Nürburgring Nordschleife


Récit d’un premier pélerinage au Nürburgring. 

La Nordschleife (boucle du nord) du vieux Nürburgring est un haut lieu du sport automobile et un circuit absolument unique. Construit en1927, il fut utilisé pour les Grands Prix de F1 jusqu’en 1976 où l’accident de Niki Lauda ramena les responsables de la FIA d’alors à une certaine forme de raison. Depuis, la Nordschleife est devenue une attraction touristique, un centre de développement, et quelques courses s’y déroulent encore chaque année. Ouvert à tous pour 15€ par tour (le statut légal est celui d’une route à péage sans limitation de vitesse), l’Enfer Vert (Grüne Hölle) draine une foule de curieux et de passionnés, des régionaux aux pèlerins qui n’hésitent pas à venir de Scandinavie, du Royaume Uni, de Suisse ou même d’Italie. Proche de Spa (environ 120 km au sud est), il représente une étape logique d’un voyage dans les Ardennes.

La région vous accueille avec des routes plaisamment sinueuses et vallonnées, serpentant entre champs de céréales et boccages, ponctuées par de gracieuses éoliennes tournant dans une brise imperceptible. Très bucolique pour ce qui va suivre. Le nouveau Nürburgring, ses tribunes, ses enseignes et ses multiples parkings sont bien indiqués et très visibles, alors que le monstre est tapis dans les collines avoisinantes. Depuis le village de Nürburg, plusieurs routes mènent au parking et aux barrières d’entrée de la piste.

Un centre de développement

Plusieurs grands constructeurs ont établis leur quartiers au Nürburg: citons notamment Porsche, Audi & Lamborghini, Alfa Romeo, BMW, diverses marques du groupe Ford (Jaguar (photo ci contre), Aston Martin & Ford), Mercedes, etc. Leurs bases sont regroupées dans la Gewerbezone de l’autre côté de la nationale 258, d’autres sous-traitants spécialisés s’y sont installé, comme en témoigne le quintet de Ford GT plus bas. Le coin pullule de prototypes plus ou moins camouflés. L’intérêt est double: une piste d’essais extrêmement sélective, et un argument marketing indéniable avec la notoriété croissante de la Nordschleife. Le sceau “développé au Nürburgring” ou “capable de X minutes sur la Nordschleife est en passe d’être aussi parlant pour l’homo automobilus moyen que le 0-100km/h.

 

La piste est ainsi ouverte en journée de semaine aux membres de l’industry pool, ce qui rend l’endroit distrayant: imaginez toutes sortes d’autos, du proto de Gallardo SV au SUV Audi Q7, plus ou moins déguisées et pour certaines bardées de capteurs, déboulant en vrac à des vitesses époustouflantes, et alignant les tours jusqu’à ce que panne s’en suive. Les autos sont poussées à leurs limites, et selon l’engin en question, ça cause. Les hurlements et les vitesses de passage de la 997 GT3 sont à couper le souffle. Ces séances d’essai sont une bonne opportunité de faire des photos, faire le tour des différents points de vue (voir encart “pratique”).

Un Vendredi autour du Ring

Réveil matinal, ciel maussade, pas trop motivant pour une première visite du monument, surtout en plein juillet. Petit déj’ puis un petit bout de route digestif avant de rejoindre le Nürburg. Le circuit de F1 est occupé par une rencontre de véhicules anciens alors que sur la Nordschleife, les pilotes d’essai ont déjà entamé leur turbin. Passage inutile par le parking de la Grüne Hölle, désert, puis autre passage tout aussi inutile au complexe commercial du circuit de F1 pour découvrir qu’il faudra patienter jusqu’à 10 heures pour pouvoir acheter une carte détaillée et 2 misérables autocollants. Je me lance donc au pif le long de la 258 avant de bifurquer sur la 412 pour tomber sur les premiers photographes amateurs (certains familiers, le monde est petit) qui observent les voitures débouler de Pflanzgarten. Plus loin, à Bruennchen, la Maranello s’offre une timide séance d’offroad pour rejoindre cette vaste aire publique, le spot de photo le plus classique autour du Ring.

 

Un camping car et une tente de camping sont installés là, à quelques mètres du grillage de la piste et ce ne sont pas les seuls vacanciers que je croiserai, attirés par la magie des lieux. Sur la piste, on ne chaume pas, les voitures défilent à un rythme impressionnant, à la limite dans tous les virages, tour après tour, poussant à leur maximum des autos dont la vocation première n’est pas nécessairement ce genre d’exercice.

 

Chaque voiture suscite ses interrogations spécifiques: la Gallardo semble standard, mais les photos montreront plus tard que les ouïes de refroidissement agrandies sont probablement celles de la future version SV, des coupés Mercedes CL font un beau bruit de V8 atmo, peut-être le futur 6.3 litres remplaçant les moteurs à compresseur.

