Essai Porsche 911 Carrera S Coupé Type 991

Deuxième essai de la nouvelle 911 Carrera S, sous le soleil catalan. 

Après une première journée d’essai prometteuse au mois de Décembre au volant d’un exemplaire frais et pas encore rôdé, le plaisir de retrouver la nouvelle 911 Carrera S sous les cieux cléments de l’Espagne pour un deuxième essai.

Est-ce que la 991 confirme les excellentes dispositions entrevues il y a un mois ou est-ce qu’une grosse louche de kilomètres à son volant tempère le propos ? La réponse en prose, photos et vidéo avec, en prime, un résumé d’interview du père de la 991, Michael Schaetzle.

Dans l’avion de Swiss qui nous convie des frimas d’un hiver helvétique erratique vers le soleil espagnol, je fais le point sur la Porsche 991. J’ai déjà eu le privilège de passer 24 heures en compagnie de la nouvelle Carrera S, avec une conclusion positive. L’allongement de l’empattement et l’élargissement de la voie avant ont transfiguré le comportement routier, et la nouvelle boîte PDK est une grande réussite. Demeurent quelques bémols et inconnues. La direction m’a paru peu communicative et fade, le moteur (sur un exemplaire pas rôdé) plus à son aise dans la moitié supérieure de la plage de régimes, et la contribution du PDCC (Porsche Dynamic Chassis Control, un dispositif actif de lutte contre le roulis) impossible à isoler. Et l’agrément de la boîte manuelle à sept rapports demeure une inconnue, faisant de la boîte PDK un choix par défaut. Sur les routes entourant Valence, c’est plus une solide confirmation qu’une surprise que j’attends de la 991.

Sur le port de Valence, les bases de l’America’s Cup semblent abandonnées, le tracé du circuit de F1 est clairement reconnaissable, des bandes de couleurs peintes sur le bitume au pont tournant enjambant le chenal. Une rangée de 991 nous attend, garées en épi, dans la multitude de couleurs disponibles au nuancier.   Toutes sont des Carrera S en transmission PDK avec pack sport chrono et échappement sport, la priorité de Porsche qui a concentré sa capacité de production de Juillet à Octobre 2011 à la construction des exemplaires de presse et lancement en concession sur cette configuration. La plupart sont équipées du PDCC, difficilement reconnaissables à moins de plonger un appareil de photo indiscret derrière une roue avant pour déceler la présence de l’actuateur hydraulique sur la voiture. Les voitures sont toutes truffées d’options : intérieur cuir complet, sièges adaptatifs plus ventilés, navigation par satellite, stéréo Burmeister pour en citer quelques-unes.

OPA sur le seul exemplaire en brun anthracite métallisé, une nouvelle couleur introduite pour la 991, et départ vers la première étape, une piste d’essai du launch control. Voiture en mode sport plus, levier PDK en position D, pied gauche sur la pédale de frein. Pied droite écrasé, le moteur tape dans le rupteur, lâché du pied gauche et la Carrera S part comme une catapulte avec une impeccable motricité. Un exercice que peu de propriétaires répèteront, mais il est toujours rassurant de voir une voiture répéter l’exercice inlassablement sans le moindre signe de faiblesse. Deuxième station, un parcours d’autocross côné partiellement glissant, parcouru  en première et en deuxième. Démarrage avec une adhérence différentiée entre les deux roues arrière, le différentiel à glissement limité piloté électroniquement déjoue le piège avec facilité. Le reste du parcours est tracé pour pouvoir jouer avec l’auto à basse vitesse. En mode Sport Plus, le contrôle de stabilité laisse passablement de latitude pour jouer avec l’équilibre, mais intervient ensuite assez brutalement si l’angle de lacet dépasse un tiers de tours de volant en contre-braquage. La 991 est très à l’aise dans un exercice qui conviendrait mieux à un Cayman R. La comparaison entre deux voitures différentes montre qu’un train de pneus dégradé augmente notablement le sous-virage et demande plus de précision dans la gestion des transferts de charge.

Le temps de quelques photos devant les stands utilisés pour le Grand Prix, la lumière rasante sied à ravir à la teinte de l’auto. Je quitte Valence par le sud au soleil couchant en compagnie d’un propriétaire d’Aston Martin DB9, probablement intrigué par les lignes de cette nouvelle 911.  A l’étape du soir, discussion jusque tard dans la soirée avec Michael Schaetzle, chef de projet 991. Sympathique et affable, retraçant réflexions et anecdotes allant de son premier projet chez Porsche,  la 997, à son dernier bébé et la perspective des challenges à venir (voir encadré en fin d’article).

