Match entre coupés français et italiens, avec une allemande comme arbitre.
Malgré des volumes de ventes confidentiels, les petits coupés sportifs ont la cote auprès des amateurs de voitures sportives. La passion fait battre les cœurs, puis les considérations pratiques reprennent le dessus et les amateurs se rabattent sur des hatchbacks sportifs plus versatiles et réalistes pour une utilisation 52 semaines par an. Depuis la présentation du concept en 2011 et pendant sa gestation, l’Alfa Romeo 4C avait suscité un buzz formidable, mais à peine 520 unités ont trouvé preneur sur le marché suisse en 4 ans et demi de commercialisation, un niveau sensiblement équivalent au Porsche Cayman, lui même cannibalisé par un Boxster qui se vend nettement mieux que le coupé.
Puis vint la nouvelle Alpine. Renouveau d’une marque disparue depuis 1995, et d’une certaine manière porte étendard d’une industrie automobile française en mal d’identité valorisante et de reconnaissance face à l’encombrant voisin allemand et les redoutables portefeuilles produits des diverses marques nationales. Nous l’avions trouvée prometteuse mais pas totalement exempte de reproches lors du lancement à la presse internationale en décembre 2017. Il nous tenait à cœur de valider nos premières impressions sur nos tracés de référence.
La 4C Coupé essayée en 2015 nous avait frappé par son comportement volage. Une propension aiguë au tramlining la rendait exagérément nerveuse sur chaussée déformée, dardant à gauche ou à droite selon les inégalités ou la cambrure de la chaussée. Elle paraissait rustique, brute de coffrage, inaboutie, bruyante, un peu comme un cancre de fond de classe qui essaie de compenser ses carences studieuses en jouant les terreurs dans la cour de récréation. Ce n’était pas une sportive sérieuse et rigoureuse.
En prenant livraison de notre 4C Spider pour ce comparatif, les premiers kilomètres me ramènent immédiatement à notre essai de 2015. La direction est camionesque, les bruits de plomberie du circuit de suralimentation omniprésents. Puis il y a l’échappement. Taxer la 4C de bruyante relève de l’euphémisme. Elle est assourdissante, socialement déraisonnable, au point de faire tourner la tête des passants et d’attirer des regards qui oscillent entre la désapprobation et l’agacement, ce en déployant tous les efforts possibles pour ne pas émettre de décibel excédentaire.
La position de conduite reste problématique: le baquet est trop droit à son inclinaison maximale, l’assise trop haute. En conséquence, la jante du volant bloque la partie haute du compte-tours en arc, ne laissant apparaître que les barres à 2000 et 6000 tours. Les premiers 200 km d’autoroute sont proche de la punition: bruit de roulement omniprésent, ronronnement monocorde du 4 cylindres, capote qui prend le vent si l’on ne prend garde à bien l’insérer dans la lèvre du cadre du pare-brise.
Le passage à l’Alpine A110 est pour le moins contrasté, presque surréaliste. Accès facile dans un habitacle infiniment mieux fini, mes premiers kilomètres à bord de cette Première Edition numéro 1833 sont incomparablement plus sereins. Primo, Alpine a eu l’intelligence de donner à une voiture voulue légère une direction légère. L’assistance de direction – en plus du confort intrinsèque qu’elle amène – reflète le positionnement de la berlinette, et son tarage est de plus très léger. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, le point est aussi fondamental que l’est le volant comme interface de conduite.
Et quels compromis pondéraux coupables Alpine a consenti en suivant cette démarche ? Annoncée à 1103 kg en configuration Première Edition, notre Alpine pointe à 1110 kg sur nos balances avec le plein d’essence, avec une répartition (sans conducteur) de 43.4% sur le train avant et 56.6% AR . En comparaison, cette 4C Spider pèse 1068 kg (39.7%/60.3%) avec capote rangée dans le coffre, soit 46 kg de plus que les 1022 kg du coupé 4C essayé en 2015. Les français tiennent leurs promesses tandis que les 850 puis 895 kg à sec annoncés par les transalpins paraissent aussi fantaisistes qu’ils sont invérifiables. La comparaison entre le châssis en carbone de la 4C et la caisse en aluminium de l’Alpine montre la supériorité de l’approche des français.
