poussée se fait franche.
Aucun doute à avoir, les 295ch sont bien là, des chevaux version Zuffenhausen qui permettent à la marque d’offrir des performances de premier ordre sans afficher des chiffres délirants sur le papier. La crédibilité du badge autorise cette coquetterie, le poids contenu fait le reste : avec 1415 kg annoncés (seulement 5 kg de moins qu’une 997, étonnamment), la Cayman S passe sous la barre fatidique des 5 kg/ch de rapport poids puissance. Plus que les chiffres, fort respectables d’ailleurs, plus que les performances absolues, c’est le plaisir de conduite qui fait de ce moteur une réussite. Qu’on enroule à mi-régime ou qu’on attaque, la Porsche Cayman S est vivante, chaleureuse, pleine de caractère.
Le comportement est beaucoup moins typé que celui d’une 911, on ne s’en plaindra pas. Au lieu du porte-à-faux arrière cher à la marque, la position du moteur est centrale, le 6 cylindres boxer étant logé entre votre dos et les roues arrière. On y perd deux strapontins quasiment inutilisables, on y gagne un train avant beaucoup plus incisif en comparaison, plus sécurisant aussi. Les réactions dans les transitions freinage/accélération sont naturelles, accessibles. Sans surprise, l’adhérence est excellente, même sur ces chaussées froides et légèrement humides. Le contrôle de stabilité PSM reste en hibernation, signe d’une motricité sans faille. Porsche n’a d’ailleurs pas jugé nécessaire d’équiper la Cayman S d’un différentiel à glissement limité, ni même de l’offrir en option. Le risque de patinage intempestif de la roue arrière intérieure en appui est probablement suffisamment limité, mais on murmure aussi que la cadette ferait alors beaucoup trop d’ombre à sa grande soeur 911 Carrera, véritable vache à lait de la marque. La médiatisation des temps chronométrés sur la Nordschleife est devenue un instrument à double tranchant pour le marketing de Porsche.
S’il est possible de faire glisser l’arrière sur circuit, c’est probablement en soulageant l’arrière d’un lever de pied brutal en entrée de virage, car le comportement reste sous-vireur sous accélération en sortie d’épingle. Difficile d’explorer ces territoires de luxure sur route ouverte, mais on ne sent pas dans la Cayman S un train arrière joueur comme sur une BMW M3. Plus efficace que démonstratif, il est peu probable que vous ressentiez le frisson d’une amorce de survirage sur chaussée sèche si vous avez le pied lourd.
Le PASM est une option fortement recommandée car le tarage des suspensions d’origine reste orienté sport-confort. Si la tenue de caisse est très bonne dans l’absolu, les amateurs de conduite sportive – ou de circuit, dommage de se priver avec un tel outil – regretteront de ne pas pouvoir durcir la suspension lorsque les conditions s’y prêtent. Inutilement ferme dans les villages ou en ville, le PASM durcit le tarage de l’amortissement, rendant la voiture plus incisive dans les compressions et les appuis. La panacée si le contacteur était situé plus ergonomiquement.
A l’instar de la 997, l’option boîte courte est disponible, mais la commande de boîte d’origine est excellente. Difficile d’en dire autant de la course de la pédale de frein, un peu spongieuse. La force de freinage dépend plus du déplacement que de la pression, un peu le même travers dans lequel Audi tombe trop souvent. Surprenant venant de la part de Porsche, ceci ne remet cependant pas en cause l’efficacité du système.
Personnalité, performances, tenue de route, plaisir de conduite, qualité de réalisation, une silhouette qui plaît, Porsche signe un produit très réussi. Le rapport prix prestations est parfaitement justifié, surtout si on tient compte de l’image flatteuse et de la définition qui en fait plus une mini-GT qu’un jouet pour les beaux jours. On trouve dans la production japonaise de très bon coupés sportifs pour nettement moins cher (Nissan 350Z par exemple), mais la qualité de réalisation est incomparable, et les prestations clairement en retrait. Chez les allemands, une M3 E46 en fin de vie reste une alternative tentante, plus pratique mais aussi plus conventionnelle, moins exclusive, moins attachante aussi.
Difficile d’éluder la concurrence fratricide avec la 997 Carrera « de base » dont le tarif semble presque disproportionné en comparaison. Sous cet angle, la Cayman S est une véritable affaire, avec à la clé une économie de 25 à 30’000 francs … et la possibilité de les placer sous des cieux cléments.
Deuxième opinion – Pierre Moret
Ce matin, surprise! Un copain me proposait de l’accompagner pour un petit test du Cayman S. Comme il ne connaît pas trop la région de ZH, je ne pouvais vraiment pas le laisser rouler tout seul. Me suis donc sacrifié pour l’accompagner et lire la carte. A la prise de contact, rien de bien neuf. Le Cayman est maintenant connu, donc pas de surprise de le voir à nouveau en vrai. Petit tour extérieur d’abord pour la forme. Marrant, le hayon arrière s’ouvre ‘achement haut si on le veut. Pour les nains, s’agit pas de l’ouvrir trop fort sans le retenir, sinon faudra une échelle pour le refermer ! Bref, entrons.
Mon pote prend la place du roi et moi celle du mort (de trouille). La première constatation est du style: “ben ils se sont pas fait péter le budget sur les options!”… Notre crocodile est un ascète: pas de PASM, pas de Sport Chrono, pas de… pas de rien du tout. Rien qui ressemble de près ou de loin à une option, mais comme on est chez Porsche, il devait quand même y en avoir pour qques milliers de francs. Non, sérieusement, je n’ai pas vérifié la liste des options, mais notre véhicule de presse était vraiment peu doté. Du coup, on se retrouve à pomper comme des Shadoks pour régler la hauteur des sièges. Tiens, au fait, les sièges m’ont fait bonne impression. Le dossier est assez haut pour que même un zigoto de 1.89m dans mon genre ait l’appuie-tête à la bonne hauteur. Bien bien. Le maintien latéral est pas mal du tout pour un siège ‘normal’. Quant au reste de l’intérieur, rien de spécial à signaler: Boxster-like. Bon. Assez de blabla. Passons au vroum-vroum.
