Essai comparatif Porsche Cayman GT4 & GTS: le prix de la rigueur


La Porsche Cayman GT4 à l’essai, avec le GTS pour étalon. 

Le projet traînait depuis belle lurette dans les cartons libellés “bonnes idées à reconsidérer un jour”. Ce n’est pas une théorie conspirationniste de forum de discussion, Porsche le reconnaît. Pour donner du peps aux ventes de la famille 981, les éminences de Zuffenhausen décident d’installer dans cette caisse à moteur central le flat six 3.8 litres de la Porsche 991 Carrera S. Logé en position centrale, il est acouplé à la boîte manuelle à 6 rapports commune aux Boxster et Cayman. Le résultat: une des stars du salon de Genève 2015, le Cayman GT4. Eclatante dans en jaune racing, elle donne une répartie très crédible à l’époustouflante 991 GT3 RS.

 

Commercialement, le succès est immédiat. Toute l’allocation pour la Suisse est avalée par la clientèle en trois coup de cuillère à pot. C’est la première information à convoyer avec clarté dans cet article: toutes les Cayman GT4 dévolues à la Suisse sont vendues pour 2015 et 2016, année probable du remplacement de la série 981. Le Cayman GT4 est construit dans l’usine d’Osnabrück qui partage sa capacité entre les gammes Cayenne et Cayman. A moins d’un effondrement des commandes de ces deux modèles, la possibilité d’une allocation supplémentaire pour le marché helvétique est infinitésimale. Porsche prévoit une production mondiale d’environ 4’500 exemplaires.

Arrivé la veille sur les hauts de Vevey sous des trombes d’eau, le ciel se déchire au petit matin. je jette un dévolu délibéré sur un exemplaire rouge indien, moins pour la couleur que pour ses freins acier et surtout ses baquets intégraux (CHF 3’420 en option). Tout comme le Boxster Spyder équipé du même moteur, le Cayman GT4 n’est disponible qu’en boîte manuelle à 6 rapports.

 

Les premières impressions sur route puis autoroute sont univoques, avec une expérience “Porsche GT” parfaitement cohérente, de l’étreinte des baquets monocoque à l’amortissement ferme en passant par la direction plus incisive autour du point central. Le GT4 est plus qu’un Cayman re-motorisé. Il hérite des bras de suspension et des freins de la 991 GT3, le tout attaché à la caisse avec des rotules rigides en lieu et place de silent-blocs. Et ça se sent. En remontant la vallée du Rhône par l’autoroute, l’amortissement secondaire est ferme en mode normal, et carrément sec si l’on active la suspension sport. Comme sur les générations précédentes de Porsche, le réglage le plus souple de la version GT est plus ferme que le réglage le plus ferme du PASM de la version routière (Cayman, S & GTS). Pour faire simple, le Cayman GT4 est viable en utilisation routière, mais son amortissement paraîtra spartiate à beaucoup.

   

La console centrale du Cayman GT4 comporte 5 boutons de configuration. Porsche présente son mode Sport comme l’équivalent du mode “Sport Plus” sur les Porsche “normales” équipées du pack sport chrono. Etant en présence d’une boîte manuelle, il n’a aucun effet sur la gestion de celle-ci autre que d’activer une égalisation de régime au rétrogradage. Bien que la littérature le présente comme un double débrayage automatique, il ne s’agit techniquement que d’un coup de gaz piloté une fois le rapport engagé (et non pas embrayage fermé au point mort comme académiquement requis). L’exécution est réussie mais la démarche me laisse perplexe car il reste actif même si l’on exécute un double débrayage dans les règles de l’art. La gestion du contrôle de traction est à deux niveaux: le premier permettant de déconnecter le contrôle de stabilité mais gardant un filet de sécurité, le deuxième désactivant également le contrôle de traction et laissant le pilote seul maître de son destin. Ceci démarque le GT4 des autres Cayman: leur ESP reste actif en dernier recours même si le contrôle de stabilité est désactivé.