Avec l’A110, Alpine démontre qu’on peut concevoir une berline légère, confortable, dotée d’une direction assistée tout en atteignant un poids plume. 42 kg séparent notre 4C Spider de l’A110 et pour rien au monde je ne les sacrifierais pour une direction de camion. La direction, interface première de l’automobile, reflète avec fidélité le positionnement de la voiture, et se manie avec délicatesse plutôt qu’avec poigne. Grâce et légèreté, sans sacrifier le confort attendu d’un coupé de tourisme, voilà qui est rafraîchissant.
Je m’aperçois par contre trop tard que le baquet Sabelt est réglé sur la position médiane (sur les trois disponibles), et c’est beaucoup trop haut pour mes 182 cm. Qu’à cela ne tienne, je le ferai à la maison avec mon jeu de douilles Torx ?! Que nenni, c’est du torx creux. La concession Renault de Lucerne a sans doute la douille nécessaire et la procédure à suivre ? Caramba, ils n’ont pas la moindre idée sur le sujet. Je devrais me contenter d’ajuster la colonne de direction au plus haut, ce qui s’avérera viable pour l’essai. Reste que la leçon est à retenir: les baquets Sabelt sont magnifiques et légers, mais l’absence de réglage utilisable est un handicap de fait.
Je retrouve la sensation déroutante d’une zone de pression sur les omoplates. Elle se dissipe après une demi heure au volant, mais réapparaît lorsque je reprends le volant. Ils sont également trop larges pour ma carrure: je devrais pendant tout l’essai anticiper les virages en calant le tronc contre le rebord gauche ou droite afin de pouvoir conserver des gestes précis. Sur autoroute, l’Alpine est un havre de paix en comparaison de l’Alfa. Ce n’est même pas lié au septième rapport de la boîte EDC de l’Alpine – il tire légèrement plus court (2700 t/min à 120 km/h indiqués) que la sixième de la 4C (2750 t/min à 132 km/h indiqués), mais l’isolation sonore des bruits du moteur et de roulement est incomparable.
Ces coupés sportifs n’ont pas forcément vocation à de grands voyages, mais même pour les sorties plaisir, il y a des parcours de liaison, et l’A110 est incomparablement mieux conçue pour cet usage. De la place dans les deux coffres à l’accès à bord sans même parler de la quiétude à l’intérieur, Alpine voulait une A110 utilisable et tient sa promesse. Dans ce registre terre à terre mais souvent crucial, la France bat l’Italie par K.O. Place au plat de résistance: la conduite sportive, sur les plus beaux cols des Alpes.
En arpentant les cols du Grimsel, de la Furka, du Nufenen et du Gotthard, la 4C Spider nous est apparue moins nerveuse du train avant que ne l’était le coupé à sa sortie. L’expérience reste brute, de la lourdeur de la direction au comportement rugueux du moteur en passant par les piaffements de la soupape de décharge. La contre-partie est que l’équilibre est devenu significativement sous-vireur, avec un avant qui part facilement en luge. Si le timing est parfait, il est possible de ressortir des épingles en légère dérive du train arrière, mais le lag du moteur rend l’exercice difficile. Si le couple déboule trop tôt, le train avant n’est pas capable de tenir la trajectoire, si il arrive trop tard, on se retrouve scotché en ligne en attendant une accélération assez brutale.
L’impression de se battre contre une voiture rétive et imprévisible s’est atténuée, mais l’expérience demeure rugueuse. Notre théorie, fatalement spéculative, est qu’Alfa Romeo a voulu remédier aux critiques et/ou retours des clients en rendant le train avant de la 4C moins nerveux, probablement en réduisant le carrossage. La conséquence est une réduction – mais pas une disparition – du tramlining, mais au détriment du grip des roues avant. La 4C s’en retrouve indubitablement bonifiée, mais l’expérience de pilotage manque autant de finesse que de rigueur.
