Essai Range Rover Sport HSE SDV6

Le Range Rover Sport HSE SDV6 3.0, un SUV chic et choc. 

Dieu que c’est beau, dieu que c’est gros, dieu que c’est haut. Il est impossible – ou du moins difficile – de rester indifférent devant telle sculpture. Le nouveau Range Rover Sport a une présence visuelle encore accentuée par rapport à ses prédécesseurs, conservant la pureté géométrique de ses lignes tendues, mais gagnant en modernité. Dans cette livrée blanc Fuji avec jantes de 22 pouces et toit contrasté, le nouveau Range décolle la rétine. La ligne séduit par son élégance, l’ensemble impressionne par ses proportions.

La première génération du Range Rover Sport (type LS) apparut en 2004, elle subit un facelift en profondeur en 2009, parfois appellé (peut-être par abus) mk2. Cette troisième génération (type LW) n’est pourtant pas si grand (ou gros) par rapport à son prédécesseur. La longueur est passée de 4783 à 4850mm, soit 6 gros centimètres de plus, mais la valeur reste très raisonnable en comparaison avec les berlines. La largeur, elle, passe de 1933 à 1983mm, soit 5cm de plus, sans compter les formidables rétros. Le changement est considérable et n’est pas sans conséquence dans l’approche d’entrées de parking ou la place occupée sur une artère étroite.

  

Tout aussi significatif, l’empattement fait un bond de 2745 à 2923mm. La hauteur reste quasiment inchangée. A l’extérieur, la présence visuelle tient donc du volume et des volumes très carrés du style Range Rover. De l’intérieur, la large console centrale et la largeur des contre-portes procurent une sensation d’espace appréciable. L’inclinaison des dossiers arrière est réglable sur deux crans. A l’arrière, deux doigts à l’occiput, deux doigts aux genoux, c’est confortable malgré une assise qui aurait pu être plus longue. Un cinquième adulte rechignerait à parcourir de longues distances sur le strapontin central, mais si l’on rabat l’énorme accoudoir central, on retrouve à nouveau cette sensation d’espace privatif, à défaut d’être extraordinairement spacieux.

S’il a progressé dans certaines dimensions, le nouveau Range Sport est surtout sensé avoir subi une cure d’amaigrissement, Land Rover revendiquant une diète de 420kg à motorisation (diesel) équivalente, passant ainsi en théorie de 2535 à 2120kg. Nous nous réjouissions donc de vérifier ceci sur nos balances, le verdict fut surprenant : 2499kg (48.9% AV 51.1% AR) avec le plein de diesel pour notre exemplaire très fortement optionné. A titre de référence, nos confrères de Auto Motor & Sport et Auto Zeitung ont mesuré leurs exemplaires respectifs – nettement moins équipés – à 2294kg et 2307kg respectivement, le reste est probablement à chercher dans le toit panoramique en verre, les quatre sièges climatisés ou le système d’attelage rétractable électriquement. Tout ça pour ça, serait-on tenté d’écrire, puisque nous retrouvons ainsi un Range Sport au poids singulièrement voisin des versions Supercharged que nous avons essayé dans le passé (mk1 : 2630 kg, mk1 facelift  : 2647kg).

Sous le capot très anguleux, une vieille connaissance, le V6 3.0 SDV6 avec lequel nous avions cohabité dans la Jaguar XF Sportbrake, ici re-cartographié pour délivrer 17 chevaux supplémentaires (292 au total) pour un couple maxi inchangé de 600 Nm. Il conserve le système de suralimentation parallèle séquentiel du groupe Jaguar Land Rover, avec deux turbos de taille différente travaillant en tandem. Grâce à une isolation phonique plus poussée, il se fait plus discret. Il n’y a guère que fenêtres ouvertes que le raclement typique du cycle à auto-allumage est réellement perceptible.

Dieu que ça doit bouffer ?! Dans les conversations de parking, la question succède régulièrement aux explétifs sur les dimensions perçues. Pourtant, le résultat est plutôt flatteur,avec 9.78 L/100km mesurés sur 936 km (l’ordinateur de bord indique 8.8 à 54 km/h de moyenne horaire). En restant en plaine et sur le bitume, une conso de 9.0 L/100km est parfaitement réaliste. En comparaison avec les 8.03 L/100km enregistrés avec le même moteur sur le break Sportbrake qui ne fait ‘que’ deux tonnes, l’impact négatif des 500kg supplémentaires et du SCx de semi-remorque est étonnamment faible.

