Essai Lotus Evora S: the Lotus Notes


Notre verdict sur la (re)montée en gamme de Lotus. 

Les premières impressions sont souvent les bonnes. Plutôt mitigées en l’occurrence alors que je m’installe dans les Recaro de l’Evora S mise à notre disposition par Lotus. Sortant d’une semaine au volant du Cayman R, mes synapses peinent à réconcilier le tarif Porschesque de l’Evora S avec les nombreux détails de conception ou finition qui paraissent discutables au premier coup d’œil. Si un sage pochtron a un jour professé que le flacon a moins d’importance que le breuvage qu’il contient et l’effet qu’il procure, que sa maxime accompagne cet essai !

L’accès à bord est difficile en toutes circonstances et frise la torture dans une situation de parcage urbain même s’il représente un léger progrès par rapport à une Elise équipée de son toit. Les longues portes des coupés sont toujours une source de problème, mais la hauteur et l’épaisseur des caissons latéraux est une entrave considérable à l’insertion dans les baquets. Les problèmes ergonomiques ne cessent pas une fois installé au volant. Lotus n’a pas pu ménager un espace pour un repose-pied à gauche de la pédale d’embrayage, une carence aussi pénalisante sur long trajet qu’en conduite sportive, flirtant les limites de l’inacceptable pour une prétendante à la dénomination Grand Tourisme. La visibilité vers l’arrière est quasiment nulle, et la caméra intégrée (option vitale) au système multimédia Alpine n’y pallie qu’à moitié car son angle de vision est trop incliné vers le bas. Chaque marche arrière est un exercice véritablement problématique et risqué et sur autoroute, il est impossible de voir les occupants de la voiture qu’on précède.

La liste des griefs s’allonge avec un levier de frein à main de conception agricole. Le combiné d’instruments présente un dessin plaisant, mais la graduation du compteur de vitesse par incréments de 15 km/h est horripilante et rend la lecture peu précise. Comme sur les Elise, pas d’inscription de zone rouge sur le compte tours, trois LEDs s’allument successivement pour avertir de l’approche du rupteur. Les LCDs satellites offrent des informations utiles (l’affichage de la pression des pneus est une option incluse dans le paquet Tech) lorsqu’ils ne sont pas rendus invisibles par des reflets sur le polycarbonate de couverture , mais ne pallient pas à l’absence d’un indicateur de température d’huile, une omission singulière dans un coupé sportif. De part et d’autre du volant, des grappes de boutons permettent d’appeler des fonctions aussi diverses que feux de position et de croisement, ouverture de la trappe à essence, du vide-poche (une excentricité toute britannique), du coffre ou de la trappe à essence. Autre curiosité, l’éloignement des commodos du volant, il faut avoir le doigt anormalement long pour les atteindre. L’interface utilisateur du système audio et navigation Alpine inclus dans le Paquet « Tech » (5270 CHF) n’est pas un modèle de convivialité, mes tentatives de trouver la procédure d’appariement Bluetooth sont restées vaines. Le système d’éclairage intérieur à LEDs blanches du Pack Premium démontre une louable intention de créer une expérience raffinée, mais la réalisation n’est pas à la hauteur.

Derrière les baquets Recaro, un espace de rangement bienvenu pour des bagages, l’absence de coffre à l’avant limitant la capacité à un compartiment assez exigu dans le bouclier arrière, maintenu tiède par le V6. Selon Lotus, 4 Evora sur 5 se vendent en configuration 2+2 (+5700 CHF), plus pour préserver la valeur de revente que pour l’utilité réelle des places arrières.

  

La grande Lotus est bien plus belle en réalité qu’en photographie. Ses lignes ne m’avaient jamais convaincu auparavant, mon regard s’accrochant sur le bouclier avant, la découpe des bas de caisse et la ligne du toit croisant avec celle du capot moteur. L’ensemble me semblait aussi disgracieux en photo qu’il m’est apparu fluide et élégant en vivant quelques jours avec l’Evora. Une belle voiture, valorisante, comme en témoignent les commentaires élogieux entendus sur son passage.

