Essai Porsche Cayman R : les joyaux de la princesse


Porsche Cayman R, la version ultime de la gamme à moteur central de Porsche. Nous l’avons amenée au cœur des alpes suisses.

A chaque modèle sa couleur de lancement, souvent osée et très probablement le sujet d’âpres discussions entre designers et chefs de produit. Pour le Cayman R, c’est ce vert Peridot qui a été retenu. Peridot dites-vous ? Au risque d’être pédant, les crystaux du même nom sont une variété de gemme de forstérite, également appelée olivine ou chrysolite des volcans. L’étymologie du terme étant incertaine, il n’y a guère matière à échafauder des métaphores vaseuses pour journaliste en panne d’inspiration.  Reste que nous parlons bien de gemme, et le Cayman R en est une. Un joyau pour une couronne de princesse.

5h30, difficile de ne pas réveiller la moitié de la Suisse Centrale alors que le flat 6 s’ébroue toutes valves ouvertes. La mécanique est froide, quelques légères hésitations sur un filet de gaz alors que nous rejoignons l’A2 en direction du Gothard et de ses bouchons estivaux. Des bouchons matinaux également, la régulation de trafic mise en place par les Uranais créant une redoutable accumulation de vacanciers dès Erstfeld. L’occasion de détailler l’habitacle du Cayman R. La filiation Porsche est indéniable, mais hormis les rappels de la couleur extérieure, peu de détails changent par rapport à la planche de bord du Cayman S. Au centre, le chronomètre du pack Sport Chrono (1320 CHF) trône, une jolie pièce avec son affichage mixte analogique/digital, mais qui ne sera jamais une alternative à un vrai accessoire de chronométrage GPS pour pistard confirmé. L’ablation de la casquette du combiné d’instruments génère des reflets parfois désagréables dans le pare-brise.

L’intérieur subit le traitement minceur commun aux versions affutées de la gamme, avec des portes en aluminium (-15kg), l’ablation des vides-poches dans les accoudoirs et les baquets en carbone (-12kg). La voiture est livrable sans radio ni climatisation (à nouveau -15kg) et la batterie Lithium Ion apparue sur les 997.2 GT3 est disponible en option pour la coquette somme de 3140 CHF. Autre touche « diet », les poignées de porte remplacées par des lanières rouges, un détail caricatural tendance ringardise dont je me passerais volontiers.

Le Cayman R est équipé d’origine des très beaux baquets en carbone. Leur dossier est rabattable, mais pas réglable. Il faut donc composer avec la glissière manuelle et le réglage d’inclinaison et de profondeur de la colonne de direction. Si leur maintien latéral est irréprochables des cuisses jusqu’aux épaules, je trouve la position légèrement inconfortable en usage routier, avec un manque de soutien lombaire et un haut du corp un peu trop vertical. Revers de leur profondeur, s’introduire ou s’extraire du siège n’est pas chose aisée et s’avèrera rapidement lassant, un compromis certain pour un usage quotidien. Fort heureusement, le menu d’aujourd’hui n’a rien du pensum du pendulaire moyen. Après une longue attente, le nez du Cayman se retrouve en pôle au feu de retenue d’Erstfeld. Rouge, orange, vert, franche accélération vers un tronçon d’autoroute quasi désert jusqu’à l’échappatoire d’Amsteg.

Le chassis sport rabaissé du Cayman R offre un tarage de ressort ferme et un amortissement assez dur, mais pas à l’excès, réaliste pour un usage routier. Curieusement, le PASM (Porsche Active Suspension Management) n’est pas disponible en option sur le Cayman R (à la différence du Cayman S), mais l’amortissement primaire et secondaire ne sont jamais pris en défaut. La voiture ne se désunit pas, ne sautille pas sur les inégalités, mais offre un confort de suspension plus que raisonnable sur long trajet et sur chaussée urbaine déformée.

Sur les lacets et enfilades du versant occidental du col de l’Oberalp, baigné du soleil matinal, les premiers traits de comportement apparaissent. L’équilibre est très vif et se place aux antipodes de celui d’une 911. Le train avant est accrocheur, restant un allié fidèle de l’entrée à la sortie des courbes. C’est plutôt l’arrière qui suggère retenue, les amorces de dérobade permises par le PSM (Porsche Stability Management) en mode Sport demandent souvent de légères corrections au volant et surprennent. Pas de doute, le transfert du flat 6 d’aval en amont du train arrière bénéficie à l’agilité en diminuant l’inertie de l’ensemble, mais au détriment relatif de la motricité. Un petit excès d’optimisme en rentrant trop fort sur les freins dans une épingle rapide fait remonter dans la direction une amorce de sous-virage, et la remise des gaz qui s’en suit peut aisément donner un léger angle de lacet à l’auto. Divertissant, vif, intéressant, même dans les limites des vitesses légales.

