Essai Lotus Elise Club Racer: l’école des fans


La Lotus Elise Club Racer, des cols alpins à nos corner scales. 

Depuis 1996, la Lotus Elise incarne presque sans partage l’esprit du roadster anglais : performant, rustique, parfois caractériel. Plus qu’un produit, une vocation. L’Elise a séduit des afficionados pour qui trois mots définissent et résument l’automobile plaisir : « Light is right »,  une maxime héritée de l’aéronautique que Colin Chapman appliqua à l’automobile après son service militaire dans la Royal Air Force. La Lotus Elise série 1 (1996-2011) ne pesait ainsi que 725kg. La série 2 apparue en 2002 poursuit vaillamment sa longue carrière au fil de changements de motorisation et d’exécution. Si elle  affiche un solide quintal d’embonpoint par rapport à sa devancière, elle boxe toujours parmi les rares autos pesant moins d’une tonne.

 

Parlant de poids, autant régler la question d’emblée : nue de tout accessoire, climatisation ou auto-radio et avec des sièges d’une nudité presque totale, notre exemplaire pèse 878kg avec le plein d’essence, avec une répartition assez radicale (36.9% sur l’avant, 63.1% sur le train arrière) et un équilibrage latéral quasi parfait (seulement 2kg d’écart entre les roues arrières). 878kg, c’est peu dans l’absolu, mais significativement plus en comparaison des autres Elise mk2 pesées par nos soins par le passé. Les changements apportés par le facelift de 2011 ont dû avoir un effet pondéral adverse, ou alors le petit 1600 est plus lourd que le bloc Toyota 1798 cm3 qui équipait les versions antérieures.

A l’aplomb du train arrière, le petit 4 cylindres de 1598 cm3 d’origine Toyota, dénommé 1ZR-FAE. Sa culasse arbore un calage des arbres à cames à l’admission et l’échappement (dual VVT-i) ainsi que le système Valvematic qui module la levée des soupapes. Sur le papier, le résultat est honorable, avec des valeurs spécifiques de 85 ch/L et 100 Nm/L. Un moteur volontaire, assez rond et plein pour la cylindrée, mais qui manque singulièrement de charisme, à commencer par la bande sonore dénuée de toute personnalité. En comparaison du travail effectué par les ingénieurs de Lotus sur l’Evora S, le résultat est médiocre dans un domaine d’autant plus crucial au plaisir de conduite que les performances sont par ailleurs modestes. Sur col alpin sinueux, un terrain qui devrait être idéal en regard de la vocation de l’auto, le deuxième rapport doit être tiré jusqu’à ce que les 3 LEDs au centre du compte tours clignotent pour retomber à 5000 tours en troisième et maintenir le moteur entre les régimes de couple et puissance maxi. Faute d’être suffisamment agressif, les reprises en sortie d’épingle en troisième deviennent laborieuses, sortir un rapport en-dessus casse complètement le rythme. Ainsi motorisée, l’Elise est le prototype du « momentum car », une auto où il faut conserver une vitesse de passage importante en cours de virage pour éviter d’être trop pénalisé à la relance.

La commande de boîte est douce et précise malgré un débattement trop long, le pédalier parfait pour le talon pointe, mais l’étagement des rapports perfectible pour extraire tout le jus du moteur. La 6ème est par ailleurs exagérément longue, viable qu’au plat et à vitesse constante sur autoroute. Tirer 3600 t/min à 150 km/h indiqués avec un petit 4 cylindres atmosphérique est une aberration. Notons au passage la sobriété relative de l’auto, 7.9 L/100km sur l’ensemble de l’essai.

La direction non-assistée amène passablement de compromis. Démultipliée pour diminuer un effort au volant qui demeure malgré tout significatif, elle combine les défauts d’être à la fois trop lourde et trop peu directe. Le passage des épingles de montagne est quasi-impossible sans croiser ou tricoter sur la jante du volant. En appui prononcé, la tenue du volant demande trop de force pour pouvoir garantir une trajectoire précise, mal aidé par des sièges dont le maintien latéral est symbolique. On est ainsi plus occupé à tenir la voiture qu’à la sentir. Arc-bouté au volant, la force supplante la finesse, ce qui est un comble pour une auto voulue comme légère, mais qui se révèle camionesque à emmener sur parcours sinueux. Que les puristes couinent à satiété, je trouve que c’est un des plus gros défauts de l’Elise Club Racer, plus rédhibitoire que son moteur fade. Le surpoids d’une direction assistée serait largement compensé par un plaisir de conduite accru.