Sur autoroute, la voiture se pose en GT décente. Le bruit de roulement provenant des pneus est assez présent mais les bruits d’air bien filtrés. La sonorité de l’échappement devient un peu fatigante à la longue et l’habitabilité restreinte conjuguée à la visibilité panoramique réduite n’en font pas un endroit de prédilection pour enquiller 6 heures d’autoroute d’affilée.

Avec une liste de doléances aussi longue, L’Evora S devait impérativement se racheter dans ce qui devrait être sa discipline de prédilection – la conduite sportive – ce qu’elle fit en démontrant des qualités dynamiques réjouissantes. Direction Moudon et l’entame d’une des belles routes polissonnes que le Gros-de-Vaud recèle, alternant épingles, dénivelés et grandes courbes en serpentant jusqu’à Yverdon.

Le moteur tout d’abord. Il se montre certes parfois un peu hésitant et bourru sur un filet de gaz, mais le V6 d’origine Toyota coiffé d’un compresseur Roots est assez réussi. Développé initialement pour un montage transversal avant dans une ribambelle de berlines, SUV et monospaces japonais, ce 3456cm3 dispose d’une distribution variable Dual VVT-i à l’admission et l’échappement. Avec 400 Nm à 4500 t/min et 350 chevaux à 7000 t/min, les chiffres n’ont rien de renversant dans un contexte de surenchère galopante. Le poids n’est pas particulièrement contenu non plus, et si les 1421kg (39.3% AV, 60.7% AR) mesurés par nos soins avec le plein de carburant, sont, chose rare, inférieurs de 16kg aux revendications de Lotus, ils ne font décidément pas de l’Evora S un poids plume : la Porsche Cayman R, de dimensions comparables, est plus de 60kg plus légère. Il est dommage que l’avantage en couple et puissance soit neutralisé par cet embonpoint.

Pourtant, sur route, la Lotus procure des sensations mécaniques de haut calibre. Les acousticiens de Lotus ont fait un bon travail, la sonorité est ample et mélodieuse. Fenêtre conducteur ouverte, le miaulement du compresseur rajoute une touche un rien inquiétante à des accélérations charnues et d’une allonge insoupçonnée. Pas de temps de réponse, pas d’essoufflement à haut régime, la poussée est linéaire, soutenue, jusqu’à la zone rouge. Les vitesses atteintes sont considérables, impressionnantes pour la catégorie, et subjectivement supérieures à la concurrente saurienne de Porsche. Je ne serais pas surpris si un passage au banc révélait des chiffres majorés par rapport à la fiche technique. Un doute peut subsister sur la persistance des performances par temps chaud et forte sollicitation, l’efficacité de l’échangeur logé derrière le train arrière étant une inconnue. Pas de doute, par contre, sur le fait que la consommation demeure raisonnable pour un 3.5L à compresseur : 12.5 L/100km sur l’ensemble de l’essai, avec une part significative de trajets autoroutiers.

 

La commande de boîte a été largement critiquée et le mérite amplement, elle représente un handicap réel en conduite sportive. Le débattement est long, le guidage approximatif. Les rétrogradages 3-2 m’ont à plusieurs reprises posé problème en conduite très rapide, me retrouvant soit avec un 3-4 cassant le rythme, ou un 3-point mort à la limite du dangereux. A la différence de commandes de boîte viriles qui deviennent limpides avec la vitesse et les hauts régimes, celle de l’Evora S devient imprécise et traitre. Il est possible que le problème soit amplifié sur cet exemplaire de début de série ayant parcouru 25’000km d’essais de presse. Lotus travaille sur une solution pour 2012. Elle est plus que bienvenue : elle est cruciale. Il est dommage que la commande de boîte  desserve à ce point un moteur par ailleurs très convaincant, tout comme le châssis qui le porte.

La direction est légère, avec une force de rappel faible autour du point milieu. L’ensemble fait bien remonter la texture du revêtement, mais n’est pas hyper-communicatif en appui sur la situation d’adhérence : difficile à savoir si les gommes sont en situation Defcon 3 ou 4, ce qui est d’autant plus handicapant que le grip est remarquable. Les vitesses de passage en courbe sont considérables, avec un équilibre en appui d’une remarquable neutralité, très peu de sous-virage et un zeste de mobilité du train arrière pour corser un tout petit peu les sorties de courbes si on a le pied lourd. Je n’ai conduit la voiture qu’en mode sport, la réponse plus franche de l’accélérateur facilitant le talon-pointe, mais n’ai pas ressenti d’impact sur un ESP d’une discrétion remarquable. Le tarage de suspension et l’amortissement démontrent le savoir-faire de la marque, un véritable sans-faute, avec une capacité d’absorption en appui remarquable. Même des compressions traitres en milieu de courbe sont avalées sans nécessiter la moindre correction du volant. L’Evora S serait probablement tout à son aise sur une piste roulante et bosselée comme la Nordschleife du Nürburgring.

