Beluga. La dénomination de la teinte de la sellerie est à elle seule évocatrice du monde dans lequel nous transporte Bentley.
La marque de Crewe décline les versions de son produit phare, la Continental GT, la version Speed amenant une touche de sportivité faisant écho à son histoire. Sa devancière nous avait charmé, c’est donc avec impatience que nous attendions l’essai de cette nouvelle mouture.
Le style de la nouvelle Continental GT (à gauche) a évolué dans la continuité, les optiques de phares extérieures diminuant en diamètre et étirant le profil avant alors que la crête de l’aile avant fait désormais un virage à plat vers une calandre plus haute au lieu de plonger vers la partie inférieure du bouclier. La nervure au centre du capot s’affirme un peu plus, la découpe des écopes est plus affirmée, plus agressive. A l’arrière, les optiques reprennent le contour elliptique des sorties d’échappement comme sur le modèle précédent, et le profil de la malle est plus saillant. Les dimensions n’évoluent guère en longueur, le coupé de 4.80m prenant par contre deux gros centimètres en largeur et en hauteur. Pas d’évolution significative non plus sur le plan pondéral, nous avons mesuré notre Speed à 2379 kg avec le plein d’essence, avec une répartition de 57.3% sur l’avant et 42.7% sur l’arrière, soit à peine 13 kg de moins que le modèle précédent.
L’intérieur mise également sur la continuité, la plus grande évolution se concentrant sur l’écran multimédia, désormais tactile et mesurant 8 pouces en diagonale. Bien qu’en très net progrès par rapport au système précédent, tant l’interface graphique que les fonctions à disposition ne sont pas encore state-of-the-art, mais tout fonctionne à satisfaction et l’essentiel est présent. Le reste de l’intérieur est conforme à la réputation de Bentley, un cocon de cuir soyeux, de moquettes profondes et de touches de chrome discrètes. Les assemblages sont parfaits, la qualité de réalisation remarquable, un régal pour le regard, le toucher et l’odorat. La finition carbone/piano black ne serait pas mon choix de prédilection, mais elle est cohérente avec l’esprit sportif de la version Speed et de toute manière configurable aux souhaits de l’acquéreur. Souverainement confortable, luxueux sans tapage. Le chic intrinsèque, pas affiché. Malgré les dimensions généreuses du coupé, l’espace réservé aux places arrière est compté pour un adulte de ma taille (182cm), tant au niveau des jambes que de la garde au toit. Bien plus habitable que toutes les GT 2+2 du marché, mais n’imaginez pas emmener un couple d’amis pour un week-end à Monte Carlo à moins de loger mesdames à l’arrière, des dames qui auront une carrure plus menue qu’une beach-volleyeuse norvégienne. Le coffre à bagages de 358 litres manque de hauteur, mais offre une profondeur appréciable.
En comparaison avec la Continental GT W12 6.0, la version Speed gagne 50 ch à 625 chevaux, alors que le couple fait un bond de 100 Nm pour atteindre la valeur conséquente de 800 Nm dès 2000 t/min. La version précédente de la Continental GT Speed affichait 610 chevaux et 750 Nm. Pour rappel, le W12 est construit autour de deux bancs de six cylindres à 72 degrés, chaque banc étant lui-même un V6 à angle serré avec 15 degrés entre les axes de déplacement des pistons.
Si le W12 biturbo est familier, la boîte ZF à 8 rapports est une des améliorations notables de la nouvelle Continental GT. L’étagement des rapports inférieurs privilégie les performances alors que les 3 rapports supérieurs se focalisent sur le confort sur longue distance, la huitième permettant de croiser à 150 km/h à 2000 t/min dans un silence monastique, à peine perturbé par quelques bruissements d’air au niveau du pare-brise. En utilisation paisible, la boîte est douce et prévenante, égrainant les rapports pour maintenir un régime de fonctionnement bas, mais prompte à rétrograder dès la moindre sollicitation. Les évolutions dans le trafic se font en toute sérénité, dans l’esprit « effortless » qu’on attend de ce segment. Les palettes solidaires de la colonne de direction, courtes et haut-perchées comme c’est de tradition chez Bentley, permettent à tout moment d’intervenir, le mode automatique reprenant ses prérogatives après quelques secondes.
Un cran plus bas sur la grille de sélection se trouve le mode S. En le sélectionnant la boîte tombe immédiatement deux rapports et maintient des régimes beaucoup plus élevés, presque caricaturaux et peu en phase avec le caractère moteur et la philosophie de l’auto. Le mode S par ailleurs proscrit le passage en huitième sur autoroute. Il agit également sur la gestion de l’échappement. Une note envoutante, un grondement sourd, mat, un murmure très bien calibré pour être présent sans devenir tapageur ou vulgaire. Avec le mode S, la sonorité se fait un peu plus marbrée, la nuance se situant surtout dans les borborygmes s’échappant des silencieux au lever de pied. L’accord est très bien jugé, je ne saurais concevoir un coupé GT Bentley avec moins, ni avec plus d’ailleurs.