 

A Martiny, cap plein sud vers Sembrancher et le col du Grand St Bernard. Le trafic est clairsemé en cette matinée de semaine et j’ai la chance de pouvoir gober trois 38 tonnes avant d’attaquer l’ascension, avec en apéritif les deux amples épingles à la sortie d’Orsières. Le grip offert par les Michelin Pilot Sport Cup 2 (245/35 ZR 20 à l’avant et 295/30ZR20 à l’arrière) est considérable dans ce contexte routier, mais c’est surtout l’équilibre en appui qui me séduit. Ce GT4 me rappelle ma 997 GT3 dans l’immédiateté et la pureté de ses réactions, mais sans le côté si typé 911 qui force à être soit sur les freins, soit en accélération pour charger le train arrière. L’avant est plus incisif, plus carveur, et l’auto plus stable en appui prononcé sur un filet de gaz. L’empattement de 2484mm est plus long que celui d’une 991 Carrera S (2450 mm), lui même radicalement allongé par rapport à la génération 997 (2350 mm).

Les enfilades dans la montée vers Bourg St Pierre me permettent de faire respirer le flat 6 à pleins poumons. La sonorité du six cylindres à plat avec cette ligne d’échappement sport est glorieuse, chaleureuse, la poussée réjouissante et l’allonge caractéristique des grands moteurs atmosphériques. Le “petit” Cayman GT4 (1340kg DIN annoncés mais pas vérifiés) est propulsé par rien de moins que le 3.8L de la 991 Carrera S, acouplé à la boîte mécanique à 6 rapports commune à la série 981 des Boxster & Cayman: étagement et rapport final sont rigoureusement identiques à la boîte 6 du Cayman GTS par exemple. Placé en position centrale arrière plutôt qu’en porte-à-faux comme sur la 911, les contraintes de packaging sur le refroidissement et le dessin de la ligne d’échappement ont ramené le couple maxi de 440 Nm à 5600 t/min sur la Carrera S à 420 Nm à 4750 t/min sur le GT4, tandis que la puissance culmine à 385 chevaux à 7400 t/min, en déficit de 15 chevaux par rapport à la 911. Libéré d’une bonne centaine de kilos par rapport à une 911 Carrera S, le 3.8L propulse le Cayman GT4  avec aise, et même si la courbe de couple n’atteint son point culminant qu’au dessus de 4500 t/min, il reprend depuis 3500 t/min avec caractère.

Je m’extirpe des galeries de Bourg St Maurice avant l’embouchée du tunnel en direction du Col du Gd St Bernard. Le massif résonne des vocalises du flat six et l’agilité démoniaque du GT4 fait merveille sur ce parcours torturé. Il faut se retrousser manches et chaussettes, la commande de la boîte manuelle a un tarage assez viril hors de l’axe central 3ème-4ème. Descendre en seconde demande un geste ferme, et j’ai déjà noté en plaine que passer la 5ème requiert une décomposition soignée. De la conduite sportive à l’état pur, analogique, technique et sans artifices, le GT4 excelle dans ces conditions. L‘état dégradé du revêtement ne reflète guère l’entretien compulsif des routes nationales helvétiques, mais le Cayman dans son réglage “souple” ne se désunit pas pour autant. J’arrive au col euphorique.

Pour la descente sur le versant italien, je saute dans un Cayman GTS rouge carmin, couleur fétiche des séries GTS chez Porsche. Avant l’arrivée du GT4, le label GTS représentait le summum de la sportivité dans la gamme à moteur central. Le contraste est frappant, presque déroutant. Le maintien des sièges “Sport Plus” d’origine à 2 réglages (à ne pas confondre avec leurs homologues à mémoire et 18 réglages) est radicalement plus limité qu’avec les baquets du GT4, mais c’est surtout la mollesse relative de l’ensemble qui surprend. Malgré une monte de 20” (en Pirelli PZero en lieu et place des Michelin Pilot Sport Cup 2 du GT4), la prise d’appui est incomparablement moins nette et directe, tout comme la réaction du chassis à l’accélération latérale. Une once de roulis est perceptible, même en mode Sport Plus et avec le PASM Sport activé, un rien de plongée au freinage avec une attaque moins franche que celle des énormes galettes de 380mm installés aux quatre coins du GT4. On n’est pas un cran au-dessous dans l’échelle de la sportivité, mais dans un autre monde.

