Essai Lamborghini Aventador SV

La Lamborghini Aventador SV, pinacle de l’automobile sportive ? 

Elle est là. Tapie à côté de la réception de Lamborghini S.p.a. à Sant’Agata Bolognese. L’agression visuelle est totale. Impossiblement large, impossiblement basse, l’Aventador SV sublime le style de l’Aventador, le portant à un paroxysme d’extraversion. Fidèle à une lignée monocorps portée par un arc reliant proue et poupe, l’Aventador cultive les thèmes chers à Lamborghini, avec une forte inspiration en provenance des avions de chasse. En version SV, les appendices aérodynamiques en couleurs contrastées subliment cette automobile à la ligne impossible.

Dévoilée au salon de Genève 2011, l’Aventador est construite autour d’une coque entièrement en carbone, avec des berceaux tubulaires en aluminium rapportés à l’avant et à l’arrière. Elle se rapproche en ce sens des berlinettes de McLaren (MP4-12C puis 650S) et se distingue de Ferrari qui, jusqu’ici, est resté fidèle à l’aluminium pour ses GTs et a réservé l’usage du carbone a ses hypercars (F40 en partie, F50, F60 Enzo, F70 LaFerrari).

L’Aventador innove également par l’adoption de combinés ressort-amortisseurs embarqués à l’avant et à l’arrière. Commune en Formule 1 où les concepteurs ont depuis longtemps éliminé tous les composants susceptibles de perturber les flux d’air, cette approche a également l’avantage de diminuer les masses non-suspendues, les biellettes de pivot en aluminum étant nettement plus légère que le ressort et l’amortisseur. Le système a également l’avantage de libérer de la place pour les arbres de transmission avant: comme la plupart des Lamborghini contemporaines, l’Aventador SV dispose d’une transmission intégrale, avec un différentiel Haldex de 4ème génération qui distribue le couple entre le train arrière et le train avant.

  

Le briefing du pilote d’essai de la maison est des plus simples. Bouton start-stop sous couvre-gachette, sélection du mode manuel et de la marche arrière, et trois modes: Strada, Sport et Corsa. Et le conseil appuyé de ne pas débrancher l’ESP. Enfin, l’accessoire vital: le lifter pour la suspension avant, qui fait gagner quelques cruciaux centimètres de garde au sol sous le bouclier avant en quelques secondes. A défaut, le passage de la moindre rigole est mission impossible, ou en tous cas périlleuse. En respect avec la tradition établie depuis la Countach, les portes s’ouvrent théâtralement en ciseau. L’habitacle de cette SV est largement drapé d’alcantara, avec une utilisation généreuse de carbone pour les contre-portes et la casquette du combiné d’instruments. Le triptique de cadrans de l’Aventador est remplacé par un affichage LCD unique, pas nécessairement plus aisé à lire d’un coup d’oeil que des instruments classiques. Sur la console centrale, les modules de commande du système multimédia et de la climatisation viennent indubitablement de la banque de composants d’Audi. Avec les sièges confort, la position de conduite est trop haute, il me serait impossible de porter un casque et le sommet du compte-tours est bloqué par la jante du volant.

Sur les premiers kilomètres, je suis quelque part entre l’hyper concentration et la terreur.  Nombre de supercars me sont passées entre les mains, mais aucune ne m’a préparé à ça. La largeur est conséquente (2030mm hors rétroviseurs), la visibilité réduite au pare-brise en meurtrière. L’avant est impossible à appréhender, la visibilité sur les flancs arrière est nulle de par l’absence de vitre de custode, rendant la négociation d’intersections en Y réellement problématique. La garde au sol invite à négocier tous les obstacles en diagonale, mais on ne voit strictement rien en diagonale arrière. Le seul moyen est de s’engager à l’aveugle en guettant un éventuel coup de klaxon, et compter accessoirement sur la bienveillance de la population locale pour les produits de son terroir industriel.

Sant’Agata est une aimable bourgade post-agricole à 20km à l’est de Modène, où les activités de la fratrie Maserati furent déménagées en 1937, le fief de Maranello se trouvant lui au sud ouest de la province, capitale mondiale de la passion automobile. Légitimité historique, tradition et savoir-faire industriel, les ingrédients sont tous présents, sauf un: des routes à la mesure des créations de ses créateurs d’automobiles. En préparation de cet essai, nous avons passé la région au peigne fin, arpentant le réseau secondaire en quête d’un itinéraire propice, et même en allant jusuq’aux confins de l’Emilie Romagne et de la Toscane, le verdict reste décevant. De grands axes engorgés de camions, et un réseau secondaire incroyablement étriqué, étroit, bosselé, complètement inadapté. Les Passo di Futa et Passo Ratticosa, section du tracé des Mille Miglia, laissaient espérer un festin routier, nous n’en fûmes que plus déçus et furent contraints de  nous rabattre sur les routes qu’arpentent les collaudatore de Ferrari. Faute de mieux.