Comme de coutume chez Porsche, le triangle volant-levier de vitesse-pédales est taré à la perfection. Précision, douceur, feedback, tous les ingrédients de base de la conduite sportive sont là, réhaussés par une boîte à commande courte (encore une option – 940 CHF) parfaite de précision et de tarage. Avec une commande pareille, investir dans l’option boîte PDK serait une erreur de jugement presque impardonnable. Les allers-manœuvre-retours sous les ordres de notre photographe-vidéaste s’enchaînent et l’enthousiasme grandit : le package est idéal pour ces routes de montagne roulantes aux décors somptueux.

Le saut derrière le volant de notre SUV suiveur me permet d’observer le Cayman R alors qu’il fond sur Andermatt puis darde son museau vert en direction de la Furka. La silhouette demeure gracile, mais la hauteur de caisse abaissée de 20mm lui donne une allure plus posée, et l’aileron arrière habille une poupe qui parait parfois un peu chétive selon l’angle de vue. Partout sur notre parcours, les têtes se retournent et les appareils photo se dégainent. La couleur y contribue certainement, mais le petit saurien à une présence naturelle qui retient l’attention. Reprise du volant au pied du versan Bernois du Grimsel dans un décor de carte postale pour attaquer la montée du Susten. Dans les premières enfilades, l’absence d’inertie et le centre de gravité très bas permettent d’attaquer des changements d’appuis avec détermination, voire férocité. Aucun retard, aucun mouvement de caisse ou roulis perceptible, aucun transfert de masse grâce au centre de gravité très bas, ni de plongée au freinage. Précis, ludique et gratifiant, et un gabarit tout à son aise sur ces routes étroites peuplées de motards téméraires. Il ne faut pas hésiter à user et abuser de l’ensemble moteur-boîte pour s’extraire avec force des épingles, mais le levier de vitesse, grande star du festival talon-pointe, procure un tel sentiment de virtuosité qu’on en redemande.

Sur route ouverte, et en dehors de toute autre considération d’habitabilité ou d’esthétique, le Cayman R offre à mon goût une expérience de pilotage plus naturelle et pure qu’une 911, un ensemble plus attractif et amusant qu’une 997 GT3 par exemple. Mieux amorti, plus ludique, plus exploitable, avec une enveloppe de performance réaliste en regard de contingences légales et sécuritaires impossibles à ignorer. Efficace et rigoureux, mais dans des limites de puissance et de grip exploitables sans adopter un comportement suicidaire. Le verdict s’inverserait pour un usage piste où la motricité et la stabilité à haute vitesse de la GT3 en font un outil plus performant et plus sûr. Contrairement aux idées reçues, le Cayman R demandera sans doute plus de doigté et d’expertise de son pilote s’il est emmené à la limite sur une piste rapide.

 

Le flat 6 de 3.4L à carter sec développe 330 chevaux à 7400 t/min pour 370 Nm à 4750 t/min. Dans le contexte des petites berlines suralimentées affichant désormais sans complexe largement plus de 300 chevaux, BMW 1M et Audi RS3 en tête, ces chiffres n’ont rien de renversant, mais les prestations offertes par le Cayman R sont de tout premier ordre. Le poids est contenu, 1358kg (45.7% sur l’avant pour 54.3% sur l’arrière) mesurés sur nos balances avec le plein d’essence, soit un gouffre de 164kg avec la BMW 1M. La résultante est un rapport poids puissance de 4.11 kg/ch largement à l’avantage de la Porsche. Dans le contexte d’une mécanique atmosphérique, le boxer s’avère souple à bas régime, rond et plein dès 2000 t/min, et les montées en régime sont enthousiasmantes avec un crescendo contenu mais bien présent. Ce moteur apprécie tellement de prendre des tours que buter sur le limiteur n’est pas rare si on ne surveille pas le grand compte-tours central. Son inertie est faible, quelques calages en manœuvre rappellent à la prise en main la nécessité d’accompagner les manœuvres du pied droit. La note d’échappement distillée par le PSE optionnel (Porsche Sports Exhaust, 3550 CHF) est ronde et raffinée, moins rauque que celle d’une Carrera équipée du dispositif équivalent. En mode normal, de belles harmoniques parent le milieu de la plage de régime alors qu’en mode enclenché, l’amplitude sonore augmente. Rouler en montagne fenêtres ouvertes est un régal, une note glorieuse, pleine et chaude. La consommation (11.67 L/100km mesurés pour 11.0 L/100km indiqués sur l’écran du PCM avec une moyenne de 72 km/h) est une bonne surprise en regard du rythme de l’essai.

