E-Prix de Zürich 2018: sur les pavés, la course

La Formule E débarque en Suisse ! 

Le E-Prix de Zürich n’est pas avare en symboles. Il s’agit de la première course sur circuit en Suisse depuis le Grand Prix de Suisse à Bremgarten en 1954. En réaction au terrible accident survenu aux 24 Heures du Mans le 11 Juin 1955 où un Mercedes-Benz sortit dans la foule et tua 77 spectacteurs, l’article 52 de la Loi sur la Circulation Routière interdit depuis 1958 la tenue de courses sur circuit, sauf dérogation du Conseil Fédéral.

Et dérogation il y a eu pour l’organisation de cet événement sur les rives du lac de Zürich. Une boucle de 2.46 km tracée sur la rive sud du lac de Zürich, caractérisée par deux longues lignes droites et d’un deuxième secteur très sinueux. La Formule E a une forte empreinte helvétique: deux des sponsors principaux, ABB et Julius Baer, ont leur siège en Suisse, et deux pilotes suisses s’y illustrent, l’aiglon Sébastien Buemi et le genevois Edoardo Mortara. Un Sébastien Buemi heureux de concourir dans son pays, et qui avouait ne pas y avoir cru jusqu’à l’annonce officielle.

Formule E ?

La Formule E achève sa quatrième saison. La discipline voit des monoplaces électriques disputer des qualifications et une course sur un circuit urbain, avec un calendrier de 12 épreuves disputées entre l’automne et le printemps. Les courses durent une cinquantaine de minutes, avec la particularité d’un arrêt au stand imposé pour changer de voiture et repartir avec une batterie pleine. La gestion de l’énergie est primordiale dans la performance.

Les monoplaces ont une forte composante commune au niveau châssis et aérodynamique, et sont toutes alimentées par un pack de batteries unifié, une unité Lithium Ion fabriqués par Williams Engineering et dont les 200 kg concentrent 28 kWh. Les teams ont la liberté d’adopter des solutions propriétaires pour le(s) moteur(s) électriques, l’inverseur (le composant électronique crucial qui transforme le courant continu de la batterie en courant alternatif pour alimenter le moteur) et la boîte à vitesse. Si la plupart des teams ont convergé vers une configuration à un seul moteur, les boîtes à vitesses peuvent avoir un, deux (Andretti, Venturi) voire 3 rapports (DS).

Ces monoplaces de 800 kg sont limitées à 200 kW en qualifications (272 ch), 180 kW en course (245 ch), et la vitesse de pointe est limitée par la FIA à 225 km/h pour des raisons de sécurité. Le pilotage est réputé difficile, se rapprochant du GP de Monaco: étroitesse, précision, bosses, absence de marge d’erreur. Les voitures courent sur des gommes Michelin uniques de 18 pouces, sur le sec ou la pluie, le grip est limité et le comportement visiblement survireur à basse vitesse.

La prochaine saison 2018-2019 verra l’introduction d’une nouvelle monoplace, un élargissement des possibilités de développement pour les teams, et surtout une batterie d’une charge doublée, 54 Kwh pour 385 kg, fabriquée par McLaren Applied Technologies. Celle-ci permettra une augmentation de la puissance à 250 kW (340 ch) et surtout de couvrir la totalité de la course sans changement de voiture. Les pilotes semblaient apprécier les possibilités stratégiques offertes par les pit stops, mais il était crucial pour la Formule E de présenter des voitures capables de couvrir la course sur une charge.

 

Les constructeurs s’investissent en masse. Renault, PSA (DS), Audi, Jaguar et BMW sont déjà impliqués, Mercedes et Porsche rejoindront la catégorie en 2019. Pertinente en termes d’image et d’innovation technologique pour des constructeurs qui électrifient leurs portefeuilles de produits, la Formule E est en plein essor. Le plateau de pilotes compte une belle palette de retraités de la F1: Sébastien Buemi bien sûr, mais aussi Nelson Piquet Jr, Nick Heidfeld, et Jean-Eric Vergne. Et Felipe Massa rejoindra l’équipe Venturi la saison prochaine.

Le championnat 2017-2018

Côté pilotes, Jean-Eric Vergne arrive à Zürich avec 40 points d’avance sur Sam Bird. Rosenquist est troisième à 36 points de Bird, talonné par Daniel Abt, Sébastien Buemi et Luca di Grassi. Il reste deux courses, rendez-vous helvétique y compris. Chaque course peut rapporter jusqu’à 29 points, 25 points pour la victoire, 3 points pour la pole et 1 point pour le meilleur tour en course. Donc même si JEV peut se contenter de gérer son avance, le titre n’est pas en poche dans une discipline notoirement imprévisible.

Le team chinois Techeetah est en tête du championnat constructeurs, Vergne ayant contribué 162 points des 205 affichés par l’équipe. Audi Sport pointe à la deuxième place avec 161 points, payant cher un début de saison chaotique avec 3 résultats quasi blancs à Hong Kong, Marrakesh et Santiago. DS Virgin complète le podium provisoire avec 139 points.

Le sport automobile de demain ?

Située à 7 minutes en tram de la gare de Zürich, la pitlane pavée de l’E-Prix de Zürich est un spectacle étonnant, mêlant le professionnalisme de structures de haut niveau avec des garages temporaires en bois. Pas de paddock, pas de semi-remorques opulents, et un circuit dont certains segments sont extrêmement serrés sont autant d’éléments surprenants.

Considérés indépendamment, les ingrédients de la Formule E ont du sens. Se rapprocher d’un public urbain. Développer les technologies de propulsion électrique par la compétition. Maintenir un haut niveau de compétivité en limitant intelligemment le règlement. Fournir une plateforme de communication pour les groupes automobiles qui consentent des investissements massifs pour mettre sur le marché des modèles électriques. Tout ceci semble rationnel.

Le revers de la médaille est la grogne de certains habitants, le manque d’adhésion des Petrolheads pour une discipline perçue comme impure, et les critiques des écologistes qui considèrent ce spectacle dispendieux en énergie alors qu’ils se battent pour des ménages à 2000 Watts.

Une mayonnaise est plus que la somme de ses ingrédients, et la formule E en est encore à ses balbutiements. Le public et les audiences TV auront, à terme, le dernier mot. L’affluence du public pour la course de dimanche sera un indicateur pour la pérénité du rendez-vous zürichois.

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