Le soleil de Juin est déjà haut en cette matinée alors que je prie pour que le GPS de notre voiture suiveuse (éclaireuse en l’occurrence) n’ait la lubie de nous emmener sur l’A1 et ses portails de péage étriqués. Je n’ai absolument, résolument, catégoriquement aucune envie de me confronter à un couloir de béton aux mensurations de Fiat Seidici, et me retrouver face à un distributeur de tickets inatteignable depuis le centre de mon vaisseau.

Le V12 est d’une louable souplesse, il fonctionne sans rechigner sous les 2000 t/min sur les rapports supérieurs, mais à ces régimes, les reprises sont inexistantes, d’une placidité presque bienvenue. En mode Strada, ll est à peine audible sous les 3000 t/min, les bruits de roulement et de pignonerie dominant. Une toute première accélération sur le troisième rapport jusque vers le milieu du compte-tours révèle un caractère nettement plus affirmé, mais l’objectif reste de négocier le défilé incessant de ronds points, coincé entre semi-remorques et pendulaires blasés.

Derrière mes épaules et une fine paroi de carbone se trouve le V12 de 6498 cm3. Il développe 690 Nm à 5’500 t/min, et 750 chevaux à 8’400 t/min, ses cotes hypercarrées (95 x 76.4 mm) ne laissant aucun doute sur sa plage de régime de prédilection. Il est acouplé à une boîte robotisée à simple embrayage ISR (pour Independent Shifting Rods): une sorte de demi-boîte à double embrayage avec les pignons des rapports pairs et impairs groupés sur des arbres séparés, permettant d’engager le rapport suivant alors que le précédent est désengagé, mais avec un seul embrayage. Cette boîte ISR  est sensée exécuter ses changement de rapport en 50 millisecondes, une revendication que je peine à retrouver dans mes impressions de conduite. La boîte est docile, beaucoup plus fréquentable que je ne m’y attendais, malgré des bruits mécaniques trés audibles. L’embrayage ne broute pas en manoeuvres, mais les montées de rapports s’exécutent avec une pause perceptible, plus proche de ma vénérable Ferrari 355 F1 que de l’empressement des boîtes à double embrayage modernes, alors que l’exécution des rétrogradages est parfaite. Me remémorant les déclarations de Stephan Winkelmann à la sortie de l’Aventador, j’attendais de la boîte ISR les sensations ultimes en matière de violence et de feedback mécanique dans la montée des rapports à pleine charge, et c’est en fait tout le contraire. La boîte ISR prend son temps, et l’interruption de couple moteur est marquée.

  

Les sensations s’aguisent avec le passage du mode Strada au mode Sport. Les valves d’échappement s’ouvrent dès 2500 t/min, d’abord avec un feulement rond de félin courroucé, rapidement dominé par un staccato qui rappellerait une Ferrari 599 GTB Fiorano, mais en plus chaud, plus riche et plus profond, et moins métallique. Le crescendo est aussi extraordinaire que la férocité de la poussée, avec une allonge insatiable, intimidante, qui demande un mélange de témérité et de courage pour être exploités sur route. Une accélération à fond de troisième dans cette Aventador SV fait sans doute partie du top 10 des sensations automobiles routières, même si l’expérience n’est pas le frisson ultime et absolu auquel je m‘attendais. Je ne boude pas mon plaisir, les performances sont meurtrières si les conditions permettent de cravacher le moteur, et les sensations de très haut niveau, à l’intersection entre l’euphorie mécanique et la peur. Les reprises à mi-régime sont nettement moins démonstratives. Il faut vraiment cravacher le V12 de 6.5L et maintenir le régime dans la moitié supérieure de la plage d’utilisation. Les rétrogradages sont également extrêmement démonstratifs, avec un mélange de borborygmes et d’explosions d’hydrocarbures inbrùlés, entrecoupés de jappements à chaque rapport descendu.

Le comportement routier de l’Aventador SV est une excellente surprise. Le grip des Pirelli PZero Corsa est phénoménal. La direction extrêmement vive et un train avant très incisif invitent à s’appuyer sur les roues antérieures en entrée de virage. Elle paraît non seulement infiniment rigide, mais aussi dépourvue du moindre filtrage dans ses réactions. Le sous-virage est totalement contenu et le placement du train arrière immédiat, inspirant de ce point de vue une grande confiance. Nous avons pesé la voiture à 1830 kg avec le plein d’essence (répartis à raison de 43% sur l’avant et 57% sur l’arrière), mais je ne décèle aucune inertie en changement d’appui. Le poids est remarquablement masqué par la faible hauteur du centre de gravité. La motricité en sortie de courbe est également redoutable. L’ESP est perceptible dans ses interventions lorsque les bosses entraînent des pertes d’adhérence, mais pour le reste, cette grande auto de 4m83 permet d’attaquer sur parcours serré sans la moindre arrière pensée, gabarit mis à part. Un véritable tour de force pour une auto que j’anticipais taillée pour les grands axes mais à l’étroit sur parcours sinueux. Il n’en est rien. Presque télépathique dans ses réactions, elle obéit au doigt et à l’oeil et n’incite pas à une retenue particulière alors qu’on la jette d’appui en appui. Le freinage est à l’unisson, puissant et dosable, il ne m’a posé aucun problème. Ce châssis est pour beaucoup dans le charisme de l’Aventador SV car il ne fournit aucune excuse pour ne pas exploiter les performances du V12 sur route sinueuse. L’homogénéité est là, au pilote d’avoir le courage d’en exploiter le potentiel.