Avec son architecture, le Cayman perd une partie de l’avantage énorme du packaging de la 911 : l’habitabilité. Deux places strictes, pas d’espace pour le rangement d’un sac à laptop derrière les sièges. Le coffre avant est spacieux et profond, et le coffre arrière amène un complément appréciable. Parfaitement réaliste pour voyager à deux tant qu’on adopte des sacs souples et qu’on divise les volumes.

La fiche des tarifs est une douche froide : 104’700 CHF prix de base, et 130’850 CHF dans cette configuration d’essai équipée un peu à l’excès. Certaines options chères sont complètement superflues pour la vocation de l’auto, les phares directionnels (2570 CHF), les jantes Sport Design à 1180 CHF et leur laquage noir à 2450 CHF en sus ( !), mais il est bien difficile d’accepter qu’à de tels tarifs, l’intérieur tout cuir ne soit pas offert (5070 CHF).

Depuis sa commercialisation en 2006, le Cayman vit dans l’ombre de l’indétrônable 911, avec des ventes suisses qui sont restés confidentiels : de 212 exemplaires la première année, elles se sont érodées jusqu’à 53 exemplaires en 2010 (détails). Si la version S nous avait séduit à sa sortie malgré un léger arrière-goût de sous-motorisation pour un châssis si brillant (elle ne développait alors que 295 chevaux), le Cayman R se révèle d’une remarquable homogénéité. Bien plus qu’une 911 au rabais vivant dans l’ombre de l’icône de la marque, c’est un produit auquel  les ingénieurs de Zuffenhausen ont su donner une identité propre, du comportement routier notablement différent, enthousiasmant pour un usage sportif routier, jusqu’à la signature acoustique. Une princesse de l’asphalte à la filiation génétique indéniable, mais au caractère affirmé et qu’on aurait tort de sous-estimer. Elle m’a séduit.

Prix des principales options (CHF)

Prix de base Porsche Cayman R 104’700.-
Porsche Communication Management 4’810.-
Echappement Sport PSE 3’550.-
Phares bi-xénon directionnels 2’570.-
Climatisation automatique 2’520.-
Laquage noir des jantes 2’450.-
Système de navigation Professional 3’850.-
Pack Sport Chrono Plus 1’320.-
Jantes Sport Design 1’180.-
Sound package Plus 960.-
Réducteur de course de levier de vitesse 940.-
Rétroviseurs automatiques et détecteur de pluie 910.-
Assistance au parcage arrière 850.-
Régulateur de vitesse 730.-
Elargisseur de voies +5mm 570.-
Interface audio universelle 550.-
Tapis de sol 180.-

Face à la concurrence

Porsche Cayman R BMW 1M Lotus Evora S Nissan 370Z
Moteur Flat 6 3436 cm3 L6 2979 cm3 V6 3456 cm3 V6 3696 cm3
Puissance (ch / régime) 330 / 7400 340 / 5900 350 / 7000 328 / 7000
Couple (Nm / régime) 370 / 4750 450 + 50 / 1500 – 4500 400 / 4500 363 / 5200
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion Propulsion
Boite à vitesse 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle
RPP (kg/ch) 4.12 4.48 4.06 (4.88)
Poids à vide (constr.) 1358 (1295) 1522 (1495) 1421 (1437) (1600)
0-100 km/h (sec.) 5.0 4.9 4.8 5.3
Vitesse max. (km/h) 282 250 277 250
Conso. Mixte (constr.) 11.67 (9.7) 11.99 (9.6) (10.2) (10.6)
Capacité du réservoir (l) 54 53 60 72
Emissions de CO2 (g/km) 228 224 239 248
Longueur (mm) 4347 4380 4342 4250
Largeur (mm) 1801 1803 1848 1845
Hauteur (mm) 1285 1420 1223 1315
Empattement (mm) 2415 2660 2575 2550
Coffre 150 + 260 370 160 235
Pneumatique AV 235 / 35 / 19 245 / 35 / 19 225 / 40 / 18 245 / 40 / 19
Pneumatique AR 265 / 35 / 19 265 / 35 / 19 255 / 35 / 19 275 / 35 / 19
Prix de base (CHF) 104’700 74’300 99’000 54’790
Prix de base (EUR) 71’199 53’400 71’980 40’950

Nous remercions l’équipe de Porsche Suisse pour le prêt de ce véhicule d’essai.

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