Essai McLaren 650S Spider: le Grand Huit


Nous emmenons la McLaren 650S Spider de la piste de Hockenheim jusqu’aux sommets des Alpes. 

Vendredi, 15h30 Stadium du Hockenheimring. Un soleil avare baigne par moments les gradins déserts où nous venons de prendre place. Parmi les rares voitures qui tournent sur la piste, deux McLaren 650S Aurora Blue, un coupé et un spider, enchaînent de courtes séries, faisant découvrir à des prospects allemands les performances des super-GTs britanniques. Nous sommes aux confins occidentaux du Bad Württemberg pour prendre livraison du spider en question pour un long périple vers le sud et les sommets alpins, mais avant de nous mettre en route pour une solide ration d’autobahn, une quinzaine de tours du circuit sont une invitation qui ne se refuse pas.

 

Je n’ai tourné jusqu’ici qu’une seule fois à Hockenheim, en Porsche 997 GT3, et tirer des enseignements d’une courte série de tours sur une piste méconnue, à fortiori avec une GT de 650 chevaux, est un exercice difficile. Un tour en mode Sport pour se remettre les points de braquage en tête puis je bascule les commutateurs Handling et Powertrain en mode track et me concentre sur le pilotage. Enquiller la longue parabolique à fond demande de la persistence sur les premiers tours, tant la mise en vitesse est formidable. La poussée est infatigable, surtout si on prend soin de passer les rapports vers 7300 t/min, au régime de puissance maxi, pour retomber dans la partie anabolisée de la courbe de couple. Le freinage de la Spitzkehre s’approche avec circonspection sur les premiers tours, la puissance des disques carbone-céramique rassure plus que le manque relatif de consistance de la pédale. L’oeil est attiré par l’airbrake, visible dans le rétroviseur et qui se dresse pour stabiliser le train arrière. Malgré le grip des Pirelli Corsa montés pour ces séances de piste, la réaccélération demande un minimum de dosage pour éviter une grosse virgule. Le V8 biturbo catapulte la 650S vers la cassure à droite avant la Mercedes Arena, la mise en vitesse est réellement impressionnante. En rentrant dans le stadium, le châssis de la McLaren permet de couper le vibreur de la Mobil 1 Kurve et de réaccélérer fort avant de sauter sur les freins pour la Sachskurve. Même stratégie dans le pif paf qui suit, les vibreurs sont avalés sans déstabiliser l’auto. Le plus époustoufflant sur cette série de tours est sans doute que rien ne trahit le fait que je suis au volant d’un Spider au toit repliable. A 16h55, tour de refroidissement, je consigne mentalement mes impressions. La première qui domine, c’est la patate du moteur: du couple, de l’allonge, une poussée physique. La deuxième, c’est la capacité du châssis à gommer les vibreurs, permettant de couper les trajectoires sans pénaliser la stabilité.

 

Les PZero Corsa, passablement amochés par une journée de piste, sont remplacés par un train de PZero un peu plus frais, les plaquettes arrière remplacés, le relativement petit réservoir de 62 litres rempli de super sans plomb et l’autobahn A5 nous tend les bras. En ce vendredi soir de mi Août, le trafic n’est pas assez fluide pour permettre de rouler à plus de 200 km/h sur de longues sections, mais les opportunités ne manquent pas de faire respirer le V8 à pleines bronches. La septième tire long, environ 2600 t/min à 150 km/h, et ouvrir en grand se remarque plus par un bruit de suction provenant des turbos que par la vigueur de la reprise. Tomber en 5 voire en 4ème change radicalement le tableau, projetant la 650S au-delà des 200 km/h en un battement de cil. Conduire une telle voiture entre chien et loup, délivré des servitudes des limitations de vitesse, est une expérience enchanteresse, un plaisir rare.