J’ai par conséquent prêté peu d’attention à la sono Naim (une option à 9045 CHF), l’écoute d’une interprétation de « Ainsi parlait Zarathoustra » de Strauss trouvée sur le disque dur embarqué mettant plus en relief le souffle de l’enregistrement que la qualité probablement irréprochable de l’installation. L’alternative pour savourer la sonorité du W12 est de basculer le levier au sublime pommeau moleté vers la droite de la position D. Le mode manuel applique la même gestion des valves d’échappement, mais laisse au conducteur la responsabilité de décider des changements de rapports.
La boîte exécute alors les passages de rapport avec une célérité plus probante que les 600 à 800 millisecondes bizarrement revendiqués par la fiche technique, mais pas sans brutalité non plus. Les verrouillages du convertisseur de couple sont secs, provoquant des à-coups perceptibles. Difficile à dire si c’est une conséquence indirecte ou induite pour donner un caractère plus mécanique à la montée des rapports à pleine charge, mais j’ai trouvé le résultat un peu gauche et peu attractif. L’égalisation des régimes au rétrogradage est réussie et je n’ai à aucun moment pendant cet essai été dérangé par un passage intempestif de rapport ou un refus de commande. Peu de boîtes sont capables d’encaisser un tel couple, mais force est de constater que le résultat en utilisation sportive n’est pas à la hauteur des références contemporaines en termes de boîte à double embrayage.
Le W12 biturbo est conforme aux attentes : herculéen. En charge, il propulse l’équipage de 2 tonnes et demi, pilote compris, avec force, la poussée étant physiquement perceptible et les vitesses atteintes considérables. Disposer d’un tel couple sur une large plage de régime procure au coupé des performances souveraines, le murmure caverneux se transformant dans un concert aux harmoniques distinctes du timbre habituel d’un V12, mais attrayantes. Dès que les turbos soufflent (leur action est inaudible), les performances sont de premier ordre. Les reprises sous 2000 t/min lorsque la boîte est bloquée sur les rapports supérieurs – sixième et au-dessus – laissent toutefois apparaître une paresse surprenante pour un moteur par ailleurs aussi musclé. Autre tribut de la suralimentation, la réponse au lever de gaz trahit un temps de retard considérable. En conduite sportive, le délai à la coupure de couple est plus que perceptible, il en devient dérangeant, le pied droit précédant le moteur dans la transition d’accélération à freinage de quelques dixièmes. Ceci donne l’impression que la voiture embarque légèrement et incite à infléchir le rythme pour garder le moteur en phase avec la prise de virage. Le W12 est également gourmand en super sans plomb, nous avons relevé 19.04 L/100km pour 17.7 affichés par l’ordinateur de bord.
Le châssis incite d’ailleurs à la même décomposition, l’enchaînement entre lever de pied, freinage, prise d’appui, placement de la voiture et ré-accélération devant passer par des séquences bien distinctes. Même constat lors des changements d’appuis, la Continental GT demande à être emmenée avec précision et soin. Brusquée, elle paraîtra pataude et lourde. Un cran au-dessous, elle devient fluide et agréable, permettant de goûter aux plaisirs d’une conduite sportive qui allie plaisir et performance. Les lois de la physique s’appliquant à une telle masse emmenée à des vitesses conséquentes ne sont pas déjouées, mais au sein de cette enveloppe, la performance d’ensemble est très bonne.
La répartition de couple nominale 40:60 (variable de 15:85 à 65:35) garantit une motricité irréprochable et la tranquillité d’esprit d’une transmission intégrale. Elle participe également au plaisir de conduite, le transfert conjoint de masse et de couple sur le train arrière en sortie de courbe procurant un équilibre flirtant avec le survirage. Ayant pleinement à l’esprit la valeur de l’auto, je n’ai pas essayé de désamorcer le contrôle de stabilité. Son intervention sur la gestion électronique est perceptible au son de l’échappement, mais il n’y a heureusement pas d’interruption brutale du couple moteur, juste une limitation pour éviter un écart de trajectoire soudain.
L’amortissement est réglable en 4 positions, le plus souple étant – semble-t-il – choisi par défaut à la mise sous contact. Le contraste entre la position la plus souple et la plus ferme est perceptible, mais pas radical, encore moins caricatural. En mode souple, la Continental GT Speed filtre très bien les inégalités malgré sa monte pneumatique de 21 pouces en série 35, mais sans flottement. A l’autre extrême, les mouvements de caisse s’atténuent, mais l’amortissement n’en devient jamais sec. Plus Bentley que Speed.
