Essai Alfa Romeo 4C: Cuore Esotico ?


L’Alfa Romeo 4C: berlinette exotique ou mini GT ?

Flashback, nous sommes le premier mars 2011, il est 9:45 la conférence de presse Alfa Romeo au salon de l’auto de Genève débute à l’instant. Le CEO de la marque, Harald J Wester, parle des évolutions pour les MiTo et Giulietta, mais la nuée de journalistes présents attend impatiemment que le voile soit levé sur une voiture dont on distingue la dénomination: 4C. Après avoir évoqué le passé sportif de Alfa Romeo et quelques mots sur le fait que cette voiture représente le futur de la marque, nous pouvons enfin la voir. Dans une peinture rouge mat nous découvrons le concept d’une berlinette au look très affirmé, large, basse, performante selon le discours, elle a tous les éléments pour instiller l’envie de tout amateur de voiture de sport. La version définitive est annoncée presque deux ans plus tard, en février 2013, et dévoilée au public au salon de Genève de cette même année.

 

Les discussions lors de sa sortie tournent autour des phares, dont le dessin est pour le moins polarisant et peine à trouver des supporters. Pour le reste, la voiture reste fidèle au concept présenté en 2011. Ses points forts sont tout d’abord un châssis faisant la part belle aux matériaux légers comme le carbone pour la carrosserie et la cellule centrale. Il s’agit ensuite d’une propulsion à moteur central et enfin nous trouvons un moteur 4 cylindres (d’où son appellation) de 240 chevaux accouplé à une boite double-embrayage.

En détaillant la fiche technique nous trouvons un moteur tout aluminium de 1750 cm3 turbo et injection directe développant 240 ch à 6’000 tr/mn et un couple de 350 Nm de 2’100 à 4’250 tr/mn. La boite à vitesse dispose de 6 rapports et est commandée par des palettes au volant fixes. Le poids annoncé est de 895 kg à sec, sur notre balance le modèle d’essai dépasse juste la tonne avec 1’022 kg (39.2% sur l’avant, 60.8% sur l’arrière). Les performances sont au rendez-vous car le rapport poids/puissance s’établit à 4.26 kg/ch, ce qui est tout à fait honorable. La voiture est petite mais large et basse, ce qui lui confère une allure sportive très affirmée. Elle mesure 3.99m de long pour 1.86m de large et 1.18m de haut. L’empattement de 2.38m donne des porte-à-faux courts.

Alfa Romeo a généré une grande attente avec sa 4C, le look, les choix techniques, les performances, tout semble indiquer que nous avons un sans faute. Les premiers clients se précipitent dans les concessions et les commandes semblent prometteuses. De notre côté, nous avons enfin l’opportunité de conduire pour quelques jours ce coupé et nous salivons à la perspective de voir ce que Alfa Romeo nous a réservé.

  

  

L’installation à bord se passe sans problème, on pouvait craindre qu’une voiture aussi basse avec une cellule centrale remontant largement sur les côtés que l’accès à bord demande de se contorsionner, ce n’est pas le cas. Autre élément positif, il y a un repose pied pour le pied gauche. L’intérieur est dépouillé, derrière le volant un affichage LCD indique toutes les informations nécessaires à la conduite. Je note toutefois qu’il n’y a aucun espace de rangement à l’intérieur, pas un seul compartiment pour ses clés ou badge d’accès. Le coffre situé à l’arrière du moteur est peu pratique. Son volume est correct avec 110 litres mais il est trop étroit pour recevoir une valise de cabine. La finition intérieure est plutôt rustique, les boutons de commande de la climatisation ainsi que les sièges semblent déjà bien fatigués: ces derniers montrent des déformations dans les bourrelets latéraux. La position de conduite est bonne, mais un réglage du volant serait bienvenu de manière à avoir une vision complète sur l’affichage installé derrière lui.

Il est temps de prendre le volant. J’ai rendez-vous à Meiringen pour y rencontrer mes collègues et arpenter nos cols favoris. Pour m’y rendre de la région lausannoise m’attendent environ 200 km d’autoroute et de route principale de plaine. La prise en main s’effectue sans problème, une fois passée la surprise de reprendre une voiture sans assistance de direction. Je m’engage sur l’autoroute en ce dimanche matin avec une météo mitigée, mais sans pluie, pour le moment. Le bruit d’échappement rempli la cabine de son feulement grave, le volume sonore est conséquent, je tente d’enclencher la radio pour accompagner ces deux heures de route, peine perdue. Nouvelle tentative plus tard de passer un coup de fil, force est de constater que le volume sonore ne permet pas de tenir une conversation téléphonique en roulant à vitesse légale sur autoroute.