Les baquets recouverts d’alcantara sont très serrés, renforçant la sensation de faire corps avec la voiture, mais je ne retrouve pas la quiétude ressentie au volant de la 12C. Le filtrage n’a plus cet infime flottement qui faisait de la MP4-12C un véritable tapis volant sur autoroute. Même dans le mode Handling le plus souple, la 650S est ferme, avec une direction à la fois légère et très directe. Les cassures sont ressenties assez sèchement, la tenue de la voiture à haute vitesse requiert attention. La dernière douzaine de kilomètres avant Bâle, presque déserte, me donne une dernière opportunité de puiser dans les fantastiques réserves du 3.8L, atteignant une vitesse qui ferait les choux gras de la presse de boulevard suisse. Arrivés à destination, la 650S vient de passer sur la réserve. Un plein englouti en 359 km, soit 15.6 L/100km, ce qui parait copieux. Dommage que le réservoir ne fasse pas 80 ou 90 litres et permette une meilleure autonomie.

  

Le lendemain matin, le soleil se lève sur un jour d’été gris de plus. Le cérémonial de la pesée nous amène la confirmation de la maîtrise de McLaren: 1478 kg, dont 41.8% sur l’avant et 58.2% sur le train arrière. C’est à peine 7 kg de plus que la MP4-12C Coupé que nous avions essayée en 2013, elle aussi équipée de freins carbone céramique, et ce malgré le mécanisme d’ouverture du toit rigide sur le Spider. La valeur est remarquable dans l’absolu, surtout en comparaison de Ferrari et du poids de la 458 Italia, plus lourde d’un gros quintal. Ce poids plume – pour la catégorie – ne s’obtient pas au détriment de la rigidité, absolument irréprochable. Plus qu’un trophée, la valeur explique les performances balistiques de la 650S. L’inflation des puissances étalon dans chaque segment a amené une banalisation relative de valeurs tonitruantes dans l’absolu. Qu’on se le dise, 678 Nm et 650 chevaux dans une auto de 1478 kg avec le plein résulte dans des accélérations extrêmement saignantes auxquelles respect est dû.

  

Le mécanisme du toit lui-même et aussi simple que rapide, actionable en roulant jusqu’à 40 km/h et s’exécutant en 17 secondes. Il illustre par contre le côté un peu fastidieux de certains protocoles d’utilisation de la 650S, comme la 12C auparavant. S’il a été ouvert auparavant, il faut quitancer le fait que le tonneau est bien vide de tout objet avant de pouvoir déclencher l’ouverture. La mise en route elle-même implique de démarrer le moteur avec le bouton start, appuyer sur la manette du frein de secours pour le désengager, appuyer sur le bouton Active pour rendre opérationnels les réglages de châssis et de train moteur et enfin pouvoir passer la boîte en mode manuel. Vous suivez ? Ces automatismes s’apprennent tant bien que mal, mais ça fait malgré tout beaucoup de pianotage.

La météo maussade nous pousse à retarder notre programme d’une demi journée, un programme qui serait gâché par les routes détrempées et le brouillard sinistre affichés par les webcams de différents points de passage alors que l’heure avance. Nous avons choisi d’emmener la McLaren 650S Spider sur le Grand Huit, un circuit de 6 grands cols alpins traversant quatre cantons, Berne, Valais, Uri, Grisons et Tessin.

Nous abordons notre itinéraire par sa pointe nord ouest et la verte vallée menant à Innetkirchen (625m), un petit village dont le seul intérêt, à mes yeux, est d’être à la croisée du Susten et du Grimsel. C’est le second qui est au menu. L’ascension jusqu’à Guttanen, petit bourg aussi étroit que pittoresque est plaisante, ponctuée déjà de quelques enchaînements intéressants.