Le lendemain, l’orangeraie où nous sommes logés se réveille sous un ciel d’un bleu limpide, notre grappe multicolore de 991 nous attend dans l’air vif du matin. Je suis le premier à me mettre en route en direction des petites routes de l’arrière-pays. Alors que son lubrifiant se réchauffe, la boîte PDK enchaîne les rapports moins vite qu’à son habitude, je suspecte une précaution logicielle pour préserver la pignonerie. Le GPS nous guide vers un massif montagneux et un festin de routes sinueuses, étroites et désertes, baignées du soleil levant. Un terrain piégeur qui demande précaution, précision et confiance. Et de la confiance, la 991 en donne. La neutralité du comportement est époustouflante, plaçant la voiture au niveau d’un coupé à moteur central avant et répartition de masses 50/50, mais avec un avantage de motricité crucial en sortie de virage : on peut ouvrir tôt et gros, le poids écrasant les PZero fait le reste. Fini le rodéo de changements d’assiette et le sous-virage chronique en sortie de courbe pour peu qu’on n’ait pu rentrer en virage fort sur les freins. L’avant trace, l’arrière tracte, basta. Arrivé au fond d’une vallée à Dos Aguas, demi-tour et on remet ça pour une autre montée-descente gastromobile, deuxième service de cette CV-426 aux enchainements inlassables et paysages magnifiques ! Les freins sont aux standards de la maison, infatigables, mais S-GO-4065 aurait mérité une vidange de son liquide de frein. Parvenu au fond de la vallée pour la deuxième fois, la course à la pédale s’est légèrement rallongée, mais pas trace de fadding.

Opportunité manquée de tester les bénéfices du PDCC, ma voiture était équipée des verrins connectant la barre anti-roulis à la coque, mais dans le doute, se passer de l’option me semble un pari risqué. Opportunité saisie, par contre, de jauger le flat six à injection directe dans sa nouvelle évolution développant un couple de 440 Nm et 400 chevaux avec un exemplaire bien rôdé (7000km au compteur). Mes légères réserves se sont évaporées comme rosée au soleil. Ce 3.8 m’est apparu plein, reprenant avec force dès 3000 t/min sur les rapports supérieurs (oubliez la septième toutefois) et dardant avec avidité jusqu’à la zone rouge à 7600 t/min. La réponse au pied droit est cristalline, immédiate, comme un rouage d’horlogerie parcourant la crémaillère de la courbe de couple. Il me rappelle le 3.6L de ma GT3, tant dans sa propension à prendre des tours que dans certaines harmoniques de sa note d’échappement, mais avec le raffinement qui sied à une Carrera.

Que ce soit dans la circulation dense de Valence, à un rythme de balade ou en mode full attack, la boîte PDK remplit brillamment sa tâche et confirme mes excellentes premières impressions. Onctueuse mais rapide, sérieuse et ludique à la fois, il est bien difficile de nuancer le propos. Tout y est, la précision dans l’asservissement de l’embrayage, l’égalisation de régime mesurée au rétrogradage, la sensation tactile des palettes du volant sport design optionnel. Cerise sur le gâteau et signe de l’attention maladive portée au moindre détail, elle permet même d’altérer la logique de passage de rapport selon la position de l’accélérateur. En mode Sport Plus avec le levier en position manuelle, elle passe le rapport supérieur à la zone rouge si le pied droit est au plancher, mais bute contre le rupteur si le pied droit s’arrête contre le commutateur de kickdown, aisément perceptible.

Et la direction ? En l’absence d’une 997 étalon, les réserves soulevées lors de mon précédent essai se sont évanouies. Les remontées d’information sont suffisantes pour le ressenti de l’adhérence sous les roues avant, le tarage et la démultiplication adéquats. Pas de quoi susciter une critique dans l’absolu, même si les vitesses de passage relativement faibles sur les appuis des portions sinueuses ont rendu ce parcours d’essai un peu moins exigeant que nos bases d’essai habituelles.

Surprise au retour sur le port de Valence. Sur plus de 200km, notre conso moyenne affichée par l’ordinateur de bord est 19.1 L/100km (avec des portions d’autoroute à vitesse raisonnable) pour une moyenne de 46 km/h. Sur les 150 derniers kilomètres, elle atteint 20.9 L/100km pour 51 km/h. Des chiffres difficiles à rationaliser, malgré quelques copieuses arsouilles matinales dans la pampa. C’est beaucoup, je m’attendais à 25% de moins sur ce type de parcours. Lors de notre premier contact en Décembre, nous avions mesuré 14.3L pour 14L/100km affichés, et là encore le chiffre paraissait élevé, avec le bémol d’une voiture pas encore rôdée. Est-ce que la 991 compense sa frugalité en conditions d’éco-driving par une boulimie de sans plomb lorsqu’on la bouscule ?