En conduite calme, le SDV6 délivre des prestations plus qu’honorables, bien qu’imparfaites. En plus de sa sobriété, j’ai apprécié sa sonorité discrète et plutôt plaisante (pour un turbodiesel s’entend) lors de rares incursions vers la zone rouge. Il est cependant plutôt pointu pour ce type de cycle malgré sa suralimentation sophistiquée, n’atteignant son couple maxi de 600 Nm qu’à 2000 t/min. Les lois de gestion de la boîte sont naturellement adaptées, mais ont pour conséquence de faire mouliner le moteur sur les premiers intermédiaires là ou un short-shift sous les 2000 tours serait souvent suffisant et surtout plus élégant. J’ai ainsi souvent eu recours aux palettes solidaires du volant pour monter les rapports. En démarrage plus musclé, on a droit à la réaction type d’un gros turbo-diesel couplé à une boîte automatique : temps de réponse significatif puis ruade lorsque le couple déboule d’un coup. Le système Stop-Start intervient souvent dans le trafic, mais il n’est pas trop intrusif à moins de passer du frein à l’accélérateur très rapidement.

 

En plaine, le V6 amène le Range aux vitesses légales avec facilité, mais sur route de montagne, le couple et la puissance sont suffisants pour emmener ce bloc erratique sur roues à une allure rapide. Les réserves du TDV6 peuvent s’épuiser bien avant d’atteindre des vitesses sociopathes, ce partant du principe que le fait même de rouler dans un SUV de 2.5 tonnes n’est pas considéré comme sociopathe par définition. Des performances honorables et suffisantes, mais qui ne feront pas qu’une bouchée des rectilignes entre deux épingles, ni ne  permettront des dépassements au scalpel. Cette motorisation reste probablement la plus homogène pour le Range Sport,  car hausser le rythme met également en relief les limites du châssis, le train avant encaissant avec peine les variations brutales de couple moteur.

La répartition par défaut du couple à raison de 42% sur l’avant et 58% sur l’arrière et une distribution des masses équilibrée auraient pu promettre un comportement routier réjouissant, mais je ne me suis jamais senti réellement à mon aise au-delà d’un rythme que je qualifierais de rapide coulé. Trop d’inertie, de flou et de réactions parasites pour mettre en confiance ou procurer du plaisir. Il n’y a pas de miracle : avec 2.5 tonnes et un centre de gravité aussi haut perché, une conduite cool est de mise et les lois de la physique reprennent le dessus sur l’ingénierie. Je ne vois pas dans quelles circonstances le gros V8 4.4 turbodiesel de 700 Nm  et 339 chevaux, encore moins le V8 Supercharged de 510 ch/625 Nm amèneraient un meilleur agrément de conduite, à part peut-être pour le premier si on utilise régulièrement les 3.5 tonnes de capacités de tractage. L’alternative du V6 3.0 S/C essence existe, mais je le crains un peu trop léger pour une telle masse.

Le réel terrain de prédilection du Range Rover Sport est l’autoroute, où il se révèle confortable, sobre et silencieux. La position de conduite très haute surprendra les néophytes, et sera appréciée des amateurs, habitués à toiser les BMW X5 du trône en cuir, et à tutoyer les chauffeurs de semi-remorques. Il faut cependant surveiller le compteur avec soin, tant la hauteur atténue la sensation de vitesse. Le silence est remarquable grâce à un moteur inaudible et une bonne isolation du vitrage. Comme de coutume chez Jaguar Land Rover, la boîte 8 tire long pour abaisser la conso, et force la descente de deux rapports au moins à chaque relance significative. Je ne goûte pas particulièrement cette stratégie pour son côté fastidieux et inélégant, mais elle est efficace et la boîte rapide dans ses changements de rapports automatiques. En pleine charge, la commande manuelle surprend cependant par la brutalité occasionnelle de ses verrouillages, des à-coups dont je n’ai pas le souvenir en transmission deux roues motrices sur la Jaguar.

 

L’amortissement du Range Rover Sport reste une énigme pour moi. A la base, la préoccupation de confort est perceptible, mais le résultat pas toujours à la hauteur. Malgré une suspension pneumatique, la sécheresse de l’amortissement secondaire aux inégalités est surprenante. Les jantes de 22 pouces montées en série 40 y contribuent peut-être, mais il est surprenant que Land Rover n’ait pas offert un mode « tapis volant » qui efface la route, fut-ce au prix d’un léger flou dans les changements d’appui. Les soubresauts remontent dans la caisse et mettent également à mal sa rigidité. L’amortissement primaire est lui plutôt souple, et flirte parfois avec le flottement dans des enchaînements de compressions. Certains dandinements rappellent même les effets parasites des essieux rigides. Le passage de joints de dilatation sur autoroute génère également des résonnances dans les pneumatiques qui sont distinctement audibles. Rien de rédhibitoire, mais pourrait mieux faire.