Sauter dans l’A110 nous transporte dans un autre monde, tout en raffinement, délicatesse, subtilité. Il suffit de 100 mètres pour conclure que ces deux coupés tablent sur des visions diamétrales de la conduite automobile. L’une toute en agression et tonitruance, l’autre axée sur la légèreté et la grâce. L’A110 n’en est pas inintéressante pour autant, loin s’en faut. Son 1.8L turbo est volontaire, relativement coupleux, et procure des accélérations et reprises attrayantes. Il n’est pas éblouissant à haut régime et sa signature sonore est dominée en disproportion par le bruit d’admission, mais l’ensemble est plaisant d’emblée et le confirme sur la durée.
La boîte à double embrayage EDC est dans l’ensemble très bonne. Les ingénieurs ont pu induire un feedback positif à la montée des rapports qui va crescendo avec les trois modes de conduite, tout comme l’égalisation du régime à la descente. Le profil de force des palettes me semble avoir évolué positivement par rapport aux voitures utilisées au lancement, avec une course un peu plus longue une fois le seuil de déclenchement passé. L’ensemble moteur-boîte est donc une invitation automatiquement acceptée à augmenter le rythme et puiser dans les réserves d’un châssis très sain et compétent, mais pas irréprochable.
Relevé lors du lancement, nous réaffirmons notre verdict au terme de cet essai: nous trouvons l’A110 tarée trop souple en amortissement primaire et c’est regrettable. Alpine n’a pas voulu d’amortissement réglable, même en option, et il est difficile d’en comprendre la justification car il débouche sur ce compromis “mou-dur” qui est frustrant, et les fameuses butées hydrauliques n’y changent rien. Le tarage primaire est trop souple et autorise une prise de roulis trop prononcée, mais l’amortissement secondaire reste assez spartiate, rendant la remontée des inégalités très perceptible.
L’accumulation de kilomètres sur des tracés connus permettent d’affiner l’analyse. Le roulis est très perceptible à la prise d’appui, avec deux conséquences qui sont contraires au but recherché. La première est la perception – paradoxale – d’inertie, qui est antinomique avec la légèreté. Au lieu d’avoir une réaction immédiate, nette et chirurgicale, l’A110 réagit progressivement, mais avec retard, avant de se poser sur son appui. La seconde est la difficulté à percevoir la limite d’adhérence dans les courbes rapides. Il est possible que les pneus Michelin jouent un rôle majeur dans cette sensation de flou, de malléabilité.
Soyons clair: le défaut n’est pas rédhibitoire et ne fait pas de l’A110 une mauvaise voiture. Il ternit juste un tableau qui, sans ce compromis incompréhensible à une époque où les solutions d’amortissement variable abondent, aurait pu atteindre un niveau de rigueur en cohérence avec le reste de la démarche d’Alpine.
Autre critique à réitérer: les graphismes choisis pour les instruments, illisibles en mode Track. En conduite routière sportive, le compromis s’est avéré être le mode Sport. Un contrôle de stabilité moins intrusif qu’en mode normal, des passages de rapports fermes sans aller à des excès superflus, et une instrumentation qui conserve une lisibilité décente. Dans cette configuration, l’Alpine A110 est un excellent coupé sportif, polyvalent et bien né, qui procure autant par son ambiance intérieure que par ses prestations dynamiques une expérience que l’on se réjouit de renouveler à chaque occasion. Hors considérations esthétiques, il est bien difficile de trouver un avantage à la 4C, à moins de sacrifier toute notion de rigueur et de compétence et préférer des sensations purement viscérales. Le tarif de la 4C est également difficilement justifiable par ses prestations.
Le cas des Porsche 718 est plus complexe et nettement plus nuancé. Avant toute chose, nous n’avons pas pu organiser une confrontation directe, avec toutes les réserves que ça impose. Par définition, le positionnement de l’A110 est plus proche des 718 que de la 4C: intérieur d’apparence cossue, praticité, convivialité. Côté moteur, la légèreté de l’A110 compense son déficit en couple et puissance et le manque de charisme du 4 cylindres à plat est difficile à considérer comme un atout.
Question châssis par contre, les Porsche 718 équipées du PASM sont plus précises en prise d’appui et contrôlent nettement mieux cabrage et plongée, sans pour autant que leur poids ne grève leur agilité ou que le confort n’en souffre. La disponibilité d’une commande de boîte manuelle sera également un aspect entrant en ligne de compte pour certains amateurs. Cayman et Boxster conservent donc un avantage significatif dans un registre fondamental pour un coupé sportif. Un avantage qui se paie plus cher, même si le tarif des options nécessaires pour amener une A110 Pure à la configuration d’une Première Edition n’est pas particulièrement bon marché.