 

Je n’ai toujours pas pu essayer cette fameuse boîte manuelle à 7 rapports, ni disséquer les bienfaits du PDCC, mais je suis rentré d’Espagne avec la conviction que Porsche a joué un match parfait avec la 991. Une grande réussite, une voiture aussi compétente qu’attachante, bourrée de qualités et sans défaut significatif. Il ne reste plus qu’à souhaiter que le reste de la gamme réussisse le grand Chelem !

Prix des principales options (CHF)

Porsche Carrera S 137’600.-
Inclu dans le Pack Suisse : 4 ans de garantie, Assistance Parking (arrière), Régulateur de vitesse (Tempostat), Rétroviseurs intérieur et extérieurs anti-éblouissement avec capteur de pluie intégré, Porsche Communication Management (PCM) incl. module de navigation, Système de contrôle de la pression des pneus (TPM), Sièges chauffants, Porsche Dynamic Light System (PDLS) 0.-
Peinture métallique 1’640.-
Boîte de vitesse Porsche Dopplekupplung (PDK) 4’890.-
Echappement sport (PSE) 3’630.-
Porsche Dynamic Chassis Control (PDCC) 4’470.-
Enjoliveurs de roue 230.-
Home link 400.-
Pack Luminosité 620.-
Assistance parking avant 500.-
Pack Sport Chrono Plus 2’820.-
Toit coulissant / relevable éléctrique 2’360.-
Servotronic Plus 370.-
Module téléphone 1’150.-
Pré-équipement Vehicle Tracking System 420.-
BOSE Surround Sound-System 1’970.-
Rétroviseurs extérieurs rabattables éléctriquement 420.-
Tapis de sol 250.-
Volant SportDesign 590.-
Sièges sport adaptatif Plus 4’560.-
Intérieur tout cuir 4’510.-

Quelques bribes recueillies en entretien avec Michael Schaetzle, responsable du projet 991.

PDK ou Manuelle ? Michael avoue un penchant personnel pour la boîte manuelle à 7 rapports, mais est prompt à mentionner que le différentiel piloté électroniquement fonctionne de manière plus optimisée avec la boîte PDK. La différence est particulièrement sensible en conditions glissantes ou sur neige où une 991 Carrera S PDK serait impossible à suivre avec son alter ego en boîte manuelle. Un commentaire qui rappelle l’apparition du différentiel piloté F1-Trac sur la Ferrari 430 et les prémices d’incompatibilités logicielles avec une boîte manuelle traditionnelle. Le développement de la grille de sélection n’a pas été aisé du fait de la largeur réduite de la console centrale.

7’40’’ sur la Nordschleife ? Oui. La 991 égale les temps de référence de Porsche des 997.2 GT3 et Turbo au Nürburgring, et le fait avec plus de facilité (entendez moins de sueurs froides) que ses devancières. Le cocktail gagnant est 997 Carrera S, boîte PDK (-1s sur la boîte manuelle), option châssis rabaissé de 20mm (1-2s, pour l’aéro principalement), pack sport chrono pour les supports moteur dynamiques hérités de la GT3, PDCC. Freins céramiques PCCB ? Aucune différence sur les temps.

Pourquoi un tel progrès sur le châssis ? La 997 a été développée avec un cahier des charges restrictif : respecter les nouvelles normes de crash test en faisant évoluer la plateforme de la 996 amenait d’énormes contraintes et empêchait d’autres développements. La 991 a démarré d’une feuille blanche, permettant ainsi de remettre beaucoup plus d’aspects cruciaux en question.

Les étalons et la concurrence ? L’étalon a été la 997, c’était la voiture à battre. Il n’y a pas réellement de concurrence directe à la 911, mais des produits qui recoupent son enveloppe. Sont citées : BMW M3, Audi R8 4.2 et Mercedes SL.

Des challenges particuliers ? Le passage à l’aluminium pour de larges parties de la coque de la 991. Un matériau nouveau chez Porsche, qui n’avait pas autant d’expérience qu’Audi dans ce domaine par exemple. L’établissement d’une bonne corrélation entre les modèles de simulation et la réalité des tests sur prototype a pris du temps.