 

Une mule probable de la future Gallardo SV. La Gallardo tournait également la veille au soir. Les Jaguar (remplaçantes des cabriolets et coupés XK) sont plus camouflées alors que la 997 GT3 ne prend plus la peine de se déguiser.

 

Direction Breidscheid, un petit village encaissé dans un vallon, traversé en son centre par le pont d’Exmühle. Difficile de se parquer, la 550 se case tant bien que mal en bord de route, sous le pont. Quelques mètres plus haut, les voitures achèvent leur descente depuis Metzgesfeld, la plupart précédés par le bruit de leurs pneus martyrisés, avant de piler pour le passage du pont et ré accélérer à fond pour entamer la remontée. Un peu plus loin, caché dans la forêt, se trouve le virage de Bergwerk après lequel Lauda failli se tuer et fut gravement brûlé. Ici encore, la 997 GT3 impressionne au freinage, et le hurlement du flat 6 dans la montée qui suit est saisissant. Et toujours, quelques touristes sont là pour observer, en ce Vendredi gris et froid.

C’est peut-être ici que l’étroitesse et la pente surprend le plus, la sortie du pont est un véritable mur. Presque irréel, surtout quand on sait qu’on va se retrouver au pied de ce mur dans quelques heures. Les protos défilent toujours au même rythme, la palme du camouflage revenant à ce proto entièrement recouvert d’une seconde peau, peut-être la nouvelle classe C Mercedes.

 

Autour puis sur le Ring

Petit flashback: la veille, en arrivant de Spa, cet exemplaire de présérie de l’Audi Q7 s’offrait aux regards et objectifs de tous dans le parking. Encore bardé de capteurs et d’équipement d’acquisition de données, il s’apprêtait à faire un tour précédé par une BMW série 7 transformée en plateforme de tournage.

 

Brave caméramans, prêts à faire un tour complet du Ring en regardant à reculons dans l’objectif d’une caméra. Le but de l’opération reste incertain, le Q7 étant encore légèrement camouflé (calandre & optiques de phare). A l’intérieur, ça rigole pas: ordinateur portable fixé sur une platine ad hoc.

Revenons à notre Vendredi. Midi approche, la piste ouvre à 14h15, il est temps d’aller se remplir l’estomac pour l’après-midi. Le restaurant « Die Grüne Hölle » est peut-être la porte de l’enfer culinaire, vraiment pas la meilleure adresse pour avaler un plat de rigattonis. Le parking est encore très clairsemé mais remplit petit à petit, mais certains se sont déjà installés pour l’après-midi.

Quelques voitures et têtes vues la veille à Spa, des touristes de passage et des mordus. Les protos cessent de défiler (leur entrée/sortie se situe probablement sur l’ancien pitlane, dans le village de Nürburg. Un commissaire revient d’un tour de piste pour vérifier que tout baigne, les distributeurs crachent leurs tickets, les premières voitures et motos s’alignent derrière les barrières. Je laisse les pressés de tout poil partir puis vais avec un calme feint chercher mon premier ticket, mettre mon casque (optionnel) et monter dans l’auto.

 

Pendant le premier tour, je m’évertue à construire un parallèle mental avec les images de Gran Turismo 4, les virages sont bien là, mais c’est autrement plus intimidant. Malgré le côté rassurant de cette connaissance relative de la piste, tout semble beaucoup plus lent et plus … court. Entre ce qui se passe devant, dans et derrière la voiture, il y a nettement plus à faire que dans votre salon, agrippé à votre Volant à retour de force. Depuis le Karussel, brouillard (mental) complet, ma mémoire du tracé devient trop parcellaire, les dos d’âne et le toboggan de Bruennchen sont incroyablement techniques. J’émerge à Pflanzgarten, la fin du tour est à nouveau un peu plus familière.

Je tire quelques rapports sur le long rectiligne, une idiotie qui ne fera que chauffer un peu plus les freins. Retour obligatoire au parking, premier tour accompli, woaw ! Deuxième puis troisième tour avec des pauses copieuses à chaque fois, occuppées à déambuler dans le parking. La Carrera GT jaune vue la veille à Spa et là avec sa cour de GT3 RS.