L’Aventador partage avec la Ferrari F12 sa motorisation V12 et son pays d’origine, mais la comparaison s’arrête là. Il ne pourrait y avoir d’automobiles plus dissemblables que ces deux supercars transalpines. En termes de polyvalence, la F12 est un tour de force. à son aise partout, logeable, avec un coffre à hayon, un habitable accessible et des dimensions passe-partout. Une super GT compacte (4.62m) d’une extrême polyvalence.  Et au terme de cet essai, elle conserve à mes oreilles la palme du plus beau son de la production automobile contemporaine. La Lamborghini Aventador SV est sculpturale à tous les sens du terme, mais la sonorité de son V12 reste en léger retrait par rapport à son équivalent chez Ferrari. Si il faut établir une hiérarchie sonore au sommet de la production automobile, elle va indubitablement dans ce sens.

L’Aventador SV, par sa définition même, est l’antithèse de la polyvalence. Ses dimensions imposent un respect continu, la garde au sol une attention presque paranoïaque, et la visibilité est réellement problématique. C’est une auto qu’on emmène que sur des parcours connus ou vers des destinations familières, pas une GT avec laquelle on part à la découverte de nouveaux horizons. Une automobile sans concession à des considérations pratiques, aussi exclusive par son prix d’achat dépassant allègrement le demi million de francs que par le spectre d’utilisation qu’elle permet. Sa définition est aussi radicale que son style: sans le moindre compromis. Un objet qu’on acquiert par amour, car aucun argument raisonnable ne saurait justifier tant d’excès.

 

Un amour qui est palpable lorsque nous visitons le lendemain l’unique halle de production, avant l’arrivée du futur SUV. Si les V10 de Huracan arrivent de Gyor en Hongrie, les V12 sont assemblés en amont des Aventador Coupé et Roadster qui se suivent de station en station, à quelques dizaines de mètres de la porte par laquelle toutes les Lamborghini produites depuis 1964 sont passées. Les châssis et pièces en carbone sont produits dans un bâtiment attenant, mais tout le reste, de l’assemblage du 6.5L au découpage du cuir et son assemblage sur les pièces de l’intérieur, s’opère sous ce toit. Les Aventador se suivent sur une ligne en U au rythme de 7 unités par jour, alternant les couleurs vives, de la menthe au fuchsia en passant par l’inévitable livrée dorée destinée aux émirats. Des clients qui ont fait le choix de l’automobile absolue, sans le moindre compromis en terme d’utilisation ou de codes esthétiques.

Prix et options du véhicule essayé

Prix CHF Prix € HT
Lamborghini Aventador SV CHF 528’500 € 327’190
Peinture matte Grigio Artis CHF 14’700 € 10’000
Sièges confort télectriques  CHF 4’400 € 3’000
Caméra de recul  CHF 2’200 € 1’500
Spoiler AR en carbone CHF 5’880 € 4’000
X + couverture moteur en carbone CHF 6’900 € 4’700
Sensonum Premium Sound System  CHF 4’400 € 3’000
DAB CHF 880 € 600
Volant multifonctions alcantara/cuir  CHF 740 € 500
Branding pack alcantara  CHF 1470 € 1’000
Extincteur  CHF 880 € 600
Suspension magneto avec lift CHF 1’470 € 1’000
Jantes forgées Dianthus 20/21″  CHF 4’400 € 3’000
Prix catalogue du véhicule de test CHF 576’820 € 360’490

 

Face à la concurrence

Lamborghini Aventador LP 750-4 SV Ferrari F12 TDF McLaren 675 LT
Moteur  V12 à 60 deg 6498 cm3  V12 à 65 deg 6262 cm3  V8 3799 cm3 biturbo
Puissance (ch / t/min) 750 / 8400 780 / 8500 675 / 7100
Couple (Nm / tr/min) 690 / 5500 705 / 6250 700 / 5500-6500
Transmission 4×4 AR AR
Boite à vitesses ISR, 7 F1, 7 SSG 7
RPP (kg/ch)  2.44 (1.95) (1.97)
Poids DIN (constr.) 1830 (1525*)
43% AV 57% AR
 (1520) (1328)
0-100 km/h (sec.) 2.8  2.9 2.9
Vitesse max. (km/h) 350 340  330
Conso. Mixte (constr.) (16.0) (15.4)  (11.7)
CO2 (g/km) 370 360  275
Réservoir (l) 90 92  72
Longueur (mm) 4835 4656 4546
Largeur (mm) 2030 1961 2095
Hauteur (mm) 1136 1273 1188
Empattement (mm) 2700 2720  2670
Pneus AV 255/30 ZR20  275/35 ZR20  235/35 ZR19
Pneus AR 355/25 ZR21 315/35 ZR20  305/30 ZR 20
Prix de base (CHF) 528’500  N.C.  333’000
Prix de base (EUR) 392’628  310’184 HT  309’250

* à sec

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