Essai Caterham Seven 485R: Roadster Radical


Les sensations pures d’un roadster léger, les performances d’une super GT: Caterham Seven 485R.

La Lotus Seven est apparue en 1957 dans une définition similaire dans le principe à la Caterham d’aujourd’hui, mue par un 4 cylindres en ligne de 1.2 litres développant 41 chevaux. L’auto restera en production jusqu’en 1972, passant par trois étapes de développement. Caterham rachètera la license en 1973 et en a assuré la production et le développement ces quarante dernières années. La Seven approche donc de son soixantième anniversaire, avec une définition toujours proche de l’original: châssis tubulaire en acier, panneaux de carrosserie en tôle d’aluminium, basse, légère et dépouillée.

Freddy Kumschick est le seul importateur Caterham pour la Suisse et détient l’homologation de trois modèles:

– la 165, équipée d’un 3 cylindres turbo d’origine Suzuki de 660 cm3 de cylindrée, développant 107 Nm à 3400 t/min et 80 chevaux à 7000 t/min
– la 175, montée avec un Ford Duratec 4 cylindres 2 litres produisant 177 Nm à 6000 t/min et 175 chevaux à 7200 t/min
– la 485, avec une version Motorsport du Ford Duratec. Le couple maxi est de 206 Nm à 6300 t/min et la puissance atteint 240 chevaux à 8500 t/min, soit une puissance spécifique de 120 chevaux au litre.

Trois châssis sont proposés:
– le S3, le plus compact
– le SV, plus long de 15cm et plus large de 11cm
– le CSR, avec ammortisseurs avant in-board et suspension arrière indépendantes, mais qui n’est disponible en Suisse que sur la 175. D’autres versions encore plus pointues sont commercialisées sur le marché anglais, mais pas disponibles en conduite à gauche.

En contactant le garage Kumschick pour préparer cet essai, mon choix s’oriente immédiatement vers la 485. Quitte à goûter à la spécialité, autant qu’elle soit authentique. Ces autos rigolotes qu’on croise aux sommets des cols me laissent un peu sceptique. Leurs propriétaires ne tarissent pas d’éloges à leur sujet, mais très souvent, trop de prosélytisme tue la foi.

  

S’installer dans cette Cat est d’ailleurs une forme de cérémonial. Détendre les quatre sangles du harnais, retirer le volant en tirant sur la gachette, se glisser dans le baquet, régler l’éloignement du siège, ramener les trois sangles vers la boucle centrale, serrer avec soin, replacer le volant. Des chaussures de pilote ne sont pas une coquetterie, le pédalier est étroit et cette Caterham inconduisible avec une vulgaire paire de baskets. Tourner la clé pour débloquer l’antivol, appuyer une fois sur le bouton start pour démarrer les pompes, puis une franche pression sur ce même bouton et le Duratec s’ébroue. Rien n’est assisté, ni la direction, ni le circuit de freinage, mais c’est surtout l’embrayage qui est délicat. La très faible inertie du 4 cylindres et une commande peu progressive de la pédale de gauche rend le dosage au démarrage difficile.

 

T-shirt, lunettes à soleil, tête nue et voiture juste équipée des petits pare-vents latéraux en polycarbonate, la cinquantaine de kilomètres de routes cantonales qui me ramène au bercail est une expérience un peu déroutante. Une courte portion de semi-autoroute parcourue à 100 km/h me donne la sensation de passer à l’essoreuse. Il y a énormément de remous, il fait chaud dès que je ralentis à 50 km/h pour traverser les villages de la campagne lucernoise, la cohabitation avec les semi-remorques est intimidante. Résolution est prise: installation des portes latérales et port du casque pour le trajet qui doit m’emmener demain aux portes des Alpes, à Meiringen.

Parler de légèreté au sujet de cette Caterham 485 n’est pas un abus de langage. C’est la première voiture que je peux tout simplement pousser sur les rampes de nos balances pour la peser. Verdict: 594kg (48% sur l’avant, 52% sur l’arrière) avec le plein de sans plomb 98, 10kg de moins si je retire du coffre les déflecteurs, les portes latérales et le toit. Caterham annonce 525kg sans essence, une valeur un peu optimiste avec un réservoir de 36 litres seulement, et qui n’inclut probablement pas certaines options comme l’arceau. Le rapport poids puissance tombe ainsi à 2.48 kg/ch soit 404 chevaux à la tonne. Le chiffre impose le respect et donne la pleine mesure du potentiel d’accélération de l’engin.