Le trafic est heureusement modéré selon les standards du Ring, mais aucun des tours ne sera exempt de voitures à doubler ou de motards déboulant dans mes rétros à des vitesses météoriques. J’ai tendance à trop et mal freiner dans la descente sur Breidscheid, mais le segment Bergwerk Karussel est fantastique, de longues enfilades en forte montée où le coffre du V12 s’exprime pleinement, seul endroit du circuit où le couple et la puissance parlent vraiment. Ailleurs, c’est plutôt d’un comportement sain et de freins très endurants sur lesquels il faut pouvoir compter. Je ne tenterai pas de prendre l’intérieur du Karussel, la garde au sol réduite de la Maranello ne m’inspirant guère confiance. Aucune frayeur, et l’équilibre de la voiture permet de ne pas trop redouter des réactions abruptes au lever de pied et sur les bosses. Une berlinette à moteur central serait probablement plus délicate à certains endroits.

 

Les régionaux de l’étape sont présents avec des autos plutôt variées, mais pas moins rapides.

Il est déjà 16 heures et un crachin persistant trahit sa présence sur le pare-brise. Difficile de savoir s’il tombe des hallebardes à l’autre extrémité du parcours. Pas de fermeture de piste, mais des rumeurs de chutes de motos parcourent le parking. La pluie a la réputation d’être traître du fait des changements brusques d’adhérence en différents d’endroits, sans compter le risque de se faire embarquer dans un freinage par une GSX-R norvégienne transformée en savonnette. La raison aura le dessus, j’en resterai à mes 3 tours et quitterai le circuit vers 18h30 sous une pluie devenue soutenue, en quête d’un repas plus satisfaisant que celui de midi.

Un joli duo de Ferraris, une Daytona qui ira faire un tour le Jeudi soir, et une adorable Dino qui restera sagement sur le parking.

Le lendemain matin, le soleil se lève sur un ciel partiellement dégagé. L’idée me traverse l’esprit de reporter le retour de quelques heures et d’aller faire quelques tours de plus, mais ici encore la raison (la superstition ?) prévaudra … pour cette fois.

Alors combien ?

Comme les sessions « touristes » ne permettent pas de faire des tours lancés, les mordus se chronomètrent Bridge-To-Gantry (BTG, du pont Antoniusbrücke immédiatement après l’entrée du circuit, jusqu’à la sortie de Galgenkopf), alors que les revendications des constructeurs sont basées sur des tours lancés. La différence entre BTG et tour lancé est estimée à 25 secondes avec le dernier rectiligne au plancher. L’ignorant, j’ai mesuré (par curiosité) mon troisième tour à 12’03’’, parking à parking, avec le dernier rectiligne à 120 km/h pour laisser les freins refroidir. Pas de quoi fanfaronner, la voiture doit valoir 8’30’’ sur un tour lancé entre des mains expertes, ce qui fait grosso modo 8’55” BTG. Les 10 minutes BTG doivent être atteignables avec un peu de pratique et de méthode, Jeremy Clarckson (le présentateur de Top Gear sur la BBC) est parvenu à 9’59’’ BTG dans une Jaguar S-Type Diesel. Le Saint Graal est la barrière des 8 minutes, atteinte (7’56’’) par une 996 GT3 entre les mains expertes de Walter Rohrl. Ferrari a tenté d’atteindre les 8 minutes mais s’y est cassé les dents avec la 575, selon certaines rumeurs. Peut-être qu’une GTC ferait l’affaire.  Il est probablement plus facile de revendiquer des temps arrangeant à Fiorano, où toute comparaison est bannie, que sur un terrain neutre et très sélectif.

Infos pratiques

Itinéraire: malgré une attirance compréhensible pour la rive allemande du Rhin, le détour ne vaut pas la peine. Trop de travaux, de trafic et de longs tronçons limités. Prendre patience jusqu’à Saarbrücken, les choses deviennent nettement plus plaisantes après.

Où dormir: les hôtels et B&B pullulent dans la région et à proximité du Nürburg. J’ai testé pour vous l’HôtelWillemshöhe à Auderath, 15 minutes au sud du Ring par une belle route, avec un resto italien sympa en route. Simple, propre et sympa, on y mange très correctement aussi.

Sites à visiter: le site officiel du Nürburgring. Dates et heures d’ouverture de la Nordschleife pour la saison. Lesite de Ben Lovejoy: plus de 40 visites, une Porsche 944 en permanence sur place, une référence. Le Ringers forum. Pas d’intérêt particulier à part l’observation anthropologique des espères locales dans leur habitat naturel. La plupart des accidents y sont reportés, cela aide à tempérer tout excès d’optimisme.

Où faire des photos ? Le parking/point de départ est sympa pour glander et s’imprimer de l’atmosphère, mais nul pour les photos de piste. Pflanzgarten et Brünnchen sont facilement accessibles en voiture, Breidscheid mais le parking peut-être un casse-tête. Pour le reste, l’idéal est de prendre un VTT et suivre l’itinéraire indiqué sur la carte de la Nordschleife en vente notamment à l’Erlebnis Welt / magasin de souvenirs du circuit de F1.