Paradoxalement, la note d’échappement du GTS est extravertie jusqu’à la caricature, avec un festival de pétarades au levé de pied dont je me lasse après deux épingles. Pic, plac, plo-ploc, c’est amusant, mais tombe rapidement dans le vulgaire lorsque c’est systématique. La note d’échappement du GT4 est plus pure, plus naturelle, sans artifices ni effets de manche. Mon Cayman GTS est également équipé de la boîte PDK à sept rapports. Mon instinct m’a naturellement poussé vers le mode Sport Plus pour les verrouillages les plus francs et la grille de sélection manuelle, mais la boîte embarque désagréablement à la montée de chaque rapport. Le mode Sport est un meilleur choix: changements rapides, mais neutres. En rejoignant l’E27 à Saint-Léonard, le package du Cayman GTS me parait incomparablement moins attractif que les deux GT4 jaune et rouge que je suis, mais notre itinéraire va m’amener à nuancer mon avis.

Sur les hauteurs d’Aoste, nous piquons sur la droite à flanc de coteau pour nous engager dans un dédale de routes de montagne en direction du massif du Mt Blanc. Torturé, étroit, bosselé, parsemé d’épingles, nous sommes sur un terrain de spéciales pour rallye régional. Et c’est un terrain intéressant d’autant plus intéressant pour jauger le plein potentiel que les pilotes des deux GT4 devant moi ne sont pas là pour enfiler des perles. Avec un tracé étroit et à faible visibilité, mener le convoi est un désavantage significatif, magnifié par les risques inhérents à la conduite sur route ouverte.

 

Désavantagé par mes pneus routiers face aux semi-slicks des GT4, les sorties d’épingles en deuxième voire parfois en première sont parfois délicates, d’autant plus que les dérobades du train arrière sont moins progressives du fait du différentiel ouvert du GTS alors que les GT4 bénéficient d’un véritable différentiel à glissement limité (22% en traction et 27% en décélération). Les GT4 me prennent quelques mètres en sortie d’épingle mais je les refais sans trop de difficulté au fil des accélérations et au freinage. Malgré mon handicap de 40 Nm et 45 chevaux, j’ai plus l’impression de revenir sur les GT4 sur les rectilignes, peut-être aidé en celà par l’étagement plus serrés de la boîte PDK sur les deuxièmes et troisièmes rapports. le GT4 n’offre sur le papier qu’un allégement symbolique de 5 kilos par rapport au GTS.

 

L’improvisation imposée par les circonstances de cette anthologique arsouille fait également de la boîte PDK un avantage de poids, permettant de concentrer mon attention sur le pilotage plutôt que l’exécution d’un talon pointe parfait à chaque freinage. La souplesse du GTS devient également un atout sur les sections dégradées, notamment sur un freinage en descente ou deux saignées diagonales déstabilisent les GT4 alors que le GTS conserve sa ligne. Dans l’ultime descente qui nous ramène sur la SS26 menant à Courmayeur, les fenêtres ouvertes ramènent l’odeur caractéristique des freins à température, mais la course à la pédale n’a pas pris un centimètre et aucun fadding n’est perceptible.

Ce Cayman GTS m’a surpris là où je ne l’attendais pas, en mode full attack en boxant contre plus fort que lui. Une manière de démontrer qu’une pistarde n’est pas forcément l’arme ultime en utilisation routière. Pour une utilisation pistarde, le choix du GT4 est une évidence, avec la disponibilité du pack clubsport (4790 CHF pour la demi cage arrière et 510 CHF additionnels pour un harnais 6 points pour le baquet passager. Le temps de 7’40” revendiqué par Porsche sur la Nordschleife est une belle carte de visite pour le Cayman GT4: ceci le place d’une courte longueur devant la 997 GT3, rien de moins.

