Un périple de 3400km dans l’ouest américain pour refaire connaissance avec la Ford Mustang 3.7 V6, en version 2013.
Lancée en 2005, la cinquième génération de la Ford Mustang devrait tirer sa révérence en 2014. A son lancement, sa ligne néo rétro (ou rétro futurisme dans le vocabulaire officiel) fut favorablement accueillie par les amateurs, extasiés de retrouver les lignes fondatrices des mkI des années soixante, et de voir la page se tourner sur trois décennies d’errements. La Mustang mk5 reçut un premier facelift en 2010, avec un dessin plus agressif des boucliers. Pour 2013, la Mustang a vu son style plus légèrement rafraichi avec des nouvelles optiques de phares avant et arrière.
A l’intérieur, le style général n’a pas évolué, mais la qualité des matériaux a fait un bond en avant gigantesque. La planche de bord est en plastique moussé, le rendu de l’aluminium brossé sur la face est convaincant. Si le revêtement des sièges est grossier – je reste dubitatif quant à son origine animale, leurs coutures contrastées donnent une touche plaisante et le cuir du volant est fin et doux au toucher. Le dessin rétro du combiné d’instruments est conservé, avec deux futs profonds menant au compteur et compte-tours. Le graphisme est caractéristique, mais peu lisible.
Au centre, un écran LCD donné pour 4.2 pouces (il parait plus petit) remplace les anciennes jauges à aiguilles. L’information disponible est pléthorique, mais comporte également quelques lacunes. L’ordinateur calcule par exemple le temps passé à bord et la quantité d’essence consommée, mais pas la moyenne horaire. Héritage probable de la culture tuning entourant la Mustang, un affichage de la richesse est disponible en temps réel, tout comme la température de l’air admis, de l’huile de boîte et des culasses. Ça pourrait être distrayant si les valeurs en question ne restaient pas ennuyeusement stables, au bruit de mesure près. En déplaçant le regard vers la console centrale, certains ajustements deviennent plus approximatifs, certaines finitions plus clinquantes et cheap, mais l’effort général de Ford est louable.
La position de conduite n’est pas fondamentalement mauvaise, mais c’est au conducteur de s’adapter à l’auto, pas l’inverse. La colonne de direction n’est ajustable qu’en inclinaison, pas en portée, et le dossier de sièges n’est réglable que par des crans grossiers. Résultat : pour peu qu’on n’ait pas des jambes de nabot, on est soit assis droit comme sur un banc d’église, soit beaucoup trop allongé et loin du volant. Les sièges avant sont larges, leur assise confortable sur longs trajets, mais le maintien latéral est pour ainsi dire inexistant (des sièges Sport Recaro sont disponibles en option pour 1595$). Le placet des sièges arrière est creusé pour ménager une garde au toit suffisante à un homme adulte, mais la place aux jambes est critique, à peine viable. La Mustang est une grande voiture, mais peu habitable. Le coffre est spacieux, mais son accès singulièrement étroit, comme dans la plupart des américaines. L’habitabilité n’est pas le fort de ce grand coupé de 4.79m.
Ford semble avoir porté une attention à la sonorité d’échappement et dès la mise en route, le V6 s’ébroue sur une note ronde, pleine et assez gratifiante, avant de retomber en saccade sur un ralenti un rien empressé qui rappellerait presque un V8. L’analogie s’arrête là, dès les premières montées en régimes, les harmoniques sont indubitablement celles d’un 6 cylindre en V. Comme pour la finition, l’effort est louable, mais le résultat m’a un peu laissé sur ma faim. Peu de V6 communiquent l’impression d’être avides de régimes élevés, celui-ci n’échappe pas à la règle.
La Mustang V6 est disponible à choix avec une boîte automatique ou une boîte manuelle, toutes deux à 6 rapports. Nous n’avons pas testé le stick shift, comme l’appellent les américains, mais notre verdict sur la boîte SelectShift, une ZF6HP26 fabriquée sous license par Ford, est sans appel : à éviter à tous prix. Ce n’est même pas une question de préférence subjective en faveur d’une troisième pédale et d’une grille en H, cette transmission à convertisseur de couple est désagréable dans quasiment toutes les circonstances.