Notre première séance de photos a lieu au-dessus de la plaine du Handegg, sur une section composée de deux courbes à 90 degrés et d’une épingle. L’EOS 1D crépite alors que son auto-focus suit une 650S bleue taillant son chemin entre massifs de sapins et blocs de roche. L’exercice me permet de m’accoutumer aux accélérations massives de la McLaren. En ouvrant en grand à 2000 t/min, c’est plus le bruit de suction que la vigueur de la poussée qui domine, mais la sensation s’inverse dès 3000 t/min. La plomberie est sous pression, gavant le V8 d’air frais savamment mélangé au sans plomb 98 par les injecteurs situés en amont des culasses. Les hissements et piaffements du M38T sont remplacés par le mélange entre la résonnance de l’admission et la voie claire de l’échappement, avec un crescendo modulé de 7000 à 8500 tours.  La poussée en deuxième et en troisième est physique, un rush qui propulse la berlinette à des vitesses inavouables à la moindre solicitation.

Cette auto est équipée de l’échappement sport optionnel (CHF 6’890 / € 5’690), et le progrès par rapport au système équipant le coupé 12C de notre précédent essai est notable. On n’est plus dans la caricature assourdissante, mais dans un rendu certes affirmé, mais beaucoup plus équilibré et, disons le, moins vulgaire. Bizarrement, la sélection des modes Powertrain Normal, Sport et Track n’a plus aucune influence sur le volume, mais j’apprécie l’absence de valves pneumatiques et leurs transitions artificielles.

Au fil des passages sur cette section déserte, mon attention se porte plus sur la vitesse que la motricité, surtout à l’approche de la grande épingle à gauche. Le transfert de masse sur le train arrière est perceptible, mais la motricité reste irréprochable et donne toute confiance. C’est moins la crainte de voir l’arrière décrocher que la gestion de la vitesse atteinte à chaque accélération qui requièrent concentration et vigilance.

 

Les clichés enregistrés en flash, nous gravissons les deux murs qui mènent au niveau du Räterichsbodensee puis au Grimselsee. C’est une route taillée pour une auto de la trempe de la 650S. Parfaitement revêtue, elle offre une grande variété d’enchaînements, avec des épingles classiques, mais aussi de gros appuis. Le Grimsel dans une auto de cette trempe par faible trafic et beau temps, c’est 5 toques au Gault et Millau et 3 étoiles et demi au Guide Michelin de l’automobile de Grand Tourisme. Tout y est réuni. La saveur du tracé, la subtilité des combinaisons offertes, le cadre grandiose, et cette McLaren nous sert un menu de grande qualité.

  

Une courte pause au sommet à 2164m, traditionnellement d’abord devant le panorama somptueux de la vallée de l’Aar, puis côté sud devant le Totensee, me permettent de détailler la ligne de la 650S. Je ne suis personnellement pas inconditionnel du style de la face avant, hérité de la P1, mais les flancs et l’arrière sont d’une grande élégance, et la théatralité des portes en élytre renforcent la touche exotique. Ce choix a sans doute permis à McLaren d’avancer l’habitacle relativement aux roues avant du fait de l’absence de charnière, mais le résultat reste compromis en termes d’accès à bord – on s’y fait – et franchement peu pratique sur des places de parc plus exigües. Un motard italien s’approche avec un regard inquisiteur, cherchant en vain du regard un cheval cabré sur le capot ou les flancs, mais repart malgré tout avec un pouce levé et une moue approbatrice à la mention de “McLaren”.

La descente du Grimselpass sur Gletsch permet surtout d’admirer le versant valaisan de la Furka et le tracé qui cisaille en diagonale le flanc sud ouest du Furkastock. La séquence de sept diagonales ne vaut pas la glorieuse variété de la montée côté bernois, mais a quelques spécificités intéressantes qui rompent la monotonie d’une pure succession d’épingles à cheveux.