Le GT4 n’est pas excessivement radical pour une utilisation routière, dès le moment où on goûte la fermeté de son amortissement, les réactions sans filtre de son châssis. Un fantastique jouet pour balade sportive, distillant des sensations de pilotage d’un très haut niveau. Le Cayman GTS souffre d’une comparaison directe. Il n’a ni le charisme, ni la rigueur du GT4. Celà n’enlève rien aux qualités intrinsèques d’un Cayman GTS, de préférence équipé des sièges à mémoire et leurs 18 réglages (3430 CHF) ou des baquets sport (même prix), offrant tout deux un maintien incomparablement meilleur. La spécification du chassis sport abaissé de 20mm rendra le comportement plus incisif, mais n’en fera pas un GT4 pour autant. Son avantage principal reste d’être disponible à la commande alors que la production 2015 et 2016 du Cayman GT4 est entièrement vendue. Et vu la qualité de l’auto, je n’ai aucun doute que tous les signataires de bons de commande ne regretteront pas leur choix.

  

 

Prix et configuration du véhicule de test

Porsche Cayman GT4  CHF 104’700  € 85’776
Porsche Communication Management CHF 3’840 € 3147.55
Sièges baquets intégraux CHF 3’420 € 2802.45
Intérieur cuir noir CHF 2’410 € 1975.40
Pack Sport Chrono CHF 1’950 € 1594.60
Coutures contrastées  CHF 1’440 € 1178.10
Pack intérieur carbone CHF 1’200 € 981.75
Phares Bi-xénon + PDLS  CHF 860 € 702.10
Préparation téléphone CHF 800 € 654.10
Sound Package plus CHF 710 € 583.10
Cache Console centrale en carbone  CHF 610 € 499.80
Préparation PVTS (Porsche Vehicle Tracking System) CHF 370 € 297.50
Ceintures de sécurité en rouge indien CHF 320 € 261.80
Alarme CHF 250 € 202.30
Pare-brise teinté dégradé CHF 140 € 113.05
Tapis de sol CHF 130 € 107.10
Prix total du véhicule d’essai  CHF 123’150 € 100’877.10

 

Face à la concurrence

Porsche Cayman GT4
Porsche Cayman GTS Lotus Evora 400
Moteur Flat 6, 3800cm3 Flat 6, 3436 cm3 V6, 3456 cm3
Puissance (ch / t/min) 385 / 7400 340 / 7400 406 / 7000
Couple (Nm / tr/min) 420 / 4750-6000 380 / 4750-5800 410 / 3500
Transmission Arrière Arrière Arrière
Boite à vitesses Manuelle, 6 rapports Manuelle 6 / PDK 7 6 vitesses automatique
RPP (kg/ch) (3.48) (3.96) (3.48)
Poids DIN (constr.) (1340) (1345/1375) (1415)
0-100 km/h (sec.) 4.4  4.9 / 4.6 4.2
Vitesse max. (km/h) 295  285 300
Conso. Mixte (constr.) (10.3)  (9.0/8.2) (N.C.)
Réservoir (l) 54  64 60
Emissions CO2 (g/km) 238  211/190 225
Longueur (mm) 4438 4404 4394
Largeur (mm) 1817 1801/1978 1848
Hauteur (mm) 1266 1284 1229
Empattement (mm) 2484 2475 2575
Coffre (L) 150 + 184  150 + 184 160
Pneumatiques AV 245/35 ZR 20 235/35 ZR 20 235/35 R19
Pneumatiques AR 295/30 ZR 20 265/35 ZR 20 285/30 R20
Prix de base (CHF) 104’700 90’100 / 94’320 92’000
Prix de base (EUR)  85’776 76’190 / 79’676 96’000

 

Galerie de photos – Porsche Cayman GT4

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