Pour commencer, son étagement est absurde. S’il est compréhensible que la démultiplication finale favorise la consommation normalisée pour permettre à ford de respecter les normes de consommation CAFE appliquées aux Etats-Unis, un tel désastre devait être évitable. Les premier et deuxième rapports ont probablement été calculés pour revendiquer des temps accélérations de 0 à 60 miles par heure décents, temps qui par ailleurs sont introuvables dans la documentation client ou presse de Ford. Les verrouillages du convertisseur de couple s’opèrent à l’ancienne jusqu’au vide intersidéral qui sépare la deuxième de la troisième. Le troisième rapport est presque deux fois plus long que le deuxième. Quatrième, cinquième et sixième s’égrènent ensuite pour finalement tirer 64 km/h au 1000 t/min. En situation réelle, ceci veut dire qu’on peut cruiser sur autoroute à allure légale (112 km/h) à 1500 t/min.
Avec un couple suffisant, une telle démultiplication serait agréable, mais le 3.7 a grande peine à tirer tel fardeau dès le moindre faux plat, sans même parler de côtes plus prononcées. Un rétrogradage en cinquième puis en quatrième devient donc nécessaire pour gravir la moindre colline, ce qui nuit autant à la consommation qu’au confort. Cette boîte SelectShift hérite son nom du basculateur situé sur son flanc gauche. Point de palettes, point de grille parallèle non plus, le pouce doit actionner ces deux boutons dans un geste qui n’est ni naturel, ni rapide à exécuter en lâchant le volant. Pour l’activer, il est nécessaire de passer le levier de sélection en position S, puis d’avoir le pouce dextre pour instiguer montées ou descentes de rapport au moment choisi. Curieusement, une fois en mode SelectShift, la boîte ne rétrograde que jusqu’en troisième lorsqu’on s’arrête à un stop. Le démarrage suivant sur un rapport qui tire presque 190 km/h au régime maxi est bien évidemment laborieux.
Fort heureusement, une boîte manuelle à six rapport est disponible comme équipement de base, avec à choix le même pont ou une démultiplication encore plus longue. Le V6 Pony Package (995$) rallonge le rapport final de 3.31 à 2.73, alors que le V6 Performance Package (1995$) le converve à 3.31; tous deux y associent un différentiel à glissement limité. Le 3.7L développe 309 chevaux à 6500 t/min pour un couple culminant à 380 Nm au régime de 4250 t/min. Des valeurs qui n’ont rien de renversant pour ce V6 24 soupapes tout alu de 3731 cm3. Ces valeurs sont compétitives face au deux autres membres du triumvirat des muscle cars – la Chevrolet Camaro 1LS et la Dodge Challenger SXT, de même pour la concurrence nippone avec les 370Z (328ch, 363 Nm) et Hyundai Genesis Coupe (347ch, 400 Nm). Ford a manifestement travaillé l’acoustique de son V6, composant avec l’admission et l’échappement pour lui donner du coffre dans la moitié supérieure de la plage de régime, mais je n’ai malgré tout pas trouvé sa sonorité particulièrement plaisante dans les tours.
Avec une transmission castratrice et des sièges enveloppants comme des bancs d’église, je n’avais guère d’espoir de découvrir à la Mustang V6 un côté polisson en conduite plus sportive. Le résultat fut malheureusement conforme à mes attentes, à commencer par une direction amorphe malgré l’assistance réglable en trois modes. La différence de tarage entre les modes sport et confort est à peine perceptible et ne change rien à l’absence complète de feeling. La monte pneumatique associée à la version automatique – des Michelin Energy Saver en 215/65R17 alors que la version manuelle est livrée en BF Goodrich 225/60R17 – laissait l’espoir d’un grip limité et donc de limites facilement approchables, mais j’ai bien vite jeté l’éponge. Même ESP déclenché, l’ensemble moteur-boîte semble peu disposé à des exercices de base pour un muscle car, burn-out et donuts. Les frissons se limitent au patinage éphémère d’une roue intérieure.
La Ford Mustang conserve son essieu rigide à l’arrière, un héritage anachronique qui a les conséquences néfastes attendues sur le comportement routier, notamment des coups de hanches lorsqu’une inégalité est abordée de biais. La voiture donne également l’impression désagréable de se mettre légèrement en crabe au placement, comme si les deux roues arrière avaient décidé de suivre une trajectoire différence de la vôtre. Il ne s’agit pas d’un essieu arrière passivement directif, juste d’un manque coupable de rigueur dans le guidage des trains.
La bonne surprise de l’essai se situe dans la consommation. Après plus de 3200 km, la moyenne s’inscrit à 9.13 L/100km, une valeur remarquablement faible, même dans le contexte de nombreux trajets autoroutiers. De plus, cette distance inclut le rodage, la voiture n’indiquant que 2.4 km au compteur au début de l’essai. Etonnamment, l’ordinateur de bord a rendu une valeur plus pessimiste, avec 24.7 mpg, soit 9.5 L/100km.