La remontée vers les vestiges du glacier de la Furka est le genre de tracé qui permet au V8 de la 650S de donner la pleine mesure de ses performances. Malgré l’altitude (le col culmine à 2429 m), le couple ne fléchit pas et le Spider s’extrait comme une balle de chaque épingle. Le col passé, la descente sur Andermatt est à considérer comme un parcours de transition ou de “digestion” après une bombance pantagruélique. Etroite, bosselée, ce n’est pas une route à aborder avec verve, et la probabilité de se retrouver coincé derrière plus lent que soi est élevée. Sur un revêtement défoncé, la rigidité du Spider n’est à aucun moment prise en défaut. Aucun soubresaut, aucune vibration perceptible tactilement ou visuellement.

McLaren semble avoir révisé en profondeur son système original d’amortissement, dénué de barres anti-roulis. La sensation de tapis volant est plus fugace, réservée à des configurations particulières de vitesse et de revêtement. Même en mode Handling Normal, la 650S me parait en moyenne plus ferme que ne l’était la MP4-12C, un peu comme si McLaren n’avait plus cherché à mettre en avant l’extrême confort dont la voiture était capable, et souhaité éviter le côté à la fois novateur et quelque peu déroutant de cet infime flottement lors des prises d’appui. La 650S n’est pas inconfortable, mais elle n’a plus le confort remarquable de la 12C dans son mode le plus souple.

 

Avec un toit rigide qui s’ouvre ou se ferme en 17 secondes jusqu’à 40 km/h, l’isolation phonique est parfaite une fois le toit déployé. Le surcoût par rapport au coupé est significatif (30’000 CHF), mais la contrepartie est un plaisir magnifié par les sensations sonores, olfactives et thermiques du grand air. Plume en main pour signer un bon de commande, je sacrifierais sans doute quelques pièces en carbone pour jouir du plaisir incomparable d’un cabriolet, surtout lorsqu’il n’implique pas de compromis sur le confort ou la rigueur. Le Spider est LA 650S à acheter.

Les périples dans les alpes ont souvent leur moment de magie en fin de journée, quand la lumière rasante amplifie les contrastes, les routes deviennent désertes et la montagne retrouve sa majesté sauvage. La montée du Sustenpass depuis Wassen est atypique, contrastant agréablement avec les successions d’épingles qui ponctuent la majorité des cols alpins. Très fluide mais malgré tout rythmée et ponctuée de virages marqués, elle suit le relief à flanc de côteau avec une vue magnifique sur le massif du Sustenhorn. Le mordant et la hargne du 3.8L biturbos sont époustouflants, une gnaque monumentale qui force l’admiration. Il y a autant de panache dans ses reprises saignantes que dans l’absence totale d’inertie du chassis. On a trop tendance à banaliser, considérer les chiffres en isolation les uns des autres, mais 678 Nm, 650 chevaux et 1478kg sont une combinaison explosive.


La direction est plus convaincante sur ce terrain qu’elle ne l’était sur autoroute allemande. Elle pourrait ètre un peu plus directe à mon goût, mais elle télégraphe efficacement la situation de groupe sous les PZero avant et permet de prendre des appuis francs, offrant un relais fidèle avec un train avant qui donne pleine confiance. Le gabarit contenu est aussi un atout précieux sur ce terrain. Ces moments de communion rendraient presque philosophe. Aussi performantes que sont les supercars, c’est surtout ce que l’on fait avec et les endroits où on les emmène qui rendent l’expérience de leur conduite si particulière, si mémorable. Une dépense galvaudée si il n’y avait de telles routes et paysages pour les apprécier.

  

En cette fin d’après-midi, la descente sur Gadmen puis Innetkirchen est plus fréquentée que la montée – déserte – depuis Wassen. La 650S permet d’opérer des dépassements au scalpel, un outil remarquable de précision et d’efficacité, mais qui demande le plus grand respect sur tracé sinueux. L’arrivée sur Innetkirchen et les gorges de l’Aar mettent un terme à la première boucle de notre Grand Huit, bouclée en moins de 5 heures malgré les nombreuses séances de photos et un redoutable embouteillage entre Andermatt et Göschenen. Un passage à la pompe pour faire le plein du toujours trop petit réservoir de 62 litres rend le verdict de la consommation pour la journée: 18.75 L/100km pour une dénivellation cumulée de 6634m.