L’acoustique ? Porsche est très satisfait du Symposeur Sonore, ce conduit reliant les harmoniques du collecteur d’admission vers l’habitable. Tellement satisfait qu’il fait partie de l’équipement standard. Le développement du PSE (Porsche Sports Exhaust) requiert un calibrage fin de la cartographie en décélération. La recette inclut une très légère injection de mélange et un allumage synchronisé pour que l’explosion survienne hors de la chambre de combustion, 10 à 15cm dans le collecteur d’échappement. Le résultat est alors optimal. Plus tôt et les glorieux borborygmes sont étouffés. Plus tard et les catalyseurs brûlent.

La direction assistée électrique ? Schätzle ne comprend pas les critiques concernant l’assistance électrique, selon lui elle fournit toutes les informations nécessaires au pilotage. Porsche a choisi cette voie pour d’autres raisons que le gain de consommation de 0.1 L/100km revendiqué. L’ablation des lignes hydrauliques courant de l’arrière à l’avant de la voiture pour ce composant est une simplification significative de la conception.

L’élargissement de la voie avant ? Les raisons sont multiples. Le comportement routier tout d’abord. La 997.2 GT3 RS a permis d’en valider les avantages par le biais d’élargisseurs d’ailes avant. L’utilisation de l’aluminium a également requis un élargissement de certaines zones d’absorption autour des roues avant. Préserver le volume du coffre imposait une voie plus large. Les stylistes étaient pour également, intéressés à l’impact visuel de flancs plus cintrés. Les ingénieurs de Porsche Motorsport n’étaient pas contre non plus, bien au contraire.

Le poids mesuré à 1519 kg ? Comment expliquer la différence avec les 1415kg DIN revendiqués par Porsche pour la Carrera S PDK ? Pour Michael Schaetzle, la différence est à chercher dans l’équipement. Les voitures de presse et de concession sont très lourdement optionnées.

Une 911 hybride ? Catégoriquement pas au programme. Trop lourd, et sans intérêt pour la clientèle. La consommation normalisée a baissé à un tel point (8.7 L/100km norme CE) qu’elle n’est plus un argument en faveur d’un tel développement dans ce segment.

Les déclinaisons futures ? No comment ! Mais une étude du déploiement de la gamme 997 serait un bon exemple à suivre. Nous en déduisons ainsi : primo Carrera 4, deuxio Turbo, tertio GT3 et Targa à faible intervalle, enfin GT2, puis, déjà la suivante pointera le bout de son nez.

Fier du résultat ? Naturellement ! En fait, la 991 s’est vite révélée dans son développement comme étant meilleure que la somme de ses composants, surprenant positivement ses concepteurs. Le plus gros problème de Michael Schaetzle maintenant est sa nouvelle mission : entreprendre le développement de la remplaçante de la 991. Les idées n’abondent pas, car Porsche a utilisé tous les ingrédients et technologies pertinents et disponibles dans la 991. Un casse-tête que Schaetzle et son équipe vont devoir résoudre.

Face à la concurrence

Porsche 991 Carrera S PDK Porsche 997 Carrera S PDK Aston Martin Vantage V8
Moteur Flat 6 – 3800 cm3 Flat 6 – 3800 cm3 V8 – 4735 cm3
Puissance (ch / régime) 400 / 7400 385 / 6500 426 / 7300
Couple (Nm / régime) 440 / 5600 420 / 4400 470 / 5000
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion
Boite à vitesse 7 vitesses double-embrayage 7 vitesses double-embrayage 6 vitesses manuelle
RPP (kg/ch) 3.80 3.82 3.82
Poids à vide (constr.) 1519 (1415) 1473* (1425) (1630)
0-100 km/h (sec.) 4.3s** 4.5s 4.9
0-200 km/h (sec.) 13.9s*** 14.8s N.C.
Vitesse max. (km/h) 302 300 290
Conso. Mixte (constr.) (8.7) (10.2) (13.8)
Capacité du réservoir (l) 64 64 80
Emissions de CO2 (g/km) 205 240 321
Longueur (mm) 4491 4435 4382
Largeur (mm) 1808/1978 1808 1866/2022
Hauteur (mm) 1295 1300 1260
Empattement (mm) 2450 2350 2601
Voie avant (mm) 1538 1486 1570
Voie arrière (mm) 1516 1516 1560
Coffre 135 135 300
Pneumatique AV 245 / 35 / 20 235 / 35 / 19 235 / 40 / 19
Pneumatique AR 295 / 30 / 20 295 / 30 / 19 275 / 35 / 19
Prix de base (CHF) 137’600 138’660
Prix de base (EUR) 103’970 116’970

* 997.2 Carrera S avec boîte 6 vitesses manuelle et sièges sport non adaptatifs

**4.1s avec Sport Plus et boîte PDK
***13.6s avec Sport Plus et boîte PDK

Nos chaleureux remerciements à Porsche Suisse.

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