Essai Porsche 911 Carrera S Type 991: what else ?

Nous avons pu tester immédiatement après sa présentation en Suisse LA nouveauté GT de cette année : la version 991 de la Porsche 911 Carrera S. 

Lorsque Porsche entreprit de définir les bases de la plateforme 991, trois fées se retrouvèrent autour du berceau : les stylistes, gardiens du temple, les ingénieurs châssis et le département course. La fée du châssis et la fée compétition firent un plaidoyer insistant en faveur d’une augmentation considérable de l’empattement. Dans le marchandage qui suivit, la fée du style acquiesça à 100 millimètres,  confiante qu’elle pourrait s’acquitter de sa mission : conjuguer continuité et modernité sur un canevas bientôt cinquantenaire.

La scène se passe dans une grande ville, quelque part dans le monde. Le regard d’un piéton accroche une silhouette familière, une paire d’optiques rondes. La connexion synaptique est immédiate, c’est une Porsche, c’est une 911, sans nul doute. Le regard suit le coupé alors qu’il croise le piéton. La ligne horizontale des ailes avant aux ailes arrières, la découpe des vitres, des traits dessinés au début des années soixante. Le regard a glissé des hanches vers la poupe : « c’est une nouvelle 911, LA nouvelle 911 ! ». Cet épisode imaginaire – aisément transposable sur une autoroute – mais si plausible résume la mission donnée aux stylistes. Une reconnaissance absolument univoque du modèle, et en même temps une différentiation claire par rapport au modèle précédent. La quadrature du cercle.

Observée isolément, la voiture colle à sa narrative à l’extrême. En abordant la voiture de face sans autre point de comparaison, il est facile de méprendre la 991 pour une 997, alors que l’arrière est considérablement rajeuni autour d’optiques très plates et étirées. C’est en mettant les voitures côte-à-côte que les différences se font flagrantes. L’empattement de la 997 parait comiquement court, sa ligne de toit très bombée, son museau long et pointu. La 991 parait plus longue, plus large et plus haute, sans réellement l’être. Alors que les roues avant et arrière s’écartent de 10 centimètres pour atteindre un empattement de 2450 millimètres, la longueur totale ne progresse que de 56mm. Le reste est absorbé par des porte-à-faux réduits. Le nez de la nouvelle 911 est ainsi plus court, moins pointu, avec un capot plus bombé. La ligne de caisse est considérablement plus haute alors que la ligne de toit descend de 5 millimètres, le vitrage latéral plus réduit. Conduire le coude à la portière demande désormais des contorsions de l’épaule et du poignet, un bon remède à une mauvaise habitude.

Vue de face et en isolation de sa devancière, les indices sont minces. Les lignes en V de la 997 série 2, allant des phares jusqu’à la découpe des ouïes de radiateur, sont remplacées par des trapèzes inversés dont le propos est d’élargir la voiture visuellement. En dehors de ces détails, c’est le montage des rétroviseurs qui est le plus facilement reconnaissable : ils ont migré sur le corps des portes. Si l’allongement de l’empattement bénéficie aux grands conducteurs (+20mm de réglage d’assise, +10mm sur la colonne de direction), la place aux passagers arrière demeure extrêmement limitée. Il est impossible d’asseoir, même pour quelques kilomètres, un passager de taille adulte aux places arrières, sauf en cas extrême si le conducteur est de très petite taille. Pas de progrès sur ce point, la 911 reste une 2+2 chiche pour des passagers mais généreuse pour des bagages, les strapontins sont réservés aux enfants.

L’intérieur a évolué également, reprenant le meilleur de la marque, des habillages de porte au concept de console centrale haute inauguré sur la Panamera et repris sur le Cayenne. Bien plus étroite que sur ses consoeurs de taille supérieure, elle relègue des boutons essentiels trop en arrière, loin du champ de vision du conducteur. La commutation entre les modes de gestion de la boîte, de la suspension ou de l’échappement ne devraient pas détourner à ce point l’attention de la route, d’autant plus qu’ils n’ont pas de rappel visuel permanent dans le combiné d’instruments. Un détail ergonomique qui surprend de la part de Porsche. L’écran tactile de 7 pouces présente une des meilleures interfaces de la production actuelle. L’écran LCD auxiliaire offre également pléthore de modes d’affichage. L’ensemble progresse encore en termes d’esthétique et de qualité perçue, et demeure avec Audi une référence incontestable.