Soutenir la comparaison avec Porsche n’est pas le moindre des compliments que l’on peut faire à l’A110. Il est juste regrettable qu’elle n’atteigne pas une virtuosité dynamique qui était sans doute à la portée des ingénieurs de Dieppe.
Prix et options du véhicule essayé – Alpine A110
Alpine A110 Pure | CHF 61’500 | € 54’700 |
Bleu Alpine | CHF 1’939 | € 1800 |
Jantes Fuchs forgées | CHF 1’852 | € 1800 |
Echappement sport actif | CHF 1’540 | € 1500 |
Système Audio Focal Premium | CHF 1’249 | € 1200 |
Système de freinage hautes performances | CHF 1’045 | € 1008 |
Pack rétroviseurs | CHF 517 | € 504 |
Aide au stationnement AR | CHF 431 | € 420 |
Etriers de freins bleu Alpine | CHF 398 | € 384 |
Alpine telemetrics | CHF 215 | € 204 |
Pédalier en aluminum | CHF 129 | € 120 |
Logo Alpine A chromé sur les ailes | CHF 129 | € 120 |
Tapis de sol avec logo Alpine | CHF 129 | € 120 |
Repose pieds en aluminium | CHF 108 | € 96 |
Logo du volant en bleu Alpine | CHF 86 | € 84 |
Total | CHF 71’267 | € 64’060 |
Note: le véhicule essayé est une A110 Première Edition, les options ci-dessus représentent l’équivalent sur base d’A110 Pure.
Face à la concurrence – caractéristiques techniques
Alpine A110 | Porsche 718 Cayman | Alfa Romeo 4C Spider | Lotus Elise Sport 220 | |
Moteur | L4 1798 cm3 turbo | B4 1998 cm3 turbo | L4 1742 cm3 turbo | L4 compresseur |
Puissance (ch / t/min) | 252 / 6000 | 300 / 6500 | 240 / 6000 | 220/ 6800 |
Couple (Nm / t/min) | 320 / 2000-5000 | 380 / 1950-4500 | 350 / 2200-4250 | 250 / 4600 |
Transmission | AR | AR | AR | AR |
Boite à vitesses | EDC 7 | Man 6 / PDK 7 | DCT 6 | Man. 6 |
RPP (kg/ch) | 4.40 | (4.45/4.55) | 4.45 | (4.15) |
Poids DIN (constr.) | 1110 (1080*) 43.4%/56.6% |
(1335/1365) | 1068 (940**) 39.7%/60.3% |
(914) |
0-100 km/h (sec.) | 4.5 | 5.1/4.7 | 4.5 | 4.6 |
Vitesse max. (km/h) | 250 | 275 | 258 | 234 |
Conso. Mixte (constr.) | (6.1) | (7.4/6.9) | (6.9) | (7.5) |
Emissions CO2 (g/km) | 138 | 168/158 | 155 | 173 |
Réservoir (l) | 45 | 54 | 40 | 43.5 |
Longueur (mm) | 4180 | 4379 | 3989 | 3824 |
Largeur (mm) | 1798/1980 | 1801 | 1864 | 1719 |
Hauteur (mm) | 1252 | 1295 | 1183 | 1117 |
Empattement (mm) | 2420 | 2475 | 2380 | 2300 |
Coffre (L) | 96+100 | 150+275 | 110 | 112 |
Pneumatiques | 205/40 R18 235/40 R18 |
235/45 R18 265/45 R18 |
205/45 R17 235/40 R18 |
175/55 R16 225/45 R17 |
Prix de base (CHF) | 62’000 | 69’900 / 73’340 | 80’800 | 58’700 |
Prix de base (EUR) | 54’700 | 55’040 / 57’890 | 73’000 | 49’110 |
*1103 kg en configuration Première Edition. **à sec
Nos remerciements à Alpine pour le prêt de l’A110 et Alfa Romeo pour le prêt de la 4C.
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