 

Un autre aspect de la conduite me dérange. La voiture suit les aspérités de la route, et demande de l’attention en tout temps. Ce que nos confrères anglosaxons appellent le tramlining est très présent sur cette voiture, ceci même sur nos autoroutes pourtant bien entretenues. Je profite d’un arrêt pour vérifier la pression de gonflage des pneus pour assurer qu’il n’y a pas de problème de ce côté là, ce n’est pas le cas. Le volant transmet un bon ressenti, une bonne connexion avec la route, mais l’expérience de conduite est dominée par cet effet. J’arrive à notre point de rencontre, mon rédacteur-en-chef demande la clé de cette Alfa, je la lui cède volontiers, ainsi que le clavier pour son compte-rendu alors que j’accorde un peu de répit à mes tympans et lombaires en prenant le volant d’une de nos voitures suiveuses.

En 4C dans les Alpes

Jouant à cache avec des remontées humides venant du sud, nous tentons malgré tout le Grimsel, un pari perdant. Le couple conséquent du 1750 turbo pourrait mettre à mal la motricité, mais sur cette chaussée humide donc supposée piégeuse, c’est plutôt le train avant qui retient toute mon attention. Déjà constaté sur autoroute de plaine, le tramlining est également problématique sur route de montagne, les inégalités envoyant l’avant darder à gauche ou à droite de manière imprévisible. Le train de Pirelli PZero – aux performances louables sur le sec comme sur le mouillé par ailleurs – est neuf et fraîchement rôdé, son usure ne peut donc pas être mise en cause.

La 4C demande un temps d’adaptation. Le couple moteur omniprésent avec tous les bruits de plomberie de la suralimentation, des interfaces physiques et une ergonomie perfectible n’en font pas le genre d’auto qui met immédiatement à l’aise. Laissant le Grimsel à une pluie désormais insistante, nous redescendons sur Innetkirchen pour piquer vers l’est et les splendeurs du Susten. De camionesque à l’arrêt (le diamètre de braquage est d’ailleurs aussi conséquent que la visibilité arrière réellement problématique en manoeuvres, même dans le contexte d’une berlinette transalpine), la direction non assistée s’allège en roulant à rythme mesuré mais redevient physique dès que le rythme et les appuis augmentent. L’effet est magnifié par le manque de maintien des sièges: les rembourrages latéraux et le retour sur les épaules sont insuffisant pour maintenir le tronc. Fort heureusement, l’absence de pédale d’embrayage permet d’établir un point d’appui avec le pied gauche, fermement ancré contre le passage de roue, mais c’est plus un pis-aller qu’une solution.

 

Chaque rectiligne est l’occasion d’exploiter la santé surprenante du 1.75L, presque explosive sur les 2 et 3ème rapports, une sensation renforcée par la faible hauteur d’assise et le niveau sonore. Le couple est omniprésent et se joue facilement des 1022 kg de l’auto. En plus du tramlining insistant, la direction a également tendance à se figer en appui, et le train avant supporte mal les inégalités, même si elles sont ténues, s’écartant de sa ligne en sautillant. Il faut réellement se battre pour tenir une ligne propre, et trop souvent, il faut concéder défaite. Le gabarit de la 4C devrait faire merveille sur ce tracé exigeant et étroit – un des plus beaux des Alpes, mais ce châssis caractériel me force à rester constamment sur mes gardes. Les ripages du train avant en manoeuvres trahissent une géométrie agressive, probablement destinée à atténuer le sous-virage.

La 4C bénéficie naturellement de l’agilité que lui confèrent son architecture et son poids. Centre de gravité bas, empattement court (2380 mm), porte-à-faux minimes et faible moment d’inertie rendent les prises et changements d’appuis agressifs, mais exploiter ce potentiel sur route ouverte est rendu délicat par l’imprévisibilité des réactions du châssis. L’absence d’assistance sur le circuit de freinage le rend difficile à doser, les blocages sont fréquents, même sur le sec, et l’ABS plutôt lent dans ses réactions. Dans ce contexte, la boîte robotisée fournit une prestation honorable. Elle est raisonnablement rapide, prédictible, et si il est possible de la prendre en défaut sur des rétrogradages de troisième en deuxième, elle n’est – de loin – pas au sommet de ma liste de doléances.