En vivant sur des faibles volumes, Lotus est contraint à résoudre une équation économique épineuse, avec des coûts élevés et des prestations contrastées. Les ingénieurs de Lotus démontrent dans l’Evora S un savoir-faire moteur et châssis de premier ordre, le tout drapé dans une très belle robe,  mais il en faut plus, bien plus, pour aller chasser sur les terres de Porsche, a fortiori à des tarifs comparables sur le papier. En pratique, la concession Pfenninger de Zürich est prompte à signaler des primes allant de 10 à 20% selon l’évolution des cours de change. Il n’en demeure pas moins que qualité de réalisation, habitabilité, ergonomie sont à distance respectable de l’étalon, et même si le prospect peut faire abstraction de certains détails, la commande de boîte et l’absence de repose-pied gauche sont des défauts rédhibitoires. Une petite vingtaine d’Evora ont été immatriculées en Suisse en 2010 et le compteur pointait à treize unités au 30 juin 2011, signe que la voiture peine à convaincre (détails). La volonté d’amélioration et de transformation de la marque est clairement affichée, et les millésimes futurs de l’Evora S permettront de mesurer la progression de Lotus sur le chemin tortueux et pentu de l’excellence. Les premières impressions sont souvent les bonnes, mais méritent parfois nuance : celle que m’a laissé l’Evora S est sévère pour le produit actuel, mais empreinte d’optimisme pour son potentiel d’évolution à court et moyen terme.

Prix des principales options (CHF)

Lotus Evora S, 2+0 99’000.-
Rétroviseurs électriques 440.-
Phares Bi-Xenon 1’510.-
Camera de recul 900.-
Poignées couleur carrosserie 460.-
Tech Pack 5’270.-
Premium Pack 4’500.-
Peinture Lifestyle 2’800.-
Jantes Design Diamond Cut 4’980.-
Prix catalogue du modèle d’essai 119’860.-

 

Face à la concurrence

Lotus Evora S Porsche Cayman R BMW 1M Nissan 370Z
Moteur V6 3456 cm3 Compresseur Flat 6 3436 cm3 L6 2979 cm3 V6 3696 cm3
Puissance (ch / régime) 350 / 7000 330 / 7400 340 / 5900 328 / 7000
Couple (Nm / régime) 400 / 4500 370 / 4750 450 + 50 / 1500 – 4500 363 / 5200
Transmission Propulsion Propulsion Propulsion Propulsion
Boite à vitesse 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle 6 vitesses manuelle
RPP (kg/ch) 4.06 4.12 4.48 (4.88)
Poids à vide (constr.) 1421 (1437) 1358 (1295) 1522 (1495) (1600)
0-100 km/h (sec.) 4.8 5.0 4.9 5.3
Vitesse max. (km/h) 277 282 250 250
Conso. Mixte (constr.) 12.52 (10.2) 11.67 (9.7) 11.99 (9.6) (10.6)
Capacité du réservoir (l) 60 54 53 72
Emissions de CO2 (g/km) 239 228 224 248
Longueur (mm) 4342 4347 4380 4250
Largeur (mm) 1848 1801 1803 1845
Hauteur (mm) 1223 1285 1420 1315
Empattement (mm) 2575 2415 2660 2550
Coffre 160 150 + 260 370 235
Pneumatique AV 225 / 40 / 18 235 / 35 / 19 245 / 35 / 19 245 / 40 / 19
Pneumatique AR 255 / 35 / 19 265 / 35 / 19 265 / 35 / 19 275 / 35 / 19
Prix de base (CHF) 99’000 104’700 74’300 54’790
Prix de base (EUR) 71’980 71’199 53’400 40’950

Nos remerciements à Lotus Cars et au Garage Pfenninger à Zumikon (ZH).

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