Les caméras vidéo sont officiellement interdites sur la piste. Si vous choisissez de ne pas respecter l’interdiction, évitez de vous pointer à la barrière avec votre trépied à succion trônant sur votre vitre arrière.

Météo: souvent exécrable en général, climat changeant, froid, neige tard/tôt, à ne pas négliger. Prendre sa petite laine.

Un tour

21 kilomètres, 73 virages, difficile à résumer.En gros, il y a un début, un milieu et une fin (sans plaisanterie).

Le début fait 9 kilomètres. Pas de gros problèmes jusqu’à Flugplatz qui, comme son nom l’indique, fait décoller les optimistes, et Schwedenkreuz, courbe qui serait excessivement rapide si on arrive à fond. Adenauer-Forst est le premier vrai piège, un gauche masqué et très serré après les longues enfilades qui précèdent. Les vibreurs hauts pardonnent peu.

La descente qui suit n’est pas outrageusement dangereuse selon les standards du Ring, mais il n’y a rien de vraiment sûr autour de la Norschleife. On arrive donc avec les freins bien chauds à Exmühle.

 

Le milieu, c’est la fantastique montée de 5 kilomètres jusqu’au Karussel. Faire très attention au virage de Bergwerk qui se referme, prendre une corde prématurée vous enverra droit dans la glissière à la sortie. Suit une longue enfilade sur laquelle on peut attaquer jusqu’à apercevoir les garnitures rouges et blanches de l’épingle de Steilstrecke qui annonce le Karussel.

Les 7 km restant sont les plus difficiles à mon sens, techniques, alternant le rapide et le lent, vraiment intimidant jusqu’à Pflanzgarten et son freinage piégeux. Longue enfilade rapide puis une autre courbe qui se ferme, Schwalbenschwantz, aussi appellé le mini Karussel. Suivent les 2 courbes qui ramènent sur le rectiligne final.

GT4 sur Playstation 2: utile ?

La promotion du jeu Gran Turismo 4 a largement utilisé la Nordschleife comme argument, ventant les prouesses de modélisation et le réalisme de la reproduction de la piste, élevant le Ring au rang de piste culte pour la génération WRX STi. Faut-il emprunter la PS2 de son neveu pour bien préparer un voyage au Nürburgring ? La réponse est claire: oui, mais …

La Nordschleife est un tracé unique de difficulté: sa longueur (21 km), ses dénivellations, son étroitesse, ses faibles dégagements, ses vibreurs en forme de trottoir (à certains endroits), ses virages masqués et se refermant, des changements d’adhérence. Ajoutez un trafic très diversifié, du très lent au très rapide, mélangez et vous avez le cocktail pour finir dans une glissière, voire pire.

Une connaissance préalable du tracé devient dès lors extrêmement précieuse, et GT4 permet cela. Au volant de la voiture de votre choix (choisissez plutôt une voiture réaliste, pas une Audi R8 ou une Sauber C9), on apprend à reconnaître les enchaînements les plus traîtres, les virages critiques où manquer la corde est suivi d’une sanction immédiate, les plus grosses bosses. Votre premier tour vous permettra d’établir un parallèle et vous placera dans un terrain un peu plus familier.

Cependant, GT4 n’est pas la panacée. Le rendu de la troisième dimension est loin de la réalité des descentes et montées invraisemblables qui jalonnent le tracé. Les vibreurs paraissent bien plus amicaux sur votre TV qu’à proximité de vos jantes. GT4 ne simule pas l’échauffement des freins, une issue possible sur vos premiers tours (surtout si vous conduisez une péniche comme la Maranello). GT4 ne simule pas les braves touristes qui se traînent, ni les motards, ni les voitures rapides. GT4 ne simule pas les changements d’adhérence s’il pleut sur une section du circuit. GT4 ne simule pas le stress lié au risque de transformer une sortie en cauchemar. Contrairement à l’intuition, un tour sur GT4 vous paraîtra aussi beaucoup plus long qu’en réalité, où on ne chôme vraiment pas.

Pourtant, GT4 ne peut que vous aider à être mieux préparé à aborder la cathédrale de l’Eiffel.

Conseils de prudence

Passer une journée autour du Ring est une expérience que je recommande vivement, d’autant plus si c’est un jour de semaine où les pilotes d’essais tournent sur des prototypes de développement.

Passer une journée sur le Ring est un exercice dangereux qu’il ne faut pas prendre à la légère. Les accidents matériels sont fréquents, les accidents corporels ne sont pas rares. Préparation, concentration, humilité et prudence sont absolument nécessaires pour éviter que l’Enfer Vert ne devienne un très mauvais souvenir. N’y allez pas un week-end, vous manquerez les essais de protos et votre plaisir risque d’être gâché par l’affluence.

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