Le freinage est ici confié au système carbone céramique (facturé 17’185 CHF). En conduite normale, l’attaque est tranchante, un mélange de mordant et d’assistance généreuse. La plongée est perceptible mais reste contenue. Lorsque j’aborde mes premiers freinages très appuyés à haute vitesse, la consistance de la pédale devient plus glacée, donnant l’apparence de perdre de sa puissance. En répétant la manœuvre, il s’avère que c’est l’ABS qui intervient, tentant d’extraire le couple maximum des Dunlop Wintersport 3D à l’agonie devant les forces en présence. La sensation est un peu désagréable, donnant l’impression d’une butée soudaine dans la course de la pédale, mais probablement entièrement due à l’adhérence des gommes.
Le périmètre du comportement dynamique est donc conforme aux attentes, compromis par un poids important et un ensemble moteur-boîte avant tout conçu pour le confort plutôt que le sport. Cependant, en conduisant la Continental GT Speed en cohérence avec sa définition, la voiture est extrêmement désirable, alliant l’élégance intemporelle de ses lignes et finitions à des performances impressionnantes, des aptitudes à rouler très vite et à procurer un plaisir réel dans l’entreprise pour autant qu’on accepte quelques règles de base inhérentes à la définition de la voiture.
Il est alors difficile de ne pas succomber à ses charmes, à l’expérience Bentley dans sa subtilité et ses délices, démontrant une fois de plus qu’une automobile est parfois bien plus que la somme de ses qualités ou de ses défauts, un assemblage complexe qui, à en juger par les excellents volumes de vente pour la catégorie, ravit une clientèle exigeante et pleinement en droit de l’être. Je regrette un peu de ne pas avoir trouvé dans la nouvelle Continental GT Speed une évolution plus marquée vis-à-vis de sa devancière, mais je célèbre le fait qu’elle s’est bonifiée en tous points.
Configuration du véhicule
Prix de base (CHF) | 289’620 |
Freins carbone céramique | 17’185 |
Naim for Bentley premium audio system | 9’045 |
Panneaux en fibre de carbone | 2’030 |
Jantes Speed 21″, teinte sombre | 2’030 |
Caméra de recul | 1’465 |
Tuner TV | 1’465 |
Finition Piano Black | 1’230 |
Téléhone Bluetooth | 565 |
Prix catalogue du véhicule testé (CH) | 332’420 |
Face à la concurrence
Bentley Continental GT Speed | Aston Martin Rapide S | Ferrari FF | Mercedes CL65 AMG | |
Moteur | W12 biturbo 5998 cm3 | V12 5935 cm3 | V12 6262 cm3 | V12 5980 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 625 / 6000 | 558 / 6750 | 660 / 8000 | 630 / 4600-5000 |
Couple (Nm / tr/min) | 800 / 2000 | 620 / 5500 | 683 / 6000 | 1000 / 2300-4300 |
Transmission | 4 RM 40:60 | AR | 4 RM | AR |
Boite à vitesses | automatique, 8 rapports | Touchtronic 2, 6 rap. | F1 DCT, 7 rapports | AMG Speedshift 5 rapports |
RPP (kg/ch) | 3.80 | (3.57) | (2.85) | (3.56) |
Poids DIN (constr.) | 2379 (2320) 57.3% AV 42.7% AR |
(1990) | (1880) | (2245) |
0-100 km/h (sec.) | 4.2s | 4.9s | 3.7s | 4.4s |
Vitesse max. (km/h) | 330 | 306 | 335 | 250 |
Conso. Mixte (constr.) | 19.04 (14.5) | (14.2) | (15.4) | (14.3) |
Réservoir (l) | 90 | 90.5 | 91 | 90 |
Emissions CO2 (g/km) | 338 | 332 | 360 | 334 |
Longueur (mm) | 4806 | 5020 | 4907 | 5095 |
Largeur (mm) | 1944/2227 | 2140 | 1953 | 1871/2130 |
Hauteur (mm) | 1404 | 1350 | 1379 | 1419 |
Empattement (mm) | 2746 | 2989 | 2990 | 2955 |
Coffre (L) | 358 | N.C. | 450/800 | 490 |
Pneumatiques AV | 275/35 ZR 21 | 245/35 ZR 20 | 245/35 ZR 20 | 255/35ZR20 |
Pneumatiques AR | 275/35 ZR 21 | 295/30 ZR 20 | 295/35 ZR 20 | 275/35ZR20 |
Prix de base (CHF) | 289’620 | 220’100 | 307’000 | 310’800 |
Prix de base (EUR) | 214’074 | 192’793 | 264’579 | 240’400 |
Nos remerciements à Bentley Motors Ltd et au soutien logistique de Bentley Genève pour le prêt de la Continental GT Speed.
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