Une autre dimension cruciale a évolué radicalement : la voie avant gagne 52mm alors que la voie arrière demeure inchangée. Le résultat, conjugué avec l’empattement allongé, transfigure le comportement de la nouvelle Carrera et constitue sans doute au progrès le plus important amené par cette version. Le grip du train avant est transfiguré, accrocheur et surtout bien plus constant en fonction de la charge de l’auto. En comparaison directe, la 997 Carrera S donne le ressenti d’un cheval à bascule aux sabots teflonés. Sur le même enchaînement de esses rapides dans les paisibles vallons du plateau vaudois, partiellement humides, partiellement secs, la 991 procure  confiance là où la 997 impose retenue. Les réactions aux modulations de la pédale de gaz sont devenues infiniment plus subtiles. Le sous-virage en cas de franche réouverture des papillons de gaz en appui, si caractéristique des 996 et 997, semble avoir complètement disparu. Le train avant carve sur les rails esquissés dans le regard du pilote sans qu’il soit nécessaire d’appliquer des artifices qui m’ont toujours semblé incongru en conditions routières. La différence est flagrante, fondamentale,  presque caricaturale, le résultat tout simplement enthousiasmant. Il n’est ainsi pas difficile de prêter crédit aux revendications de Porsche qui placent les temps de la 991 Carrera S sur la Nordschleife au niveau de la 997 GT3 RS. Impossible toutefois de disséquer la contribution d’une option, le PDCC (Porsche Dynamic Chassis Control), dont les vérins combattent activement le roulis. Un essai plus détaillé et comparatif s’impose avant de statuer sur la nécessité de l’option.

Les ingénieurs acousticiens n’ont pas chômé. La 991 Carrera adopte de série un système appelé académiquement « symposeur sonore », soit un canal acoustique qui retransmet les ondes de pression captées dans le conduit d’admission et les amplifie par la plage arrière. Ce système s’enclenche en mode Sport (et Sport Plus si la voiture est équipée de l’option). Notre voiture d’essai est également équipée de la ligne d’échappement sport, un option communément désignée par l’acronyme « PSE » (Porsche Sport Exhaust), activée automatiquement elle aussi. Difficile de juger le registre des deux éléments individuellement, mais l’ensemble joue de concert une bien belle partition, distinctive des anciens modèles. Plus ronde, moins rauque et plus raffinée que celle de la cuvée 997, la sonorité tient plus du chant grégorien que du blues rock graveleux. Il n’y a guère que sous les 2800 t/min que les harmoniques ont paru moins flatteuses à mes tympans, donnant l’impression d’un bourdonnement a moitié noyé dans un fluide visqueux. Raison de plus pour rester au-dessus de 3000 tours et profiter de la mélodie ! Les descentes en régime, pédale de gaz relâchée, s’accompagnent de borborygmes bien jugés, trop attractifs pour être fortuits ou complètement innocents. Plus que jamais, l’acheteur sera bien avisé d’essayer une voiture ainsi équipée avant de signer le contrat d’achat, l’option parait obligatoire pour profiter de l’auto.

Porsche annonce 1415kg à vide DIN (plein d’essence à 90%). Notre voiture d’essai pèse en réalité 1518kg, avec 38.3% du poids sur l’avant et 61.7% sur l’arrière. La magazine allemand Sport Auto a mesuré sa Carrera S PDK d’essai à 1497kg (38.1% AV/61.9% AR) avec un exemplaire sans toit ouvrant et équipé de freins céramiques PCCB. En comparaison, nous avons pesé une Porsche 997.2 Carrera S à 1473kg avec le même moteur 3.8L à injection directe mais en boîte manuelle. Il ne nous est donc pas possible de confirmer l’allègement revendiqué par rapport à la génération précédente, encore moins les chiffres surprenants que la marque a pris l’habitude de communiquer sur ses fiches techniques.