Sur longue distances, la Mustang V6 est une routière assez agréable – avec les bémols précités sur la difficulté éprouvée par le moteur à tirer le sixième rapport en côte. Elle est silencieuse, suspendue souplement sans donner dans le flottement. L’équipement de notre version Premium incluait le Shaker Sound System, un abus de langage ne serait-ce qu’en termes de volume sonore, mais aux fonctionnalités complètes. L’interface utilisateur a recourt à un antédiluvien affichage VFD – ces lignes de pixels monochromes verts ubiquitaires sur les productions de Detroit – mais l’ensemble fonctionne à satisfaction et les commandes principales sont accessibles par les boutons du volant multifonction. Un écran LCD couleur est disponible avec l’Electronics Package pour 2340$ supplémentaires. Mentionnons que le système de radio satellite XM sera inutilisable en Europe. J’ai remarqué que la climatisation est un peu juste dans des climats chauds et le fait de ne pas pouvoir sélectionner la zone « pare-brise » indépendamment de la zone « pieds » est irritant.
Le domaine où la Mustang règne en maître demeure la présence visuelle. Qu’on aime ou pas la catégorie, il est indéniable que le dessin est une réussite, à fortiori dans cette version 2013 dont certains détails sont très réussis, notamment les optiques. A un tarif de base imbattable (22’200 US$ plus les frais et taxes d’importation), on s’achète 4.80m d’une icône automobile. En Suisse, on trouve ainsi les premières Mustang V6 3.7 neuves du stock pour 37’800 CHF.
Cependant, l’addition s’alourdit considérablement si l’on souhaite que le ramage soit (un peu plus) à la hauteur du plumage, mais quelle que soit la configuration, on a beaucoup d’auto pour son argent. Si l’on recherche le plaisir d’avoir une auto différente destinée à une conduite placide, le choix est concevable. Si, par contre, l’on recherche plus que le look, mais également des sensations de conduite en rapport, une GT et son moteur V8 sera le choix de l’authenticité, alors que les Shelby GT500 transposent la discussion dans un référentiel complètement différent, tant en performances qu’en coût.
A tort ou à raison, Ford Europe n’importe pas officiellement les Mustang en Europe, à la différence de Chevrolet qui commercialise en Suisse et dans l’UE la Camaro SS. Les importations parallèles se portent toutefois fort bien puisque pas moins de 547 Mustang ont été immatriculées à neuf sur le marché Suisse en 2012. Le succès est indéniable pour une auto au charme authentique, mais aux prestations discutables.
Prix et options principales
Ford Mustang V6 | US$ 22’200 |
Pack Premium | US$ 4’100 |
Pack Electronique | US$ 2’340 |
Toit en verre | US$ 1’995 |
Sièges sport Recaro | US$ 1’595 |
Boîte automatique | US$ 1’195 |
V6 Pony Package | US$ 995 |
Pack confort | US$ 650 |
Caméra de recul | US$ 385 |
Face à la concurrence
Ford Mustang V6 | Chevrolet Camaro 1LS | Dodge Challenger SXT | |
Moteur | V6 – 3731 cm3 | V6 – 3564 cm3 | V6 – 3604 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 309 / 6500 | 323 / 6800 | 305 / 6350 |
Couple (Nm / tr/min) | 380 / 4250 | 377 / 4800 | 363 / 4800 |
Transmission | AR | AR | AR |
Boite à vitesses | 6 man. / 6 aut.* | 6 man. / 6 aut. ** | 5 aut. |
RPP (kg/ch) | (5.24) | (5.31) | (5.69) |
Poids DIN (constr.) | (1598) | (1715) | (1735) |
0-100 km/h (sec.) | N.C. | N.C. | N.C. |
Vitesse max. (km/h) | N.C. | N.C. | N.C. |
Conso. Mixte (constr.) | 9.15 (10.23) | () | () |
Réservoir (l) | 60 | 71.9 | 72.2 |
Emissions CO2 (g/km) | N.C. | N.C. | N.C. |
Longueur (mm) | 4788 | 4836 | 5023 |
Largeur (mm) | 1877 | 1917 | 1923 |
Hauteur (mm) | 1417 | 1377 | 1449 |
Empattement (mm) | 2720 | 2852 | 2946 |
Coffre (L) | 380 | 320 | 459 |
Pneumatiques AV | 215/65 R17 | 245/55 R18 | 235/55 R18 |
Pneumatiques AR | 215/65 R17 | 245/55 R18 | 235/55 R18 |
Prix de base (USD) | 22’200 | 23’345 | 25’995 |
* option ** option facturée
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