Le lendemain, départ matinal pour Andermatt où nous attaquons un autre morceau de choix, l’Oberalp. Depuis la sortie du village et le panneau libérateur de fin de zone à 50 km/h, de généreux lacets serpentent à travers les alpages. Les courbes sont assez rapides pour être prises à choix en deuxième à haut régime ou en enroulant en troisième. Il n’y en a que sept, et le troisième, en tunnel, est limité à 40 km/h, mais pour le reste, le tronçon est sublime, d’autant plus qu’il est quasiment vierge de trafic en cette matinée. J’enchaîne les passages pour mettre en boîte photos puis vidéos. Au volant, le roulis est imperceptible, l’inertie nulle, une belle démonstration de l’efficacité du système hydraulique reliant les amortisseurs. C’est surtout le côté bénin du comportement de la 650S qui la démarque de ses concurrentes. Aborder une épingle en survitesse provoque un léger sous-virage, mais pour le reste, les réactions du châssis sont remarquablement contenues. Le ressenti est proche d’un compromis idéal entre l’agilité d’une architecture à moteur central arrière (41.8% AV & 58.2% AR pour cette 650S Spider), mais avec la neutralité et l’équilibre qui sont l’apanage des coupés à moteur central avant et une répartition proche du 50/50. La 650S est à la fois la berlinette à moteur central la plus rapide et la plus facile que j’ai conduit jusqu’ici.

 

Depuis le sommet de l’Oberalppass – ou Cuolm d’Ursera en Romanche – les neuf première épingles marquant notre entrée dans le canton des Grisons ne revêtent guère d’intérêt, mais la suite de la descente sur Sedrun puis Disentis est plus attrayante qu’à mon souvenir. Bifurcation à droite pour pointer plein sud vers le col du Lucmagner et une montée entrecoupée de plusieurs zones de travaux non asphaltées. Il ne me vient même pas à l’esprit d’aller fourrager dans les sous-menus affichés sur le LCD auxiliaire gauche pour activer la position de suspension haute, je trouve l’ergonomie de l’interface inintuitive au possible. La garde au sol sous le bouclier avant ne pose pas de problème particulier dès le moment où l’on intègre les contingences propres à la catégorie. Nous ne nous éternisons pas au sommet du col, il fait frais et le ciel est plombé de nuages. Le revêtement dans la descente sur le val Blenio est passablement dégradé, mais la McLaren avale les inégalités sans broncher ni se désunir. Le passage sur le versant sud des Alpes rend la végétation plus luxuriante, mais le soleil se fait désirer. La descente sur Biasca n’est pas particulièrement intéressante, une sorte de parcours de liaison pour rejoindre l’A2. Les villages traversés sont typiquement tessinois, avec des maisons aux murs ocres, des palmiers dans les jardins, un contraste marquant avec l’austérité montagnarde des villages de montagne grisons. Nous refermons le toit avant de rentrer sur l’autoroute, et je place une grosse accélération sur la rampe d’accès. Il n’y a aucune interruption de la poussée au passage de la troisième, juste cette poussée infatigable qui propulse le spider bleu aurore à des vitesses inavouables en un battement de cil.

Airolo n’est pas loin, et nous esquivons de justesse les bouchons de la retenue d’accès au tunnel du Gotthard pour virer à gauche et entamer l’ascension du col. Le Gotthard offre le choix entre deux extrêmes: l’ancienne route tortueuse et pavée du Val Tremola, et le nouveau tracé, large et très roulant, presque trop roulant à moins de l’avaler à un rythme de sociopathe. Un de ses avantages est d’offrir de vastes aires pour faire demi-tour, notamment autour de la galerie de Cima del Bosco, ce qui en fait un spot photo parfaitement recommandable. Depuis la bifurcation de la caserne de Motto Bartola, une accélération en courbe à droite, une épingle serrée qui se prend en deuxième, et une longue galerie suivie d’une longue courbe à gauche. Un endroit que nous connaissons bien puisqu’on y avions emmené la Ferrari F12 Berlinetta un an plus tôt.