Mon collègue (également 911 turboïste) lance donc la bête sur la route. La bande sonore est sympa. Discret au besoin, hurleur sur commande du pied droit. Vu du siège passager, la chose a l’air d’accélérer pas mal, même si je me demande parfois s’il a vraiment le pied au plancher. Sur ma demande, l’intéressé me fait signe que oui. Ah. Bon. C’est là qu’on se dit que notre couple de tapettes risque de regretter celui de nos turbos habituels… On sort de Zürich pour tomber sur une petite route de campagne qui gravit et redescend une colline avec des lignes droites et des virages tout plein. Nickel. Après qques montées-descentes-montées-descentes, je trouve un bon plan pour prendre l’air sans avouer que je suis en train de devenir vert (notez la rime): je propose de rester au bord de la route pour prendre quelques photos au passage. aaah… du coup, ça va mieux. Et c’est là que je me rends compte que cet alligator-là, il a un joli brin de voix quand il veut! Gaz ouverts, il hurle sa rage de ses petits poumons bien nerveux. Vraiment sympa. Bon. A moi de jouer. Je m’installe aux commandes et commence par virer le tapis en caoutchouc qui risque de se prendre les pieds dans les miens. Moi qui ai toujours de la peine à me sentir bien dans une voiture inconnue, je suis rassuré: c’est bien une Porsche. Position de conduite digne d’Adèle, c’est-à-dire nickel. Je décide d’ignorer les 36’000 boutons de la radio et autres gadgets de la console centrale. Le bouton “PSM off” (ESP off) me fait de l’oeil, mais je décide sagement de l’ignorer aussi. La mission consiste également à ramener le croco vivant et pas sous forme de valise …
C’est donc au tour de mon pote de se les geler (malheureusement pour lui pas au feu, le pote) pendant que je joue à monter-descendre-monter-descendre la colline. Bon, comme c’est “sa” voiture, je me limite à 2 passages (greffier, notez: je suis bien brave). AHA!… Sympa, ce petit moteur atmo. Ca réagit au quart d’orteil. Euh… mais c’est tout ?… ah ouais: c’est pas la Turbo. Ok, donc peu de couple, mais on peut monter dans les tours. En fait, on doit monter si on veut s’amuser. Montons donc. Simpatico. Les vitesses passent bien, même si le débattement du levier pourrait être plus court (en option je crois). Premier freinage léger: hmmm ? Un peu mou: freins normaux, pas de PCCB, évidemment. Je re-pousse donc “un peu”, et j’écrase la pédale du milieu: mouais. D’accord, on est en pneus d’hiver (Continental), mais le freinage me semble malgré tout en peu mou. Sur un gros freinage, il me manque cette impression que la voiture se scotche à la route et que les yeux sortent des orbites. Encore une fois, c’est probablement la mauvaise influence des freins de la Turbo, mais je trouve ceux du croco un peu mollasson. Par contre, pas de fading à l’horizon (même s’il faudrait pousser plus pour tester vraiment). Oh, et le feeling de la pédale de freins est bien loin de ce que j’ai ressenti il y a quelque temps sur une Golf: bien dosable et sans cet effet de on-off que j’abhorre. Merci maman Porsche.
Au niveau de la direction, c’est un peu le même constat. Passons sur le volant que Porsche s’obstine à fabriquer trop grand et trop fin pour dire que la direction est un peu légère à mon goût. En fait, c’est un peu mon impression générale sur le Cayman S: tout me semble un peu mou et soft. Probablement que le mode sport du châssis PASM et les freins PCCB changent complètement la donne, mais cette version de base manque un peu de… mordant, ce qui est le comble pour un alligator, non ?
Euh… quoi d’autre?… Difficile de vous parler du comportement dynamique. Je n’ai pas passé assez de temps au volant. Mais en tant que passager, on sent la voiture très stable. J’ai d’ailleurs été étonné par le peu de roulis, malgré une suspension standard que je trouve (visuellement) réglée trop haute sur pattes. Et même sur un freinage à vous transformer les Conti d’hiver en slicks, le Cayman S ne plonge pas du nez, mais reste très neutre. Un châssis plus sportif doit probablement être redoutable…
Caractéristiques techniques
Moteur: 6 cylindres à plat, 3387 cm3
Puissance: 295ch à 6500 t/min
Couple: 340Nm de 4400 à 6000 t/min
Accélérations: 0-100km/h 5.4s
Vitesse de pointe: 275 km/h
Consommation cycle mixte : 10.6 L/100km
Poids à vide CE: 1415 kg
Prix de base : 88’500 CHF
Options sur le véhicule testé
PASM (2385 CHF)
Phares Xenon (1640 CHF)
Sound Package Plus (900 CHF)
Chargeur 6CDs (840 CHF)
Climatisation automatique (715 CHF)
Tempostat (705 CHF)
Sièges sport (600 CHF)
Essuie-glace arrière (535 CHF)
Volant sport 3 branches (345 CHF)
Pare-brise teinté dégradé (165 CHF)
Prix du véhicule testé : 103485 CHF
Remerciements à M. Carro d’AMAG Lausanne pour le prêt de la voiture pour cet essai.
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