 

Le lendemain matin, c’est avec une veste en tissus technique et un casque jet que je m’installe dans la 485, m’arnache et sécurise la “porte” avec les deux boutons pression. La température est encore fraîche à l’ombre, mais je suis surpris du confort général. Bien câlé, abrité du vent, le casque m’amenant un soupçon bienvenu d’isolation phonique et déviant l’air au-dessus de ma tête, un mot résume ma sensation: c’est “cosy”. Le Duratec est d’une souplesse relative, et vibre significativement vers 3500 t/min, donc il faut soit être en-dessous, soit en-dessus (la sixième tire 3800 t/min à 100 km/h indiqués). Ce n’est pas l’expérience ouatée d’une GT. Il n’y a que la mécanique, la route et les éléments, comme sur une moto. Le passage du col du Brunig, surtout la jolie descente vers Meiringen sur le versant bernois, me permet de me mettre en appétit pour notre menu gourmet de prédilection: le Grimsel pour la variété et la fluidité, le Susten pour le rythme et des revêtements un peu plus dégradés.

La sonorité du pot latéral droit est socialement acceptable en mode normal, mais une pression de 1 seconde sur le bouton idoine active le mode sport. L’asservissement de la pédale de gaz en devient un peu plus franc, aussi significatif qu’une branche de persil sur le bord d’une assiette de cassoulet, mais côté auditif, c’est un véritable festival ! Plein et chaud (au propre comme au figuré pour le passager d’ailleurs), un solo permanent de trombone à coulisse, une raison impérieuse de signer un bon de commande sur le champ. C’est un bruit de quatre cylindres, certes, mais de quatre cylindres qui inspire et expire à pleins poumons, sans le côté parfois malingre et geignard de certains congénères.

 

Lorsque les premières opportunités d’ouvrir en grand se présentent dans la vallée de l’Aar, encore à l’ombre pour une bonne part, le 2 litres Duratec ne donne pas seulement de la voix, il commence également à dévoiler son punch. Même à bas régime, la 485 est toujours alerte, mais à partir de 4000 t/min, la poussée commence à être beaucoup plus vive, et la zone rouge est à 9000 t/min ! Les sensations me rappellent un peu celles de la découverte de la Ferrari 458 Italia, où les montées en régimes étaient tellement inusuelles qu’il fallait se forcer au début pour aller chercher le régime de puissance maxi. Fort heureusement des shift lights sont installées au-dessus des deux cadrans ronds, s’allumant de 1000 en 1000 t/min puis clignotant vers 9000.

Au fil des passages, le mode d’emploi devient de plus en plus naturel. La commande de boîte est extraordinaire de qualité, un bijou de précision, de guidage et de tarage, avec juste ce qu’il faut de friction. Il faut soigner la préhension pour éviter de heurter sa main contre la planche de bord, mais quel plaisir de manier cette boîte ! Le pédalier étroit et rapproché et la fermeté de la pédale de frein placent idéalement l’extérieur du pied droit pour égaliser le régime. Jouissif, ludique, on en vient à se chercher – et trouver – des excuses pour ajouter une montée ou descente de rapport superflue ici ou là.

Le 2 litres Ford offre des performances de première ordre, il pousse fort et longtemps, avec une aisance magistrale dans la moitié supérieure de sa plage de régimes. Les vitesses considérables atteintes dès qu’on tire un intermédiaire, mais hormis l’attention qu’il faut porter au compteur, la 485 n’est pas scabreuse. Pas forcément le genre d’autos qu’on met entre toutes les mains du fait de son enveloppe de performances, mais pas non plus un engin piégeux qui se met en vrac à la moindre erreur de pilotage. La motricitié est excellente, l’arrivée du couple progressive (206 Nm à 6300 t/min), un ensemble qui incite à aller explorer les limites d’adhérence des Avon CR500. La première étape à maîtriser est la direction, naturellement sans assistance. L’effort à appliquer sur le minuscule volant Momo est assez viril, la démultiplication faible, il est donc impérieux de calibrer l’effort et l’amplitude des mouvements des bras pour éviter de sur-braquer en entrée de virage ou de hâcher la trajectoire. La sensation d’être assis sur le train arrière et d’avoir un empattement démusérement long jusqu’au train avant est prononcée, alors que l’auto ne fait que 3.10m de long.

Le plus gros challenge demeure les prises d’appuis rapides. Flirter avec les limites dans des épingles prises en deuxième est infiniment plus facile que de passer de grandes courbes rapides avec précision. Les châssis S3 et SV partagent une caractéristique anachronique et atypique sur une voiture de sport: un essieu rigide à l’arrière. J’ai longtemps guetté des réactions parasites, abordé des cassures diagonales avec circonspection, mais j’ai dû me rendre à l’évidence: même sur revêtement dégradé, cette Caterham est très bien suspendue. La vision du balet des mouvements verticaux des roues avant est inhabituelle, on voit les compressions avant de les sentir.