   

Le ciel était également gris ce jour là, mais la comparaison s’arrête là. En accélération en appui sur le train arrière, la F12 me mettait immédiatement sur mes gardes, alors que la 650S, imperturbable, ne donne pas cette impression de constamment flirter avec le survirage. Dans la galerie, le hurlement du V8 biturbo est aussi saisissant que l’accélération. Deuxième, troisième, quatrième s’enchaînent dans une bacchanale saisissante, rendue plus agressive et plus métallique par la résonnance contre les parois de béton armé. Furieux et dantesque, proche du seuil de tolérance de mes tympans, la sonorité n’a pas les harmoniques éblouissantes du V12 de la F12, mais hérite malgré tout son lot de superlatifs choisis. Le rendu est moins modulé que celui d’une 458 Italia, plus monocorde mais plus raffiné également, moins vulgaire pourraient dire certains. Au lever de pied, la McLaren distille des borborygmes de bon aloi, mais j’aurais souhaité plus de variété que cette sensation d’avoir un filet de gaz résiduel et constant quand je lève le pied. La gestion de la boîte à double embrayage est versée dans l’efficacité plutôt que l’esbrouffe. Les passages de rapports sont transparents, rapides et lisses, alors que d’autres marques comme Porsche et Ferrari ont choisi d’induire de légers à-coups pour ponctuer les passages à pleine charge. Même constat au rétrogradage, l’égalisation du régime est restreinte au strict nécessaire au lieu de jappements démonstratifs.

Arrivés à l’hospice, la température crue n’incite guère à s’éterniser à l’extérieur, mais la McLaren attire les regards et objectifs des appareils des touristes. Nous ne manquons pas de descendre quelques lacets de la Tremola pour immortaliser la 650S sur les pavés bientôt bicentennaires. La voiture résonne un peu sur ce revêtement particulier, probablement une conséquence du châssis en carbone, mais il n’y a pas de rossignols à proprement parler. La finition tout alcantara est belle, une alternative que je trouve attractive au cuir, surtout avec les surpiqûres jaunes. A l’usage, on s’habitue à la position de conduite très allongée imposée par les baquets en carbone, même si ceux-ci sont peu indulgents pour le bas du dos et extrêmement serrés dans leur étreinte des hanches et du torse. L’interface multimedia Iris a été revue, mais demeure sujette à des critiques objectives. Toit ouvert, l’écran est souvent illisible, et le graphisme sur fond sombre rend l’écran navigation quasiment illisible avec le toit décapoté. Nous sommes parvenus à faire fonctionner le navigateur internet, mais la fonction tient du gadget, surtout sur un écran de ce format. Une fonction qui est, elle, essentielle est la caméra de recul. Elle est lente dans son activation lorsqu’on sélectionne la marche arrière, et par deux fois pendant cet essai, elle s’est figée – plantée tout simplement – affichant un “Sorry” laconique et demandant un “Force close”.

Sur les cinq 12C que nous avions conduit jusqu’ici, nous avions rencontré plusieurs bugs – difficile de les appeler différemment – et nous attendions de la 650S un comportement irréprochable. Force est de constater que des problèmes subsistent, et qu’ils ne sont guère tolérables, certainement pas à ce prix, encore moins d’une marque comme McLaren et du sérieux qu’on en attend. Ce sont des vitres qui descendent de quelques centimètres à deux reprises sans explication. C’est un V8 qui démarre puis s’arrête après quelques secondes au sommet du Lucmanier. Des problèmes subsistent, ils sont préoccupants.