Empruntant le Brunig puis le Susten par un petit matin de fête nationale frais mais ensoleillé, les routes sont quasi désertes mais les rares motards lève-tôt me donnent du fil à retordre. Mes biceps souffrent, l’Elise est infiniment plus rapide que les deux-roues dans les enchaînements serrés, mais tout dépassement à la montée sur les rares rectilignes est hors de question, faute de couple, même si le véhicule précédent y met du sien. Le grip des Yokohama Advan Neova AD07 est considérable, mais leur limite est bien difficile à cerner dans ces conditions routières. Avec de telles gommes et sur le sec, la motricité n’est bien évidemment jamais prise en défaut. Je n’ai ainsi constaté aucune différence de comportement lorsque le mode sport est enclenché (bouton sur la console centrale), l’ESP n’intervenant jamais dans ces conditions.

La descente vers Wassen est nettement plus attrayante, d’une part car elle gomme le handicap moteur, mais aussi parce que les enchaînements moins serrés et plus rapides atténuent la sensation de lourdeur de la direction. La voiture devient enfin fluide et plaisante, enquillant les grandes courbes avec tenue et précision, délivrant les plaisirs attendus de la conduite d’un roadster sur son terrain de prédilection. Le freinage est puissant et rassurant, permettant d’aborder les enchaînements sans retenue.

La Lotus Elise est un produit à part parmi les roadsters, bien plus radical que ce que les autres constructeurs ont osé produire. Un sondage absolument pas représentatif auprès de la gent féminine débouche sur une surenchère d’épithètes attendris, assez vite tempérés par les aspects pratiques du divin jouet. L’insertion dans l’habitacle est un exercice comique en mode découvert, mais franchement pénible avec le toit monté du fait du peu d’espace laissé entre les caissons hauts et la capote. Une capote par ailleurs assez simple à installer une fois la procédure assimilée. L’aménagement intérieur est réduit à sa plus simple expression, quelques millimètres de mousse sur les graciles baquets, aucune protection sur l’alu de la coque qui risque de bien vite se rayer si on ne s’essuie pas soigneusement les semelles. Tout gravillon baladeur fait d’ailleurs un bruit horripilant à chaque virage.

Et la piste ? La dénomination du modèle renvoie explicitement aux sorties club, et le package pourrait être séduisant pour apprendre la conduite sur circuit avec une voiture dont la motorisation ne compensera aucune erreur de pilotage. Il est toutefois à craindre que le manque de puissance deviendra vite lassant et découragera bien vite des sorties sur des circuits un peu plus roulants, sans même parler des monuments tels que les grands circuits de F1 ou la Nordschleife, complètement hors de propos.

La Club Racer rend l’Elise accessible à un tarif raisonnable, mais dans une définition qui manque d’homogénéité. Radicale dans son équipement mais pas dans sa motorisation, un produit d’appel qui flirte avec les 50’000 CHF pour une voiture qu’il n’est pas réaliste d’envisager comme première voiture pour un usage quotidien. La nouvelle Elise S présentée à Francfort lors de l’IAA 2011 semble être un cocktail nettement plus alléchant et cohérent avec ses 220 cv et 250 Nm, mais un tarif nettement plus conséquent (compter 20’000 CHF de différence). Le Club Racer est à réserver aux studieux et aux inconditionnels du concept ou de la marque. Sur lemarché Suisse, une grosse trentaine de Lotus Elise trouvent acquéreur chaque année.

Face à la concurrence

Lotus Elise Club Racer Mazda MX-5 Sport Porsche Boxster Audi TT Roadster 1.8L TFSI
Moteur 4 cyl 1598 cm3 4 cyl 1999 cm3 6 cyl 2893 cm3 4 cyl 1798cm3 Turbo
Puissance (ch / régime) 136 / 6800 160 / 7000 255 / 6400 160 / 4500-6200
Couple (Nm / régime) 160 / 4400 188 / 5000 290 / 4400 250 / 1500-4500
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion Traction
Boite à vitesse 6 rapports, manuelle 6 rapports, manuelle 6 rapports, manuelle 6 rapports, manuelle
RPP (kg/ch) 6.45 7.66 5.23 8.5
Poids à vide (constr.) 878 (852) 1225 (1165) (1335) (1360)
0-100 km/h (sec.) 6.5 7.6 5.9 7.4
Vitesse max. (km/h) 204 213 263 223
Conso. Mixte (constr.) 7.9 (6.3) 8.9 (7.6) (9.4) (6.5)
Capacité du réservoir (l) 43.5 50 64 55
Emissions de CO2 (g/km) 149 181 221 152
Longueur (mm) 3785 4020 4342 4178
Largeur (mm) 1719 1720 1801 1842
Hauteur (mm) 1117 1245 1292 1358
Empattement (mm) 2300 2330 2415 2468
Coffre 112 150 280 250
Pneumatique AV 175/55/16 205/45/17 205/55/17 225/55/16
Pneumatique AR 225/45/17 205/45/17 235/50/17 225/55/16
Prix de base (CHF) 48’900 40’400 71’000 49’500
Prix de base (EUR) 35’910 30’750 48’057 35’800

Nos remerciements à Lotus Cars pour la mise à disposition de la voiture et au Garage Pfaenninger pour le soutien logistique.

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