Avec un gabarit taille XS, une agilité diabolique et des accélérations saignantes, la 485 peut presque se conduire comme une moto sur des cols alpins, offrant des possibilités de dépassement hors d’atteinte d’une auto normale, quel que soit son niveau de performances. Appréciable lorsqu’il s’agit de se débarasser d’un camping car ou du proverbial monospace néerlandais, mais il faut garder la tête froide pour éviter une prise de risque inconsidérée. Le freinage est sans doute un des aspects dynamiques les moins séduisants. Il faut appuyer fort du fait de l’absence d’assistance, mais j’ai trouvé le dosage difficile et l’absence d’ABS intimidante. Dans mes essais de freinages appuyés, j’ai toujours fini par bloquer une des roues avant. Devoir moduler la force plutôt que le mouvement sur un système (sur)assisté est normal, mais le mordant n’est pas au rendez-vous.

   

Impossible d’évoquer ce roadster radical sans aborder le sujet de la sécurité. Si les sensations et performances sont proches d’une moto, il en va malheureusement de même avec la sécurité passive et active. L’absence de zones déformables, l’exposition du haut du corps, les roues avant off-board, la protection est minimale. Rationaliser le risque est une chose, l’ignorer en est une autre. La Seven procure des sensations extraordinaires, mais elles ont un tribut, celui d’une prise de risque qui, à conditions égales, est radicalement plus élevée qu’une sportive de construction plus conventionnelle. D’un autre côté, la sécurité passive est incomparablement meilleure qu’une moto.

Après un festin de cols et une solide assiette de rösti, je mets le cap sur Meiringen et le Brunig pour rendre le jouet à son propriétaire. Je me suis réservé un dessert de choix, le Glaubenberg qui enjambe les contreforts du Pilatus de Sarnen jusque dans la vallée de l’Entlebuch. Une route étroite, sinueuse, ponctuée de barrières à vaches mais parfaitement revêtue jusqu’à son sommet. Je roule de concert avec deux motards, une K1100RT et une R1200GS, un devant, l’autre derrière. Leurs plaques indiquent qu’ils sont locaux, ils semblent connaître le tracé comme le fond de leur poche. Le rythme est soutenu sans tomber dans l’excès, les paysages magnifiques, la route déserte. Un purgatoire pour une GT du fait de l’étroitesse de la route, mais la 485 y est complètement dans son élément. Le point d’orgue parfait à l’essai de ce roadster, capable de procurer un fantastique plaisir de pilotage hors des sentiers battus par les GTs, leurs poids et leurs puissances en constante inflation.

 

Configuration du véhicule d’essai

Caterham 485 CHF 64’860 € 52’000
Race pack CHF 6’080 € 5’000
Voiture entière teinte métallisée CHF 2’900 € 2’200
Swiss pack 485 CHF 1’950 N.C.
Parebrise chauffé, essuye-glaces, capote, portières  CHF 1’900 N.C.
Harnais 4 points Schroth CHF 800 N.C.
Plancher rabaissé de 4cm CHF 600 € 500
Arceau circuit CHF 450 € 370
Volant amovible  CHF 410 N.C.
Prix catalogue du véhicule essayé CHF 79’950  € 60’070

Autres options:

Chassis SV CHF 3’790 € 3’100
Voiture entière couleur standard CHF 1’900 € 1’450
Ailes AR carbone CHF 1’090 € 900
Nez carbone  CHF 680  € 560

 

Face à la concurrence

Caterham Seven R485 KTM X-Bow Clubsport Lotus Exige S Morgan Plus 8
Moteur 4 cyl 1999 cm3 4 cyl turbo FSI 1984 cm3 V6 compresseur 3456 cm3 V8 4799 cm3
Puissance (ch / t/min) 240 / 8500 240 / 5500 350 / 7000 367 / 6300
Couple (Nm / tr/min) 206 / 6300 310 / 2000-5500 400 / 4500 490 / 3400
Transmission Roues AR Roues AR Roues AR Roues AR
Boite à vitesses 6 manuelle 6 manuelle 6 manuelle 6 manuelle
RPP (kg/ch)  2.48 3.69 3.09 2.99
Poids DIN (constr.) 594 (525*)
48% AV 52% AR
886 (890)
36.8% AV / 63.2% AR
(1080) (1100)
0-100 km/h (sec.) 3.5 N.C. 3.8 4.5
Vitesse max. (km/h) 240 N.C. 274 249
Conso. Mixte (constr.) 12.56 (10.2) 12.1 (7.8) (10.1) (12.1)
Réservoir (l) 36 40 40 55
Emissions CO2 (g/km) 179 180 236 282
Longueur (mm) 3100 3738 4052 4010
Largeur (mm) 1575 1915 1802 1751
Hauteur (mm) 1090 1202 1153 1220
Empattement (mm) N.C. 2430 2370 2490
Coffre (L) N.C. Niet 112 Niet
Pneumatique AV 175/55R13 215/45R17 205/45R17 225/40R18
Pneumatique AR 205/55R13 255/35R18 265/45R18 245/40R18
Prix de base (CHF) 64’860 CHF 85’500 CHF* 93’000 CHF 137’600 CHF
Prix de base (EUR)  52’000 € N.C. 70’410 € 117’500 €

Nos remerciements à Freddy Kumschick et Frank Amman du Garage Kumschick à Schötz (LU)

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