La boîte à vitesses PDK se place désormais au pinacle des boîtes à double embrayage, avec des progrès notables dans plusieurs registres. Elle est tout d’abord d’une douceur et d’une finesse remarquables dans trafic et manœuvres, rapide et agile dans ses changements, précise dans ses relances. Les ingénieurs de Porsche, dont on dit qu’ils ont pris le contrôle du logiciel de gestion à leur équipementier, ont également significativement amélioré le comportement de la boîte en conduite sportive. Les à-coups superficiels et incongrus induits par la gestion de la boîte PDK de la 997.2 ont été gommés. A la montée des rapports, il ne subsiste que l’essentiel, à savoir des passages de rapports éclair, complémentés à l’extrême par une très légère brutalité mécanique qui parait naturelle dans le contexte. Les rétrogradages sont splendides, avec une égalisation des régimes exquise, précise et efficace, mais qui n’apparait jamais démonstrative. Les palettes du volant Sport Design optionnel sont une rançon quasi-obligatoire aux poussoirs-tiroirs que Porsche semble persister à vouloir imposer à ses clients. En comparaison avec la référence contemporaine des boîtes à double embrayage, la Ferrari 458 Italia, la boîte PDK reste en retrait en termes de sensations pures à l’attaque, cette alchimie tactile et mécanique que Ferrari maîtrise si parfaitement, mais marque des points en utilisation courante. Le match nul est une issue possible. Nous n’avons pas encore pu conduire d’exemplaire avec la boîte manuelle à 7 rapports.

Peu de changements notoires sous un capot moteur qui ne cherche même plus à dévoiler la mécanique. Le 6 cylindres boxer de la Carrera passe de 3.6 à 3.4 litres, mais la Carrera S conserve son 3.8L. Les motoristes de Porsche sont allés chercher les 15 chevaux supplémentaires à un régime plus élevé (400 à 7400 contre 385 à 6500 t/min pour la 997.2 Carrera S). Le couple progresse également de 20 Nm à 440 Nm, mais culmine désormais à 5600 t/min, soit 1200 t/min plus haut qu’avant. A la conduite et avec tous les bémols nécessaires sur un moteur encore frais, les différences m’ont paru ténues, avec des montées en régime qui marquent un crescendo à partir de 4500 t/min. Il faudra attendre l’essai d’exemplaires rôdés pour se former une opinion sur cette évolution du bloc à injection directe.

La 991 regorge des fruits de la stratégie Porsche Intelligent Performance, soit des innovations technologiques destinées à réduire la consommation et les émissions tout en préservant la performance. L’une d’entre elles est l’adoption d’une assistance de direction électrique au lieu du système hydraulique. Bien des amateurs ont dû faire la moue en parcourant les descriptions techniques de l’auto, et ils semblent malheureusement avoir eu raison. Le ressenti dans le volant nous est paru fade et peu communicatif. Un tarage un peu timoré, une démultiplication que j’aurais apprécié un peu plus directe, mais surtout une lisibilité des conditions d’adhérence sous les pneus avant. Je me souviens d’un virage à 70 degrés dans les côtes de Bavois, abordé avec un tout petit peu trop de vitesse : c’est plus la perception visuelle de la voiture élargissant un peu trop la ligne que le ressenti dans la direction qui m’incita à lever le pied pour passer en sécurité. Dommage d’imposer un tel filtre entre un châssis aussi performant et le volant. Il est bien difficile de se convaincre que le gain annoncé de 0.1 L/100km valait ce sacrifice.

Autre nouveauté, le mode roue libre. En mode normal, la boîte PDK de la 991 débraye lorsqu’il détecte une situation où le conducteur a laissé un mince filet de gaz pour continuer sur sa lancée. La voiture file alors au ralenti, conservant son énergie cinétique au lieu de la galvauder en frein moteur. Sur autoroute, le plus gênant est d’avoir en vision périphérique l’aiguille orange du compte tours qui oscille de 1800 à 800 tours lorsqu’on évolue à vitesse constante dans le trafic. Par contre, j’ai trouvé les interventions du système bien plus dérangeantes en ville lorsqu’à l’approche d’un rond-point, il débraye alors qu’on compte sur le frein moteur pour ralentir la voiture. Fort heureusement, il se désactive lorsqu’on passe en mode sport ou sport plus. Le mode normal est ainsi à bannir pour se préserver des côtés désagréables du système. Un système stop-start fait également partie de l’équipage. Il s’acquitte honorablement de sa tâche, même si le flat 6 est juste assez prompt pour s’ébrouer à temps. Le prix de l’économie de 0.6 L/100km dans le crucial cycle européen, dont dépendent également les émissions de CO2 et leurs enjeux pécuniaires. Le septième rapport est très long, affichant 2400 t/min à 150 km/h de croisière, un régime auquel on peut maintenir sa vitesse mais où toute reprise est exclue. La consommation mesurée à 14.3 L/100km (14.0 affichés) – élevée dans l’absolu – est à mettre en perspective avec un moteur pas encore libéré, et les frictions supplémentaires qui en résultent.