 

D’autres détails de conception me paraissent perfectibles, comme par exemple la gachette de sécurité du coffre avant dont la manipulation est invraisemblablement malpratique, l’ergonomie absurde du placement des contacteurs de vitres électriques et de sélection D/N/R de mode de boîte beaucoup trop reculés et à peine accessibles, ou l’absence de rangements dans l’habitacle. Je doute que ces détails déferont une décision d’achat, mais ils comptent dans une expérience produit qui se doit d’être parfaite, à fortiori à un tarif significativement plus élevé que la référence de la catégorie, la Ferrari 458 Spyder, 40’000 CHF moins chère. Lardée d’options, notre 650S Spider frôle les 387’000 CHF !

  

La descente du col du Gotthard sur Hospental me donne encore quelques opportunités de goûter aux fantastiques qualités dynamiques de cette 650S Spider. Par rapport à la 12C, la voiture a sans conteste évolué dans le détail, débouchant sur un comportement routier un tout petit peu moins typé, et préservant la fantastique verve du moteur. Il trahit sa suralimentation jusqu’à 3000 t/min, puis étincelle de vigueur, procurant des sensations de très haut niveau tout en restant exploitables. A mon sens et pour une utilisation routière, une telle abondance de couple doublée d’une belle allonge à haut régime est devenue la seule voie viable pour une utilisation routière. Un moteur qui étincelle de 7 à 9000 t/min ne sert à rien si les vitesses correspondantes sont synonymes de conséquences légales extrêmes. Ferrari est d’ailleurs en pleine conversion de sa gamme de V8 à la suralimentation, Porsche suivra tôt ou tard. La sonorité a également progressé, j’aurais juste souhaité pouvoir sélectionner un mode plus discret pour les évolutions dans les quartiers résidentiels, couplé au mode Powertrain N.

 

La boîte semble parfaitement au point, gérant avec bonheur manoeuvres au ralenti comme passages éclairs à la zone rouge. Je lui reproche juste un excès d’onctuosité à basse vitesse en mode automatique, un peu à la manière d’un convertisseur de couple qui ne se ferme jamais, mais c’est un détail. Le comportement du châssis est remarquable, que ce soit sur piste ou sur la variété des revêtements rencontrés sur notre Grand Huit alpin. Son aspect le plus bluffant reste son abilité à passer le couple au sol, donner pleine confiance dans les réactions du train arrière. Pendant tout l’essai, je ne buterai d’ailleurs jamais contre le contrôle de stabilité ou de traction, ce qui est remarquable pour la catégorie, encore plus vu l’abondance de couple. Je n’ai jamais ressenti le besoin de passer en mode Powertrain Track pour m’affranchir d’un carcan électronique trop intrusif, il n’y a qu’à la sortie de l’épingle de Hockenheim, que je l’ai senti intervenir.

Que manque-t-il à cette 650S Spider pour détrôner la reine Ferrari ? Sur le plan dynamique, la démonstration est faite: tant châssis que moteur sont objectivement supérieurs à l’italienne. Demeurent à mon sens, une tarification un peu plus raisonnable et une exécution sans faille, jusque dans le moindre détail. En trois ans de commercialisation, McLaren Automotive est parvenu à s’imposer comme challenger légitime à des constructeurs qui comptent des dizaines d’années d’expérience dans la commercialisation d’automobiles de Grand Tourisme. La 650S est une belle démonstration du savoir faire de la firme de Woking, et un rappel de l’incroyable complexité nécessaire à la réalisation d’une supercar de référence.

Sur les derniers kilomètres qui nous ramènent au terme de notre boucle, j’imprime dans ma mémoire le souvenir de cette ascension du Susten, des sensations privilégiées vécues au volant de Y23MCL. Un grand itinéraire à travers 6 des plus grands cols alpins et 13098m de dénivelé, dévorés au volant d’une grande auto.