En termes d’expérience automobile, l’idée d’emmener un SUV de 2.5 tonnes sur des chemins rocailleux bordés de précipices m’est nettement moins naturelle que d’aller tourner au Ring avec une pistarde un peu affutée. Il y a par ailleurs plein de raisons de ne jamais emmener un Range dans le terrain, la première étant que l’écrasante majorité de la clientèle ne le fait probablement jamais. Par déontologie, je me suis toutefois convaincu d’emmener le Sport là où aucune berline ou presque ne passe, soit le chemin menant au ravissant Col de Tanay au-dessus de Vouvry, soit 2.5km de chemin gravillonné et défoncé à souhait, interdit à la circulation sauf au 4×4 pourvus de boîtes de réduction. Une micro-aventure de 2.1km et 370m de dénivellation, soit 17.6% de pente moyenne, largement suffisante pour moi. L’idée n’était pas de chercher les limites de franchissement du Range, elles sont affolantes lorsqu’elles sont démontrées en terrain connu par un expert, mais plus de l’accessibilité supplémentaires qu’elles offrent au conducteur lambda pas forcément féru de crapahutage.

 

Boîte au point mort, sélection de la gamme courte, suspension en position haute, sélection d’un des modes du système Terrain Response 2 et en avant pour l’ascension. Les caméras extérieures sont pointées en vue trottoir pour garder un oeil sur l’espace aux roues avant.
Les instruments affichent en temps réel l’inclinaison des trains, et dès les premières difficultés, le blocage des différentiels central et arrière s’active en séquence, puis se désactive dès que l’adhérence est un peu moins précaire. Garde au sol et motricité s’oublient complètement, tant le Range semble se jouer de l’exercice avec aisance. La seule tâche du conducteur est de choisir ses trajectoires avec précision, la technologie s’occupe du reste. Même le diamètre de braquage (12.6m) parait remarquable en situation et permet de négocier sereinement des épingles serrées.

Parvenu au col, je parque le Range dans une minuscule clairière et nous entamons l’ascension, pedibus cum jambis cette fois, vers le Grammont et ses magnifiques points de vue sur la Riviera vaudoise. Faire des exercices calibrés en stage 4×4 est une chose, se lancer sous sa propre responsabilité sur un itinéraire accidenté en est une autre. Le Range Sport est épatant par sa tranquille maîtrise, et offre ainsi à la minorité qui en a les besoins et les aptitudes un véritable baroudeur en costume de ville. Reste à savoir combien oseront et sauront faire de la varappe en costume de ville. Le Sport mk3 offre même un système de « wade sensing » pour les passages à gué, jusqu’à 850 mm !

 

Comme certains félins se refusent à l’apprendre dans leurs entreprises arboricoles, descendre est parfois plus difficile que grimper. Quand nous reprenons le Range, la configuration haute/boîte courte a été conservée malgré la coupure du contact. Une pression sur la touche HDC (Hill Descent Control) et le Range entame l’exercice calmement, régulant sagement la vitesse à 4 km/h. Il est possible d’accélérer à tout instant, mais dès le lever de pied, le système ralentit la masse avec un empressement marqué. Ici encore, patience et précision dans le placement sont les seules exigences du conducteur, la technologie s’occupe du reste.

Revenu sur le bitume, arrêt, neutre, démultiplication normale, hauteur de caisse routière, et redescente sur la vallée du Rhône. J’ai juste de la peine à me débarrasser en roulant du HDC qui se réactive dès que ma vitesse revient dans son champ d’action. Sièges rafraichissants enclenchés, nous rentrons sur Lausanne à allure décontractée, déléguant au régulateur de vitesse adaptatif – bien calibré, c’est rare – une part des tâches de conduite. La finition intérieure a fait d’énormes progrès, reprenant de nombreux périphériques ayant fait leur apparition sur la Jaguar F-Type, comme les boutons de climatisation ou le stick de sélection de boîte.

La sellerie est d’excellente qualité, souple et soyeuse et avec la louche d’équipements installés sur cet exemplaire, l’intérieur est un cocon douillet, plaisant au regard comme au toucher. Mention particulière aux sièges avant à 18 réglages, divinement confortables, et au toit ouvrant panoramique avec filet de protection solaire électrique. Le système de caméra périphérique (CHF 1020) est un équipement de survie, d’autant plus que les avertisseurs acoustiques passent en bip continu beaucoup trop tôt, galvaudant de précieux centimètres pour les manœuvres. Le système de détection optique des panneaux de signalisation (CHF 900) est épatant et utile, surtout sur un réseau routier truffé de zones de travaux avec leurs variations de limitation de vitesse. A la différence des systèmes GPS, il repère et affiche les panneaux se trouvant sur les bords de la route, ce avec une remarquable précision et fiabilité. Je rayerais par contre d’un bon de commande le Système Audio Meridian que j’ai trouvé agressif et froid.