Pour 100mm de longueur et 52mm de largeur, la Porsche 911 Carrera est la 911 qu’elle aurait toujours dû être, conservant ses qualités propres, mais ajoutant une corde majeure à son arc : un comportement routier extrêmement séduisant car beaucoup plus conventionnel. Le meilleur des deux mondes : une architecture à moteur arrière procurant une habitabilité incomparable pour des dimensions contenues et une motricité enviée, mais sans la contrepartie d’un mode d’emploi si particulier, si compromis. La 991 s’annonce d’ores et déjà comme une grande réussite, un modèle qui ne fera que renforcer son statut de référence incontournable dans son segment. Porsche 911 : what else ?

 

Prix des principales options (CHF)

Porsche Carrera S 137’600.-
Inclu dans le Pack Suisse : 4 ans de garantie, Assistance Parking (arrière), Régulateur de vitesse (Tempostat), Rétroviseurs intérieur et extérieurs anti-éblouissement avec capteur de pluie intégré, Porsche Communication Management (PCM) incl. module de navigation, Système de contrôle de la pression des pneus (TPM), Sièges chauffants, Porsche Dynamic Light System (PDLS) 0.-
Peinture métallique 1’640.-
Boîte de vitesse Porsche Dopplekupplung (PDK) 4’890.-
Echappement sport (PSE) 3’630.-
Porsche Dynamic Chassis Control (PDCC) 4’470.-
Enjoliveurs de roue 230.-
Home link 400.-
Pack Luminosité 620.-
Assistance parking avant 500.-
Pack Sport Chrono Plus 2’820.-
Toit coulissant / relevable éléctrique 2’360.-
Servotronic Plus 370.-
Module téléphone 1’150.-
Pré-équipement Vehicle Tracking System 420.-
BOSE Surround Sound-System 1’970.-
Rétroviseurs extérieurs rabattables éléctriquement 420.-
Tapis de sol 250.-
Volant SportDesign 590.-
Sièges sport adaptatif Plus 4’560.-
Intérieur tout cuir 4’510.-
Prix catalogue de la voiture essayée 173’200.-

Face à la concurrence

Porsche 991 Carrera S PDK Porsche 997 Carrera S PDK Aston Martin Vantage V8
Moteur Flat 6 – 3800 cm3 Flat 6 – 3800 cm3 V8 – 4735 cm3
Puissance (ch / régime) 400 / 7400 385 / 6500 426 / 7300
Couple (Nm / régime) 440 / 5600 420 / 4400 470 / 5000
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion
Boite à vitesse 7 vitesses double-embrayage 7 vitesses double-embrayage 6 vitesses manuelle
RPP (kg/ch) 3.80 3.82 3.82
Poids à vide (constr.) 1519 (1415) 1473* (1425) (1630)
0-100 km/h (sec.) 4.3s** 4.5s 4.9
0-200 km/h (sec.) 13.9s*** 14.8s N.C.
Vitesse max. (km/h) 302 300 290
Conso. Mixte (constr.) (8.7) (10.2) (13.8)
Capacité du réservoir (l) 64 64 80
Emissions de CO2 (g/km) 205 240 321
Longueur (mm) 4491 4435 4382
Largeur (mm) 1808/1978 1808 1866/2022
Hauteur (mm) 1295 1300 1260
Empattement (mm) 2450 2350 2601
Voie avant (mm) 1538 1486 1570
Voie arrière (mm) 1516 1516 1560
Coffre 135 135 300
Pneumatique AV 245 / 35 / 20 235 / 35 / 19 235 / 40 / 19
Pneumatique AR 295 / 30 / 20 295 / 30 / 19 275 / 35 / 19
Prix de base (CHF) 137’600 138’660
Prix de base (EUR) 103’970 116’970

* 997.2 Carrera S avec boîte 6 vitesses manuelle et sièges sport non adaptatifs

**4.1s avec Sport Plus et boîte PDK ***13.6s avec Sport Plus et boîte PDK

Nos chaleureux remerciements à l’équipe du Centre Porsche Genève pour le prêt de leur Porsche 991 Carrera S de démonstration.

Galerie de photo

Liens

Le sujet du forum – les article Porsche – la liste des essais – à lire également:

      

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