 

 

Prix et options du véhicule essayé

 McLaren 650S Spider CHF 309’900 € 257’100 £ 215’250
 Malus écologique € 8’000
 Carbon fiber exterior upgrade CHF 12’190 € 10’060 £ 8’470
 Carbon fiber racing seats CHF 7’370 € 6’080 £ 5’120
 Sport exhaust CHF 6’890 € 5’690 £ 4’790
 Extended carbon fiber interior upgrade CHF 6’490 € 5’360 £ 4’510
 Vehicle lifter CHF 5’230 € 4’320 £ 3’640
 Carbon Fibre Airbrake Panel CHF 4’580  € 3’780 £ 3’180
 Carbon Fibre Diffuser CHF 4’580 € 3’780 £ 3’180
 Carbon Fibre Engine Bay Panels N.C.  N.C. £ 3’180
 Meridian Surround Sound Upgrade CHF 4’420 € 3’650 £ 3’080
 Carbon Fibre Sill Panels with McLaren Logo CHF 3’860  € 3’180 £ 2’680
 Carbon Fibre Engine Covers CHF 3’280 € 2’700 £ 2’280
 Carbon Fibre Mirror Casings CHF 3’280 € 2’700 £ 2’280
 Carbon Fibre Side Intakes CHF 3’280  € 2’700 £ 2’280
 Carbon Fibre Wheel Arches CHF 3’280  € 2’700 £ 2’280
 Aurora Blue Special Paint CHF 2’610  € 2’160 £ 1’820
 Electric Steering Column CHF 1’990 € 1’640 £ 1’380
 Stealth Wheel Finish CHF 1’640  € 1’350 $ 1’140
 Special Colour (Yellow) Brake Callipers CHF 1’310 € 1’080 £ 910
 Alloy Oil and Coolant Caps CHF 500 € 430 £ 360
Total CHF 386’680 € 328’460 £ 271’810

 

Face à la concurrence

McLaren 650S Spider  Ferrari 458 Spyder Porsche 911 Turbo S Cabriolet
Moteur V8 3799 cm3 biturbo V8 4499 cm3  B6 3800 cm3 biturbo
Puissance (ch / t/min) 650 / 7250 570 / 9000 560 / 6500-6750
Couple (Nm / tr/min) 678 / 6000 540 / 6000 700 / 2100-4250*
Transmission Roues AR Roues AR 4 RM
Boite à vitesses Double-embrayage, 7 rapports Double-embrayage, 7 rapports PDK 7 rapports
RPP (kg/ch)  2.27 (2.69) (2.99)
Poids DIN (constr.) 1478 (1468)
41.8% AV 58.2% AR
(1535) (1675)
0-100 km/h (sec.) 3.0 3.4 3.2
Vitesse max. (km/h) 329 320 318
Conso. Mixte (constr.) 16.2 (11.7) (11.8) (9.9)
Réservoir (l)  72 86 68
Emissions CO2 (g/km)  275 275 231
Longueur (mm) 4512 4527 4506
Largeur (mm) 1895/2093 1937 1880
Hauteur (mm) 1203 1211 1292
Empattement (mm) 2670 2650 2450
Coffre (L) 144 230+58 115+160
Pneumatiques AV 235/35 R19 235/35 ZR20 245/35 ZR 20
Pneumatiques AR 305/30 R20 295/35 ZR20 305/30 ZR 20
Prix de base (CHF) 309’900 268’800 290’400
Prix de base (EUR) 257’100 225’563 212’603

*750 de 2200 à 4000 t/min avec overboost.

Nos remerciements à McLaren Automotive pour le prêt de cette 650S Spyder.

Le Grand Huit – Carte

Cliquer sur les balons pour visionner les photos correspondantes. Les deux boucles du Huit se complètent en une journée, avec comme points de départ naturels Meiringen/Innetkirchen, Wassen ou Andermatt.

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