A la relecture de cet article, l’inventaire de mes critiques me surprend, car j’ai vraiment apprécié ces deux semaines en compagnie du Range Rover Sport. A l’usage, le charme de ce SUV et ses qualités dépassent la somme individuelle et objective de ses défauts. Une auto coup de cœur, pour sa ligne, pour son habitabilité, pour son ambiance intérieure ou, peut-être pour une minorité, pour ces redoutables aptitudes au tout-terrain. Le Range Rover Sport est disponible dès 79000 CHF avec le TDV6 258ch/600Nm ou 81’000 CHF avec le V6 3.0 SC 340ch/450 Nm, mais il faut passer en finition SE (CHF 91’600) pour avoir accès au SDV6 de 292ch. Un tarif conséquent dans l’absolu et en comparaison avec la concurrence, mais néanmoins attractif si l’on est sensible aux charmes de ce SUV chic et choc.

Configuration du véhicule

Range Rover Sport 3.0 SDV6 HSE Dynamic CHF 101’800 € 78’500
Pack on/off road CHF 5’480 € 4’320
Sièges AV/AR climatisés CHF 2’800 N.C.
Régulateur de vitesse ACC adaptatif CHF 2’600 € 2’020
Toit ouvrant en verre CHF 2’460 € 2’550
Système audio Meridian CHF 1’800 € 1’410
Sièges avant réglables 18 pos. CHF 1’720 € 1’360
Assistant au stationnement 2 CHF 1’720 € 1’360
Pare-brise athermique et vitres teintées AR CHF 1’440 € 1’120
Accès keyless CHF 1’400  € 1’110
Crochet attelage électrique CHF 1’340 € 1’310
Jantes 22″ 5 branches style 6 CHF 1’280 € 1’010
Surround camera system CHF 1’020  € 810
Détection de signalisation CHF 900 € 720
Ecran LCD 12.3″ pour instruments CHF 880  € 710
Climatisation 3 zones CHF 840 € 660
Assistant chgt de voies et dét. obstacles CHF 820  incl.
Toit en couleur contrastée CHF 800 incl.
Système soft door close CHF 760  € 610
Alarme volumétrique CHF 640  € 510
Radio numérique DAB+ CHF 600 € 450
Phares xénon adaptatifs CHF 580 € 450
Plafond Morzine en Ebony CHF 520  € 400
Réglage individuel éclairage ambiance int. CHF 460  € 350
Rails d’espace de rangement CHF 400 € 330
Prix catalogue du véhicule d’essai CHF 136’880 N.C.

 

Face à la concurrence

Range Rover Sport 3.0 SDV6 SE Porsche Cayenne S Diesel  BMW X5 xDrive 40d Mercedes ML 350 Bluetec 4Matic
Moteur  V6 turbodiesel 2993 cm3 V8 Turbodiesel 4134 cm3  6 turbodiesel 2993 cm3 V6 turbodiesel 2987 cm3
Puissance (ch) 292 / 4000 382 / 3750 313 / 4400 258 / 3600
Couple (Nm) 600 / 2000 850 / 2000-2750 630 / 1500 620 / 1600-2400
Transmission 4×4 4×4  xDrive 4 Matic
Boite à vitesses Automatique, 8 rapports Tiptronic S, 8 rapports  Automatique, 8 rapports 7G Tronic Plus
RPP (kg/ch)  8.56 (5.75)  (6.74) 9.44
Poids DIN (constr.) 2499 (dès 2115)
48.9% AV 51.1% AR
 (2195) (2110) 2436 (2100)
53.2% AV / 46.8% AR
0-100 km/h (sec.) 7.2 5.7 5.9 7.4
Vitesse max. (km/h) 210 252 236 224
Conso. Mixte (constr.) 9.78 (7.5)  (8.3) (6.9) (7.4)
Réservoir (l) 77 85 85 70
Emissions CO2 (g/km) 199 218 166 194
Longueur (mm) 4850 4846  4886 4804
Largeur (mm) 1983/2073 1939 1938 1926/2141
Hauteur (mm) 1780 1699 2184 1796
Empattement (mm) 2923 2895 2933 2915
Coffre  784/1761 670/1780  650/1870 690/2010
Pneumatique AV 20  255/55R18 255/55R18 235/65R17
Pneumatique AR 20  255/55R18 255/55R18 235/65R17
Prix de base (CHF) 91’600 106’800 82’000 81’300
Prix de base (EUR) 70’300 80’678 71’650 61’600

 

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