La 4C ne fournit pas l’expérience pure et analogique d’une auto vierge de toute assistance. Les interfaces sont brutes et peinent à mettre en confiance pour puiser dans les réserves de grip, et une fois le voile de l’acclimatation dissipé, on découvre un châssis pour le moins imparfait. Il en va de même avec la réponse de la pédale de gaz et la désagréable sensation d’over-run lorsqu’on lève le pied brusquement pour sauter sur des freins délicats à doser. Sur le papier, la définition parait alléchante, mais le rendu est décevant. Je ne parviens pas à surmonter la phase d’acclimatation pour trouver mes marques. Le déclic qui survient lorsqu’on monte dans une Lotus ou une Caterham est ici quête vaine, faute d’un développement inachevé. Il en ressort paradoxalement la sensation d’une auto sur-motorisée et manquant singulièrement de mise-au-point. Une idée ambitieuse, mais un produit inachevé, confondant rugosité et rigueur.

 

Une averse de pluie nous oblige à écourter notre séance photo et nous nous retrouvons au restaurant pour partager nos avis sur cette Alfa Romeo. Nous débattons de la pertinence d’une 4C par rapport à une Porsche Cayman, d’un prix similaire. En conclusion, il paraît clair que cette Alfa Romeo ne va pas convenir aux amateurs de GT, la prise en main en conduite rapide est ingrate et le résultat mitigé. Les performances sont au rendez-vous, les sensations aussi. Le design est très réussi: la voiture est racée, elle attire les regards et la sympathie des passants, pour preuve le nombre de personnes nous ayant abordé pour la voir de plus près. Mais cette Alfa Romeo reste un produit avec un domaine d’utilisation réduit qui en fait une voiture pour une catégorie d’acheteur bien définie. Elle aura bien du mal à convaincre au-delà de cette niche d’inconditionnels de la marque ou du look ravageur de la 4C. Exotique ? Résolument.

Prix et options du véhicule essayé

Alfa Romeo 4C CHF 71’000 € 65’000
Intérieur cuir rouge CHF 1’700 € 1’500
Pack racing CHF 5’000 € 4’150
Phares bi-xénon CHF 500 € 500
Etriers de frein couleur rouge CHF 350 € 350
Total CHF 78’550 € 71’500

 

Face à la concurrence

Alfa Romeo 4C
Lotus Exige S Caterham Seven R485 Porsche Cayman S
Moteur L4 turbo 1742 cm3 V6 3500 cm3 L4 1999 cm3 Flat 6, 3436cm3
Puissance (ch / t/min) 240 / 6000 345 / 7000 240 / 8500 325 / 7400
Couple (Nm / tr/min) 350 / 2100 400 / 4500 206 / 6300 370 / 4500 – 5800
Transmission Roues AR Roues AR Roues AR Roues AR
Boite à vitesses Double-embrayage 6 Manuelle 6 Manuelle 6 Double-embrayage 7
RPP (kg/ch) 4.26 3.41  2.48 (4.38)
Poids DIN (constr.) 1022 (995)
39.2% AV 60.8% AR
(1176) 594 (525*)
48% AV 52% AR
(1425)
0-100 km/h (sec.) 4.5 4.0 3.5 4.7
Vitesse max. (km/h) 258 274 240 281
Conso. Mixte (constr.) 9.03 (6.8) (10.1) 12.56 (10.2) (8.0)
Réservoir (l) 40 40 36 64
CO2 (g/km) 155 236 179 188
Longueur (mm) 3990 4084 3100 4380
Largeur (mm) 1868 1802 1575 1801
Hauteur (mm) 1184 1129 1090 1295
Empattement (mm) 2380 2370 N.C. 2475
Coffre (L) 110 112 N.C. 150 + 130
Pneumatiques AV 235/40R18 205/45R17 175/55R13 235/40 R19
Pneumatiques AR 255/35R18 265/35R18 205/55R13 265/40 R19
Prix de base (CHF) 71’000 93’000 64’860 78’400
Prix de base (EUR) 65’000 70’487  52’000 66’470

Nos remerciements à Alfa Romeo Suisse pour le prêt de cette 4C.

Galerie de photos

Liens

Le sujet du forum – les articles Alfa Romeo – la liste alphabétique des essais – les essais récents ou relatifs:

       

Tu pourrais aussi aimer